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Jérusalem (ses murs et ses portes)

Voir Atlas 15 Le sol de Jérusalem appartient à un massif crétacé, calcaire, caverneux, perméable. Les eaux pluviales s’en vont par drainage naturel rapidement. D’où : des torrents qui « coulent à sec ». Les sources sont, en conséquence, fort rares. Il n’y en a que deux aux abords de Jérusalem : l’Ain Guihon, c’est-à-dire l’eau vive, appelée aujourd’hui Fontaine de la Vierge, source intermittente qui coule au pied des parois du Cédron ; et, 700 mètres plus au sud, l’Aïn Roguel ou Bîr Eiyoûb (puits de Job), près du confluent des trois ravins qui donnent son relief à la ville : le Hinnom, le Tyropoeon, le Cédron. Aïn Roguel est moins une source qu’une cuvette d’écoulement. Aïn Roguel veut dire « la source du passant ». C’était la fontaine où le marcheur faisait halte avant d’affronter la montée de la ville. Oasis ombragée où l’on aimait aller banqueter, et où les femmes puisaient de l’eau en bavardant. David fuyant devant Absalom (2 Samuel 17.17) y tenait des espions s’informant auprès des femmes de ce qui se passait dans la ville. Ce fut dans les bosquets d’Aïn Roguel qu’Adonija tenta d’usurper la royauté, tandis que Bath-Séba, par une habile parade, obtenait que Salomon fût sacré roi auprès d’Aïn Guihon, par le prêtre Tsadok (1 Rois 1). D’Aïn Roguel, masqué par les plis du coteau, les conjurés qui criaient : « Vive Adonija ! » entendirent les trompettes d’Aïn Guihon, et ce fut à Roguel un sauve-qui-peut.

Les sources jouaient un rôle capital dans la disposition des acropoles antiques. Il les fallait à portée. Il fallait qu’on pût y accéder à couvert. Les roitelets de Canaan se conforment à ces nécessités et se livrent à des travaux ingénieux et durs pour s’assurer l’eau en cas de siège et la dérober aux regards de l’assiégeant. Guézer, Gabaon, Méguiddo, Samarie, aussi bien que la ville de Troie, avaient ainsi conçu leur prospérité et leur défense. Tel, le roi des Jébusites avait construit son acropole appelée Sion (l’ancienne Ourousalim) sur la colline voisine de la source Guihon, reliée par un canal en puits et souterrains à la plate-forme de l’acropole.

L’acropole de Sion dominait d’environ 50 m, et son aire ne dépassait pas 4 hectares ½. Bien que bâtie sur une colline plus basse que ses voisines parce qu’elle était commandée par l’eau, Sion était réputée imprenable. C’était une crête de 300 m de long, entre le Cédron à l’est et le Tyropoeon à l’ouest ; au sud, le rocher tombait à pic dans la vallée ; au Nord, une forte dépression, sorte d’échancrure reliant le Tyropoeon au Cédron, séparait par 100 m environ l’acropole Sion du village cananéen Ophel, qui s’étageait sur les pentes de la colline septentrionale, haute et large. Ce village devait être pour l’antique Ourousalim un déversoir de population. On avait tâché de l’enceindre au mieux. Mais la situation au nord était absolument défavorable. Aussi s’explique-t-on fort bien que l’acropole jébusite étant du type qu’on appelle « éperon barré » (Déchelette), ses défenseurs aient établi à l’étranglement nord de son aire, commandant la dépression qui séparait Sion de l’Ophel, signifiant : protubérance, un bastion avancé, vraie sentinelle de garde : le Millo. Ce Millo avait pour but de « barrer » à l’assiégeant l’accès à l’acropole.

Quand David voulut prendre Sion, les Jébusites se moquèrent. Mais des espions ou des traîtres révélèrent la source. David promit de nommer prince qui monterait dans la ville par le sinnor, c’est-à-dire par le canal de la source (2 Samuel 5.8, complété par 1 Chroniques 11.6 ; cf. H. Vincent, Jérusalem Antique, pages 146-160). Joab tenta l’impossible escalade et réussit. L’acropole imprenable fut prise. Ainsi avait péri Troie, parce que Diomède et Ulysse avaient pénétré par l’aqueduc jusqu’au Palladium… , jusqu’à la statue de Minerve, protectrice de la ville. Et Sion devint la « Cité de David ». Le roi ne paraît pas avoir changé l’aspect de l’acropole ancienne, mais il en fortifia la défense en élevant les remparts, dit 2 Samuel 5.9, « tout autour, à partir de Millo »

Héritier de la gloire de David, Salomon agrandit la capitale dont son père avait fait le centre de sa puissance. Il construisit sur l’aire supérieure de la vaste colline, dont Ophel n’occupait que le flanc sud-ouest, tout un système de palais, pour lui, pour ses femmes, pour Jéhovah. Les deux collines, acropole de David et palais de Salomon, furent encerclées par un même rempart qui englobait une partie de l’Ophel, et constituèrent ensemble la ville royale. Il ne restait plus qu’une chose gênante : la dépression entre les deux collines avec la forteresse de Millo qui se dressait au nord de l’acropole pour la défendre.

Il est d’un usage constant de transformer en esplanades les remparts et les forts désaffectés. C’est précisément ce que fit Salomon pour Millo. 1 Rois 9.15 nous apprend, en effet, que Salomon leva des hommes de corvée pour « fermer la brèche » de Millo, dit le texte hébreu, pour « achever de fermer le rempart », dit le texte grec, pour « égaliser la muraille », dit le texte latin. Ces diverses mentions nous permettent de nous représenter que Salomon, étendant les remparts et liant Sion à la terrasse de ses palais, entreprit la transformation du fort de Millo désormais inutile comme bastion, puisque le col était englobé dans les murs, et se servit de ses matériaux pour égaliser la terrasse, la façonner en une esplanade à gradins et créer ainsi une sorte de large pont reliant les deux plateaux en un système de construction unique et harmonieux. Les archéologues qui pensent que le Millo fut construit par Salomon paraissent ne pas attacher une valeur suffisante à la mention précise de 2 Samuel 5.9. Ou bien il faut renoncer à voir en Millo une forteresse, comme l’a toujours envisagé la tradition, suivant en cela les indications données par Juges 9.6 ; Juges 9.46, ou bien l’on ne peut attribuer la construction de Millo à Salomon, car le fils de David s’est occupé, au contraire, de faire disparaître toute bâtisse de cet emplacement et de le terrasser pour relier Sion à la ville où il élevait ses palais et son Temple. La preuve que le mot « construire » doit être pris au sens large dans 1 Rois 9.15, c’est que Hatsor, Méguiddo et Guézer existaient déjà. Il s’agissait pour ces localités, comme pour Millo, non de créer, mais de transformer. C’est par le Millo transformé en terrasse que la fille de Pharaon montait de la cité de David au palais que Salomon avait fait construire pour elle (1 Rois 9.24).

Entre temps, Jérusalem, devenue la capitale d’un vrai royaume et la métropole religieuse d’Israël, avait vu affluer la population auprès du palais et du sanctuaire. La colline ouest, que l’on a prise longtemps pour la Cité de David, s’était peuplée jusqu’à l’extrémité méridionale de l’ancienne forteresse jébusite. On a retrouvé au sud de Sion, soudé aux vieux remparts, un reste d’enceinte très fortement établi tout près du confluent du Cédron et du Hinnom, et qui se dirige vers l’ouest ; nous avons là, fort probablement, un point de départ de la première enceinte du temps des rois : peut-être remonte-t-elle jusqu’à Salomon. L’hypothèse paraît en tout cas plus vraisemblable que celle d’après laquelle Salomon se serait contenté d’entourer les éminences de la ville haute entre la Tour des Fours, la Porte de la Vallée et le Millo. L’antiquité de cette enceinte est appuyée par la présence d’un bassin très ancien, le Birket el-Hamra, alimenté par la source de Guihon au moyen d’un aqueduc extérieur à flanc de coteau (le réservoir de Siloé ou Étang du Roi), situé au sud de l’Acropole de David, hors les murs. Il est certain que lorsque ce réservoir fut bâti on l’enferma dans le rempart. Or le système de construction, réservoir et fragments de murailles, appartient à la plus ancienne période royale. Plus tard Ézéchias, en vue de couper l’eau aux assiégeants de Jérusalem, fit creuser dans le rocher de Sion un tunnel de 535 m pour alimenter le réservoir par l’intérieur des remparts et mettre la source à couvert. Au nord, le mur de cette première enceinte dut suivre le ravin qui allait de la Tour des Fours au Tyropoeon et se souder à la terrasse du Palais de Salomon. Ce tracé est indiqué par le besoin de la défense. Jérusalem était très vulnérable du côté nord ; ce fut toujours par là que les ennemis d’Israël tentèrent l’assaut et ce fut par là que Titus s’empara de la ville. Comme le ravin n’était pas très profond, le mur qui le surplombait dut avoir des proportions massives et s’étendre large et haut.

L’afflux croissant de la population et les vicissitudes de la capitale, à laquelle la guerre ne laissait point de repos, obligèrent les rois à remanier sans cesse le rempart, à l’élargir, à le fortifier. Ceux qui paraissent y avoir apporté le plus de soins sont : Ozias, Jotham, Ézéchias et Manassé. Joas, roi d’Israël de 798 à 782, quand il s’empara de Jérusalem, fit à son rempart nord ne brèche de 400 coudées (210 m) entre la Porte de l’Angle et la Porte d’Éphraïm (2 Rois 14.13). Ozias s’empressa de fermer la brèche, d’en renforcer les murs (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, IX, 10.3) et de protéger par des tours la Porte de l’Angle et les autres points vulnérables (2 Chroniques 26.9). Jotham, son fils, continua ses constructions sur différents points des remparts (2 Chroniques 27.3) ; Ézéchias fut aussi un bâtisseur et paraît s’être attaché surtout aux travaux relatifs à l’enceinte orientale (2 Chroniques 32.5 ; 2 Chroniques 32.30) ; toutefois ce ne fut que Manassé, durant son long règne, qui acheva d’enfermer dans les murs l’Ophel, où s’étaient développés les services de la cour royale et du Temple (2 Chroniques 33.14). De ces divers travaux sortit tout un système de fortifications nouvelles, qui, sans peut-être toucher beaucoup à la partie méridionale et occidentale de la première enceinte, laquelle était commandée par la conformation du terrain et épousait plus ou moins le contour de la vallée du Hinnom, augmenta les moyens de défense de l’escarpe ancienne, d’ailleurs immuable du côté de l’orient le long des crêtes dominant le Cédron, et porta au nord les murs de la ville, fort avant. Cet avancement était rendu nécessaire par le fait que la ville, qui faisait corps avec la terrasse du Temple, n’avait pu se développer que vers le septentrion. Ce nouveau rempart paraît s’être déployé en forme irrégulière vers le nord-est depuis la Tour des Fours jusqu’au Bastion Bira, appelé probablement alors Hananéel (la Baris de Josèphe, sur l’emplacement de laquelle Hérode éleva plus tard la Citadelle Antonia), au nord-ouest de la terrasse du Temple, qu’il rejoignit à son angle oriental à la Porte des Brebis. Le détail de ce tracé est encore tout à fait incertain. Il semble que Jérémie 31.38 en justifie la grande ligne lorsqu’il parle de la ville qui sera rebâtie « depuis la Tour de Hananéel jusqu’à la Porte de l’Angle ». La préoccupation de quelques archéologues de maintenir le Saint-Sépulcre traditionnel en dehors des murs, conformément aux textes du Nouveau Testament, pourrait bien enlever à certains tracés modernes un peu de l’objectivité nécessaire en pareille matière. D’autre part l’hypothèse qui veut que la deuxième enceinte ait coïncidé avec le mur actuel, du moins jusqu’à la Porte des Poissons et un peu au delà, manque d’appui.

Ce fut la deuxième enceinte, celle d’Ézéchias et de Manassé, que restaura Néhémie après l’Exil. Nous lui devons la description des murs et des portes de l’ancienne Jérusalem (cf. Néhémie 2.13-15 ; Néhémie 3.1-32 ; Néhémie 12.31 ; Néhémie 12.40). Malheureusement les points qu’il touche avec le plus de précision sont aussi ceux sur lesquels nous avons le moins d’hésitation. Cependant ses indications sont suffisamment nettes, et le récit de la réparation des murs (Néhémie 3) y concorde assez bien avec celui de la marche du cortège (Néhémie 12) — sauf peut-être sur le cas de la Porte de la Prison et de la Porte des Eaux — pour que nous puissions nous représenter la Jérusalem antique avec ses principaux points de repère et ses portes.

Deux chœurs fêtant la dédicace des murs et des portes relevés par Néhémie, se séparent sur le rempart pour le suivre en sens inverse et se retrouver sur la terrasse du Temple. Ils partent du point le plus éloigné de cette terrasse, soit, selon toute vraisemblance, de l’antique Porte de la Vallée, qui doit à ce fait de ne pas être nommée. Le cortège de droite, conduit par Esdras, se dirige vers l’orient ; il rencontre, à 1 000 coudées (525 m) de là, la Porte du Fumier au sud-est de la colline occidentale (la Porte Sterquiline, Néhémie 2.13 ; Néhémie 3.14 ; Néhémie 12.31 ; appelée par Josèphe la Porte des Esséniens) ; puis il arrive à la Porte de la Fontaine ou Source (Néhémie 2.14 ; Néhémie 3.15 ; Néhémie 12.37) non loin du réservoir de Siloé et des sépulcres de David, la nécropole royale (Néhémie 3.16), monte les degrés de la Cité de David (Néhémie 12.37) et arrive à la Porte des Eaux (Néhémie 3.26 ; Néhémie 8.1 ; Néhémie 8.3 ; Néhémie 8.16) qui bordait la place où avait eu lieu devant tout le peuple la lecture du Livre de la Loi. Là, sur le terre-plein de l’Ophel, le premier cortège rejoint les degrés bâtis par Salomon pour accéder à la terrasse du Temple. À l’angle sud-est de cette terrasse se trouvait la Porte des Chevaux (Jérémie 31.40 ; Néhémie 3.28 ; 2 Chroniques 23.15), ainsi nommée parce qu’elle servait sans doute d’entrée aux chevaux du palais royal, à l’endroit où la tradition place les écuries de Salomon. Le cortège de gauche, dont Néhémie en personne ferme la marche, se dirige de la Porte de la Vallée vers le nord, arrive au-dessus de la Tour des Fours (Néhémie 3.11 ; Néhémie 12.38), passe sans s’arrêter la muraille large, sans doute ce qui restait du rempart massif de l’enceinte renforcée qu’Ozias avait bâti au Nord, depuis la Porte de l’Angle, pour réparer la brèche faite par l’ennemi de son père, le roi Joas, d’Israël (2 Rois 14.13, cf. 2 Chroniques 25.23 ; 2 Chroniques 26.9 ; Jérémie 31.38 ; Zacharie 14.10). Néhémie ne mentionne pas la Porte de l’Angle, qui a été de tout temps une des principales portes de Jérusalem (aujourd’hui Porte de Jaffa), parce qu’elle était probablement restée debout, ainsi qu’une partie de la forte muraille construite par Ozias entre la Tour des Fours et la Porte de la Vieille Cité ; il n’y avait donc pas lieu de faire sur ce parcours des cérémonies de dédicace. Après l’avoir franchie, le cortège infléchit vers l’est et arrive à la Porte de la Vieille Cité, laquelle semble avoir été appelée aussi Porte d’Éphraïm (la Porte d’Éphraïm de la première enceinte avait été portée plus loin vers le nord, lors de l’érection de la deuxième enceinte, et on devait l’appeler pour cela, quand on la désignait dans la nouvelle enceinte, tantôt Porte d’Éphraïm (Néhémie 8.16), tantôt Porte de la Vieille Cité, ou Vieille Porte (Néhémie 3.6). C’est auprès de cette porte que se trouvait la vaste place où les Juifs, de retour de la captivité, célébrèrent pour la première fois la fête des Tabernacles. Il est certain qu’il y a ici dans nos textes actuels « quelque malentendu ou quelque confusion topographique » (Weill). En effet Néhémie ne nomme dans le chapitre 3 qu’une porte, la Vieille Porte, entre la Porte des Poissons et l’ensemble des constructions qui se rattachaient à la muraille large et à la Tour des Fours, contre laquelle se trouvait la Porte de l’Angle. Or, 2 Chroniques 25.23 nous dit qu’il y avait 210 m entre la Porte de l’Angle et la Porte d’Éphraïm. C’est exactement la distance qui sépare la Porte de l’Angle de l’endroit où devait s’élever la Porte de la Vieille Cité. Tout ceci nous amène à penser que dans le texte primitif de Néhémie 12.19 les termes Porte d’Éphraïm et Vieille Porte étaient une apposition et désignaient la même ouverture. Poursuivant sa marche, le deuxième cortège aboutit à la Porte des Poissons dans la vallée du Tyropoeon (2 Chroniques 33.14 ; Néhémie 3.3 ; Néhémie 12.39 ; Sophonie 1.10), atteint les Tours Hananéel et Méa (Néhémie 3.1 ; Néhémie 12.39 ; Jérémie 31.38 ; Zacharie 14.10), tourne vers le sud jusqu’à la Porte des Brebis (Néhémie 3.1-31 ; Néhémie 12.39, cf. Jean 5) et entre sur la terrasse du Temple (Néhémie 12.39) par la Porte de la Prison ou de la Garde (LXX) appelée dans 3.31 Saar Hammiphkad (cf. Ézéchiel 43.21) = Porte du Lieu Réservé ou Séparé (LXX, Vulgate ; comparez français cachot). On a voulu identifier (Legendre) cette Porte Miphkad, sous le nom de Porte Judiciaire, avec la Porte Dorée actuelle (laquelle s’appelait Porte Sousan au temps d’Hérode, et, selon la tradition, livra passage à Jésus le jour des Rameaux : Marc 11.11 ; c’est à cause de ce souvenir que les musulmans l’ont murée) ; mais il est beaucoup plus probable que la Porte Dorée portait alors le nom de Porte de l’Orient, laquelle est distinguée de la Porte Miphkad dans Néhémie 3.29-31. Celle-ci d’ailleurs paraît avoir été une porte des bâtiments du Temple ouvrant à l’intérieur sur la terrasse, et non pas une porte des remparts extérieurs, puisque Malkija, d’après le texte, réparait les murs de l’enceinte « vis-à-vis » de cette porte (Néhémie 3.31). Ce qu’il y a de certain, c’est que c’est par la Porte Miphkad que le deuxième cortège, venu du nord, entra sur la terrasse du Temple, où il rejoignit le premier cortège qui y était entré par le sud.

Les autres portes, dont le texte de Néhémie ne fait pas mention, sont : la Porte « entre les deux murs » (2 Rois 25.4 ; Jérémie 39.4 ; Jérémie 52.7), probablement la même que la Porte de la Fontaine ou bien quelque poterne servant d’issue au chemin qui suivait le creux du Tyropoeon, à l’ouest des réservoirs de Siloé ; les portes désignées par les qualificatifs de « Première » (Zacharie 14.10), « du Milieu » (Jérémie 39.3), « des Tessons » ou « de la Poterie » (Jérémie 19.2), que l’on considère comme devant être identifiées avec telle ou telle des précédentes (voir Harsith) ; enfin la Porte de Benjamin, ou Porte « Supérieure », que Jotham avait fait bâtir au nord de la terrasse du Temple (2 Rois 15.35, cf. 2 Chroniques 27.3) et près de laquelle était la prison dans laquelle Pasur enferma Jérémie (Jérémie 20.2). Le fait qu’une prison se trouvait au nord de la terrasse du Temple confirme l’hypothèse, émise plus haut, relativement à la Porte Miphkad. Quand Néhémie rebâtit les murs, la Porte de Benjamin, comme la Porte Miphkad, devait être à l’intérieur de l’enceinte (Ézéchiel 8.3 ; Ézéchiel 8.14 ; Ézéchiel 9.2). Elle devait pourtant se trouver très près d’une sortie des murs, puisque lorsque Jérémie la franchit, voulant sortir de Jérusalem, le commandant de la garde le soupçonna de passer aux Caldéens (Jérémie 37.12). Nous ne croyons cependant pas qu’il soit nécessaire de considérer qu’il y eut deux Portes de Benjamin, dont une porte extérieure qui n’est nulle part ailleurs mentionnée (Zacharie 14, où l’on retrouve ce nom, est une vision apocalyptique, non une description géographique) et qui aurait dû être fort voisine de la Porte des Brebis.

À l’époque de Jésus, Jérusalem, embellie et fortement hellénisée par Hérode le Grand (37 à 4 avant Jésus-Christ) — qui y avait bâti, outre le Temple magnifique, lui-même hellénisé par ses colonnes corinthiennes au sud du Parvis, un théâtre qui enorgueillissait et scandalisait les Juifs, un palais aux nombreuses colonnades situé à l’angle nord-ouest de la ville haute contre la Tour Hippicus (anciennement Tour des Fours), un xyste pour les exercices de gymnastique, un hippodrome extra muros, etc., — avait vu sa population s’accroître constamment, sinon en qualité du moins en quantité ; et c’était toujours vers le nord ue la configuration du terrain poussait l’afflux des constructions. Les matériaux des murs qui restaient à l’intérieur de la ville durent être employés aux bâtiments d’Hérode et, avant lui, à ceux des Hasmonéens. Quant aux murs nord de la ville haute, ils furent entièrement débordés et la terrasse du Temple dépassée par deux faubourgs : l’un à gauche du Tyropoeon, au nord-ouest, portait sur sa pente douce de nombreuses villas, d’où le nom de Porte des Jardins donné à l’ancienne Porte de l’Angle ; l’autre, au nord de la terrasse du Temple, auquel on a donné le nom générique de Bézétha = partie, quartier. La ville était ainsi presque à moitié hors des murs. On en a conclu qu’Hérode le Grand avait fait bâtir une troisième enceinte, enfermant tout au moins le faubourg de gauche, de la Porte des Jardins à la Citadelle Antonia. Mais il semble bien que tout ce qui concerne l’extension des murs doive être laissé à Hérode Agrippa Ier (37 à 44 après Jésus-Christ) et qu’Hérode le Grand n’ait apporté des modifications qu’à l’enceinte du Temple, dont il étendit vers le nord a terrasse pour la porter jusqu’à la Citadelle Antonia qu’il venait de bâtir.

Après la mort de Jésus-Christ, Agrippa Ier fit la troisième enceinte qui correspondait à peu près aux murs nord ctuels de Jérusalem. Cette enceinte formidable comptait, dit-on, 90 tours, dont la plus colossale, située au point le plus élevé de la ville, était le Psephinus, dressé à l’angle nord-ouest des nouveaux remparts, tour si haute qu’on pouvait, assure Josèphe, contempler de son sommet toute la Judée depuis l’Arabie jusqu’à la Méditerranée. Il paraît que l’ampleur de ces fortifications inquiéta les Romains, et qu’Agrippa, par prudence, interrompit les travaux ; on ne les reprit que plus tard, dans des proportions modestes, ce qui facilita à Titus la prise de Jérusalem (70 après Jésus-Christ).

Avec Titus disparut la Jérusalem de la Bible. Nous n’avons pas à parler ici de sa résurrection comme ville romaine sous Adrien (117 à 138), ni à fixer ce qu’en furent les anciens remparts aux temps byzantins et arabes. Notons seulement qu’au cours de cette histoire Jérusalem abandonna ses collines méridionales et, dans cette régression vers le nord, délaissa complètement toute l’acropole cananéenne, l’antique Durousalim qui était devenue la Cité de David. En sorte que le pèlerin qui visite la ville sainte, et qui s’émeut à la vue de ses murailles, y chercherait en vain la primitive Sion. Celle-ci fait aujourd’hui l’objet de fouilles patientes qui préparent un nouveau chapitre à l’histoire des murs et des portes de Jérusalem.

Alexandre Westphal

Voir figure 116 à 129, et pl. VII pour les plans de Jérusalem.

Bibliographie

  • Les ouvrages de Flavius Josèphe ;
  • G. Dalman, Itinéraires de Jésus, traduction 1930.
  • G.-A. Smith, Jérusalem, 2 volumes, London 1907.
  • H. Vincent, Jérusalem Antique, tome I, fascic. I 1912.
  • R. Weill, La Cité de David, 1920.

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