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Généalogie

1.

Hébreu thôledôth (de yâlad, enfanter, engendrer), littéralement les engendrements ou les naissances ; traduction ordinaire : générations, origines, postérité, descendance, ou encore histoire. En tête d’un alinéa et précédé du démonstratif ellèh, ce mot introduit la liste des descendants d’un homme ou le récit de sa vie. Thôledôth se dit uniquement des personnes, du père de famille, sauf Genèse 2.4, où il a un sens rétrospectif et équivaut à création des cieux et de la terre, produits de l’engendrement divin. Ce, mot désignait donc, d’une manière générale, la genèse et le développement d’une famille ou même du monde entier, auquel cas il est assez bien rendu par les termes d’« histoire » ou de « récit des origines ». Ailleurs, thôledôth désigne les générations successives dans un même groupe (Exode 6.16 ; Exode 6.19 ; Exode 28.10 etc.), en parallèle avec le terme michpâkhâh (famille) ; et l’expression sèphèr thôledôth = livre des générations (Genèse 5.1) est l’équivalent de notre terme : la généalogie. Les livres les plus récents de l’Ancien Testament connaissent un autre mot : yakhas (famille, race), d’où le verbe hith-yakhês, lequel constate que X descend d’un ancêtre donné et que cette origine a été, à un certain moment, dûment enregistrée.

2.

Dans le sens plus restreint de résumé de la vie d’un homme, thôledôth est réservé aux patriarches ; outre les thôledôth des cieux et de la terre (Genèse 2.4), nous avons celles d’Adam (Genèse 5.1), de Noé (6.9 de ses fils (Genèse 10.1), de Sem, ancêtre d’Israël (Genèse 11.10) de Tharé (Genèse 11.27), d’Ismaël (Genèse 25.12), d’Isaac (Genèse 25.19), d’Ésaü (Genèse 36.1) et de Jacob (Genèse 37.2). Les thôledôth d’Abraham devaient certainement exister, mais le texte s’en est perdu.

3.

Ce terme est emprunté au vocabulaire de P qui nous a conservé sous cette forme curieuse ce qu’il estimait essentiel de l’histoire de l’humanité et des ancêtres d’Israël. Nous retrouvons ici l’auteur du Code sacerdotal avec ses préoccupations caractéristiques, s’attardant à des détails de filiation et s’embarrassant de noms sans importance. Les sources J et E ont aussi leurs tables généalogiques (ainsi celle de Caïn, Genèse 4.1 ; Genèse 4.17-24) que P a mutilées au profit des siennes ; le ton en est différent, parce que l’auteur s’occupe plus de ses héros que de leur filiation. Comp. Genèse 4 avec Genèse 5 (P). Voir Pentateuque.

4.

Nous entrevoyons déjà les intentions des narrateurs et leur conception de l’histoire. Celle-ci leur apparaît toujours dans le cadre restreint de la vie d’une famille : du premier couple unique sont nés tous les hommes et tous les peuples. Tel groupe remonte à l’un des fils de cet ancêtre et porte son nom ; nous avons ainsi les fils de Caïn, de Sem, d’Israël, etc. Ce héros éponyme représente plutôt un clan qu’un individu, et la parenté des ancêtres préfigure la parenté des clans de même pays ou de même origine : ils sont « frères » de père et de mère, ou de père seulement, ou encore l’un des fils est né d’une femme de second rang. Ces généalogies marquent aussi le degré d’importance : le clan dominant est le « fils aîné », ou bien le plus jeune, c’est-à-dire le favori ; le « jeune frère », c’est aussi le clan en formation. L’âge des « frères » révèle le souvenir qui a persisté de l’apparition successive des groupes de la tribu. L’extension du clan par l’incorporation de nouveaux éléments est présentée sous la forme de mariages de l’ancêtre avec des femmes étrangères-Ces généalogies, d’époques différentes du reste, offrent des variantes qui ne sont pas dues aux seules vicissitudes de la transmission orale. Des bouleversements politiques ou religieux ont amené des modifications qui s’y reflètent. Les rédacteurs ne craignent pas non plus de corriger certains traits de la légende qui nuisent au prestige de l’ancêtre. Ainsi, d’après Genèse 4.18, Lémec, père de Noé, est descendant de Caïn que la postérité a réprouvé comme indigne ; d’après Genèse 5.25, il est descendant de Seth (voir ce mot).

L’intérêt pour ces généalogies est du reste beaucoup moins grand chez les narrateurs d’avant l’exil : J et E n’y attachent pas une importance exagérée et les établissent avec une réelle largeur d’esprit : Moab, Ammon, Édom sont des frères ou des cousins d’Israël. Le souci des généalogies exclusives et remontant au plus lointain passé est de la période postexilique. Israël forme alors une communauté d’élus dont le rôle exact est dressé par les tables que nous trouvons dans les livres des Chroniques, d’Esdras et de Néhémie ; ces tables constituent le livre d’or des bourgeois de la cité-église de Sion, où chaque ayant droit trouve la preuve de son affiliation à la famille d’Abraham. Elles reproduisent les listes du Pentateuque, mais considérablement développées. Nous y trouvons des répétitions : la généalogie de Caleb est donnée trois fois, celle de Juda deux fois. Ces adjonctions complètent les données plus anciennes, trop sommaires ou erronées. Le dernier rédacteur a bien osé ajouter mais non retrancher ; de là le désordre de ces documents, qui fourmillent, par surcroît, de fautes de copistes.

Ces listes reposent certainement sur une longue tradition que le Chroniqueur s’est borné à consigner : il serait injuste d’y voir, comme on l’a fait, le produit de sa seule imagination.

E. G.

5.

Dans le Nouveau Testament, le grec genealogia (de genea = origine, et logos = discours) n’apparaît que dans l’épître aux Hébreux et les Pastorales. Dans Hébreux 7.3 l’auteur fonde toute son interprétation figurative du personnage de Melchisédec (voir ce mot) sur le silence de l’Ancien Testament au sujet de ses ancêtres ; dans Hébreux 7.6, le verbe genealogeïn signifie : appartenir à une famille. Dans les généalogies condamnées par 1 Timothée 1.4 et Tite 3.9, les savants voient généralement les parentés entre ces êtres mythiques appelés éons par la philosophie gnostique, et dont elle faisait des émanations successives de la divinité ; un texte analogue de Polybe (IX, 2.1) désigne par « fables et généalogies » les légendes des naissances de demi-dieux prétendus fondateurs d’États.

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