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Cette ville, qu’il ne faut pas confondre avec Antioche de Pisidie (voir ci-dessus), fut comme elle fondée par Séleucus Nicator (312-280), grand constructeur, ancien général d’Alexandre le Grand, maître de la Syrie après la bataille d’Ipsus. Il l’appela d’après le nom de son père Antiochus. L’emplacement avait été choisi avec une remarquable compréhension de l’avenir et un sens exact des réalités : la ville s’éleva sur les bords de l’Oronte, à environ 15 km de la Méditerranée ; le fleuve la reliait au magnifique port de Séleucie (appelée du nom de Séleucus). Placée au carrefour des routes des caravanes de l’Orient, en relation avec Babylone, la Perse et l’Inde, Antioche était aussi, par son port, en contact continuel avec le bassin occidental de la Méditerranée. Elle prit ainsi la succession de la grande métropole commerciale qu’avait été Tyr dans les siècles passés.
Séleucus commença à peupler sa capitale en y attirant des milliers de Juifs, auxquels il accorda les mêmes droits civiques qu’aux autres citoyens.
Son successeur, Antiochus Sôter (280-261), assainit la cité par de remarquables canalisations d’eau. Il voulut surtout faire de sa capitale un centre intellectuel, y attira les savants et créa une bibliothèque. Les guerres qui mirent aux prises les rois d’Égypte et de Syrie, et dont il est question dans Daniel 11, ne causèrent pas de dommages à la ville. Séleucie fut seulement le siège d’une garnison égyptienne pendant quelques années.
Le roi Séleucus Callinicus (246-226), auquel le sort des armes avait été contraire, embellit sa capitale, l’agrandit, fit jeter cinq ponts sur l’Oronte et bâtir un nouveau quartier dont toutes les rues se coupaient à angle droit. Des arcs de triomphe s’élevèrent aux carrefours et un canal gigantesque fut creusé dans le rocher, dont une partie formait un tunnel.
Antiochus III « le Grand » (223-187) libéra Séleucie de la domination étrangère. Un de ses successeurs, Antiochus Épiphane (174-164), passionné pour la culture hellénique, voulut faire d’Antioche le plus grand centre artistique du monde. Il fit construire un immense palais pour le Sénat, un temple à Jupiter Capitolin, de nouveaux quartiers, et fit traverser la ville d’est en ouest par une célèbre promenade couverte de 6 km de long, avec des décorations de jardins et de massifs de fleurs.
En 83, le roi d’Arménie Tigrane devint maître de la Syrie. En 65, Pompée rangea l’ancien royaume des Séleucides sous le sceptre de la puissance romaine. Antioche devint siège de préfecture, capitale de la province de Syrie. Les Romains firent élever de nouveaux et magnifiques édifices et entourèrent la ville de colossales fortifications longues de 10 km ; quelques ruines respectées par les tremblements de terre en subsistent encore.
Au Ier siècle de l’ère chrétienne, la ville comptait plus de 500 000 habitants. Elle était tenue pour la plus importante des cités orientales. On l’appelait la reine du Levant ou Antioche la Belle. Derrière cette brillante façade et cette civilisation qui semblait parvenue à un si haut degré de perfection, se cachait une dépravation morale dont l’histoire offre peu d’exemples. Les habitants se complaisaient dans les dérèglements, la débauche. La ville était le lieu de rencontre de tous les charlatans, sorciers, thaumaturges, si nombreux dans tout l’Orient. Les mœurs étaient célèbres pour l’impureté perverse dont ils étaient comme le symbole. C’était dans la banlieue de la ville (à 5 km) que le bois de Daphné offrait ses lieux de plaisir où s’étalaient de si abominables orgies que tout soldat romain qui y était rencontré était frappé de dégradation militaire. La « moralité de Daphné » était devenue proverbiale. Et lorsque le poète Juvénal voulut flétrir la décadence des vertus romaines, il écrivit que « l’Oronte s’était jeté dans le Tibre ».
Ce fut dans cette cité que plusieurs chrétiens vinrent se réfugier, chassés par la persécution dont la mort d’Étienne était le signal (Actes 11.19). Leur témoignage eut pour effet la fondation d’une Église. Barnabas fut envoyé de Jérusalem pour l’organiser. Il demanda l’aide de Saul de Tarse. Bientôt une communauté vivante fut constituée. C’est à Antioche que pour la première fois les disciples de Jésus furent nommés « chrétiens » (Actes 11.26). Ce fut d’Antioche aussi que partirent les premiers « missionnaires » en pays étranger : Paul et Barnabas y furent consacrés pour cette tâche et s’embarquèrent à Séleucie pour leur premier voyage d’évangélisation en terre païenne (Actes 13.1-4). Aux deux voyages suivants, Paul partit par la voie de terre, en suivant la grande route vers Tarse et l’Occident (Actes 15.40 ; Actes 18.23 et suivants). Les débuts de l’Église furent attristés par les divisions intestines entre les deux partis pagano-chrétien et judéo-chrétien, dont la rivalité joua un rôle important dans l’Église primitive. Au cours d’une discussion à ce sujet, Paul reprit Pierre en face, l’accusant d’hypocrisie (Galates 2.11 ; Galates 2.21, cf. Actes 11.27-30 ; Actes 15.1-22).
Lorsque l’empereur romain Titus se fut emparé de Jérusalem (70) et eut rasé la ville, Antioche devint le centre de la chrétienté. L’évêque Ignace y fut torturé et emmené à Rome, où on le mit à mort (115 ?). Plus tard l’illustre Jean Chrysostome devait y être évêque.
Antioche était la capitale religieuse de l’Église orientale primitive. Son patriarche avait la priorité sur ceux de Constantinople, Jérusalem et Alexandrie. Il semble que les premiers hymnologues chrétiens aient paru à Antioche. L’historien Socrate prétend que les premiers hymnes antiphoniques y ont été chantés. De 252 à 380 dix conciles s’y sont réunis. En 260, le roi perse Sapor l’arracha aux Romains. En 338, Chosroès l’incendia. Restaurée par Justinien, elle tomba en 635 au pouvoir des Sarrasins, et les Turcs s’en emparèrent en 1084. Les premiers Croisés la reprirent après un siège célèbre en 1098. En 1263 les Turcs la reconquirent. Les sièges successifs et de terribles tremblements de terre achevèrent de la ruiner.
Aujourd’hui, Antâktyé, petite ville arabe (figure 10), où une mission chrétienne est à l’œuvre.
R. D.
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