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Crimes, délits et peines

Ayant à donner ici une idée générale de la législation israélite en matière pénale, nous nous bornerons à rappeler les principales règles codifiées au cours des âges dans les divers recueils juridiques contenus dans la Bible :

  1. Code de l’Alliance (Exode 20.22-23.19), incorporé dans le récit E, dont les prescriptions reflètent un état de choses plus primitif que le code babylonien de Hammourabi (vers 1950 avant Jésus-Christ) ;
  2. Code Deutéronomique (Deutéronome 12-28), désigné par D, qui caractérise la réforme de Josias (621) ;
  3. Code de Sainteté (Lévitique 17 à Lévitique 26), désigné par S, contemporain d’Ézéchiel (vers 585) ;
  4. Code Sacerdotal, rédigé entre 573 et 444 et intercalé dans les récits du Pentateuque ; c’est le document P.

Chacun de ces codes ne visait pas à donner un ensemble complet et cohérent ; leurs prescriptions, surtout chez les plus anciens, se présentent avec l’autorité d’oracles de l’Éternel tendant à modifier sur tel ou tel point le vieux droit coutumier et les pratiques locales. Il y a eu formation progressive et évolution de la législation hébraïque, qui se trouve juxtaposée ou mélangée dans l’Ancien Testament actuel ; ce qui explique la présence, dans les récits les plus anciens, d’infractions condamnées par des lois plus tardives. Une étude historique du sujet exigerait donc la distinction des codes de diverses époques, et dont certains, par surcroît, ont pu rester à bien des égards simplement théoriques ; voir Justice rendue.

Crimes contre Dieu

Une malédiction d’ordre général est attachée à l’inobservation des lois données par Dieu (Deutéronome 28.15), mais des pénalités particulières sont édictées pour certains cas précis. Le peuple d’Israël est au sens exclusif le peuple de Dieu en vertu de l’Alliance ; la fidélité est pour lui un devoir absolu : tout ce qui constitue un abandon de l’Éternel doit être sévèrement réprimé. Le culte des divinités étrangères est puni de mort dans Exode 22.20 et dans Lévitique 20.1 et suivants, où il est spécialement question des sacrifices d’enfants à Moloch ; deux peines sont mentionnées : le châtiment divin (v.3) et la lapidation (verset 2). Celui qui pousse le peuple à servir d’autres dieux « se révolte contre l’Éternel » et doit être puni de mort (Deutéronome 13.5) ; ici intervient même la notion de crime collectif entraînant un châtiment général qui va jusqu’à la destruction totale des personnes, des animaux et des biens (Deutéronome 13.12-16). L’adoration des astres est interdite au peuple d’Israël (Deutéronome 4.19 et suivant) ; qui s’en rend coupable doit être lapidé (Deutéronome 17.4 et suivant). L’idolâtrie est condamnée dans Exode 20.4 et suivant, Deutéronome 4.15-18 ; Deutéronome 4.23 sans indication de pénalités, peut-être parce qu’elle se confondait pratiquement avec le culte des divinités étrangères. Ceux qui se livrent à la magie, à la sorcellerie ou à l’évocation des esprits, sont punis de mort (Exode 22.18 ; Lévitique 20.27, et ceux qui y recourent tombent sous le coup des châtiments divins (Lévitique 20.6). La peine de mort par lapidation est aussi appliquée au blasphème (Lévitique 24.13-16). L’usurpation de l’autorité divine par un faux prophète est aussi punie de mort (Deutéronome 18.20). Dans la législation sacerdotale (S et P), la non-observation des rites caractéristiques du peuple de Dieu constitue souvent un crime passible de la peine suprême : ainsi la violation du sabbat, qu’on le considère comme un jour consacré à l’Éternel (Exode 35.2) ou comme le signe de l’Alliance (Exode 31.16) ; un exemple en est donné dans Nombres 15.32-36. De même le fait de ne pas célébrer la Pâque (Nombres 9.13) ou le jour des Expiations (Lévitique 23.29), la consommation du sang (Lévitique 7.27 ; Lévitique 17.10) et la profanation de l’huile sainte (Exode 30.33) exposent les contrevenants à être « retranchés de leur peuple ».

Crimes contre les personnes

Chez les Hébreux, comme chez les autres peuples de l’antiquité orientale dont la législation nous est connue (code de Hammourabi vers 1950, code assyrien vers 1400, code hittite vers 1350), le fondement de la pénalité, en ce qui concerne les crimes contre les personnes, est la loi du talion, clairement formulée dans Exode 21.23-25 et aggravée par la vieille coutume de la vengeance du sang (voir Vengeur du sang). Les codes israélites semblent ignorer les peines correctionnelles ; toutes les sanctions sont civiles, sauf le cas de Deutéronome 25.1 et suivant. La justice n’est pas la même pour tous : une distinction est établie suivant que la victime est un homme libre ou un esclave.

Pour l’homicide volontaire, la peine est la mort, suivant la stricte application de la loi du talion (Exode 21.19 ; Lévitique 24.17 ; Lévitique 24.21). Le devoir de venger le sang, imposé au plus proche parent de la victime, explique que l’homicide involontaire entraîne aussi la peine de mort, à moins que le coupable ne se rende immédiatement en suppliant à l’autel de l’Éternel (Exode 21.13) et, lorsque le culte est centralisé à Jérusalem, dans l’une des villes de refuge (voir article) au nombre de trois (Deutéronome 4.41 ; Deutéronome 4.43), puis de six (Deutéronome 19.3-10, où un exemple caractéristique est donné). Voir aussi Nombres 35.6 ; Nombres 35.22-28 et Josué 20.1-9. Ce droit de refuge est strictement limité à l’homicide involontaire (Exode 21.14 ; Deutéronome 19 : et suivant). Le meurtre d’un esclave n’est puni que si la mort est immédiate et, dans ce cas, la peine qui n’est pas précisée dans Exode 21.20 et suivant ne devait pas être la peine capitale. L’enlèvement d’un homme libre pour en faire un esclave est assimilé au meurtre et puni de mort (Exode 21.18 ; Deutéronome 24.7). Les coups et blessures entraînant un dommage permanent tombent sous l’effet de la loi du talion (Exode 21.23-25 ; Lévitique 24.19 et suivant) ; s’il n’en résulte qu’une incapacité temporaire de travail, le coupable est uniquement tenu au règlement des frais médicaux et d’une indemnité correspondant à la durée du chômage (Exode 21.18 et suivant) ; l’indemnité dont il est question dans Exode 21.22 est une sorte de compensation accordée au mari pour perte de l’enfant qui aurait été sa propriété. Les blessures faites à un esclave obligent simplement son maître à le libérer, dans tous les cas où les mêmes sévices exercés sur un homme libre seraient justiciables de la loi du talion (Exode 21.28 et suivant). Le meurtre commis par un animal entraîne la lapidation de celui-ci (Exode 21.28), et, pour son maître, la peine capitale, s’il est établi que l’animal était dangereux et qu’il n’y a pas eu surveillance (Exode 21.29) ; mais le responsable peut toujours « racheter sa vie » en payant le prix qui lui sera imposé (Exode 21.30). Si la victime est un esclave, l’animal est toujours lapidé, mais son propriétaire n’est tenu qu’à une indemnité de 30 sicles d’argent, payée au maître de l’esclave (Exode 21.32). Voir aussi Esclave.

Crimes contre la famille

La famille israélite étant à la base de l’organisation sociale, tout ce qui porte atteinte à son intégrité doit être sévèrement réprimé. Dix-sept cas d’empêchements aux mariages consanguins sont prévus dans Lévitique 18.6-18 ; ceux qui passent outre seront « retranchés de leur peuple » (Lévitique 18.29) ; le fait d’épouser en même temps la mère et la fille expose les trois coupables à être brûlés (Lévitique 20.14). Dans le cas de séduction ou de rapt, le coupable peut être contraint d’épouser la jeune fille, mais il doit toujours payer la dot au père (Exode 22.16) ; d’après Deutéronome 22.28 et suivant, le mariage est obligatoire et la dot est fixée à 50 sicles d’argent, mais si la jeune fille était fiancée, le ravisseur doit être lapidé, et, dans certaines circonstances, la victime est passible du même châtiment (Deutéronome 22.23-27). l’adultère entraîne la mort des deux coupables (Lévitique 20.10 ; Deutéronome 22.22), ainsi que l’inceste (Lévitique 20 : et suivant). La prostitution, qui avait un caractère sacré dans les sanctuaires cananéens, est aussi condamnée (Lévitique 19.29 ; Deutéronome 23.17) ; la femme qui s’y livre est lapidée (Deutéronome 22.21) ; fille de prêtre, elle est brûlée (Lévitique 21.9). Les relations contre nature sont punies de mort (Exode 22.19 ; Lévitique 20.15 ; Lévitique 20.13). Les mauvais traitements envers les parents, le fait de les frapper (Exode 21.15) ou de les maudire (Exode 21.17 ; Lévitique 20.9), voire le refus habituel de leur obéir (Deutéronome 21.18-21) sont passibles de mort.

Crimes contre la propriété

Le vol est formellement condamné dans Exode 20.15, et même, dans le cas de vol avec effraction pendant la nuit, la légitime défense qui frappe mortellement le voleur n’est pas considérée comme un meurtre (Exode 22.2). Comme le talion caractérise la législation pénale israélite en matière de crimes contre les personnes, le principe de restitution ou de compensation domine cette législation en ce qui concerne les atteintes à la propriété. Dans le cas de vol d’animaux, le voleur doit absolument restituer ce qu’il a pris ; s’il ne peut le faire, on le vendra lui-même pour assurer la réparation (Exode 22.3, b). Cette restitution obligatoire n’est qu’un minimum : le voleur peut être contraint à rendre au double, si les animaux sont encore entre ses mains, et au quadruple ou au quintuple, s’il les a tués ou vendus (voir Exode 22.1 ; Exode 22.4 dont l’ordre est ainsi rétabli dans Bible du Centenaire : voir 1, 4, 3b, 2, 3a) Celui qui frappe mortellement un animal est tenu au remplacement (Lévitique 24.18). Le vol d’objets ou d’argent entraîne la restitution au double (Exode 22.7). L ’incendie se communiquant au bien du voisin donne lieu à un dédommagement, qui se réduit au strict remboursement lorsque la responsabilité est dans une certaine mesure partagée (Exode 22.5 et suivant). Le déplacement des bornes qui marquent la limite d’un champ (Deutéronome 19.14) et l’usage de faux poids (Deutéronome 25.13 ; Deutéronome 25.16 ; Lévitique 19.35) sont formellement condamnés.

Procédure

Il n’y a qu’un seul et même droit pour l’Israélite et pour l’étranger admis à résidence (Lévitique 24.22). Le principe d’une responsabilité exclusivement personnelle est formulé dans Deutéronome 24.16. La justice est rendue par les anciens à la porte des villes (Deutéronome 21.19), mais il y a aussi des juges (Deutéronome 16.18) ; cela varie suivant les époques. On peut, dans les cas difficiles, en appeler aux prêtres, qui décident au nom de l’Éternel, mais alors leur sentence doit être obligatoirement appliquée, sous peine de mort (Deutéronome 17.8-12). Une enquête est prescrite lorsqu’il n’y a pas flagrant délit (Deutéronome 17.4), et deux témoins sont toujours nécessaires pour justifier une condamnation à mort (Deutéronome 17.8, cf. Marc 14.55-59). Des recommandations particulières sont faites aux témoins et à quiconque participe à la justice, dans Exode 23.1 ; Exode 23.3 et Lévitique 19.15. Les contestations entre individus sont portées devant les juges, qui peuvent faire donner la bastonnade (Deutéronome 25.1). Lorsqu’un homme en accuse un autre, tous deux se présentent devant les juges ou les prêtres, qui enquêtent ; si l’accusation n’est pas justifiée, le dénonciateur subit la peine qu’aurait méritée l’accusé reconnu coupable (Deutéronome 19.16-21). Dans un autre cas de dénonciation calomnieuse (Deutéronome 22.13 ; Deutéronome 22.19), l’accusateur est châtié et verse une amende au père de sa femme en réparation du préjudice causé.

Peines

On a vu que la peine capitale la plus souvent prévue est la lapidation par le peuple, aux portes de la ville ; elle est prescrite pour dix-huit espèces de crimes. Les témoins lancent les premières pierres (Deutéronome 17.7). Le corps du supplicié est ensuite exposé sur un pieu (Deutéronome 21.22 et suivant), mais il ne doit point y passer la nuit.

La peine du feu (voir ce mot) est réservée à deux cas particuliers : prostitution de la fille d’un prêtre (Lévitique 21.9) et mariage avec la mère et la fille (Lévitique 20.14) ; les coupables étaient vraisemblablement brûlés vifs.

L’expression fréquente retrancher du peuple désigne un châtiment divin de la dernière gravité, si l’on en juge par Lévitique 20.4 et suivant ; mais elle demeure obscure.

Obscures aussi les mentions de gibet ou de pendaison : (Nombres 25.4 ; 2 Samuel 21.6 ; 2 Samuel 21.10) peut-être aussi bien l’empalement, le pilori, même la précipitation, mais non pas le crucifiement. En effet, la décapitation, mentionnée dans Matthieu 14.10 ; Actes 12.2 ; Apocalypse 20.4, et le crucifiement (voir ce mot) sont des peines infligées par des autorités étrangères.

De même le supplice de la roue (grec tympanon), sur laquelle le condamné était exposé et « roué » de coups jusqu’à ce que mort s’ensuivît (2 Macchabées 6.19 et suivants, Hébreux 11.35, « cruellement tourmentés »).

Le supplice de la cendre (2 Macchabées 13.5-8) est d’origine perse (voir Cendre).

La mutilation n’est appliquée, en dehors de ce qu’exige la loi du talion, qu’à un seul cas (Deutéronome 25.11 et suivant).

La bastonnade est mentionnée dans Deutéronome 25.1, avec un maximum de quarante coups ; plus tard, elle est remplacée par le fouet (2 Corinthiens 11.24), dont on n’applique plus que trente-neuf coups pour être sûr de ne pas violer la loi en dépassant le maximum. Cette peine juive, mentionnée aussi dans Matthieu 10.17 ; Matthieu 23.34 et peut-être dans Hébreux 11.36, n’est pas la même que la flagellation au moyen de verges (Marc 15.15 et parallèle, Actes 16.22 ; Actes 22.24 et suivant, 2 Corinthiens 11.15), pénalité romaine.

L’emprisonnement n’est pas prescrit dans le Pentateuque au nombre des peines israélites régulières ; il n’apparaît avec ce caractère que dans Esdras 7.26 ; mais les exemples en sont nombreux dans la Bible (voir Prison).

G.V

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