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Lorsque Dieu eut créé l’homme, il lui dit : Je vous ai donné toutes les herbes qui portent leurs graines sur la terre, … afin qu’elles vous servent de nourriture (Genèse 1.29). Les plus précieuses de ces herbes sont, sans contredit, les céréales, essentielles à l’alimentation des hommes, et ainsi nommées de Cérès, mère des peuples syriens et divinité païenne. Voyez paragraphe 14.
M. Dureau de la Malle, membre de l’Académie des Inscriptions, a fait un Mémoire pour prouver que la Judée est la première patrie des céréales, notamment du blé et de l’orge, et de la vigne. Ce Mémoire important, et refait plusieurs fois par son savant auteur, a été inséré dans les Annales des sciences naturelles, tome 9 p. 64 et suivantes, et fondu dans l’ouvrage qu’il a publié sous le titre d’Economie politique des Romains, livre 3 chapitre 10 p. 93 et suivantes. Nous allons citer une grande partie de ce chapitre, auquel nous renvoyons de beaucoup d’articles, et que nous avons divisé en plusieurs paragraphes, afin de faciliter les recherches. Les notes, on le verra bien, sont de M. de la Malle ; j’en ai ajouté quelques autres tirées de M. de Paravey comme je l’ai remarqué à la fin de chacune d’elles. Voyez Agriculture, notamment le paragraphe 3. M. de la Malle s’exprime en ces termes :
I. Si l’origine des plantes alimentaires répandues aujourd’hui dans les cinq parties du monde est enveloppée de profondes ténèbres, si, à travers la nuit des temps, il est difficile de découvrir l’aurore de la civilisation, qui tient essentiellement à l’introduction et à la culture des céréales, cette époque, cependant, présente un si grand intérêt, et a exercé une si grande influence sur le bonheur de la société, que ces recherches ne paraîtront ici ni déplacées ni tout à fait inutiles. Je sens que, dans la question dont je vais m’occuper, on ne peut apporter qu’une certaine somme de probabilités, car la preuve évidente consisterait à mettre sous les yeux un individu de chaque espèce dont l’état sauvage et la provenance seraient parfaitement constatés. Mais cette preuve est très-difficile à fournir pour les espèces non indigènes, cultivées depuis un temps presque immémorial, puisque, d’après les observations unanimes des agriculteurs, si la terre est restée assez meuble, le blé et l’orge se perpétuent quelquefois de graine dans nos climats pendant deux ans après une première culture, puis meurent la troisième année l’avoine même, comme on a pu l’observer, s’est reproduite depuis 1815 jusqu’en 1519, dans les parties du bois de Boulogne occupées par les bivouacs des armées étrangères. Il aurait donc fallu que les botanistes qui ont cru avoir trouvé en différents lieux des céréales à l’état sauvage, fussent restés plusieurs années dans le pays natal de ces plantes, et eussent constaté avec soin la perpétuité de leur reproduction spontanée. Quant à moi, je m’estimerai assez heureux, si je réussis à appeler sur ce sujet l’attention des voyageurs et des botanistes qui parcourent le globe, et si je parviens à jeter quelques lumières sur cette partie, de l’histoire des plantes, de la culture et de la civilisation.
II. J’ai cru qu’on pouvait parvenir à une solution satisfaisante de ce problème historique en combinant les dénominations appliquées aux céréales dans les plus anciennes langues, les traditions les plus anciennes, les plus anciens monuments sculptés, avec les récits de la Bible, en rapprochant l’origine et les migrations du culte de Cérès, qui ne sont probablement que les migrations de la plante, avec les figures de l’Epi, représenté sur les zodiaques dans le signe de la Vierge, avec les céréales elles-mêmes trouvées dans les tombeaux de Thèbes, et en appliquant ensuite aux genres triticum et hordeum cette règle de critique adoptée par les plus savants botanistes. « Lorsque la patrie d’une espèce cultivée est inconnue, le pays qui renferme le plus grand nombre d’espèces indiquées de ce genre doit être regardé comme la patrie probable de cette espèce. »
III. Je procéderai d’abord par une méthode d’exclusion qui resserrera beaucoup la zone qu’on peut attribuer pour patrie aux céréales. Le blé et l’orge gèlent souvent dans nos climats ; ils ne vivent ni dans les contrées équatoriales d’une hauteur médiocre, ni au delà des tropiques, à une très-haute élévation au-dessus du niveau de la mer. Cette circonstance doit faire présumer qu’ils sont originaires d’un pays tempéré, soit par la latitude, soit par sa hauteur absolue. On sait positivement que leur reproduction spontanée n’existe ni dans l’Europe, ni dans toutes les parties de l’ancien et du nouveau continent, où les Européens ont porté leurs colonies et cultivé ces grains si utiles pour les progrès de la civilisation et le bonheur de la société. Théophraste dit qu’en Égypte et dans plusieurs autres lieux, le blé et l’orge sont bisannuels, et qu’après avoir été coupés, ils produisent de racine un autre épi l’année suivante. C’est une preuve que dans ces contrées ces grains étaient plus rapprochés du lieu de leur origine.
IV. On peut supposer avec beaucoup de probabilité que les céréales n’existent pas à l’état sauvage dans les vastes contrées habitées par les peuples chasseurs et nomades ; car ces peuples auraient changé assurément une nourriture incertaine et précaire pour un aliment agréable, qui leur offrant des produits abondants, devait augmenter leur population, concentrer leurs forces, assurer l’existence et le bonheur de leurs familles. Les Égyptiens, les Hébreux, les Grecs, plusieurs peuples de l’Asie et de l’Europe, nous offrent l’exemple de ce passage de la vie nomade à la vie agricole si tôt qu’ils ont découvert les céréales ou qiron les a importées dans leurs pays.
V. Maintenant que la philologie et l’histoire naturelle nous ont donné des lumières précises sur les anciennes migrations des peuples, sur l’origine des langues anciennes et modernes de l’Europe, sur celle de nos animaux domestiques et de nos plantes usuelles, nous nous servirons de ce nouvel instrument pour parvenir à déterminer, la région d’où ont été importées chez nous les céréales. J’emploierai toujours la méthode d’exclusion, en parcourant le globe de l’est à l’ouest. La Chine ne peut pas être la patrie de l’orge et du blé ; car, dans les anciens caractères qui ont servi à former l’écriture chinoise, le riz et le millet sont au premier rang, et l’on n’y voit pas encore l’orge et le froment. J’en ai pour garant l’autorité imposante d’Abel-Rémusat. Dans l’Inde, le froment n’a que deux noms, godhûma et sumanas. Le premier document dans lequel On trouve le mot godûma avec la signification de froment est de beaucoup postérieur à la mention des céréales dans les hiéroglyphes égyptiens, dans la Genèse, dans Homère et Hésiode ; ce mot n’a d’ailleurs aucune ressemblance avec les noms des céréales en égyptien, en hébreu et en grec. Nous savons au contraire, que le riz est originaire de l’Inde ; aussi le mot sanscrit vrihi est-il la racine incontestable du mot grec et de tous les noms de ce grain dans les langues anciennes et modernes. Les céréales ne sont point originaires de la Tarlarie ; l’épi de blé ne se trouve point sur le zodiaque tartare. En turc, le froment s’appelle boghdaï, l’orge, kèchkèk, l’épeautre chinthah, comme en arabe. En arménien, tsoriean est le froment pur, l’épeautre, tzavar, l’orge, kari. Le nom du blé est agd en pelhvi, en persan, guendum. Tous ces noms n’ont aucune analogie avec ceux des langues égyptienne, hébraïque, grecque et latine. Suivant Moïse de Chorène, l’orge se trouve sauvage sur les bords de l’Araxe ou du Kur, en Géorgie ; aussi le nom arménien, kari, de cette graminée est-il presque identique avec les mots grecs qui la désignent dans la langue grecque. Le nom générique du froment, dans les hiéroglyphes égyptiens, est har, selon Salvolini ; en hébreu, bar ; en arabe, bourr ; en latin, far, et en celtique, bara. Cette analogie de noms est frappante, surtout chez ceux de ces peuples dont la langue dérive presque entièrement des idiomes indo-persans. Car la brebis, dont l’origine est asiatique, se nomme en sanscrit kurari ; en celtique irlandais, caora. Bahusa, truie en sanscrit, a fait en celtique le sanglier baez et le cornique bahet. Le suédois basse signifie aussi sanglier, tandis que l’allemand bache a conservé le sens de truie. Or, nous savons que ces deux animaux domestiques sont originaires, la brebis de l’Asie orientale, et le cochon de l’Inde. Enfin n’est-il pas remarquable qu’à l’extrémité de l’Occident, dans une population celtique, dont la langue est presque entièrement dérivée de l’idiome sanscrit, les deux mots pain et vin, bara, gouin, soient absolument identiques avec les mots hébreux qui ont formé le vinum des Grecs et des Latins ? et ne peut-on, sans trop d’invraisemblance, y voir une trace de l’importation, par un peuple sémitique, de ces deux plantes qui étaient originaires de sa patrie, et qu’il avait cultivées le premier dès l’aurore de la civilisation ? Ne semble-t-il pas qu’on suive en quelque sorte ; de l’orient à l’occident, les migrations de la plante dansia filiation du langage et dans l’identité de l’étymologie ?
VI. Selon les plus anciens monuments de l’histoire égyptienne, c’est près de Nysa ou Bethsané, dans la vallée du Jourdain qu’Isis et Osiris trouvèrent à l’état sauvage le blé, l’orge et la vigne.
Il s’agit d’abord de fixer la position de cette ville de Nysa. Homère est le plus ancien auteur qui en ait parlé. Il y a, dit-il une ville de Nysa, située sur une haute montagne couverte d’arbres fleuris ; assez loin de la Phénicie, plus près des eaux de l’Égypte. Ce passage et quatre autres de Diodore, fixent d’une manière générale la position de Nysa dans l’Arabie, entre le Nil et la Phénicie. Pline est le plus précis : il met Nysa en Palestine, sur les frontières de l’Arabie. Étienne de Byzance est du même avis : Nysa ou Scychopolis, dit-il, ville de la CoeléSyrie (dans l’Ammonite) ; et Josèphe nous apprend que cette ville de Nysa, nommée ensuite par les Grecs Scythopolis, s’appelait de son temps Bethsané, et était située au bout d’une grande plaine, au delà du Jourdain. La position de cette ville est donc établie par les textes positifs de Diodore, de Pline, de Josèphe, d’Étienne. Nysa, Scythopolis et Beihsané sont la même cité. Du temps d’Osiris et même de Diodore comme les limites de l’Arabie ont toujours été très-déterninées, la portion de la Palestine voisine de l’Arabie a pu être comprise sous le nom générique de la Syrie ou de la Péninsule arabique dont elle fait partie l’épithète, donnée à l’Arabie par Diodore, doit être considérée comme une glose insérée dans le texte, ou comme une épithète d’ornement, appliquée à tous les terrains fertiles ou remarquables par des productions précieuses, d’autant plus que ce même Diodore, en.parlant de la ville de Nysa qu’Osiris bâtit dans l’Inde, en mémoire de l’autre ville de Nysa, où il avait été élevé, ne fait plus mention de l’Arabie Heureuse, et qu’en un autre endroit il place cette même Nysa vers l’Arabie, entre la Phénicie et le Nil. Dans l’ancienne histoire de Java, l’orge est regardée comme une plante importée, et se nomme Jawanusa. Serait-ce une vieille tradition de l’origine et de l’ancienne introduction de cette céréale ? Je ne présente ; cette idée que comme un doute ; mais l’identité de nom est frappante. Une autre raison, tirée de la patrie bien connue d’une plante fameuse, vient à l’appui des géographes que j’ai cités, et doit fixer irrévocablement en Palestine la position de Nysa. C’est auprès de Nysa qu’Osiris et le Bacchus égyptien, regardés par Diodore et les Grecs les plus instruits comme un seul et même roi, trouvent la vigne sauvage en général suspendue ou mariée aux arbres. C’est aussi dans la terre de Chanaan que Noé découvre la vigne. On connaît la grosseur des grappes de raisin rapportées à Moïsedes environs d’Hébron ; or, on sait que la vigne est un arbrisseau affecté en général au bassin de la Méditerranée ; il ne croit spontanément ni dans l’Etbiopie, ni dans l’Arabie proprement dite, ni même dans l’Égypte. Ainsi les livres sacrés, l’histoire ancienne des Égyptiens et l’histoire naturelle s’accordent sur ce point important. C’est dans la Palestine que l’agriculture a commencé ; on y a d’abord trouvé le blé, l’orge, puis la vigne, qu’Osiris a importée dans la Haute-Égypte, et dont les descendants de Seth et de Caïn ont perfectionné la culture. Ce fait historique, que j’appuierai bientôt de grandes probabilités, découle immédiatement de la position de la ville de Nysa, qu’il s’agissait de fixer, et que j’espère avoir maintenant déterminée avec assez de précision.
VII. C’est donc dans la vallée du Jourdain que, selon les traditions égyptiennes, Isis et Osiris trouvèrent à l’état sauvage le blé, l’orge et la vigne, qu’ils transportèrent en Égypte, dont ils enseignèrent la culture et dont ils montrèrent l’utilité aux Égyptiens l’histoire égyptienne assure, dit Diodore, qu’Osiris, originaire de Nysa, située dans l’Arabie fertile qui avoisine l’Égypte, aima l’agriculture, et trouva la vigne dans les environs de sa ville natale. Cet arbrisseau y était sauvage, très-abondant, et en général suspendu aux arbres. C’est là aussi, dit toujours Diodore, qu’Isis trouva le blé et l’orge, croissant au hasard dans le puys, parmi les autres plantes, mais inconnu aux hommes. Des fêtes où l’on portait des gerbes de blé et des vases pleins de blé et d’orge, servirent à conserver la mémoire de cette grande découverte, qui fit cesser chez les Égyptiens l’horrible usage de l’anthropophagie. Diodore cite même les écrivains qui assuraient qu’à Nysa, une colonne avec une inscription en caractères sacrés, attestait cette découverte d’Isis. Elle portait : Je suis la reine de toute cette contrée ; je suis la femme et la sœur d’Osiris. Je suis celle qui ait fait, la première, connaître les grains aux mortels ; je suis celle qui se lève dans la constellation du Chien. Réjouis-toi, Égypte, ma nourrice.
VIII. C’est aussi dans la Palestine que, selon la Genèse, les céréales ont été découvertes, et que l’agriculture a commencé. Moïse, dans le Deutéronome, rappelle au peuple hébreu cette circonstance qui devait lui rendre la terre promise plus désirable encore et plus chère. Dieu, lui dit-il, t’introduira dans une bonne terre, une terre pleine de ruisseaux et de fontaines, la terre du froment de l’orge et de la vigne, où naissent le figuier, le grenadier et l’olivier, une terre d’huile et de miel, dont le fer sont les pierres, et des montagnes de laquelle on extrait le cuivre métallique. C’est aussi dans la Palestine que Noé trouve la vigne (Genèse 9.20-21) ; c’est la patrie du bitume. C’est cette même Palestine, la terre du blé, de l’orge et du vin, que la Bible nous représente comme la patrie ou le séjour du cèdre du Liban, du baumier (Amyris opobalsanium), du Solanum melongena, du palmier dattier, du figuier sycomore ; c’est le pays du dromadaire, du chacal, du daman, de la gerboise, du lion, de l’ours et de la gazelle l’histoire égyptienne et l’histoire hébraïque s’accorpent tout à fait sur l’origine des céréales, de la vigne et de l’olivier. Voyons si la Palestine réunit effectivement le concours des diverses circonstances que j’ai présentées d’après les plus anciens monuments. Si, l’origine des céréales n’étant pas encore bien établie, la patrie, l’habitat des différentes espèces de végétaux, de minéraux et d’animaux indiqués, a néanmoins été constatée avec certitude, nous connaîtrons déjà un des termes de la proposition, et il nous deviendra facile d’éliminer l’inconnu. Or, tous les savants qui ont visité la Palestine y ont constaté l’indigénat de la vigne, de l’olivier, du grenadier et du figuier. Ils y ont trouvé à l’état sauvage, le cèdre, le figuier sycomore, les pins et les palmiers ; l’existence dans cette contrée du baumier (Amyris opobalsanium) et du cupressus phœnicea, du daman, de l’ours, du lion, du chacal, de la gazelle et de l’abeille a été vérifiée ; la présence des mines de fer, de cuivre, et des lacs de bitume a été mise hors de doute. On voit aussi que l’existence, dans la même contrée, de végétaux à qui une grande chaleur est nécessaire, et d’autres qui se plaisent dans un climat froid ou tempéré, tels que les palmiers et le cèdre, le baumier et la vigne, circonscrit beaucoup le terrain et indique positivement un pays de montagnes, susceptible, par la différence de son élévation, de températures très-variées.
IX. Maintenant, puisque les assertions des traditions ou des histoires hébraïques et égyptiennes se trouvent confirmées sur tous ces points, il y a, ce me semble, une grande probabilité qu’elles se vérifieront aussi pour le froment et l’orge, qu’elles assurent être indigènes dans la Judée, et dont une trop ancienne culture nous avait fait perdre l’origine. Ce fait, assez intéressant pour l’histoire de la botanique et de la civilisation, ne serait peut-être plus mis en doute si des botanistes, occupés de ce genre de recherches, fussent restés plusieurs années sur les lieux, et eussent été à même, pendant ce séjour, de distinguer positivement les espèces reproduites momentanément dans des cultures abandonnées des espèces véritablement sauvages et indigènes. Théophraste, dans son Histoire des Plantes, nous dit que, dans l’Égypte et dans plusieurs autres lieux, le blé et l’orge repoussent de leurs racines après avoir été coupés, et produisent encore des épis une seconde année. Ce fait, que j’ai déjà signalé, et que l’on n’a jamais vu se produire en Europe, semble indiquer que ces céréales se trouvent, sinon dans leur patrie, au moins très-près du lieu de leur origine. M. de Labillardière a observé, dans une contrée voisine, et m’a transmis un fait qui confirme entièrement l’observation curieuse de Théophraste. Il a vu, auprès de Baalbec, en Syrie, du blé se reproduire pendant deux ans consécutifs, et, dans un autre endroit, du froment, que la sécheresse avait empêché de germer, se développer et fructifier la troisième année, dans ce même champ resté sans culture. Cette circonstance n’a été observée dans aucune autre contrée où l’on cultive nos céréales, et tend à prouver que les chaînes du Liban, du Kurdistan et peut-être de l’Arménie, sont le pays d’où l’orge et le blé tirent leur origine. Olivier dit positivement que dans la Mésopotamie, près d’Anah, sur l’Euphrate, il a trouvé le froment, l’orge et l’épeautre à l’état sauvage. Ailleurs il assure les avoir rencontrés à une journée d’Ainadan. Le botaniste Michaux, qui a voyagé en Arménie et en Mésopotamie, affirrne aussi qu’il a trouvé l’épeautre sauvage près d’Amadan ; et un fragment de Bérose nous apprend que la Babylonie, c’est-à-dire la plaine située entre l’Euphrate et le Tigre, produisait spontanément le blé, l’orge, le sésame et le lupin, plantes auxquelles la Bible ajoute (2 Rois 18.32) la vigne et l’olivier. Tous ces faits, comme on le voit, se contrôlent, se vérifient mutuellement et apportent une grande somme de probabilités pour faire attribuer à la zone que j’ai indiquée, l’origine et la patrie des céréales.
X. Je prévois deux objections qu’on pourrait me faire : l’une, que le blé (chittah, barah, ou triticum) et l’orge (hordeum), indiqués par la Bible et les historiens de l’Égypte, peuvent n’être pas les espèces cultivées aujourd’hui sous ce nom ; l’autre, que ces espèces peuvent être fort différentes de leur état primitif, et avoir été améliorées, dénaturées par la culture. » [l’auteur répond à la première objection par l’histoire naturelle et par des faits : les espèces simples, à trois étamines, telles que les graminées, changent peu ou point par la culture, et le blé trouvé à Thèbes dans les tombeaux des Pharaons, a paru aux savants tout à fait identique à notre froment actuel]. « d’ailleurs, ajoute-t-il, la culture du blé n’a point été interrompue en Égypte et en Palestine depuis l’époque où elle y a commencé, et ces plantes ont toujours gardé le même nom. Les épis représentés sur les zodiaques peints de Thèbes et d’Esné, les blés figurés dans les scènes d’agriculture d’Eleithuia, qui sont aussi d’une très-haute antiquité. ont paru de même offrir une exacte ressemblance avec nos céréales. J’ajouterai que le blé cultivé en Égypte, par la longueur de ses barbes et par son épi carré, est facile à distinguer : c’est celui qu’on voit sur les monuments. En juillet 1826, M. Brown, l’un des plus habiles botanistes de notre siècle, m’a fourni ce fait remarquable, et m’a autorisé à le publier « Dans les pains extraits des hypogées de la Haute-Égypte et rapportés par M. Héninken, M. Brown a trouvé plusieurs glumes d’orge entières et parfaitement semblables à celles de l’orge cultivée aujourd’hui. Il a reconnu, à la base de ces glumes d’orge antique égyptienne, un petit rudiment dont l’existence n’est pas consignée dans les descriptions des botanistes modernes. M. Brown s’est assuré que ce rudiment se trouvait tout semblable et à la même place, suries balles de l’orge que nous cultivons ; c’est une preuve sans réplique que depuis deux mille ans au moins cette espèce de céréales n’a pas été altérée ni même modifiée par la culture dans la moindre de ses parties. » l’Exode nous en offre même une autre assez positive, en indiquant l’époque de la maturité du blé et de l’orge. Dans une des plaies de l’Égypte, celle de la grêle, le lin et l’orge furent détruits, car l’orge était montée, et le lin était en graine. Le froment et l’olyre ou l’épeautre ne furent pas détruits, parce qu’ils mûrissent tard (Exode 9.31-32). Or, nous savons que dans les climats chauds l’orge et le lin mûrissent avant le blé et l’épeautre. M. Delille m’a confirmé ce fait pour le blé, l’orge et le lin, l’épeautre ou l’olyre n’est plus cultivé en Égypte. Quant à l’objection de la dégénérescence ou du changement de ces espèces par la culture, ce blé des tombeaux de Thèbes, qui compte peut-être trente à quarante siècles d’existenc, les grains plus modernes trouvés à Herculanum, a Pompéi, à Royat en Auvergne, et qui n’ont à la vérité que dix-sept cents ans d’ancienneté, prouvent que, depuis ce temps au moins, l’espèce n’a point changé de forme. »
XI. [Il y a cependant un blé dont parle Homère (2. 10.569), et qui peut sembler n’être pas notre froment. M. Dureau de la Malle est porté à croire que, par l’épithète, appliquée à ce blé, Homère a voulu indiquer l’épeautre (triticum spelta), dont les grains sont plus petits que ceux du froment l’auteur continue en ces termes : « Il n’est pas étonnant que l’assertion d’Homère, de Diodore et de Bérose, qui donnent pour patrie au froment, les deux premiers la Sicile, le troisième la Babylonie, ait trouvé peu de croyance. Celle de Heintzelman, rapportée par Linnée qui assigne pour patrie au triticum oestivum le pays des Baskires, n’est pas plus admise. Le froment d’été, qui, selon Strabon, croît naturellement dans le pays des Musicans, province du nord de l’Inde, n’y a point été trouvé à l’état sauvage par les botanistes anglais…
On a rejeté aussi les témoignages de Moïse de Chorène, de Marc Pol et de Bérose, qui donnent pour patrie à l’orge, le premier les bords de l’Araxe ou du Kur en Géorgie ; le second, le Balaschiana, province de l’Inde septentrionale, et le troisième la Babylonie. Enfin, Théophraste et Pline lui donnent les Indes pour patrie, et Pausanias, dont l’opinion aété adoptée par le savant Barthélemi, le fait venir, avec Cybèle, de la Phrygie l’origine de l’épeautre (triticum spelta) n’est pas non plus regardée comme certaine. Il faut reléguer au rang des fables l’origine que Pline attribue au seigle. Le peu de foi qu’on a ajoutée à ces diverses assertions tient à ce que les voyageurs n’ont pas fait un assez long séjour dans le pays pour distinguer avec certitude l’individu sauvage de l’individu provenant d’une culture abandonnée l’origine et la patrie des céréales étaient donc un problème historique qui restait encore à résoudre. Essayons si nous ne pourrons pas nous approcher de, cette solution par un examen attentif des divers zodiaques connus. » [l’auteur se livre à cet examen, duquel il résulte que « toutes les traditions historiques et mythologiques, les voyages d’Osiris et d’Hermès, de Cérès et de Triptolème, dans le but de répandre la culture des céréales, nous indiquent les migrations : successives de ces plantes alimentaires, : et nous offrent toujours pour premier point de départ l’Égypte et la Phénicie. »
XII. [Enfin après avoir appliqué aux genres triticum et hordeum la règle de critique dont il a parlé au commencement, M. Bureau, de la Malle conclut en ces termes] : « Maintenant, d’après les faits que j’ai développés plus haut, ne sera-t-on pas disposé à convenir que la ville de Nysa, patrie du blé et de l’orge, est la même que Scythopolis ou Bethsané, et est située dans la vallée du Jourdain ; que l’identité du blé et de l’orge, cultivés anciennement en Égypte et en Palestine avec nos céréales, est certaine, que l’habitat de tous les végétaux, animaux, minéraux, indiqués par les monuments les plus anciens, comme existant dans la patrie de l’orge et du blé, a été constaté avec certitude, que la comparaison des divers zodiaques, les migrations du culte de Cérès confirment cette origine des céréales ; enfin, que le plus grand nombre d’espèces des genres triticum, hordeum et secale dont l’habitat est connu, étant indigènes dans le Levant, les témoignages de l’histoire s’accordent assez bien avec les règles de critique établies par la science, et que la vallée du Jourdain, la chaîne du Liban, ou la partie de la Palestine et de la Syrie qui avoisine l’Arabie, doit être, avec une grande probabilité, assignée pour patrie à nos céréales ? Un des faits les phis probants en faveur de cette conclusion., est celui que j’ai déjà signalé d’après l’observation de M. de Labillardière. [Vôyez le n°9]. »
XIII. Je crois qu’on ne peut raisonnablement faire difficulté d’admettre comme certaine la conclusion de M. bureau de la Malle. S’il pouvait être permis d’ajouter quelque chose à ce sujet, qu’il a si savamment traité, je voudrais essayer de proposer, par surabondance, une nouvelle règle de critique que je crois fournie aussi par l’histoire naturelle, et qui conduirait également au résultat obtenu par le célèbre écrivain. J’oserai cependant la hasarder : Lorsque la patrie d’une espèce cultivée est inconnue, le pays dans lequel cette espèce produit le plus doit être regardé comme la patrie de cette espèce. On sait combien la Sicile était féconde en blé, et nous avons vu ci-dessus (n°11) qu’Homère et Diodore la lui avaient donnée pour patrie : c’était à tort, sans doute ; mais la fécondité de ce pays avait pu les autoriser à le supposer ou à le répéter. Suivant Pline, il y avait en Sicile des endroits qui produisaient cent grains pour un ; mais Cicéron, mieux informé, dit qu’il était très-rare que les meilleurs territuires de la Sicile donnassent dix pour un. Nous lisons dans la Genèse que Joseph eut un songe : Il vit sept épis pleins de grains et fort beaux, qui sortaient d’une même tige. En songe, c’est possible, dira-t-on : or, il y eut sept années de fertilité extraordinaire, et on récolta une si grande quantité de froment, que l’historien la compare au sable de la mer, et dit qu’on ne pouvait pas marne la mesurer. Ce fait arriva en Égypte, et comme il n’est qu’extraordinaire, nous pouvons chercher ailleurs la patrie du blé ; mais comme il annonce un rapport très-élevé entre le produit et la semence, nous pouvons croire que cette patrie n’est pas fort éloignée. Avant cette époque, Isaac, pour se soustraire à la famine qui désolait Bersabée, fut obligé de se retirer à Gérare sema, et recueillit, l’année même, le centuple d’orge (Genèse 26.12). Le petit État de Gérare était voisin de la Judée ; mais l’historien nous dit que ce produit, de cent pour un était l’effet d’une bénédiction particulière de Dieu en faveur d’Isaac. Les habitants, singulièrement affectés d’une si grande prospérité, ne purent souffrir Isaac parmi eux. Jésus-Christ, dans sa parabole de la semence, dit que dans une bonne terre quelques grains rendent cent pour un, d’autres soixante ; d’autres trente (Matthieu 13.8). Suivant son habitude, le divin Sauveur a sans doute fait allusion à une chose connue de tous dans le pays, c’est-à-dire, au rapport du produit à la semence dans la Judée. À cette époque la Judée avait pourtant beaucoup perdu de sa fertilité ; mais, on ne cite aucun pays, aucun terrain qui rende trente pour un, l’Italie n’a jamais rendu plus de dix, et le témoignage de Cicéron a détruit l’assertion de Pline touchant la Sicile. Aujourd’hui encore, malgré tant de malédictions qui pèsent sur la Judée, il paraît, si l’on s’en rapporte à plusieurs voyageurs modernes, doués d’un talent peu commun d’observation, que cette terre produirait plus abondamment que nulle autre, si on la cultivait.
XIV. M. de Paravey a fait des recherches sur le nom de Ta-Tsin, donné par les Chinois à la Judée, et il y a entre elles et celles de M. Dureau de la Malle, sur la patrie des céréales, de singulières coïncidences. À la suite de ses recherches insérées dans les Annales de philosophie chrétienne, tome 12 page 24h, 268, sous le titre de : Dissertation abrégée sur le Ta-Tsin ou sur le nom antique et hiéroglyphique de la Judée, M. de Paravey s’exprime en ces termes :
Quand on a lu l’excellent Mémoire où, d’après les seuls auteurs hébreux, grecs et romains, M. Dureau de la Malle, le fils, a démontré que le froment et les céréales les plus précieuses ont été cultivés d’abord en Judée, et plantés en premier lieu près de Nysa ou Beth-Sané (nom où Sand semble n’être que l’inversion hébraïque du nom grec Nysa) :
Quand, dans la Bible elle-même, on voit Moïse annonçant à son peuple la terre promise, s’écrier : Dieu t’introduira dans une bonne terre, dans une terre à torrents d’eau, et remplie de sources jaillissantes, la terre du froment, de l’orge et de La Vigne, où naissent le figuier, le grenadier et l’olivier, une terre d’huile et de miel, et dont les pierres sont de fer (Deutéronome 8.7-8).
Quand, d’un autre côté, on voit Diodore de Sicile placer la ville de Nysa, où naquirent, dit-il, Osiris et Isis, et où ils trouvèrent et plantèrent la vigne, l’orge et le froment, dans l’Arabie-Heureuse, c’est-à-dire, suivant M. de la Malle lui-même, dans la Judée Arabique, véritable terre de promission et de bonheur [Voyez paragraphe 8] :
« quand on se rappelle que, d’après les livres sacrés (conservés actuellement en Chine, mais qui furent aussi ceux des Phéniciens et des Égyptiens), Heou-Tsy, dans lequel nous voyons Sem, fils de Noé, fut celui qui, après le déluge, présida à l’Agriculture ; aussi bien qu’au Culte ; et que, d’une autre part, divers scholiastes de la Bible placent le séjour de ce patriarche célèbre, tige d’Abraham, de David et du Messie, en Judée-ou Palestine, pays où nous voyons ensuite le roi ; de Salem ou le mystérieux pontife Melchisédech, offrir le sacrifice symbolique, du pain et du vin : Quand enfin, comme aurait dû l’observer M. Dureau de la Malle (au lieu de citer Caïn, agriculteur en effet, mais dont le pays anti diluvien nous est inconnu), nous trouvons sur les sicles ou médailles antiques des Samaritains, non-seulement des grappes de raisin, figurées sur un calice sacré ; mais, aussi des épis de blé ou de froment symboles conservés même chez les Romains.
Alors, nous devons admirer comment, le Tsin ou Ta-Tsin, donné autrefois à la Palestine (Pales-Tsine. Sion, capitale de la Judée ; se nommait aussi Tsion), offre encore, même sous sa forme moderne et actuelle, deux mains réunies, mains portant ou adorant un Épi de froment : tandis qu’une de ses formes, kou-wen, c’est-à-dire, en écriture antique, nous offre, outre ces mêmes symboles, celui du grand comble ou du ciel, type hiéroglyphique de dieu.
Ce pays même, dès les temps les plus anciens, était donc celui où l’on offrait au ciel les céréales ou le blé, aliment essentiel des hommes, et dont la culture, suivant le Pen-Tsao (antique botanique chinoise), leur fut enseignée par des intelligences divines.
En effet, ce nom de Tsin est, l’amie encore en ce jour, comme l’avoue le P. Visdelou, le nom d’une espèce de froment ou de céréale analogue, blé que cultiva la première, après le déluge, Isis ou Cérès, mère des peuples Syriens ou Seres, et qu’elle planta sans doute à Nysa ou à Beth-Sané, c’est-à-dire dans le pays de Tsin, pays de la Palestine ou de la Judée.
Nous le répétons donc, soit antique, soit moderne, ce caractère de Tsin nous indique le pays du froment ou du Blé mystique, emblème connu de Jésus-Christ ou du Messie, né à Bethléem, ville (beth) des aliments (léem), et dont le sacrifice devait illustrer à jamais la Judée, et être remplacé par celui de l’Eucharistie.
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