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Thérapeutes

Terme grec qui signifie serviteurs de Dieu. C’est aussi le nom d’une espèce de secte parmi les Hébreux dont Philon a décrit la manière de vie dans son livre de la Vie contemplative. Plusieurs anciens Pères ont cru qu’ils étaient chrétiens, et que Philon, voyant leur admirable manière de vie, en avait voulu faire honneur à sa nation. Ils étaient différents des esséniens, en ce que les thérapeutes s’appliquaient à la vie contemplative, et les esséniens à la vie active. Voici un abrégé de la manière de vie des thérapeutes, qui a servi de modèle à l’institution des anciens moines, tant dans l’Orient que dans l’Occident. Ils quittaient leurs biens, leurs parents, et quelquefois même leur patrie. Ils fuyaient les villes et le concours des hommes, et demeuraient à la campagne dans des cellules séparées, pour mieux garder la solitude, mais non pas éloignées, afin qu’ils pussent se défendre des voleurs, et vivre en société. Ces naisons étaient simples, et n’avaient que le nécessaire.

Philon décrit les thérapeutes de cette sorte : Ils se nomment thérapeutes et les femmes qui embrassent le même institut thérapeutides ; ce nom leur convient parfaitement dans ses deux significations de guérir et d’adorer : car ils sont effectivement médecins, non pas du corps, qui est, l’objet de la médecine ordinaire, mais de l’âme, qu’ils guérissent de ses maladies, bien plus opiniâtres et plus difficiles à traiter que celles du corps. Ces maladies de l’âme sont : la volupté, la concupiscence, la tristesse, la peur, l’avarice, l’extravagance, l’injustice, et une infinité d’autres passions criminelles. Dans l’autre sens du mot thérapeutes, ils sont de véritables adorateurs ou serviteurs de Dieu. Cet être admirable, meilleur que le bon, plus simple que l’unité, plus ancien que l’unité même, ils le servent et l’adorent suivant les règles de la nature et les saintes lois des livres sacrés…

Ceux qui embrassent cet institut ne le font pas par coutume pour suivre une mode établie, ni par condescendance pour ceux qui les y exhortent, mais par un mouvement d’amour céleste qui les jette dans une espèce d’enthousiasme, comme celui qui saisit les bacchantes et les corybantes dans la célébration de leurs mystères ; et cet enthousiasme les possède jusqu’à ce qu’ils soient dans l’état de la contemplation auquel ils aspirent. Alors se regardant comme déjà muets au monde, et ne songeant plus qu’à la bienheureuse immortalité, ils laissent tous leurs biens à leurs enfants, ou à leurs parents, à qui ils en font une cession volontaire ; ou s’ils n’ont point de parents, proches, ils les donnent à leurs amis, ou à des gens de leur connaissance… Alors, dégagés de tous les liens qui les retenaient ; ils fuient sans regarder derrière eux, et laissent frères, enfants, femmes, pères et mères, et parents ; ils évitent même leurs anciens amis et leurs compatriotes, afin que rien ne les retienne et ne les porte à quitter la vie qu’ils ont embrassée.

S’ils quittent une ville ou une demeure, ce n’est point pour en aller chercher une autre, comme ces esclaves qui, changeant de maîtres, ne changent pas de condition. Car toutes les villes et les États, ceux mêmes qui sont gouvernés par les meilleures lois, sont pleins de tumulte et d’embarras, choses insupportables à ceux qui ont une fois pris goût à la véritable sagesse.

La plupart des thérapeutes ont leur demeure aux environs d’Alexandrie, et les principaux se retirent presque tous sur une éminence qu’ils ont près du lac Moeris, très commode pour la sûreté, et où l’air est très bon. Ils s’y rendent de toutes parts, comme dans leur patrie commune. Les maisons qu’ils y ont sont bâties d’une extrême simplicité, n’ayant attention qu’à deux choses, l’une de se garantir du froid en hiver et des ardeurs du soleil pendant l’été ; elles ne sont pas si proches les unes des autres que dans les villes ; ce n’est peint là ce qu’il faut à des gens qui cherchent la solitude ; ni aussi éloignées qu’ils ne puissent quelquefois se voir et s’entretenir sur les devoirs de leur état, et s’entr’aider lorsque les voleurs les attaquent.

Chacun a son petit oratoire qu’ils appellent semneion ou monasterion, destiné à la méditation et aux exercices de piété. Il n’entre jamais dans ce saint lieu rien de ce qui ne sert qu’à la nourriture du corps ; on n’y voit pour tout meuble que la loi, les divins oracles, les livres qui contiennent les hymnes et les instructions concernant la connaissance de Dieu et la piété. Leur esprit est toujours occupé de la présence de Dieu ; en sorte que même en dormant leurs songes n’ont pour objet que les perfections et l’excellence de Dieu, et ils ne sont remplis que des discours et des raisonnements qui concernent cette admirable philosophie.

Ils font constamment leurs prières deux fois le jour, le matin et le soir. Au lever du soleil ils demandent à Dieu sa bénédiction : pour ce jour-là afin qu’elle éclaire et échauffe leurs âmes de sa lumière céleste. Sur le soir ils prient Dieu que leurs esprits, dégagés des sens et des choses sensibles, puissent dans un parfait recueillement découvrir la vérité. Ils ont parmi eux plusieurs anciens écrits des chefs de leur secte, qui sont des monuments de la science allégorique qu’ils étudient, et qu’ils tâchent d’imiter.

La tempérance passait chez eux pour le fondement des vertus. Ils ne buvaient ni mangeaient qu’après le soleil couché. Quelques-uns ne mangeaient qu’une fois en trois jours, d’autres une fois en six jours. Leur nourriture n’était que du pain, à quoi les plus délicats joignaient du sel et de l’hyssope. Ils ne buvaient que de l’eau. Leurs habits étaient simples. L’hiver ils portaient un gros manteau, l’été un habit plus léger. Ils fuyaient en tout la vanité, coinme fille du mensonge. Ils priaient deux fois le jour, le matin et le soir. Tout l’intervalle s’employait à la lecture et à la méditation. Leur lecture était des livres sacrés, qu’ils expliquaient d’une manière allégorique : en quoi ils suivaient l’exemple des premiers chefs de leur secte, persuadés que les termes du texte ne sont que comme un chiffre sous lequel sont cachées des choses mystiques, et qu’il faut les prendre figurément pour les entendre et en trouver la clef. Ils composaient des cantiques et des hymnes de diverses mesures. Ils pensaient à Dieu continuellement, et même en dormant ils avaient des songes pieux.

Le jour du sabbat, ils s’assemblaient dans un oratoire commun, séparé en deux par une muraille de deux ou trois coudées de haut, afin que les femmes fussent séparées des hommes, et pussent ouïr l’instruction sans être vues. Là ils étaient assis de rang selon leur âge, les mains cachées, la droite sur la poitrine, la gauche au-dessous. Le plus ancien et le plus instruit s’avançait, et leur parlait. Son regard était doux, sa voix modérée, son discours solide et sans ornement. Tous écoutaient en silence, et ne témoignaient leurs sentiments que par quelques signes des yeux et de la tête. Leur principale fête était la Pentecôte. Ce jour-là ils s’assemblaient, vêtus de blanc, pour prier et manger ensemble avec joie. Leur festin commençait par la prière ; après quoi ils se mettaient à table, couchés sur des nattes de jonc, les vierges à gauche, et les hommes à droite. On y gardait un tel silence que pas un n’osait respirer trop fort. Cependant quelqu’un proposait une question de l’Écriture sainte, et l’expliquait simplement à loisir, et d’une manière allégorique.

Après cela on servait à manger du pain levé, du sel et de l’hyssope, de l’eau froide pour les plus jeunes et les plus robustes, et de l’eau chaude pour les plus délicats d’entre les vieillards. Après le repas ils se levaient tous ensemble au milieu de la salle, et faisaient deux chœurs, l’un d’hommes, et l’autre de femmes, et chantaient divers cantiques à l’honneur de Dieu, tantôt tous ensemble, et tantôt alternativement ; et cependant ils dansaient, et paraissaient comme transportés, suivant l’esprit et les paroles du cantique. Ensuite ils s’unissaient en une seule danse, à l’imitation de celles des Israélites au sortir de la mer Rouge. Toute, la nuit qui précédait la Pentecôte se passait ainsi ; et le matin, au lever du soleil, ils élevaient les mains au ciel et demandaient à Dieu qu’il leur fît connaître sa vérité. Après cela chacun retournait dans sa cellule, et commençait ses exercices ordinaires.

Ceux qui ont cru que les thérapeutes étaient chrétiens se fondent principalement sur ces raisons. Les thérapeutes quittaient leurs biens, leurs frères, leurs enfants, leurs pères et tous leurs parents pour vaquer à la contemplation, et pour s’unir.plus étroitement à Dieu. Ils avaient plusieurs livres des anciens et des chefs de leur secte, où les Écritures étaient expliquées allégoriquement. Ils étaient répandus en diverses parties du monde ; ils vivaient en commun, avaient des prêtres, des diacres, des vierges, des monastères ou semnées, une table sacrée et mystique, faisaient des assemblées la nuit, pour la passer à chanter des hymnes, priaient Dieu tournés vers l’orient, lisaient et expliquaient les livres sacrés de l’Ancien-Testament d’une manière allégorique, composaient des hymnes et les chantaient pendant leurs veilles en l’honneur de Dieu ; ils s’assemblaient le septième jour pour s’entretenir de discours de piété, et rendre leur culte en commun au Seigneur. Leurs églises, ou les lieux de leur assemblée revenaient à la forme des anciens chrétiens ; les femmes y étaient séparées des hommes par un mur élevé seulement de trois coudées : ils observaient cinquante jours depuis Pâques jusqu’à la Pentecôte ; leur vie était austère, cachée, retirée, humble ; ils vivaient dans l’abstinence et dans le jeûne.

Tous ces caractères conviennent à des chrétiens, et l’assemblage de toutes ces circonstances ne convient à nulle autre secte, ni juive ni païenne. Philon, parlant de leur table sacrée, s’exprime d’une manière obscure, parce que les premiers chrétiens avaient très-grand soin de cacher ce mystère. Cependant il appelle ce qu’on servait sur cette table le plus saint et le plus sacré de tous les aliments ; il dit incontinent après que cette sainte nourriture était du pain levé et du sel mêlé avec de l’hyssope ; il parle du privilège que les principaux de la fête avaient de toucher et d’administrer ces choses si sacrées. Les diacres apportaient les tables ; les premiers chrétiens ne se servaient que de tables de bois et portatives pour célébrer les saints mystères. Cet usage subsistait encore du temps de saint Athanase, et il se conserva dans plusieurs villes et villages de l’Égypte jusqu’au cinquième siècle, comme nous l’apprenons de Sozomène.

Où trouve-t-on du temps de Philon une autre secte que celle des chrétiens répandue partout, comme Philon le dit des thérapeutes ? Si cette secte est différente de celle des chrétiens, qu’est-elle devenue ? Comment a-t-elle été inconnue à saint Paul et aux autres apôtres ? Si les thérapeutes étaient une ancienne secte des Juifs, d’où vient que Philon ne relève pas leur antiquité, et que Josèphe n’en a pas parlé ? Si Philon, qui seul les a connus, ne les nomme pas chrétiens, c’est qu’alors ce nom n’était pas encore commun dans l’Égypte. Les Pères aui ont avancé qu’ils étaient chrétiens ne l’ont pu savoir que par la tradition ou par la ressemblance qu’ils ont remarquée entre les sentiments et les pratiques des thérapeutes et des premiers fidèles. Le nom de monastère, affecté dès le commencement aux demeures des solitaires chrétiens dans l’Égypte, et connu de même parmi les thérapeutes ; ces cellules ou monastères situés sur une éminence au delà du lac Moeris, c’est-à-dire, sur le mont de Nitrie, célèbre dans l’histoire de nos solitaires, de même que dans le portrait que Philon nous a laissé des thérapeutes, fournissent encore une preuve que les moines sont les successeurs des thérapeutes, et que les demeures de ceux-ci sont passées aux autres par voie de succession. Car y a-t-il apparence que des Juifs les aient cédées aux chrétiens, ou que les chrétiens, qui ont été persécutés jusqu’au quatrième siècle, aient pu s’en rendre maîtres au milieu des persécutions ?

Eusèbe, Cassien et le patriarche Méthodius ont avancé que saint Marc avait bâti des monastères en Égypte ; on avoue que le nom et la profession des moines, telle que nous la voyons aujourd’hui, n’a pas été connue au temps des apôtres ; mais on peut croire que quand ces anciens écrivains ont parlé de monastères, ils n’ont eu en vue autre chose que les demeures des thérapeutes bâties ou, si l’on veut, établies par le conseil de saint Marc, évêque d’Alexandrie. Si l’on refuse aux thérapeutes le nom de moines, on ne peut au moins se dispenser de reconnaître qu’ils abandonnaient tous leurs biens, suivant le conseil de Jésus-Christ, et qu’ils vivaient en commun comme les premiers fidèles de Jérusalem. Et il est certain qu’à cette première institution de la vie commune succéda bientôt après la vie monastique, dont il y avait déjà des exemples avant la retraite de saint Antoine, c’est-à-dire, avant l’an 271, puisque cette année saint Antoine, allant dans le désert, rencontra un vieillard qui faisait profession de la vie monastique.

Eusèbe est le premier entre les Pères qui ait adapté aux chrétiens ce que Philon a dit des thérapeutes. Saint Jérôme a suivi Eusèbe. Saint Épiphane, allant plus loin, a cru que tout ce que Philon a dit non-seulement des thérapeutes, mais encore des esséniens, qu’il appelle jesséens, devait s’entendre des chrétiens. Cassien, à la fin du prologue sur les Institutions, et au livre 2 chapitre v, dit que les monastères des chrétiens furent fondés en Égypte dès les temps apostoliques, et par saint Marc même. Sozomène croit que les thérapeutes de Philippiens Ion étaient des Juifs convertis à la foi de Jésus-Christ, qui donnèrent commencement à la vie solitaire, qui, dans la suite, se multiplia beaucoup en Égypte. Photius reconnait que les monastères des thérapeutes et la vie qu’ils y menaient ont servi de modèle aux moines ; il remarque que quelques-uns croyaient que Philon avait embrassé le christianisme, et qu’ayant eu commerce à Rome avec saint Pierre, il avait fait l’éloge des premiers chrétiens d’Égypte, disciples de saint Marc, élève de cet apôtre et son successeur dans la chaire d’Alexandrie.

Le christianisme des thérapeutes est donc fondé sur l’autorité et le témoignage de plusieurs anciens Pères, sur la convenance des temps, des lieux, et sur les caractères de la vie des thérapeutes, comparée à celle des chrétiens. Il paraît que ç’a été le sentiment dominant dans l’Église pendant plusieurs siècles : aujourd’hui la chose est réduite en problème ; et voici quelques-unes des raisons que l’on propose contre.

On dit que tous les auteurs qui ont parlé du christianisme des thérapeutes ont simplement copié Eusèbe ; ils n’ont appuyé ce fondement que sur son autorité et son témoignage, et n’ont point eu d’autre sentiment de ce qu’ils ont dit que ce que nous lisons dans Philon. Or tout ce que dit Philon ne prouve pas que les thérapeutes aient été chrétiens. On peut très-bien expliquer tout cela d’une secte de Juifs plus religieuse et plus épurée dans ses sentiments et dans ses pratiques que le commun de sa nation. Les austérités, le silence, la retraite, le mépris des richesses, la continence même, ne sont pas des preuves univoques du christianisme : tant de païens ont été retirés, désintéressés, austères, continents. Tous les thérapeutes n’étaient pas obligés d’observer la virginité. Il n’y avait que ceux dont les femmes et les enfants ne voulaient pas observer le même genre de vie. Les veilles, l’observance du sabbat et du jour de la Pentecôte, les hymnes et les explications allégoriques sont plus du caractère des Juifs que des chrétiens. Les diacres ou ministres sont connus dans les assemblées des Hébreux et dans leur synagogue. Le repas mystique de pain levé et du sel mêlé avec de l’hyssope ne peut être le repas eucharistique, où il entrait toujours du vin, et jamais ni sel ni hyssope. Et ce que Philon ajoute que ce repas ou cette table était instituée par une distinction respectueuse pour la table sainte, posée au vestibule du temple, sur laquelle on ne mettait que du pain sans levain et du sel tout pur, prouve encore que c’était une cérémonie purement judaïque.

Le terme de monastères ou de semnées ne doit imposer à personne. Les anciens moines ont pu emprunter ce terme des thérapeutes, ainsi que plusieurs de leurs pratiques, de même que l’Église a emprunté plusieurs tel nies et plusieurs pratiques des Juifs, sans qu’on en puisse conclure qu’elle a emprunté ses sentiments.

Aux réflexions générales tirées des convenances qui se trouvent entre les thérapeutes et les chrétiens on peut répondre qu’elles no suffisent pas pour prouver quo les thérapeutes étaient des chrétiens il faudrait trouver en eux quelque caractère particulier aux chrétiens qui ne pût convenir à ceux d’une autre religion, par exemple, le nom de chrétiens, quelque dogme qu’ils ne pussent avoir appris que de Jésus-Christ, quelque pratique particulière qui ne pût leur être commune avec ceux d’une antre religion.

Ce qu’on ajoute, que tous les caractères des thérapeutes rassemblés ne conviennent qu’à des chrétiens, peut encore être contesté : car encore que cet assemblage ait quelque chose de plus spécieux et de plus imposant, toutefois, si chaque caractère en soi est douteux et équivoque, il est impossible que réunis ils forment une preuve certaine et décisive. D’ailleurs cette conformité du thérapeutisme et du christianisme devient inutile pour montrer que les thérapeutes étaient des chrétiens, lorsqu’on trouve qu’ils sont différents en des articles importants, et qui ne peuvent convenir à des chrétiens. Par exemple, les thérapeutes quittaient leur patrie, leurs biens et leurs parents, et se retiraient dans la solitude ; il est certain que ce caractère ne convient pas à tous les chrétiens, pas même aux premiers chrétiens, qui vivaient dans les villes, dans leurs propres maisons, et avec leurs parents, leurs femmes et leurs enfants. L’usage de quitter les villes et de se retirer dans des solitudes n’est venu que longtemps après Philon et lorsqu’on ne parlait plus de thérapeutes.

Philon reconnaît que les thérapeutes étaient répandus en plusieurs endroits de la terre, mais surtout qu’ils étaient nombreux en Égypte. Cela peut-il désigner les chrétiens, qui, comme on sait, étaient bien plus nombreux dans la Palestine et dans la Syrie que dans l’Égypte, du temps de Philon ? De plus, comment Philon, qui était certainement bon Juif, a-t-il pu donner tant de louanges aux thérapeutes s’ils étaient chrétiens, vu que partout les chrétiens étaient si odieux aux Juifs ?

Les thérapeutes étudiaient les Écritures saintes, et les écrits que leurs ancêtres avaient laissés touchant la manière allégorique de les expliquer. Ceci convient mieux à des Juifs d’Égypte qu’aux chrétiens, qui du temps de Philon ne faisaient que de naître, qui n’avaient point d’auteurs anciens ni de livres allégoriques, et qui ne se sont jamais beaucoup appliqués à ce genre d’étude, lequel au contraire était fort à la mode parmi les Juifs d’Égypte, et Philon était grand partisan de cette manière d’expliquer les saintes Écritures. Les danses et les mouvements par lesquels les thérapeutes terminaient leurs assemblées ne paraissent guère convenir à la simplicité et à la modestie des premiers fidèles.

De tout ce que nous venons de dire touchant les thérapeutes, et qui est le précis de ce que l’on dit communément pour et contre leur christianisme, on peut ; ce me semble, conclure que la chose est très-douteuse et très-problématique, et que même le sentiment qui en fait des Juifs est le plus probable. On peut voir ceux qui ont traité plus au long cette matière. Voyez Philon dans le livre de la Vie contemplative ; Eusèbe. Histoire Eccles., livre 2, chapitre 17 ; saint Jérôme des Hommes illustres, chapitre 8 ; saint Épiphane, hérésie 29, chapitre 5 ; Cassien, Institut livre 2, chapitre 5 ; Sosom., livre 1 chapitres 12 et le père de Montfaucon dans ses Observations sur le livre de la Vie contemplative de Philon, et ceux qui ont écrit contre son sentiment, pour prouver que les thérapeutes n’étaient pas chrétiens.

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