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Le premier des douze « petits prophètes ». L’une des plus grandes personnalités de l’Ancien Testament. Il a fait jaillir dans le monde des âmes une source d’eau vive que rien, par la suite, n’a pu tarir.
Nous avons sur elle un petit nombre de renseignements précis. Il était fils d’un nommé Bééri (Osée 11), et sa femme s’appelait Gomer, fille (c’est-à-dire probablement originaire) de Diblaïm (Osée 13). Conformément à une habitude chère aux prophètes, il avait appelé ses enfants de noms symboliques (Osée 1.5 ; Osée 1.6 ; Osée 1.9) par lesquels s’exprimait son profond pessimisme en présence de la situation morale et politique de la nation où il vivait : Jizréel (écho lointain et sévère du massacre par lequel Jéhu avait exterminé la famille d’Achab, 2 Rois 9 et 2 Rois 10) ; Lo-Ruhama (celle dont on n’a pas pitié) ; Lo-Ammi (pas mon peuple). D’autre part, Osée 2.1 paraît signifier que le ménage du prophète fut troublé par des événements douloureux (voir plus bas, paragraphe 3).
Quelques indications plus générales sur la personnalité d’Osée ressortent d’une étude attentive de son livre. Comme Amos, il prophétise dans le royaume du Nord, mais, à la différence de son prédécesseur, qui était venu des montagnes de Juda, il appartient, lui, selon toute vraisemblance, au terroir d’Israël. Il cite en effet uniquement des localités ressortissant au royaume des Dix Tribus, et les spécialistes croient pouvoir reconnaître chez lui quelques formes particulières à l’hébreu septentrional. On est en droit aussi d’affirmer avec certitude qu’il est un rural. Il parle des « villes » d’une manière abstraite et dédaigneuse (Osée 8.14 ; Osée 13.10) et de la vie des champs, au contraire, avec une compréhension et une poésie qui font penser aux paraboles de l’Évangile. Il connaît le monde des plantes (Osée 2.15 ; Osée 9.10 ; Osée 10.1 ; Osée 10.4) et les labeurs de la culture et de la moisson (Osée 10.11 ; Osée 10.12) ; il est familier avec le travail des bêtes domestiques (Osée 10.11 ; Osée 11.4) et avec le vol des oiseaux (Osée 7 ; Osée 8.1) ; il a vu les animaux sauvages et la menace qu’ils font peser sur les habitants de la campagne (Osée 5.14 ; Osée 13.7 et suivant). Enfin et surtout, comme tout bon citoyen des champs, il est sensible à la rosée (Osée 6.4), à la pluie fécondante (Osée 6.3), au vent d’Orient qui dessèche toutes choses (Osée 13.5). Déjà là se marque la qualité de son âme sensible et vibrante.
On a soutenu qu’il appartenait à une famille sacerdotale. Mais sa sévérité à l’égard des prêtres rend cette hypothèse peu probable. Par contre il n’y a pas lieu de douter qu’il ait porté officiellement (à la différence d’Amos) le nom de prophète (Osée 9.7). Mais il a condamné le prophétisme vulgaire avec la même force que le sacerdotalisme (Osée 4.5) et les noms qu’il a donnés à ses enfants semblent bien montrer que, dès le début, il s’est distingué des bandes de prophètes courtisans qui gagnaient leur vie à prophétiser le bonheur. En tout cas, la passion qui anime ses oracles, la souffrance qu’ils expriment, la puissance spirituelle qui s’en dégage prouvent que dans l’âme de ce prophète « de profession » habitait une admirable « vocation ».
La suscription du livre mentionne, comme contemporains du prophète, Ozias, Achaz, Ézéchias, rois de Juda, et Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël (Osée 11). Comme toute l’activité d’Osée a eu pour théâtre le royaume du Nord, il est normal de penser que les noms des rois de Juda sont ici adventices, ajoutés par un copiste de bonne volonté à l’usage des lecteurs Judéens du livre, à une époque postérieure. Quant au Jéroboam fils de Joas, roi d’Israël, que la suscription cite in fine, c’est le personnage connu dans l’histoire sous le nom de Jéroboam II le dernier grand roi des Dix Tribus, dont le gouvernement fut marqué par des succès politiques et un essor économique remarquables, et qui mourut, après un règne de 40 ans, en 744. Il semble d’ailleurs probable que les mots : « au temps de Jéroboam » ne concernent que le contenu des chapitres 1-3 d’Osée, lesquels alors seraient de peu antérieurs à 744.
Les chapitres 4-14, par contre, se révèlent comme étant en pleine harmonie avec la période excessivement troublée qui s’ouvre pour Israël avec l’assassinat, après six mois seulement de règne, de Zacharie, fils de Jéroboam II À ce moment, les facteurs extérieurs viennent se joindre aux dissensions intestines pour affaiblir le royaume un moment si prospère. C’était l’affaiblissement de la puissance assyrienne qui avait valu aux petites nations de l’Asie Antérieure quelques années de tranquillité. Mais l’avènement de l’énergique Tiglath-Piléser III (745-727) rend à la grande puissance mésopotamienne sa vigueur combative. Et pendant ce temps, à Samarie, les révolutions de palais se succèdent. Challoum, meurtrier et successeur de Zacharie, ne règne qu’un mois. Il est remplacé par Ménahem, qui garde le pouvoir 10 ans mais est obligé de verser un lourd tribut au roi d’Assyrie triomphant. Pékahia, son fils, au bout de 2 ans, est victime d’une nouvelle conspiration qui met sur le trône Pékah, fils de Rémalia. Celui-ci a la désastreuse idée d’entreprendre (735) de concert avec Retsin, de Damas, une guerre fratricide contre le royaume de Juda. Appelé au secours par les Jérusalémites affolés, Tiglath-Piléser, se hâte de profiter de l’occasion, et il enlève au royaume d’Israël une bonne partie de son territoire, emmenant les habitants en captivité. Ceci n’est du reste qu’une préface à des événements plus graves. Pékah, assassiné par les partisans de la soumission à l’Assyrie, est remplacé par Osée, fils d’Ela, qui paie d’abord fidèlement tribut aux vainqueurs, mais qui ne sait pas résister aux intrigues politiques provoquées dans toute la région par la mort de Tiglath-Piléser, et qui attire ainsi sur son pays une nouvelle attaque assyrienne, dont l’aboutissement sera, en 722, sous Sargon, la chute définitive de Samarie (2 Rois 15 et 2 Rois 17).
Il est impossible de savoir si Osée le prophète a connu ces heures sinistres de l’effondrement de son peuple., Les oracles que nous avons de lui n’en parlent pas. Mais tout au long des derniers chapitres de son livre on sent venir la catastrophe. Et l’on ne pourrait rien comprendre aux sombres prophéties qui remplissent ces pages si l’on ignorait les troubles que traversait Israël à l’époque où elles furent écrites.
Comme nous l’avons constaté précédemment (paragraphe 2), le livre qui porte le nom d’Osée est composé de deux parties distinctes : d’un côté les chapitres 1-3, sans doute antérieurs à 744 ; et de l’autre les chapitres 4-14, s’échelonnant sur les années 743-725 environ.
Les chapitres 1-3 posent un des problèmes critiques les plus délicats de l’Ancien Testament. L’histoire de cette « femme de prostitution » que le prophète épouse sur l’ordre de Yahvé, qu’il chasse ensuite à cause de son inconduite, mais à qui finalement, après un temps d’épreuve, il pardonne, la réinstallant dans ses prérogatives d’épouse et de mère, cette histoire reproduit-elle des faits réels qui auraient eu pour théâtre le ménage d’Osée, ou n’est-elle qu’une allégorie destinée à présenter sous un jour saisissant l’infidélité d’Israël ? Luther défendait la première interprétation, Calvin soutenait la seconde, et les avis ont été longtemps très partagés sur ce point. Il semblait cependant que, sous l’influence de Wellhausen notamment, la théorie allégorique était de plus en plus abandonnée et que l’unanimité était sur le point de se faire sur la réalité des événements relatés dans ces trois chapitres, lorsque des études récentes ont de nouveau tout remis en question. Après avoir critiqué vigoureusement (dans son Introduction) l’interprétation allégorique, le professeur Lucien Gautier ne craignait pas d’avouer, sur la fin de sa vie, que de graves hésitations lui étaient venues à ce sujet.
Peut-être cependant la difficulté d’interprétation que mettent en lumière ces oscillations de la recherche historique n’est-elle qu’apparente, et destinée à s’évanouir si, avec le professeur Paul Humbert, une distinction nécessaire est établie entre le chapitre 1er, qui mentionne des faits réels, de l’ordre biographique, et les chapitres 2-3, qui contiennent des exhortations de forme allégorique. La plupart des difficultés des deux opinions contraires disparaissent dès l’instant qu’une telle distinction est adoptée. Ainsi les « allégoristes » avaient toujours échoué à expliquer le fait que le nom de la femme d’Osée dans 13 n’avait aucune signification symbolique ; mais cette objection n’a plus de force si nous admettons le caractère autobiographique du chapitre 1er. Inversement, les « réalistes » étaient impuissants à expliquer, dans les chapitres 2 et 3, la coexistence de deux histoires de femme infidèle, analogues dans leur contexture générale, mais historiquement difficiles à concilier ; cette difficulté n’existe plus dès que les chapitres en question sont considérés comme allégoriques ; parlant à l’âme de son peuple, le prophète utilise sous deux formes différentes le même thème de la femme infidèle à la fois punie et aimée.
La répartition des chapitres 1-3 d’Osée entre deux éléments, l’un autobiographique, l’autre symbolique, nous paraît donc s’imposer. Mais il y aurait, d’autre part, exagération certaine à pousser cette distinction jusqu’à la séparation absolue, et à isoler complètement l’un de l’autre ces deux éléments qui, si distincts qu’ils soient, demeurent solidaires. Littérairement parlant il n’y a pas, entre eux, solution de continuité : le prophète commence par parler de lui-même et de sa famille ; puis, par un mouvement de pensée qui n’est peut-être pas très conforme aux exigences de notre logique, mais qui semble assez dans la ligne du génie oriental, il en vient à adresser un appel véhément à la conscience et au cœur de son peuple. Insensiblement l’autobiographie a coulé en allégorie. Au point de vue spirituel aussi les liens sont étroits entre le chapitre 1er et ce qui le suit. N’est-ce pas le fait autobiographique discrètement mentionné dans 12 qui explique, au moins en grande partie, les magnifiques allégories des chapitres 2 et 3 ? S’il n’avait pas souffert par sa femme, Osée aurait-il compris si profondément les sentiments de Yahvé souffrant par son peuple ? S’il n’avait pas éprouvé une telle indignation contre l’épouse infidèle, aurait-il su mettre des accents si pathétiques dans la bouche de Yahvé trompé par la nation infidèle ? S’il n’avait pas aimé Gomer d’un amour espérant contre toute espérance, aurait-il pu parler d’une manière si émouvante des perspectives d’un retour d’Israël à son Dieu ? « On ne peut pas supposer que tout le contenu de ces chapitres soit une étude abstraite de psychologie des émotions. C’est une expérience humaine actuelle qui donne à Osée la clef de la vérité divine » (Cheyne).
Dans le séculaire débat qui a pour objet la signification du début du livre d’Osée, nous en venons par conséquent à adopter une position synthétique : dans l’esprit du prophète, c’est l’allégorie qui est l’essentiel. Il n’écrit pas pour se raconter lui-même, mais pour accomplir son ministère de prophète en parlant à son peuple. Mais il s’appuie pour cela sur des faits personnels, qu’il indique avec une extrême sobriété. Les deux éléments biographique et symbolique se complètent et s’éclairent mutuellement : les merveilleuses pensées des chapitres 2 et 3 ont leurs racines dans les faits rappelés au chapitre 1er ; et à son tour, l’étrange affirmation de 12, qui nous montre l’Éternel ordonnant à son serviteur de prendre une femme de prostitution, s’illumine si nous nous rendons compte qu’aux yeux du prophète ébloui, une série d’événements qui lui a apporté de si hautes révélations divines ne peut qu’avoir été voulue de Dieu entièrement et dès ses tout premiers débuts (La lecture des chapitres 1-3 est grandement facilitée si l’on retranche quelques passages visiblement interpolés comme Osée 1.7 ; Osée 2.1-3 et peut-être Osée 2.21 et suivant. Quant à Osée 2.8 et suivant, sa place normale est à la suite de Osée 2.15).
La seconde partie du livre d’Osée (chapitres 4-14) est toute différente de la première. Ce n’est plus un récit s’achevant en une allégorie prestigieuse ; c’est une série de courts oracles qui se succèdent le plus souvent sans lien, et dont l’aspect entrecoupé correspond bien à la période troublée qui les a vus naître et à la nature passionnée du prophète qui les a prononcés. Les invectives les plus sévères voisinent avec les effusions les plus tendres. Et les efforts tentés pour retrouver dans ce chaos un plan n’ont abouti qu’à des résultats tout à fait décevants. Le plus probable est qu’à une exception près, les oracles nous sont donnés dans leur ordre chronologique, tels qu’ils sont sortis, tout brûlants, de l’âme du prophète.
Le texte de ces chapitres est extrêmement difficile à interpréter. D’une part il est rempli d’allusions à des faits que nous ne connaissons pas et de jeux de mots intraduisibles ; et d’autre part il est matériellement en très mauvais état : les fautes de copie, peut-être aussi les gloses interprétatives, y sont nombreuses ; la traduction des LXX, mauvaise elle-même, est d’un secours médiocre, et les tentatives de correction des exégètes n’aboutissent pas toujours à des résultats satisfaisants. En plusieurs endroits, il faut simplement renoncer à comprendre. D’une façon générale, les historiens sont d’accord pour éliminer comme postérieures la plupart des mentions de Juda qui parsèment le livre (Osée 4.15 ; Osée 5.5 ; Osée 5.10 ; Osée 5.12 ; Osée 5.13 ; Osée 5.14 ; Osée 6.4 ; Osée 6.11 ; Osée 8.14 ; Osée 10.11 ; Osée 12.1-3).
Ces mentions donnent presque toujours l’impression de survenir artificiellement, et elles étonnent dans une prédication entièrement consacrée à agir sur l’Israël du Nord. Il est donc naturel d’y voir des adjonctions dues à un annotateur judéen postérieur, désireux d’annexer en quelque sorte Osée à son pays. Cet annotateur (qui était peut-être plusieurs) paraît avoir quelquefois ajouté des phrases entières, quelquefois substitué simplement le mot de Juda à celui d’Israël.
Les chercheurs sont moins unanimes au sujet des fragments contenant des promesses, c’est-à-dire essentiellement les chapitres 11 et 14. K. Marti et Cheyne, notamment, nient l’authenticité de ces passages qu’ils estiment impossibles à concilier avec les autres prophéties, toutes plus menaçantes les unes que les autres, d’Osée. Mais une telle logique paraît trop rigoureuse, et pas assez conforme à la réalité psychologique. D’une même âme, lorsqu’elle est passionnée comme celle d’Osée surtout, peuvent bien jaillir successivement les accents de l’indignation qui condamne et ceux de la tendresse qui espère. Des contrastes analogues se rencontrent chez Jérémie, dans l’épître aux Philippiens, dans l’Évangile lui-même. Selon ses dispositions intérieures du moment, selon les réactions de ses auditeurs, un prophète peut fort bien jeter à certains moments le feu et la flamme de la condamnation, et d’autres fois essayer d’obtenir la conversion de ses auditeurs par une prédication d’amour. Et par suite il n’y a pas lieu, sous prétexte qu’elles ne rendent pas le même son que les autres, de rejeter les paroles dites de promesses. Il convient seulement d’admettre que l’oracle eschatologique du chapitre 14 n’est probablement pas à sa place chronologique. Il doit dater d’une période où la situation était moins grave que celle supposée par le chapitre 13. On l’aura mis à la fin du livre pour que celui-ci, conformément à la règle générale, se termine sur une note d’espérance.
On a dit souvent que, par opposition avec Amos, le prédicateur de la justice de Dieu, Osée était le chantre de l’amour divin. Cette affirmation est exacte, à condition toutefois de ne pas envisager l’amour divin sous le seul angle de la compassion, de l’indulgence et de la tendresse. Car le livre d’Osée fait entendre, dans la bouche de l’Éternel, des grondements d’indignation, des condamnations impitoyables, qui égalent et peut-être même dépassent tout ce qu’a pu exprimer Amos. Osée croit de toutes ses forces à l’amour de Dieu, mais comme il voit le plus souvent cet amour bafoué par les infidélités du peuple, il en résulte chez lui des explosions de colère qui n’effacent pas, mais parfois tendent à submerger les déclarations plus tendres. « L’amour de Dieu est une chose terrible ». Ces mots d’un de ses meilleurs commentateurs, G.A. Smith, rendent bien l’impression que donne la lecture du livre d’Osée. On pourrait aussi parler, ici plus que partout ailleurs, de la sainte jalousie (voir ce mot, paragraphe II) de Dieu à l’égard de sa créature. L’Éternel souffre et condamne parce qu’il aime.
Ce message de l’amour divin indigné et souffrant était psychologiquement nécessaire au moment où il a retenti. Il fallait en effet que la prédication austère du Dieu juste apportée par Amos fût complétée. Mais comment eût-elle pu l’être sans danger si l’amour de Dieu avait été prêché uniquement sous sa forme indulgente et tendre ? Israël eût alors été ramené à sa conception ancienne d’un Dieu facile et toujours bienveillant pour son peuple. Au lieu qu’en entendant Osée, il apprend à connaître le véritable caractère de Dieu qui aime son peuple d’une manière inouïe, mais qui, précisément à cause de cela, exige de lui fidélité, ou du moins repentance sincère. Pour exprimer les droits que l’amour de Dieu a sur Israël, Osée emploie diverses images, celle de la relation du père vis-à-vis de son fils (Osée 11.1-4), celle du Créateur (Osée 8.14), celle de l’Alliance (Osée 6.7, cf. Osée 8.1-12). Mais la parabole à laquelle il a recours le plus souvent, non seulement dans les chapitres 1-3, mais aussi dans le reste du livre, c’est celle du mariage, de l’union conjugale qui unit deux êtres par le tréfonds de leur personne, et dont toute violation est un crime.
Dieu est l’époux d’Israël, et par conséquent toute infidélité à Dieu est un adultère, une prostitution. Inlassablement Osée revient sur cette pensée, interprétant à sa lumière le passé et le présent de la nation. Prostitution, l’adhésion au culte des Baals consentie par les Hébreux arrivant en Palestine sous le prétexte que c’était des Baals que venaient « le blé, le moût et l’huile » (Osée 4.7). Prostitution, l’actuel culte des hauts-lieux (Osée 4.13). Prostitution, l’adoration des idoles (Osée 4.17 ; Osée 8.4 ; Osée 10.5 ; Osée 11.2) Prostitution, la mauvaise conduite et les paroles mensongères (Osée 7.13). Maintes fois d’ailleurs la dénonciation de cette prostitution symbolique se mue en indignation contre la prostitution réelle qui était pratiquée jusque dans les lieux de culte et qui paraît à cette époque avoir une grande extension parmi le peuple (Osée 4.12-14 ; [cf. le passage si profond où Osée montre les effets stérilisants de l’inconduite dans la vie des individus et de la nation, Osée 9.10-14]). Ajoutons à tout cela la polémique ardente contre les alliances étrangères, considérées, elles aussi, comme une grave infidélité à l’Éternel (Osée 5.13 ; Osée 7.11 ; Osée 8.9 ; Osée 10.4 ; Osée 10.6 ; Osée 12.2 ; Osée 14.3), et les attaques lancées contre la royauté débauchée et impie, qui a été établie sans le consentement de Yahvé et qui usurpe sa place (Osée 7.3-7 ; Osée 8.4 ; Osée 13.10 ; [cf. aussi Osée 9.9 ; Osée 10.9, si du moins, comme certains le pensent, l’expression : jour de Guibéa, se rapporte à la fondation de la royauté ; d’autres voient là plutôt une allusion au scandale de Juges 20.13 et suivants. M. Humbert, avec les LXX, fait de Guibéa un nom commun : les collines ; nous aurions alors ici une allusion au culte des hauts-lieux]).
Mentionnons encore les invectives contre les prêtres infidèles à leur mission et avides (Osée 4.1 ; Osée 4.10 ; Osée 6.9), celles contre les prophètes trompeurs également (Osée 4.5), et nous aurons une idée des principaux sujets d’indignation d’Osée. Toutes ces infidélités méritent un châtiment. Et la parole du prophète ne tarit pas quand elle décrit les catastrophes que le péché du peuple attirera sur lui. Le lion qui déchire (Osée 5.14), l’aigle qui fond sur sa proie (Osée 8.1), la tempête qui dévaste (Osée 8.7), le filet de l’oiseleur (Osée 9.8), la plante vénéneuse dans le sillon des champs (Osée 10.4), le dur travail du labour (Osée 10.11), les attaques de la panthère et de l’ourse (Osée 13.7 et suivant), le vent d’orient qui dessèche (Osée 13.15), la carie et la teigne qui rongent (Osée 5.13), autant d’images qui lui servent à décrire la calamité qui, voulue de Dieu, va frapper l’Israël infidèle.
N’y a-t-il donc aucune espérance ? S’il n’y en avait aucune, l’Éternel ne serait pas un Dieu d’amour. À côté de l’indignation habite en lui une infinie tendresse pour le peuple qui est le sien. Et les plus beaux passages d’Osée sont ceux où il décrit, dans le passé et dans le présent, cette affection impénitente de Yahvé pour Israël. Comme un père, Yahvé a aimé son peuple au temps de sa jeunesse (Osée 11.1), il a guidé ses premiers pas chancelants (Osée 11.3). Comme un cultivateur qui use envers ses bêtes de tendres ménagements, Yahvé a aidé Israël dans les passages difficiles, il a relâché le joug qui lui faisait mal, il l’a abondamment nourri (Osée 11.4). Maintenant encore, les épouvantables iniquités du peuple ne parviennent pas à empêcher le Dieu qui aime de sentir passer en lui les vagues de l’amour qui veut pardonner : « Mon cœur s’agite au dedans de moi ; toutes mes compassions sont émues. Non, je n’agirai pas selon mon ardente colère. Car je suis Dieu, et non pas homme… » (Osée 11.9).
Seulement, pour que la délivrance désirée par Dieu se produise, il faut que certaines conditions soient, par le peuple, réalisées. Profondément imbu des principes qui sont la gloire du prophétisme hébreu, Osée ne saurait laisser croire que Dieu puisse pardonner sans que le pécheur « revienne ». À de certains moments, ce retour d’Israël apparaît, chez notre prophète, comme conditionné par un nouveau séjour au désert (Osée 2.9 ; Osée 3.3 ; Osée 12.10), et dans cette idée se manifeste la nostalgie des Israélites pieux pour lesquels le passé se partage en deux périodes, celle de Moïse, des tentes, des troupeaux et du culte sans cérémonial, qui est l’âge d’or de la foi ; et celle de la vie en Canaan, avec « le vin, le moût et l’huile » mais aussi avec les Baals, avec les sacrifices païens, avec les idoles. Osée se montre ici le frère spirituel des Naziréens et des Récabites, ces protestataires de l’idéal nomade, qui eurent sans aucun doute une grande influence pour le maintien de la foi yahviste.
Mais il suit aussi parfois une ligne moins archaïque. Il formule des exigences d’ordre moral qui s’apparentent avec celles d’Amos, et que reprendront les prophètes postérieurs : « Semez la justice, moissonnez la miséricorde ; défrichez-vous un champ nouveau ! » (Osée 10.12, cf. Jérémie 4.3). Il donne, de la repentance qui devrait être celle du peuple, une description à la fois très actuelle de forme et éternelle d’inspiration : « Israël, reviens à l’Éternel ton Dieu… Apportez avec vous des paroles et revenez à l’Éternel. Dites : Pardonne-nous nos iniquités. Nous t’offrirons l’hommage de nos lèvres. L’Assyrien et la cavalerie de l’Égypte ne seront plus nos sauveurs. Et nous ne dirons plus à l’ouvrage de nos mains : Notre Dieu ! » (Osée 14.1 ; Osée 14.3). Enfin, sous-jacente à toute la prédication d’Osée se trouve l’invitation pressante et mille fois répétée à connaître l’Éternel (Osée 4.1 ; Osée 4.6 ; Osée 5.4 ; Osée 2.10-23 ; Osée 11.3 ; Osée 6.6 ; Osée 8.2). Cette connaissance n’est pas conçue uniquement comme quelque chose d’intellectuel ; c’est un attachement à l’Éternel, une intimité avec lui semblable à celle de l’amour conjugal, une obéissance à sa volonté, une vie selon son esprit. Car « Yahvé aime la piété et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plus que les holocaustes » (Osée 6.6). Malheureusement le peuple n’a pas cette connaissance.
Malgré ses prétentions et ses bons mouvements passagers (Osée 8.2), il ne sert pas Dieu de cette manière. Quand, sous le coup du malheur, il fait mine de revenir à l’Éternel, c’est une repentance superficielle qui se dissipe comme la rosée (Osée 6.1 ; Osée 6.6). Et c’est pour cela que les menaces de mort se multiplient à l’horizon et que la destruction semble désormais inévitable. « Les rachèterai-je du séjour des morts ; les délivrerai-je de la mort ? Ô mort, où est ta peste ? Ô séjour des morts, où est ta destruction ? Plus de compassion ! » (Osée 13.14 : c’est le passage cité, avec un sens tout à fait différent d’ailleurs, par saint Paul dans 1 Corinthiens 15.55).
Toutes les données psychologiques et religieuses de la parabole de l’enfant prodigue se trouvent donc dans le message d’Osée. Mais on sent qu’à de certains moments il ne croît plus au retour possible, non pas par la faute du Père, mais par celle de l’absent. De là le son sauvage que rendent certaines pages de son livre. Il reste cependant que, sous une forme abrupte, ce livre est le premier qui ait révélé au monde la véritable réalité de l’Amour de Dieu. Dans l’activité de Jérémie, dans les Évangiles, dans la 1ère épître de Jean, retentiront des échos de cette parole et de cette expérience. Et Paul exprimera la pensée profonde de son lointain prédécesseur lorsqu’il écrira dans son épître aux Romains : « Ne sais-tu pas que c’est la bonté de Dieu qui t’appelle à la repentance ? » (Romains 2.4).
A. AL
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