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Héros israélite (Juges 13-16), dont la tradition a fait un juge en Israël (Juges 15.20 ; Juges 16.31), le dernier avant Héli et Samuel.
Le nom de Samson dérive de la racine sémès = soleil. Bien des auteurs en ont conclu, un peu hâtivement, que son histoire développe une légende solaire ; on cite, dans le territoire primitif de Dan (la tribu de Samson), la ville de Beth-Sémès, signifiant : maison ou temple du soleil, Josué 15.10 ; cf. Ir-Sémès, Josué 19.41) ; on voit dans l’épisode des renards mettant le feu aux champs des Philistins (Juges 15.5) une dramatisation de la rouille estivale brûlant les moissons ; on rapproche de Samson le nom apparenté de Sésaï, un des géants pré-israélites de la région d’Hébron (Nombres 13.22 ; Juges 1.10 ; cf. Adolphe Lods, Israël, pages 147, 406). Samson serait un héros légendaire comme celui de la mythologie grecque, Hercule : doué comme lui d’une force surhumaine, capable de terrasser un lion ; choisissant comme lui son genre de mort, après une trahison de femme, etc. Rapprochements artificiels, sortis d’une idée préconçue. Samson est bien un véritable nom de personne ; l’Ancien Testament en contient d’autres de la même racine (ex. : Simsaï = mon soleil, Esdras 4.8) ; l’étymologie des noms propres, vite oubliée, ne justifie pas l’hypothèse de créations tellement élaborées. Tout au plus faudrait-il admettre la possibilité que sur certains points de détail les anciennes traditions aient été influencées par le sens du nom de Samson.
Les récits sur Samson appartiennent tous à la même source d’histoire (J). La situation qu’ils impliquent est celle de cette longue époque d’anarchie qui suivit l’occupation de Canaan. Le lien commun entre les tribus, leur foi en Jéhovah, faiblissait souvent sous l’influence des peuples païens voisins. Les paysans danites devaient avoir affaire plus fréquemment avec les Philistins, fortement installés au pied de leurs collines dans la riche vallée de Sorek, qu’avec les autres tribus d’Israël, trop éloignées. Samson lui-même ne descendit pas toujours en ennemi dans la plaine, puisqu’il y alla chercher femme et participer au festin de noces à côté des invités philistins. Ces relations furent néfastes pour le développement religieux du peuple élu : l’histoire de Samson, si peu édifiante à bien des égards, en est une preuve. On ne peut donc voir en Samson un juge à proprement parler, un magistrat qui aurait gouverné tout Israël. Les passages qui le laissent entendre sont les notices d’un rédacteur (D) qui interprète l’histoire longtemps après les événements. Comment Samson eût-il pu régner sur tout Israël ? il n’y a aucune unité politique entre tribus, même entre Dan et Juda pourtant toutes proches : les hommes de Juda trouvent naturel de leur livrer Samson pour se débarrasser des Philistins ; il n’est pas vraiment un des leurs. Sa vie est d’ailleurs celle d’un aventurier et non d’un chef militaire, moins encore d’un chef de tribu, à plus forte raison d’un chef de tout Israël (voir Juges).
Samson fut un guerrier danite, de force peu commune, mais sans moralité. Attiré chez les Philistins par ses aventures sentimentales, il combat ces soldats redoutables avec un acharnement où ceux de son peuple devaient voir, et où il pouvait en effet se trouver, un réel enthousiasme religieux et patriotique. Samson avait la haine du Philistin, l’ennemi de sa race. Sa foi dans le Dieu des pères, Jéhovah, se réveilla au cours de ses batailles ; sa mère l’avait, dès avant sa naissance, consacré à l’Éternel ; il eut le sentiment que Dieu faisait de lui un héros de l’indépendance, appelé à lutter jusqu’à la mort pour la victoire de sa race (cf. Alexandre Westphal, Jéhovah, 4e édition, p. 262s). Ses exploits suscitèrent l’enthousiasme populaire, sa renommée franchit les frontières de sa tribu, il devint en Israël le type du héros de Jéhovah, et plus tard, pour un rédacteur deutéronomiste (D), le libérateur de tout Israël.
L’épître aux Hébreux l’a placé dans sa galerie de tableaux des héroïques croyants de l’ancienne alliance, parce qu’il était dans la tradition un champion du patriotisme israélite ; il y fait contraste avec les nobles figures du prophète Samuel et du roi David (Hébreux 11.32).
Après le récit de sa naissance (Juges 13.2 ; Juges 13.24), la vie aventureuse de Samson se répartit en épisodes morcelés et de longueur très inégale.
Sa famille résidait à Tsoréa, 14 km à l’ouest de Jérusalem. Cette région avait été 10rs de la conquête occupée par la tribu de Dan (Josué 19.41), qui, refoulée ensuite dans la montagne par les Amoréens maîtres de la vallée du Sorek (Juges 1.34-36), avait dans sa plus grande partie émigré au nord de Canaan (Juges 18). La famille de Samson appartenait aux restes de cette tribu, qui sous la pression philistine devaient être absorbés dans Juda ; voir (Josué 15.33) Dan, Tribus.
D’après le pittoresque récit de Juges 13, la naissance du héros fut expressément voulue de Dieu, comme une grâce faite à sa mère, jusque-là sans enfant. Les parents, pieux Israélites, reconnaissent leur Dieu dans le mystérieux « ange de Jéhovah », lui offrent un sacrifice sur la pierre-autel du village, redoutent de lui désobéir par ignorance ; et Manoah, le mari, ose demander la confirmation d’une seconde apparition. Chaque fois Dieu se révèle d’abord à la femme, à cause de sa détresse, censée déshonorante, de n’avoir pas d’enfant. Le messager divin lui annonce la naissance d’un fils, qui dès avant sa naissance (comparez Samuel, 1 Samuel 1.11) devra être « consacré » à Jéhovah : en hébreu, nazir. Samson est en Israël un des premiers naziréens (voir ce mot). Leur consécration à Jéhovah se marquait par leur chevelure non coupée et par leur abstinence de toute boisson (cf. Nombres 6). Mais cette abstinence est ici prescrite à la mère elle-même (Juges 13.4 ; Juges 13.7), cas unique et curieux. De plus, lorsque Manoah demande ce que l’enfant devra faire, l’ange semble répondre à côté de la question : « La femme s’abstiendra de tout ce que je lui ai dit » (verset 12 et suivants). On a supposé (Bible du Centenaire) qu’un rédacteur, forcé de constater que Samson n’avait point observé ces abstinences, aura substitué le féminin au masculin dans le verset 13, et reporté les règles de vie de l’enfant à la mère.
Juges 13.25 est comme une préface au récit de sa carrière. Le rédacteur ne se contente pas de voir à l’œuvre l’esprit de Dieu dans les exploits les plus incroyables (Juges 14.6 ; Juges 14.19 ; Juges 15.14 ; Juges 16.28) ; c’est la vie entière de Samson qu’il considère comme une manifestation de la puissance divine : ce n’est pas surtout son goût des aventures qui l’entraîne en pays philistin, c’est Jéhovah lui-même (Juges 14.4) qui pousse le guerrier vers ces païens belliqueux pour provoquer par ses querelles avec eux un sursaut de foi en Israël. Piètre idée, certes, de la mission d’un serviteur de l’Éternel ! et pourtant, sens profond d’une réalité : l’absorption graduelle du peuple de Dieu par les Philistins risquant de compromettre l’œuvre divine, une réaction séparatiste s’imposait, que les hauts faits de Samson pouvaient amorcer, et Dieu a dû s’en servir.
Le mariage de Samson et les faits qui s’ensuivirent ont pour centre Thimna, à 120 m plus bas que Tsoréa ; cette localité, attribuée à Dan (Josué 19.43), fut longtemps occupée par les Philistins. Samson y fait la connaissance d’une Philistine qu’il veut épouser. Ses parents le lui déconseillent, en vrais croyants hébreux : un fils d’Israël commet une infidélité en s’unissant avec une fille d’incirconcis (cf. Genèse 24.3). Samson passe outre et, d’après J, emmène sa famille à Thimna pour les noces (Juges 14.5). Les parents y allèrent-ils vraiment ? Quelques commentateurs en doutent, à cause de certaines anomalies : ses père et mère ne semblent pas avoir vu sa lutte contre le lion (verset 6) ; au verset 8, il paraît se rendre à Thimna pour revoir la femme, mais il arrive chez ses parents (verset 9) ; et surtout, s’il célèbre ses noces chez la fiancée contrairement aux traditions de son peuple, ne serait-ce pas que ses parents, en pieux jéhovistes, se sont refusés à recevoir la Philistine à Tsoréa ? Il est cependant plus simple d’admettre avec le texte biblique que son père, malgré sa répugnance, se résigna à ce mariage irrégulier. L’antiquité sémitique possède une coutume, survivance déformée du matriarcat (régime où la femme était le centre de la famille, les enfants appartenant au clan de la mère ; ex. : Gédéon et la Sichémite, Juges 8.31 ; Juges 9.28). Ce n’était pas un vrai mariage : point de dot, le mari se bornant à des présents lors de ses visites (Juges 15.1) ; la femme (qu’en ce cas les Arabes appellent sadika = l’amie) restait chez son père, qui conservait tous ses droits de chef de famille (comme celui de la donner à un autre homme, cf. Juges 15.2). C’était pourtant plus qu’une union libre : la cérémonie était entourée de quelque solennité ; le mari prétendait avoir des droits sur son épouse (Juges 15.1), d’où une source de conflits entre lui et l’entourage de la Philistine (Le droit romain reconnaissait aussi, à côté du vrai mariage, une forme d’union accompagnée de réjouissances et de cérémonies symboliques, qui n’était au fond que la constatation d’un état de fait : la femme ne tombait pas sous la puissance du mari et restait attachée à sa famille ; elle pouvait divorcer de son plein gré.).
Les détails du repas de noces ont une saveur tout orientale et rappellent des coutumes qui sont de tous les temps. Lors d’une visite ultérieure à sa femme, Samson trouve dans son union avec un autre un motif de guerre à mort contre les Philistins (verset 2 et suivant). Son stratagème pour incendier leurs moissons et leurs oliviers est, paraît-il, commun en Orient ; on pense qu’il y employa plutôt des chacals que des renards (voir ce mot). Les Philistins répondirent par de terribles représailles et la lutte devint sans merci, Samson comptant pour se venger sur sa force indomptable.
Après un nouvel exploit Samson se réfugia en Juda, dans la sûre retraite d’une caverne : elle devait s’ouvrir dans une paroi presque verticale n’offrant d’accès que par en haut (cf. Juges 15.11 ; Juges 15.13). Le héros fut trahi par des habitants de Juda, peu désireux de s’attirer des ennuis de la part de leurs puissants voisins ; les Philistins criaient déjà victoire à la vue de leur ennemi lié de cordes, lorsque Samson, saisi par l’esprit de Jéhovah, se débarrassa de ses liens et mit leur troupe en déroute en attaquant avec une mâchoire d’âne. Son chant de victoire, fier et sauvage, contient un jeu de mots intraduisible : le terme khamor, signifiant : monceau, d’où : un grand nombre, veut dire aussi ; âne (Juges 15.16). Les noms de lieux sont mis par le narrateur en rapport avec cet exploit : Ramath-Léchi, signifiant : colline de la mâchoire, aurait été appelé ainsi par Samson ; et la source où il se rafraîchit après avoir imploré Dieu, En-Hakkoré, signifiant : source de la perdrix, est interprétée « source de celui qui invoque ».
La notice de Juges 15.20, du rédacteur de D, semble terminer l’histoire de Samson, et sera répétée après le récit de sa mort (Juges 16.31).
Samson se trouve ici en pays philistin, à une quarantaine de km de son village, dans la grande ville située au bord de la mer, sur la route d’Égypte. En quittant de nuit la maison d’une courtisane, il échappe à la surveillance de ses ennemis, non sans les avoir une fois de plus défiés : par un tour de force digne d’Hercule, il soulève les battants d’une porte de la cité et va les déposer sur un sommet aux environs d’Hébron, à plus de 50 km de là !
Le nom de Dalila doit être d’origine philistine et son étymologie est incertaine, signifiant peut-être : pauvre, faible. C’est encore en pays philistin qu’était la vallée de Sorek (voir ce mot), à quelques km de Tsoréa. La femme dont s’éprit Samson devait être une créature vénale incapable d’un véritable amour ; le sang-froid et le cynisme ironique de sa trahison en sont la preuve. Elle fut l’instrument des Philistins pour venir enfin à bout, par la ruse, de leur terrible adversaire. L’affaire fut menée par les « princes » (voir ce mot, I, 9), titre des cinq chefs de la confédération philistine (Juges 16.5, cf. Juges 3.3). Leur démarche auprès de Dalila, ainsi que l’importance de la somme promise pour prix de la trahison (environ 16 500 fr-or, le sicle d’argent valant 3 fr), montrent quelle terreur superstitieuse leur inspirait le héros : ils se figurent que s’il a pu jusqu’à présent leur échapper sans aide aucune, c’est grâce à un secret magique. L’écrivain hébreu attribue à Dieu lui-même la force de l’ancien naziréen, qui sera soutenu par Jéhovah tant qu’il n’aura pas rompu son vœu, mais qui n’est plus consacré si ses cheveux sont coupés : (Juges 16.17) alors Dieu l’abandonne aux incirconcis (Juges 16.20) ; mais quand la chevelure aura repoussé, la vigueur lui reviendra (Juges 16.22). Dans cette conception, le naziréat perd sa valeur religieuse et relève de la magie.
Scène dramatique : le farouche guerrier faiblit peu à peu devant l’enjôleuse, et après quelque résistance se laisse vaincre par la tenace et cruelle volonté de Dalila. Noter le rôle du 7, chiffre sacré, ou magique (cf. Juges 16.7 ; Juges 16.13). Le verset 13 n’est pas clair : il s’agit sans doute du métier à tisser, où Dalila aurait serré les cheveux de Samson entre les fils de la chaîne comme les tisserands serraient leur trame avec le battant (voir Filage et tissage), ou bien peut-être d’un simple clou, d’une cheville, qu’elle aurait plantée dans le mur ou le sol (d’après Bible du Centenaire). Capturé, Samson subit les outrages de ses vainqueurs, qui lui crèvent les yeux, le mènent à Gaza et l’y condamnent à tourner une meule de moulin, supplice d’esclave.
Lors d’une fête religieuse en l’honneur de Dagon, dieu des Philistins, occasion de divertissements assez grossiers, où l’on exposait en spectacle les ennemis vaincus avant de les mettre à mort, la foule en liesse contraint Samson de danser devant elle dans un grand bâtiment (qui ne devait pas être le « temple » de Dagon : la demeure du dieu ne pouvait servir de lieu de réunion). Le captif sans espoir saisit cette possibilité de vengeance et, retrouvant sa vigueur dans un dernier sursaut de haine qu’il exhale en prière, il réussit à ébranler les colonnes de l’édifice, et il entraîne avec lui dans la mort de nombreux spectateurs.
C’est sa liaison avec Dalila et ses conséquences jusqu’au suicide meurtrier qui ont fait de l’histoire de Samson un thème célèbre dans l’art et la littérature.
A. Ch.
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