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Apôtre, autrement nommé Didyme, c’est-à-dire en grec jumeau. Le nom hébreu de Thomas signifie la même chose (Jean 22.24). Eusèbe semble dire qu’il s’appelait aussi Jude, lorsqu’il raconte que Jude, autrement nommé Thomas, envoya le disciple saint Thadée à Edesse vers Abgare. Quelques éditions d’Eusèbe appellent ce Thadée frère de saint Thomas. On ne doute point que saint Thomas ne soit Galiléen, de même que les autres apôtres ; mais on ignore le lieu de sa naissance, et les circonstances de sa vocation. Il fut désigné apôtre l’an 31 de l’ère vulgaire (Luc 6.13-15), et continua de suivre le Sauveur pendant les trois ans de sa prédication. On ne sait aucune particularité de sa vie jusqu’à la trente-troisième année de l’ère vulgaire, et peu de temps avant la passion du Sauveur, que Jésus-Christ voulant aller en Judée pour ressusciter Lazare (Jean 11.16), Thomas dit : Allons mourir avec lui, allons mourir avec Lazare, ou allons mourir avec Jésus-Christ ; car les interprètes le prennent en l’un et en l’autre sens. Saint Thomas voulait dire par là qu’en allant en Judée ils allaient s’exposer à une mort certaine, sachant la haine des Juifs contre Jésus-Christ. Les uns l’expliquent comme s’il voulait encourager les apôtres. Les autres regardent ces paroles, comme une marque de la frayeur dont saint Thomas était saisi.
Dans la dernière cène (Jean 14.5-6), saint Thomas demanda à Jésus-Christ où il allait, et quelle était la voie qu’il voulait prendre. Le Sauveur lui répondit : Je suis la voie, la vérité et la vie. Après la résurrection, Jésus-Christ s’étant apparu aux apôtres, en l’absence de saint Thomas (Jean 20.19-29), et celui-ci ayant témoigné qu’il ne croirait pas qu’il fût ressuscité, comme ils l’assuraient, à moins qu’il ne mit sa main dans l’ouverture de son côté, et ses doigts dans les ouvertures de ses pieds et de ses mains, Jésus s’apparut de nouveau huit jours après à tous les apôtres, et à saint Thomas avec eux. Alors Thomas l’ayant vu, et l’ayant touché, ne douta plus que ce ne fût lui, et s’écria : Mon Seigneur et mon Dieu ! Alors Jésus lui dit : Thomas, vous avez cru, parce que vous avez vu : mais bienheureux ceux qui croiront sans avoir vu.
Peu de jours après (Jean 21), saint Thomas et quelques autres disciples étant allés pêcher sur la mer de Galilée, Jésus s’apparut à eux, leur fit faire une pêche très-abondante, se manifesta à eux, et dîna avec eux. L’ancienne tradition est que dans la distribution que les apôtres firent entre eux des parties du monde où ils devaient aller prêcher l’Évangile, le pays des Parthes échut à saint Thomas. On ajoute qu’il prêcha aux Mèdes, aux Perses, aux Carmaniens, aux Hircaniens, aux Bactriens et aux Mages, peuples composant alors l’empire des Parthes. L’auteur de l’Ouvrage Imparfait sur saint Matthieu, dit qu’étant arrivé au pays où vivaient encore les mages qui étaient venus adorer Jésus-Christ à Bethléem, il les baptisa, et les employa avec lui à la prédication de l’Évangile. Plusieurs Pères enseignent qu’il a prêché dans les Indes ; d’autres, qu’il a prêché dans l’Éthiopie. Voyez t. 6.Chrysost. Append homil. 31,
On n’a aucune histoire certaine qui nous apprentie ce que saint Thomas a fait pendant le cours de sa prédication. On lisait dans certains livres apocryphes, dont les manichéens faisaient grand cas, que ce saint ayant reçu un soufflet d’un certain homme, il lui donna sa malédiction, et qu’ensuite cet homme fut dévoré par un lion. On lit cette histoire dans Abdias, et saint Augustin en parle en plusieurs endroits : mais il rejette et l’histoire et les livres qui la contenaient comme apocryphes et de nulle autorité. Saint Clément d’Alexandrie rapporte d’Héracléon, hérétique valentinien, que saint Thomas n’a pas souffert le martyre : mais les autres Pères marquent expressément qu’il est mort par la main des infidèles ; et on croit qu’il mourut à Calamine dans les Indes, et que de là son corps fut transporté à Edesse, où il a toujours été honoré. Les Portugais prétendent que ce saint a été martyrisé à Meliapourdans les Indes, et qu’on voit dans cette ville une ancienne inscription qui porte qu’il fut percé d’une lance au pied d’une croix, près de cette ville ; que son corps y fut trouvé dans ces derniers temps, et transporté à Goa, où on l’honore aujourd’hui.
Mais on oppose à cela la tradition des Grecs, la vénération des Esséniens [lisez Edesséniens] pour le corps de saint Thomas, les témoignages des Pères et des martyrologes, qui ont parlé du corps et des reliques de saint. Thomas, tant de siècles avant la découverte qu’on prétend en avoir fait à Maliapus dans les Indes. [Voyez Chaldée]. Enfin on soutient qu’on ne peut donner aucun bonne preuve que Calamine soit la même que Meliapour. Mais nous n’avons pas dessein d’entrer ici dans l’examen de ces choses ; on peut consulter ceux qui ont travaillé exprès sur l’histoire ecclésiastique, comme Baronius, sur l’an 44 de Jésus-Christ et M. de Tillemont sur l’article de saint Thomas, t. I page 391 et suivants, où il indique les auteurs qui ont parlé de ce saint, et les sources que l’on peut consulter. Les martyrologes marquent la mort de saint Thomas, ou sa translation à Edesse, le 21 de décembre, auquel l’Église latine célèbre encore aujourd’hui sa fête. Les Grecs la font le 6 d’octobre. Le martyrologe de saint Jérôme marque une fête de ce saint le 3 de juin, et une de sa mort le 9 de février. Voyez Florentinius, Notes sur le martyrologe de saint Jérôme.
On a attribué à saint Thomas plusieurs ouvrages apocryphes ; comme des Actes, des Voyages, un Évangile, un Apocalypse, qui ont été condamnés par le pape Gélase. Abdias parle d’un livre qui contenait le voyage de saint Thomas dans les Indes, et le récit de ce qu’il y avait fait. On trouve les Actes de saint Thomas en grec manuscrits en différentes bibliothèques. Le faux Évangile de saint Thomas avait été composé par Thomas, disciple de Manès, et cet Évangile était apparemment le même que le faux Évangile de l’enfance de Jésus, que M. Fabricius a fait imprimer dans ses Apocryphes du Nouveau Testament. Nous avons déjà parlé de l’histoire d’un homme qui, ayant été maudit par saint Thomas, fut déchiré par un lion… Cette histoire était apparemment tirée des faux Actes de saint Thomas, et on la lit dans Abdias. On cite aussi de ses Actes, qu’il baptisait non avec de l’eau, mais avec de l’huile ; ce qui était imité par les manichéens [Thilo a publié les Actes de saint Thomas : Acta sancti apostoli Thomce. In-8° de 126 et 198 pages. Leipzig, 1823. Ce volume est divisé en trois parties : la première est une notice sur ces Actes apocryphes ; la deuxième en contient le texte, et la troisième offre des notes concernant l’histoire ecclésiastique].
Il y a dans les Indes des chrétiens qu’on appelle de Saint-Thomas, parce qu’ils croient que saint Thomas leur a annoncé l’Évangile. Ils demeurent dans la presqu’île de l’lnde, au deçà du golfe. Il y en a aussi beaucoup dans le royaume de Cranganor, et dans les lieux circonvoisins, de même qu’à Nagapatan, à Melcapar, à Engamar au-dessus de Cochin, où réside leur archevêque, qui est sous la juridiction du patriarche de Babylone. On dit que les premiers chrétiens des Indes convertis par saint Thomas retombèrent dans l’infidélité, et oublièrent tellement les instructions qu’ils avaient reçues de cet apôtre, qu’ils ne se souvenaient pas même qu’il y eût jamais eu des chrétiens dans leur pays, jusqu’à ce qu’un saint homme nommé Mar-Thomé, ou Seigneur Thomas, Syrien de nation, vint de nouveau apporter la lumière de l’Évangile à ces peuples. Il en convertit un grand nombre, avec le secours de quelques prêtres de Syrie et d’Égypte, qu’il y attira. Les chrétiens de Saint-Thomas sont infectés de diverses erreurs, principalement du nestorianisme ; et j’aurais beaucoup de penchant à croire qu’ils n’ont pris le nom de chrétiens de Saint-Thomas qu’à cause de ce Mar-Thomé, leur apôtre, dont nous venons de parler [On ne connaît, je crois, l’existence de ces chrétiens dans l’Inde que depuis que les Portugais eurent été dans ce pays. Plusieurs disent que les Portugais, en arrivant dans l’Inde, y trouvèrent des chrétiens nestoriens qui, depuis, furent appelés chrétiens de Saint-Thomas] [La tradition qui veut que saint Thomas ait prêché l’Évangile aux Indiens a été réfutée par quelques écrivains modernes comme étant une fable ; mais M. Hohlenberg est de l’avis de Buchanan (Christian Researches in India), qui a récemment pris la défense de la tradition. Le jeune théologien danois, dans une disquisition historique intitulée : de Originibus et Fatis Ecclesioe Christianoe in India Orientali (in-8°, 165 pag., Copenhague, 1822), examine les raisonnements qui ont été opposés à la tradition, et s’efforce de prouver que c’est effectivement l’apôtre saint Thomas qui a fondé l’Église chrétienne dans l’Inde. L’auteur trace ensuite l’histoire de cette Église jusqu’à l’époque de l’arrivée des Portugais. Buchanan a fait connaître six inscriptions qui contiennent, à ce que l’on suppose, d’anciens statuts de l’Église indienne ; il est fâcheux qu’on n’ait pu les lire jusqu’à présent, on en tirerait probablement quelque lumière pour l’histoire de cette Église].
On dépeint ordinairement saint Thomas avec une règle de maçon et une équerre ; et dans sa Vie écrite par Abdias, on raconte que ce saint s’engagea à bâtir un palais magnifique à Gondofare, Toi des Indes, et qu’il déclara à ce prince qu’il était serviteur d’un savant architecte, et qu’il était fort entendu dans tout ce qui regardait les ouvrages de bois et de pierres, et toute sorte de bâtiments. Mais l’édifice dont il parlait était celui que les bienheureux espèrent dans le ciel, et qu’ils bâtissent sur la terre par la pratique des bonnes œuvres ; et l’inscription de Malabar porte que saint Thomas arriva dans ce pays, ayant en sa main, une règle de charpentier et un pieu de bois. On dit aussi qu’étant arrivé dans les Indes, il s’engagea de traîner et de remuer lui seul une grosse poutre que l’on n’avait pu mouvoir de sa place, quelque effort qu’on eût fait pour cela : il l’attacha avec sa ceinture, et la trama comme si ç’eût été un petit bâton. Le roi de Maliapus fut tellement touché de ce miracle, qu’il se convertit avec son peuple. Ces faits sont très-peu assurés, mais ils ont suffi pour autoriser les peintres et les sculpteurs à représenter saint Thomas sous une forme de maçon.
Plusieurs ont avancé que saint Thomas avait aussi prêché dans la Chine. On établit ce sentiment sur le Bréviaire des Syriens, où on lit ces paroles : Par saint Thomas l’erreur de l’idoldtrie a été dissipée dans les Indes. Par saint Thomas les Chinois et les Éthiopiens ont été convertis à la connaissance de la vérité. Par saint Thomas le royaume des cieux a volé et est monté jusqu’à la Chine. De là on veut qu’il soit venu aux Indes, où ce saint souffrit le martyre, selon la tradition des Églises de Malabar, dans la ville de Calamine, ville inconnue et qui peut-être n’a jamais existé. Il est certain que la connaissance de la religion chrétienne est ancienne dans la Chine. Dans une collection de canons, on en trouve une qui parle des métropolitains de la Chine. Les deux Arabes dont on a donné depuis peu le voyage reconnaissent que le roi de la Chine avait quelque connaissance de Jésus-Christ et des apôtres. Ils disent qu’ils passèrent sur leur route par Bezomna, c’est-à-dire, l’Église de Saint-Thomas ; toutefois le Père Couplet a témoigné plusieurs fois que les histoires de la Chine ne font aucune mention de la prédication du christianisme dans la Chine, pas même dans celle qui se trouve dans l’inscription chinoise et syriaque dont nous al Ions parler.
Cette inscription fut trouvée en 1628 dans la ville de Siganfu, capitale de la province de Xensi ; elle est en caractères chinois, arec plusieurs lignes syriaques ; elle fut faite l’an de Jésus-Christ 780, qui répond à l’ère des Grecs ou des Séleucides 1092. Elle dit que l’an qui répond à 636 de Jésus-Christ un saint homme, nommé Olopuen ou Lopuen, conduit par les nues bleues, et en observant la règle des vents, vint de Tacin, ou de Syrie, ou de Judée, dans la Chine, et y prêcha la religion chrétienne. Mais il est aisé de voir que tout cela ne peut regarder saint Thomas, qui vi vait six cents ans auparavant. Ce n’est point Olopuen qui fit l’inscription, mais les chrétiens ses successeurs. Au reste, on ne sait rien de cette mission que par les paroles de l’inscription que l’on a trouvée, et que l’on a eu assez de peine à déchiffrer. Ceux qui établirent cette Église chinoise étaient de la secte des nestoriens. Les auteurs de l’inscription nomment Hananjulma, patriarche des nestoriens, qui vivait alors ; et dans les Notices des métropoles de l’Église nestorienne on trouve un métropolitain de la Chine.
Mais rien de tout cela ne décide que saint Thomas l’apôtre ait prêché en ce pays-là.
Voici la traduction de la fameuse inscription chinoise trouvée en 1628. M. l’abbé Renaudot l’a corrigée après ceux qui, les premiers, en avaient donné l’explication, et l’a fait imprimer dans ses Notes sur la Relation du Voyage de deux Arabes mahométans à la Chine, imprimée à Paris, in-8°, chez Coignard, 1718.
L’an des Grecs MXCII, Marc Isdebuzid, prêtre et corévêque de Cumdan, cité royale d’Orient, autrement appelée Milice (ou Mélèce), prêtre de Balth, ville de Turkhestan, éleva cette table de pierre dans laquelle est décrit le mystère de la vie de notre Sauveur, et la prédication de nos pères auprès des rois de la Chine, du temps du père des pères Hanajuhnah, catholique patriarche.
Adam, diacre, fils d’Isdebuzid, corévêque.
Marsargis, prêtre et corévêque.
Sbar-Jésua (c’est-à-dire, Espérance de Jésus), prêtre.
Gabriel, prêtre et archidiacre, et chef de la cité de Cumdan et Disrag.
Adam-So, diacre du corévêque, papas des Chinois.
Dans les jours du père des pères Hanajuhnah, catholique patriarche.
Les noms des hommes apostoliques qui sont inscrits sur les bords de la pierre, sont en caractères syriaques.
Premier rang. Aaron. Pierre. Job Luc. Matthieu. Jean. Sbar-Jésua. Jesu-Adad. Luc. Constance. Noé.
Second rang. Atdaspha. Jean. Anusc. Marsargis. Isaac. Siméon. Isaac. Joël.
Troisième rang. Mar-Juhanon, évêque. Isaac, prêtre. Joël, prêtre. Maher, prêtre. George, prêtre. Mahada-Gunnesph, prêtre. Maschadad, prêtre. André, prêtre. II André, prêtre. David, prêtre. Moïse, prêtre.
Quatrième rang. Isaac, prêtre. Élie, prêtre. Moïse, prêtre. Adad-Jésua. Siméon, prêtre. Gabriel. Jean Siméon. Isaac. Jean.
Cinquième rang. Jacob, prêtre. Marsargis, prêtre et corévêque. Aggée, prêtre, archidiacre de la cité de Cumdan. Paul, prêtre. Siméon, prêtre. Adam, prêtre. Élie, prêtre. Isaac, prêtre. Jean, prêtre. II Jean, prêtre. Siméon, prêtre.
Sixième rang. Jacob, prêtre. Adad-Jésua, prêtre. Jesu-Adad, prêtre. Jacob. Jean. Sub cholmoran (Louange à Notre-Seigneur). Moi. Joseph. Siméon. Ephrem. Ananie. Cyriaque. Cus. Amiun.
À la tête de chacune des six colonnes qui composent le monument chinois est une explication chinoise de quelqu’un des mystères de la religion chrétienne. À la tête de la première colonne est établie l’existence d’un seul Dieu en trois personnes, Créateur de toutes choses : on s’y sert du nom Eoho, qui signifie Dieu en syriaque.
La seconde et la troisième colonne continuent à expliquer la création du monde, la chute du premier homme par la séduction du démon, qui y est appelé Sathan, nom étranger à la langue chinoise.
La quatrième explique l’avénement de Jésus-Christ par son incarnation, en des paroles qui marquent clairement la manière dont les nestoriens expliquent le mystère de l’incarnation. Il parle de l’annonciation de l’ange, de l’apparition de l’étoile et de l’adoration des mages.
La cinquième colonne, la sixième et les suivantes parlent du sacrement de baptême et des autres cérémonies de la religion chrétienne, comme, qu’ils sacrifient tournés vers l’orient ; qu’ils font sept fois par jour des prières pour les vivants et pour les morts ; qu’ils font leur sacrifice le premier jour de la semaine ; qu’ils portent de longues barbes ; qu’ils rasent le haut de leur tête ; qu’ils n’ont point de suite d’esclaves ; qu’ils n’amassent point de richesses ; qu’ils font de grandes aumônes ; qu’ils jeûnent, etc. Caractères qui conviennent aux chrétiens syriens d’Orient.
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