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Ce terme signifie en général révélation, et en particulier, l’Apocalypse ou la révélation qu’eut saint Jean l’évangéliste, dans l’île de Pathmos, où il avait été relégué par Domitien. Caïus, prêtre de l’Église de Rome, qui vivait sur la fin du second siècle de l’Église, semble assurer que l’Apocalypse était de l’hérésiarque Cérinthe. Saint Denis, évêque d’Alexandrie, dit que quelques-uns l’attribuaient à Cérinthe, que, pour lui, il la croit d’un sain t homme nommé Jean ; mais qu’il ne voudrait pas assurer qu’elle fût véritablement de l’apôtre et évangéliste de ce nom. Il passe toutefois pour constant dans l’Église, que l’Apocalypse est de l’apôtre saint Jean, fils de Zébédée et frère de Jacques ; et les doutes de Caïus et de Denis d’Alexandrie n’ont pu empêcher que toute l’antiquité ne la lui ait attribuée d’une manière unanime.
L’Apocalypse n’a pas toujours été reconnue dans l’Église pour canonique. Saint Jérôme, Amphilochius, Sulpice-Sévère, remarquent que de leur temps il y avait plusieurs églises de Grèce qui ne recevaient point ce livre. Il n’est point dans le catalogue dressé par le concile de Laodicée, ni dans celui de saint Cyrille de Jérusalem ; mais saint Justin, saint Irénée, Origène, saint Cyprien, saint Clément d’Alexandrie, Tertullien, et après eux, tous les Pères des quatrième et cinquième siècles et des siècles suivants, citent l’Apocalypse comme un livre canonique. Les hérétiques nommés Aloges, par saint Épiphane, les Marcionites et les disciples de Cerdon, Luther et plusieurs autres nouveaux hérétiques, ont aussi rejeté l’Apocalypse de saint Jean ; mais cela même prouve qu’elle était reçue par les églises catholiques ; et les protestants mêmes ont abandonné Luther en cela, et Bèze a fortement soutenu l’authenticité et la canonicité de l’Apocalypse contre ses objections.
L’Apocalypse contient vingt-deux chapitres. Les trois premiers contiennent une instruction aux évêques des sept églises de l’Asie Mineure, qui sont Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Laodicée. Les quinze chapitres suivants contiennent les persécutions que l’Église a souffertes de la part des Juifs, des hérétiques et des empereurs romains, principalement de la part de Dioclétien, de Maximien Hercule, de Galère-Maximien, de Sévère, de Maxence, de Maximin et de Licinius, et enfin de Julien l’Apostat. Après cela, on y voit la vengeance que le Seigneur a exercée contre la personne des persécuteurs, contre l’empire romain et contre la ville de Rome, désignée sous le nom de Babylone, la grande prostituée, assise sur sept collines. Enfin, les chapitres 19, 20, 21 et 22 renferment la description du triomphe de l’Église victorieuse de ses ennemis, des noces de l’Agneau, du bonheur de l’Église triomphante. On peut voir plus au long ce qui regarde l’Apocalypse dans les dissertations que M. l’abbé Du Pin a jointes à son analyse de ce livre, et dans la Préface que nous avons mise à la tête de notre Commentaire sur l’Apocalypse [L’Apocalypse est peu lue : c’est un livre si obscur ! voilà ce que l’on dit. Oui, et il n’est personne qui n’en convienne ; mais, malgré son obscurité, on ressent en le lisant, dit Bossuet, l’impression la plus douce et en même temps la plus magnifique de la majesté de Dieu ; il y paraît des idées si hautes du mystère de Jésus-Christ, une si vive reconnaissance du peuple qu’il a racheté de son sang, de si nobles images de ses victoires et de son règne, avec des chants si merveilleux pour en célébrer la grandeur, qu’il y a de quoi ravir le ciel et la terre. Il est vrai qu’on est à la fois saisi de frayeur en y lisant les effets terriblres de la justice de Dieu, les sanglantes exécutions de ses saints anges, leurs trompettes qui annoncent ses jugements, leurs coupes d’or pleines de son implacable colère, et les plaies incurables dont ils frappent les impies ; mais les douces et ravissantes peintures dont sont mêlés ces affreux spectacles jettent bientôt dans la confiance, où l’âme se repose tranquillement, après avoir été longtemps étonnée et frappée au vif de ces horreurs. Toutes les beautés de l’Écriture sont ramassées en ce livre ; tout ce qu’il y a de plus touchant, de plus vif, de plus majestueux dans la loi et dans les prophètes, y reçoit un nouvel éclat, et repasse devant nos yeux pour nous remplir des consolations et des grâces de tous les siècles.
Quoique D. Calmet renvoie à son Commentaire, je crois utile de rapporter ici ses réflexions sur les beautés de l’Apocalypse. De fort habiles critiques, dit-il, admirent l’art et la beauté de cet ouvrage. On sait les éloges que saint Jérôme lui a donnés ; saint Denis d’Alexandrie ne parle qu’avec admiration du fond de l’ouvrage. Henri Morus croit qu’il n’y eut jamais d’ouvrage écrit avec plus d’art et de beauté ; tout y est pesé et mis en sa place d’ans la plus grande justesse. M. l’abbé Du Pin dit que le style de l’Apocalypse est élevé et prophétique, que toutes les narrations et descriptions de ce livre sont grandes, sublimes et exprimées en termes pathétiques qu’il est écrit avec beaucoup d’art et d’élévation. Les figures de l’ancien Testament y sont expliquées d’une manière très-juste, et les expressions des anciens prophètes y sont employées très à propos. Le ciel et la terre sont le théâtre de toutes les visions. Le Seigneur, l’Agneau, les anges, les puissances infernales, les rois de la terre, l’idolâtrie, en sont les acteurs ; et ce qu’ils représentent est retracé d’une manière vive et naïve qui frappe et qui touche sensiblement l’esprit des lecteurs. La narration en est simple et naturelle, mais en même temps grande et élevée, et les expressions en sont nobles et magnifiques. S’il y a quelque obscurité, elle n’est point dans les termes, mais dans les choses.
S’il m’est permis de joindre ma pensée à celles de ces grands hommes, continue D. Calmet, je reconnaîtrai ingénument que lorsque je commençai à travailler sur ce livre, je n’étais nullement prévenu en sa faveur. Je le considérais comme une énigme, dont l’explication était impossible aux hommes sans une révélation particulière. Je regardais tous les commentateurs qui ont entrepris de l’expliquer comme des gens qui, au milieu des ténèbres, vont à u hasard où les porte leur bonne ou mauvaise fortune. Mais en examinant cet ouvrage avec plus de soin, j’y ai remarqué des beautés comparables à tout ce qu’il y a de plus pompeux, de plus grand dans les prophéties d’Isaïe, de Daniel, de Jérémie, d’Ézéchiel. J’y ai admiré l’ordre, l’arrangement, le choix des faits, la lumière répandue à propos sur certains endroits obscurs ; les faits noblement enveloppés sous des figures naïves et expressives ; une infinité d’allusions magnifiques à ce qu’il y a de plus brillant dans les prophètes, et à ce qui se pratiquait de plus pompeux dans le temple : des peintures grandes et propres à inspirer du respect et de la frayeur, lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention du lecteur sur quelque objet important : la majesté de Dieu, son pouvoir infini, son autorité absolue sur les empires, sur les rois, sur les choses du monde, marqués par des traits vifs et perçants. Le récit y est soutenu, vif, varié, léger, intéressant. Je n’ai point vu de poésie plus animée ; car tout y agit et tout y parle, et les caractères y sont admirablement conservés. Et quand on a une fois saisi le fil de l’histoire à laquelle il fait allusion, il vous semble lire une histoire écrite en figures ou embellie par les ornements de la poésie.
Après avoir cité le jugement d’un évêque et (l’un moinesur l’Apocalypse, il ne sera pas inutile de rapporter celui de deux savants plus modernes, puisqu’ils honorent l’époque où nous vivons ; l’un, littérateur célèbre, Charles Nodier ; l’autre, M. Rio, non moins distingué dans l’étude des beaux-arts que dans celle des lettres. Le premier s’exprime en ces termes : a Indépendamment de son Évangile, livre admirable, saint Jean, exilé par Domitien dans l’île de Pathmos, y a composé l’Apocalypse. On a appelé ce poëme, car c’est ainsi qu’il faut le nommer, l’épopée du jugement dernier, et nous ne connaissons point de définition qui puisse en donner une idée plus exacte. L’imagination n’a jamais embrassé de scènes plus imposantes, et l’homme ne s’est jamais servi, pour le représenter, de couleurs plus extraordinaires et plus merveilleuses.
M. Rio considère de plus l’Apocalypse sous le rapport de la peinture. L’Apocalypse, dit-il, est par elle-même un poënie sublime, ou plutôt c’est une œuvre qui n’a pas de nom dans le langage des hommes. Par son caractère essentiellement allégorique et mystique, elle échappe à toutes les formes, hormis à celle de l’art, encore cette exception n’a-t-elle lieu que pour les écoles fortement imbues de mysticisme, comme celle de Jean Van-Eych, qui peignit son chef-d’œuvre dans la cathédrale de Gand, d’après un des plus beaux passages de l’Apocalypse, et dont le disciple Hemmelink retraça le même sujet dans les charmantes peintures qui décorent l’hospice de Saint-Julien, à Bruges. Que des lilliputiens littéraires viennent donc après cela plaisanter aux dépens de l’Apocalypse et de ses commentateurs !
Livre apocryphe dont parlent Eusèbe et saint Jérôme, et que saint Clément d’Alexandrie avait cité dans ses Hypotyposes. On n’en a plus rien aujourdhui, que l’on sache. Sozomène dit que de son temps on lisait l’Apocalyse de saint Pierre dans l’église, le jour du vendredi saint, auquel tout le peuple jeûnait très-religieusement, en mémoire de la passion de notre Sauveur. [Ce livre, qui paraît avoir été composé peu de temps après la mort du prince des apôtres, contenait des prédictions sur la ruine de Jérusalem et sur l’état futur de l’Église. Théodote, qui vivait au second siècle, le cite. On en trouve, dans les Institutions divines de Lactance (livre 4 chapitre 21) un fragment contenant une révélation de Jésus-Christ à saint Pierre et à saint Paul, touchant la guerre des Romains contre les Juifs, et les maux qui devaient l’accompagner et la suivre].
Livre apocryphe, qui était en usage parmi les Gnostiques et les Caïanites. Ce livre contenait, selon la prétention de ces hérétiques, les choses ineffables que l’Apôtre avait vues pendant son ravissement, et qu’il dit aux Corinthiens qu’il n’est pas permis de divulguer (2 Corinthiens 12.4). Sozomène dit que plusieurs moines de son temps faisaient grand cas de cet ouvrage, et assuraient qu’on l’avait découvert par une révélation divine, sous l’empire de Théodose, à Tarse, dans la maisur de saint Paul, où elle était cachée dans un coffre de marbre, sous la terre ; mais Sozomène s’étant informé de ce fait, auprès d’un ancien prêtre de l’Église de Tarse, ce prêtre lui répondit qu’il n’avait rien appris de cela, et qu’il croyait que cette histoire avait été feinte par les hérétiques.
Différente de la véritable Apocalypse dont on a parlé ci-devant. Lambécius dit qu’elle se trouve manuscrite dans la bibliothèque de l’empereur. Cod. 119, Biblioth fol. 108… 15.
Cet hérésiarque avait composé certaines révélations qu’il feignait avoir eues, dans lesquelles il parlait d’un règne terrestre et de certains plaisirs des sens que les saints devaient goûter durant mille ans à Jérusalem. On a déjà vu ci-devant que quelques anciens attribuaient à Cérinthe l’Apocalypse même de saint Jean, peut-être à cause de l’abus que cet hérétique faisait des paroles de ce saint Apôtre, pour autoriser ses rêveries.
Elle n’est connue que par le decret du pape Gélase, qui la range au nombre des livres apocryphes.
Les Gnostiques, au rapport de saint Épiphane avaient une Apocalypse qu’ils attribuaient à Adam. On ne doute pas que ceux qui ont pris soin de faire cet ouvrage n’aient pris occasion de le forger de ce qui est dit dans la Genèse (Genèse 2.21), le Seigneur envoya un profond sommeil à Adam, ou, selon les Septante, il lui envoya une extase.
Les hérétiques Séthiens avaient de même forgé une prétendue Apocalypse d’Abraham ; c’était, dit saint Épiphane, un ouvrage rempli d’ordures.
George Syncelle, parlant de cette Apocalypse, dit que ce passage de saint Paul aux Gatates en est pris (Galates 5.6 ; 6.15). Cédrène dit qu’il y a des auteurs qui veulent que cette Apocalypse soit la même chose que la petite Genèse, autre livre apocryphe connu des anciens.
Saint Jérôme dit que les hérétiques prétendaient que ce passage de saint Paul aux Corinthiens (1 Corinthiens 2.9) : L’œil n’a point vu, l’oreille n’a point ouï, et le cœur de l’homme n’a point compris ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment ; que ces paroles, dis-je, sont prises de l’Apocalypse d’Élie. Origène, citant les mêmes paroles, dit qu’elles ne se trouvent nulle part que dans les livres secrets d’Élie.
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