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Signifiant : qui taille, qui fend. Juge en Israël, dont l’histoire suit l’épopée de Débora et de Barak (Juges 6.1-8.35). Il est aussi nommé Jérubbaal (Juges 7.1 ; Juges 8.35) et Jérubbéseth (2 Samuel 11.21). Son vrai nom devait être Jérubbaal, signifiant : que Baal combatte, prenne parti, Baal, signifiant : seigneur, pouvant parfaitement s’appliquer à Jéhovah, ce qui arrivait fréquemment aux premiers temps du séjour d’Israël en Canaan : c’était placer son fils sous la protection divine, que de le nommer d’après son dieu (Esbaal fils de Saül, Mérib-Baal fils de Jonathan : 1 Chroniques 8.33 et suivant). Un narrateur donne à Jérubbaal une étymologie différente, trouvée sans doute après les événements (Juges 6.32). Plus tard, après le redressement religieux opéré par les grands prophètes (cf. Osée 2.16), les rédacteurs remplacèrent, dans plusieurs de ces noms, baal par béseth, signifiant : honte : Jérubbaal devient Jérubbéseth. Quant au nom de Gédéon, on peut y voir un surnom donné au guerrier israélite pour sa force et sa bravoure.
Israël, déjà sédentaire, se trouvait alors menacé, non plus par des troupes organisées comme du temps de Débora (voir ce mot), mais par des bandes de bédouins pillards, les Madianites (voir ce mot). La situation était devenue intolérable, les cultivateurs risquant de ne travailler le sol que pour se voir enlever leurs récoltes par de terribles razzias. Alors Dieu suscita un héros, qui par sa foi et son courage sut grouper et conduire à la victoire les paysans israélites terrorisés, qui ne pensaient plus qu’à se cacher dans les montagnes et dans les grottes pour se soustraire à leurs agresseurs.
L’intrépidité de Gédéon, son énergie (Juges 6.14), un réel patriotisme, rare à cette époque en Israël (verset 13 montre comment il se solidarise avec sa tribu), des circonstances tragiques : l’assassinat de ses frères par les bédouins (Juges 8.18 et suivant), firent de ce fils de propriétaire terrien l’irréductible ennemi des Madianites ; tout le préparait à devenir le libérateur de son peuple. L’appel de son Dieu fut décisif. Jéhovah lui apparut à Ophra, près de la maison de son père, sans doute aux environs de Sichem, dans la région occupée par la tribu de Manassé, à l’ouest du Jourdain. Un vieux récit nous montre le héros recevant un étranger, comme Abraham jadis avait accueilli chez lui les trois messagers divins (Genèse 18). Alors qu’il se prépare à lui offrir un repas, l’hôte mystérieux se révèle comme « l’ange de l’Éternel » (voir article), en transformant le repas en sacrifice, et lui ordonne d’aller délivrer Israël, ou tout au moins sa tribu. Le jeune homme demande un signe de la réalité de sa vocation, non qu’il manquât de bravoure ou doutât de l’apparition divine, mais par modestie : afin d’être sûr de ne pas se faire d’illusions flatteuses sur lui-même. Ayant reçu l’assurance que Jéhovah l’a bien choisi entre tous, il lui rend un culte, avec sacrifices, sur l’autel paternel, auquel sans doute il donnera le nom de Jéhovah-paix (Juges 6.24). Possédé par l’Esprit d’En-haut, il appelle aux armes son clan d’Abiézer, ne prenant avec lui que des hommes animés d’une ardente foi jéhoviste. Puis il marche contre les Madianites, en rencontre un groupe nombreux dans la vallée de Jizréel, les attaque malgré une grande infériorité d’effectifs et les met en pièces (le « pain d’orge » renversant la « tente » (Juges 7.13) représente la revanche des cultivateurs sur les nomades pillards). Encouragés par cette première victoire, des éléments d’autres tribus hébraïques viennent à la rescousse ; et les Madianites, retardés dans leur retraite aux gués du Jourdain, subissent une grave défaite. Gédéon atteint les débris de leurs caravanes en Transjordanie et met à mort leurs cheiks, Zébach et Tsalmuna (Juges 8.21).
Ces rapides succès rendirent Gédéon populaire ; on vint lui offrir le pouvoir : c’est la première fois dans la Bible qu’il est question de royauté (Juges 8.22), et il semble que Gédéon accepta et régna, non sur tout Israël, encore trop divisé à cette époque (cf. Juges 8.1-3), mais sur la tribu de Manassé et la région de Sichem ; car après lui ses fils se disputeront l’autorité royale (Juges 9.2). Le refus de régner, que lui prête Juges 8.23, proviendrait alors d’une époque plus tardive, qui considérera la royauté en Israël comme une infidélité à Jéhovah. En effet, la fin de son histoire décrit Gédéon, vivant comme un prince, avec un nombreux harem (Juges 8.30), et les Sichémites admettant la transmission héréditaire de son pouvoir (Juges 9.1 et suivants). Sous son règne Israël a vécu en paix, mais ne semble pas avoir échappé complètement à l’influence païenne des peuplades voisines, malgré le sursaut de foi qui marqua la lutte contre Madian. L’épisode de l’« éphod » est très caractéristique à cet égard (Juges 8.24-27). Gédéon dresse à Ophra, pour commémorer sa victoire, une sorte de statue faite avec l’or provenant du butin pris à l’ennemi. Cet objet avait dû être fabriqué en l’honneur de Jéhovah, le véritable vainqueur des Madianites ; car, à part le verset 27 qui semble rédactionnel, aucun passage ne reproche à Gédéon une infidélité envers son Dieu ; les récits soulignent au contraire le bien qu’il fait en Israël (cf. Juges 8.35 ; Juges 9.16 et suivant). Seulement cet « éphod » — de même que l’achéra qui se trouvait au-dessus de l’autel de Baal dans la maison paternelle (cf. Juges 6.25) — ressemble fort aux idoles cananéennes dressées pour représenter les baals. Tous ces détails montrent une fois de plus avec quelle peine le spiritualisme de la religion de Jéhovah se débarrassait de l’idolâtrie sémitique, qui ne cessa de sévir en Palestine pendant des siècles.
Il n’en reste pas moins que Gédéon fut un des plus grands jéhovistes du temps des Juges. Sa confiance absolue en Dieu, qui le guida dans toutes ses entreprises (voir Juges 7.10 ; Juges 7.15), l’a rendu digne d’occuper une place parmi les héros de la foi, glorifiés dans Hébreux 11.
D’importants problèmes critiques se posent au sujet de ces récits. Nous avons déjà signalé, malgré la grande valeur historique de l’ensemble, quelques éléments surajoutés : contrairement à Juges 6.18, Gédéon n’aperçoit aucun châtiment divin dans les malheurs de son peuple ; (cf. Juges 6.3) c’est le rédacteur de D qui, selon sa coutume, juge ici rétrospectivement et considère cette situation lamentable d’Israël comme la conséquence de son infidélité ; il nous faut d’ailleurs le suivre dans son jugement (tout en faisant la part de la forme quelque peu stéréotypée qu’il donne toujours à ses introductions des histoires des Juges), car le souvenir a été conservé d’une tradition digne de foi, perdue d’ailleurs en partie, où l’on voit un prophète venir proclamer l’idolâtrie du peuple et la punition divine (Juges 6.7-10, sans doute E). Le rédacteur de D a également commenté certains faits dont il avait sous les yeux la relation : ex. Juges 6.31b et Juges 8.27 où il reproche à Gédéon d’avoir dressé cet éphod. Dans le corps du récit, on peut retrouver deux séries de traditions distinctes, qui doivent vraisemblablement appartenir à J et à E : deux mentions de l’érection d’un autel à Ophra ; deux signes de Jéhovah, et Juges 6.36 semble ignorer le premier miracle dont Gédéon aurait été le spectateur (Juges 6.17 ; Juges 6.21). Le récit de l’attaque du camp madianite est très embrouillé et ne se comprend que par la fusion de deux traditions (Juges 7.16-22) la mort des chefs madianites semble avoir été racontée deux fois (Juges 7.25).
La méthode employée par Gédéon d’après Juges 7.2 ; Juges 7.8, pour mettre à part les guerriers les plus vigilants, rappelle des coutumes de nombreuses tribus africaines et de la Nouvelle-Calédonie : en présence de l’ennemi, les hommes prudents se tiennent sur leurs gardes même en allant boire. Le chiffre très élevé de 32 000 hommes donné par Juges 7.3 ne s’expliquerait à la rigueur que par la présence d’éléments appartenant à plusieurs tribus israélites, à côté du petit groupe provenant d’Abiézer ; or, Juges 6.35, qui mentionne en effet Asser, Zabulon et Nephthali, est contredit par Juges 7.23, qui fait bien mieux comprendre les événements qui suivirent.
A. Ch.
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