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Hébreu sépher habbe-rith. On appelle ainsi, d’après Exode 24.7, le plus ancien code des lois hébraïques que renferme le Pentateuque, et qui se trouve dans l’Exode, à la suite du décalogue : Exode 20.22-23.33. Ce code appartient au document E. Bien que faisant partie de la même source, on ne saurait tenir le code de l’alliance pour la suite du décalogue.
Tout montre que le livre de l’alliance n’est ni une loi directement promulguée par Dieu, ni un ensemble de lois nouvelles, nées des circonstances qui présidèrent à la constitution du peuple hébreu par Moïse, mais qu’il présente une collection de décrets juridiques et de préceptes rituels dont la plupart remontent fort haut dans l’antiquité. Plusieurs de ses articles sont identiques à ceux que l’on trouve dans le code d’Hammourapi qui date du même siècle qu’Abraham. D’autres proviennent aussi des mêmes sources, mais avec des différences qui ne mettent pas toujours la douceur du côté des Hébreux. Ainsi dans les deux lois parallèles relatives à la libération d’un esclave (il s’agit d’hommes libres qui s’étaient vendus ou avaient vendu leurs enfants à terme pour s’acquitter vis-à-vis d’un créancier) : le code babylonien libère l’esclave après trois ans de service (article 117) tandis que le code hébreu en exige six (Exode 21.2). Dans un code comme dans l’autre, l’introduction : « Si… » est caractéristique ; il s’agit de règles pour guider les juges et, comme dit le code babylonien, pour éclaircir l’affaire des opprimés. La loi du Talion est à la base dans les deux codes ; mais l’un et l’autre admettent des équivalences et des compensations. On comparera avec intérêt C. d’H. article 1-2 avec Exode 22.18 ; article 4 avec Exode 23.8 ; article 8 avec Exode 21.36 ; Exode 22.2-3 ; article 9 avec Exode 22.7-9 ; art 14 avec Exode 21.16 ; article 210 avec Exode 22.1 ; Exode 22.2 ; article 120-126 article 130 avec Exode 22.16 ; article 155-156 avec Exode 22.16 ; article 171 avec Exode 21.10-11 ; article 195 avec Exode 21.15-17 ; article 196 : « œil pour œil » et article 200 : « Dent pour dent » avec Exode 21.24-25 ; article 199 avec Exode 21.26-27 ; article 250 avec Exode 21.28 ; Exode 21.29 ; Exode 21.32. En somme, les deux codes, dans leurs éléments juridiques ou de droit coutumier, présentent les mêmes principes avec des applications plus ou moins identiques suivant la différence des milieux. Or, comme on connaît aujourd’hui des lois sumériennes, notamment celles auxquelles se réfère le dernier roi de Lagach, Urukagina (vers 2800 avant Jésus-Christ), qui sont de vrais prototypes du code d’Hammourapi, on peut conclure avec certitude qu’une bonne partie des lois du livre de l’alliance a la même origine que celles du code babylonien et que nous avons là, dans un cas comme dans l’autre, l’adaptation d’une antique législation sumérienne antérieure à Moïse de plus de quinze cents ans et en vigueur déjà depuis longtemps à l’époque des patriarches.
Le livre de l’alliance n’est pas un code systématique, mais plutôt une collection ou ce qui reste d’une collection réunissant des groupes de lois d’origines diverses et où l’élément moral et social se trouve mélangé à des prescriptions rituelles, d’ailleurs peu nombreuses. On peut y distinguer pourtant deux parties : les jugements (michpatim) et les commandements ou paroles (debarim). Les jugements étaient sans doute d’abord des traditions orales codifiées dans la suite pour permettre aux juges plus ou moins compétents d’appliquer la loi : dans tel cas, faites telle chose. Les questions traitées ici sont relatives aux esclaves (Exode 21.1-11), au meurtre (Exode 21.12-15), aux blessures n’entraînant point la mort (Exode 21.16-32), aux accidents causant perte de bétail (Exode 21.33-36), au vol (Exode 22.1-5), aux incendies (Exode 22.6), aux abus de confiance (Exode 22.7-13), aux emprunts (Exode 22.14 ; Exode 22.15 25-27), à la séduction (Exode 22.16-17). D’autres indications, sous forme impérative et brève, ont trait au meurtre, à l’enlèvement, au mauvais sort, à la bestialité (Exode 21.12 ; Exode 21.15-17 ; Exode 22.19).
L’autre partie du code — les commandements — ressemble davantage par son contenu et par sa forme au décalogue de Exode 20 et surtout à cet autre décalogue, certainement plus ancien que celui de Exode 20, et qu’on retrouve dans Exode 34 ; décalogue rituel, appartenant à la source J et rattaché comme celui de Exode 20 à la théophanie du Sinaï. Ce décalogue ne renfermant guère que des commandements qui se retrouvent dans Exode 21 à Exode 23, on a été amené à penser que Exode 34 est le livre jéhoviste de l’alliance, — tout comme Exode 21 à Exode 23 est le livre élohiste de l’alliance, — commandements écrits dans un cas comme dans l’autre par Moïse (Exode 24.4).
Les commandements sont plus éloignés que les Jugements de la vie pastorale. Leur principal objet ! est l’observance religieuse. On attribue parfois au livre élohiste de l’alliance le fragment jéhoviste Exode 20.22-26 (cf. Josué 8.31) où il est question de la construction de l’autel pour Jéhovah. C’est à Exode 34 et non à Exode 21 qu’appartient, comme famille de textes, le passage Exode 20.22-26. La deuxième partie du livre de l’alliance traite de la magie (Exode 22.18), de l’hospitalité (Exode 22.21), de lèse-divinité (Exode 22.28), des prémices (Exode 22.29-30 ; Exode 23.19), de la sainteté (Exode 22.31), de l’impartialité en justice (Exode 23.1-8), de l’année sabbatique et du sabbat (Exode 23.10-12), des fêtes (Exode 23.14-17), des victimes pour les sacrifices (Exode 23.18). Dans ces institutions, les fêtes religieuses sont pour marquer les grandes dates de la vie agricole ; le culte est à caractère patriarcal, à part les brèves mentions Exode 23.18 ; Exode 23.19 ; nul lévitisme ; aucune indication relative au rituel des sacrifices. Les innovations dues aux institutions mosaïques sont plus nombreuses dans cette deuxième partie que dans la première, mais on sent que le culte qu’elle organise s’appuie sur des usages parfois très anciens. Les « commandements » forment une sorte de transition entre les coutumes primitives et les institutions deutéronomiques.
D’autre part, la manière de présenter les commandements : « Vous ferez », rapproche Exode 21 à Exode 23 (E) du groupe de lois Exode 34 (J) ; et l’expression « vous serez pour moi des hommes saints » (Exode 22.31) appelle ici en cause un troisième groupe de lois très antiques, incorporées dans le document P (Lévitique 17 à Lévitique 26), et nommées Code sinaïtique, ou mieux, Code de sainteté (C S) : « Soyez saints, car je suis saint » (Lévitique 19.2). Cette collection, malheureusement fragmentaire elle aussi et fortement interpolée, se présente à nous dans ses parties les plus anciennes (chapitres 18-20) comme un doublet paraphrasé du Livre de l’alliance (cf. Lévitique 26.46). Nous aurions donc, en somme, le même groupe de lois, code de l’alliance, sous trois formes : la forme E (Exode 21 ; Exode 22 ; Exode 23), la forme J, résumée (Exode 34), la forme S paraphrasée (Lévitique 17 à Lévitique 26). Pour être complet, il nous faut mentionner ici le Livre de la Thora, ou de la Doctrine, dont parle le Deutéronome (Deutéronome 31.24-26) et que celui-ci présente comme le contenu de la charte d’alliance qui fit d’Israël, par Moïse, le peuple de Dieu. Ce livre, au point de vue juridique, « se meut sur le même terrain que le Livre de l’alliance : mêmes principes, mêmes institutions, avec quelques progrès incontestables dans le détail et les applications » (L. Gautier). Pour l’élément rituel, même constatation. C’est le Livre de l’alliance, développé dans le sens de la centralisation du culte et de l’affirmation de l’unité et de la spiritualité de Dieu. À ce point de vue, on peut dire que le Livre de la Doctrine est, plus que le Livre de l’Alliance, dans le prolongement du décalogue, plus apparenté avec lui et, par là, plus directement mosaïque. L’influence des prophètes, continuateurs du jéhovisme de Moïse, se fait sentir surtout dans les discours exhortatifs du début (Deutéronome 1-11) et de la conclusion (Deutéronome 27-30), mais il se pourrait bien que la critique actuelle sous-estimât la part qui revient dans D au grand législateur des Hébreux.
Quoi qu’il en soit, les quatre documents qui nous parlent, en des époques diverses, du début d’Israël et de sa constitution, attestent chacun à sa manière que la charte du peuple élu s’est composée d’une révélation directe, en déclarations divines (décalogue) déposées dans l’arche, et d’un Livre de l’Alliance ou d’un Pacte, codifiant un ensemble de lois anciennes et nouvelles et dont D nous dit que Moïse, après l’avoir écrit, le fit déposer à côté de l’arche, c’est-à-dire au lieu le plus solennel du sanctuaire, afin qu’il y servît de « témoin contre » les enfants d’Israël, si ceux-ci venaient à violer l’alliance (Deutéronome 31.16 ; Deutéronome 31.24-26)
Pour ce qui est du Livre de l’alliance de Exode 21 ; Exode 22 ; Exode 23, l’importance qui y est donnée au bœuf, à l’âne et au mouton (Exode 21.28-22.10), le fait que la femme y est encore la propriété exclusive de l’homme, et l’absence de toute notion d’État, nous obligent à reconnaître que ce code fragmentaire des lois hébraïques présente la société sous un jour des plus primitifs, et remonte même, par endroits, aux temps où les Hébreux étaient de purs nomades.
Alexandre Westphal
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