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Montagne fameuse dans l’Arménie, sur laquelle on dit que l’arche s’arrêta après le déluge (Genèse 8.4). On dit, mais sans aucune bonne preuve, que l’on voit encore, sur le sommet de cette montagne, des débris de l’arche de Noé. Jean Struis, dans ses Voyages, assure qu’il a monté sur le sommet de cette montagne, et qu’un ermite qui y demeurait l’assura que l’on y voyait des restes de l’arche, et qu’il lui donna même une croix qui était faite du bois de ce fameux bâtiment ; mais M. de Tournefort, qui a été sur les lieux, m’a assuré qu’il n’y avait rien de semblable ; que le sommet du mont Ararát est inaccessible, tant à cause de sa hauteur et de sa rapidité, qu’à cause des neiges qui en couvrent perpétuellement le sommet. Le mont Ararát est à douze lieues d’Erivan, du côté de l’orient, et dans une vaste campagne, au milieu de, laquelle il s’élève et est isolé de tous côtés. Voyez notre Commentaire sur la Genèse, 8.4.
Josèphe dit que les restes de l’arche de Noé se voyaient encore de son temps dans un canton de l’Adiabène ou des environs, nommé Coeron, qui est un pays très-fertile en cynnamome.
Les Orientaux nomment Ar-dag ou Parmak-dagh, la montagne du doigt, le mont Ararát, sur lequel l’arche s’arrêta. On lui donne ce nom parce qu’elle est droite et isolée comme un doigt élevé ; elle est si haute, qu’on la voit de dix journées de caravanes. La ville de Tauris n’en est pas éloignée. Tavernier dit que sur cette montagne d’Ararat il y a quantité de monastères ; que les Arméniens l’appellent Mesesoussar, parce que l’arche s’y arrêta ; elle est comme détachée des autres montagnes de l’Arménie qui font une longue chaîne, et depuis le milieu jusqu’au sommet elle est souvent couverte de neiges pendant trois ou quatre mois. Il ajoute que la ville de Nekgivan ou Nakschivan, qui est bâtie à trois lieues de la montagne d’Ararat, est la plus ancienne du monde ; que c’est là où Noé vint habiter au sortir de l’arche ; que le mot de Nak-sivan vient de Nak qui signifie navire, et Schivan qui veut dire posé ou arrêté, en mémoire du séjour de l’arche sur le mont Ararát.
D’autres nomment cette montagne Gioud, ou Giouda, dans le pays de Moussai, ou de Diar-Rabiah en Mésopotamie, au pied de laquelle il y a encore un village nominé Thamanim et Corda ; ce nom de Tamanini veut dire huit, en mémoire des huit personnes qui sortirent de l’arche, et Corda désigne les monts Gordiens, si connus dans les anciens. Nous avons parlé ci-devant de l’opinion qui veut que l’arche se soit arrêtée sur une montagne près d’Apamée de Phrygie.
Les Perses nomment Ararát le mont Asis, comme qui dirait la montagne heureuse ou fortunée, à cause du choix que Dieu en fit pour servir de port à l’arche de Noé. Les Arméniens tiennent par tradition, que depuis Noé personne n’a pu monter sur cette montagne, parce qu’elle est perpétuellement couverte de neiges qui ne fondent jamais que pour faire place à celle qui tombe de nouveau ; qu’au sortir de l’arche, Noé vint s’établir à Erivan, à douze lieues d’Ararat, et que ce fut à une lieue de cette ville, dans un heureux aspect, que ce patriarche planta la vigne, en un lieu où l’on fait encore aujourd’hui un excellent vin.
Il convient de suppléer à cet article par quelques témoignages récents. Voici d’abord l’illustre G. Cuvier : « Il est certain, dit-il, que la tradition du déluge existait en Arménie longtemps avant Moïse de Chorène, le principal des historiens arméniens du moyen-age la ville qui, selon Josèphe, était appelée le lieu de la descente, subsiste encore au pied de l’Ararat, et porte le nom de Nachidchevan qui a en effet ce sens-là. »
Un autre savant, Jules Klaproth, non moins célèbre par ses voyages et par ses étonnantes connaissances philologiques, dit que le mont Ararát, nommé dans le récit de Moïse, « est sans doute l’Ararat de l’Arménie, situé au midi de l’Araxe, et dont les sommets sont couverts de neiges éternelles. Les habitants du pays, ajoute-t-il, prétendent qu’on y voit encore les débris de l’arche de Noé. »
Maltebrun, qui a aussi beaucoup voyagé et laissé sur la géographie des travaux universellement estimés, s’exprime en ces termes, lorsqu’il parle de la géographie de Moïse et de la Bible : « Une chaîne de montagnes est nommée Ararát, et si l’on compare tous les passages où il en est parlé, on reste persuadé que c’est dans les branches du Taurus, répandues en Arménie et en Churdistan, qu’il faut chercher ces fameuses montagnes, près desquelles l’historien hébreu place le second berceau du genre humain.
Voici maintenant un voyageur plus jeune, mais déjà célèbre aussi par des bonnes œuvres de plus d’un genre, c’est M. Eugène Bore. « Les Arméniens, dit-il, en se fondant sur la tradition biblique, qui donne le mont Ararát comme le lieu où s’arrêta l’arche, prétendent que Noé s’établit d’abord en ces lieux, et que la ville de Nakhdjavan, qui signifie lieu de la première descente, confirme ce fait par l’ancienneté de son nom. Ils ajoutent que c’est dans le même endroit que le patriarche planta la vigne. Aussi montra-t-on à Chardin, à une lieue d’Erivan, un petit clos que l’on assure être celui de Noé. Ce fait serait attesté par le nom d’Agorhi, que porte cette petite bourgade, et qui viendrait des deux mots arg ouri, signifiant il planta la vigne…
De l’Araxe aux bords du Tigre et jusqu’aux rives de l’Euphrate et du lac de Van, s’étendent de longs chaînons dont la partie la plus élevée est le célèbre mont Ararát des saintes Écritures. Les Anciens l’appelaient Masis, nom qu’il conserve encore vulgairement dans le pays ; mais les Turcs lui donnent aujourd’hui celui d’Agri-Dagh. Le mont Ararát se compose de deux immenses pics dont l’un est beaucoup plus, élevé que l’autre. L’escarpement des rochers taillés à pic et la couche des glaces qui les recouvre éternellement avaient toujours avant ce siècle fait regarder son ascension comme impraticable.
La gloire de l’ascension était réservée au docteur Fr. Parrot, professeur de physique à Dorpat. L’an 1830,… après plusieurs jours de marche et de fatigues inouïes, il parvint à la hauteur de quinze mille cent trente-huit pieds au-dessus du niveau de la mer, c’est-à-dire trois cent cinquante pieds environ plus haut que le Mont-Blanc. Là, il planta dans la glace une longue croix noire avec une inscription… Il s’apprêtait à s’élever encore, lorsqu’une tourmente soudaine obscurcit l’air et le força de redescendre précipitamment pour échapper à une mort certaine : Il revint au monastère de Saint-Jacques, mais ne regardant point sa tâche comme accomplie, il se prépara à une seconde ascension ; et, le 23 septembre, il se mettait en route avec un jeune diacre du couvent d’Eczmiazin, etc… Lévitique 27 septembre, à trois heures, il était sur le point culminant de la montagne. Là, il trouva une plate-forme unie de deux cents pas de diamètre, laquelle pouvait par conséquent, comme le remarque notre voyageur, fort bien servir de point d’appui à l’arche lorsqu’elle s’y arrêta, puisque le récitde la Genèse ne donne à ce vaisseau de Noé que trois cents coudées de longueur sur cinquante de largeur. De cette élévation, qu’il évalue à seize mille deux cents pieds, l’œil embrassait un horizon immense, etc.
Plus tard, M. Boré dans un Mémoire sur la Chaldée et les Chaldéens, adressé à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, revient par occasibn au lieu où s’arrêta l’arche. « Nous cherchons, dit-il, à établir un fait digne d’attention, et peut-être nouveau, c’est-que la nation chaldéenne, la même qu’ont citée les auteurs sacrés et profanes, dès la plus haute antiquité, existe actuellement au centre de l’Asie occidentale, et s’y est conservée dans son intégrité primitive. » Il déclare ensuite qu’il écrit son Mémoire « au pied même des montagnes des Chaldéens. » Et plus loin, il s’exprime en ces termes : « Les Chaldéens habitent encore les montagnes dont la chaîne, épanouie entre Mossoul, Diarbékir, Van et Suleimania, couvre le pays de ses innombrables rameaux. Retranchés là, comme dans une forteresse inexpugnable, ils se sont maintenus dans une indépendance et une liberté sauvage, qu’ils prisent toujours au-dessus de tous les autres biens. Ces monts portaient anciennement le nom de Gorduiens, Carduiens ou Cardon, d’après l’Écriture et la prononciation des Chaldéens et le témoignage des livres sacrés. La version syriaque, en effet, ne dit pas, comme le texte hébreu et la tradition arménienne, que l’arche se soit arrêtée au mont Ararát, mais bien sur le sommet de la montagne Cardon.
« Les premiers chrétiens bâtirent, au lieu désigné par la tradition, un couvent dit le monastère de l’Arche, où ils célébraient une fête annuelle, en mémoire du jour où le patriarche en était sorti avec sa famille. Selon le compagnon de voyage de l’abbé Sestini, Sullivan, des derviches musulmans y entretiennent actuellement, dans un oratoire, le feu perpétuel d’une lampe. On montre toujours au voyageur ce sommet vénéré, sur le chemin de Mossoul à Amadia ; les Turcs l’appellent Djoudi. Alors le mont Cardon serait le même que l’Ararat, nommé Macis par les Arméniens, et Agri-Dagh par les Mahométans, opinions dont le désaccord, loin de nuire à la concorde des textes sacrés, prouve au contraire que ce fait mémorable s’est accompli dans cette partie de l’Asie. Les monts Cardon, Macis, Ararát ne sont d’ailleurs que des anneaux de l’immense chaîne appelée Taurus, qui, du Liban jusqu’au Caucase, divise et morcelle le sol de l’Asie occidentale, en prenant des noms différents.
« En insistant sur ce point, nous voulions montrer l’ancienneté historique des monts Cardon, que nous pensons avoir été constamment le pays central des Chaldéens ; etc. » Voyez Arménie, Noé.
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