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Bénédiction

La bénédiction est primitivement, comme la malédiction, un procédé (spirituel) de la « prise magique ».

Avec tous les autres peuples de l’antiquité, les Hébreux croient à la puissance secrète de la parole qui réalise déjà les événements qu’elle annonce.

Chez les Assyriens on n’était pas loin de penser que les paroles valaient les actes ; pour les musulmans, les paroles d’un saint sont efficaces, même quand elles sont prononcées sans intention, et les prophètes d’Israël sont convaincus non seulement d’annoncer l’avenir, mais de le réaliser (1 Rois 17.1 ; Jérémie 1.10 ; Jérémie 3.12).

Pour ne pas finir par une conclusion triste, qui serait de mauvais augure, beaucoup de Psaumes se terminent par une bénédiction.

Le messager chargé d’annoncer un décès oblige par son langage obscur son auditeur à lui poser des questions, pour ne pas prononcer lui-même la parole funeste, ou bien il donne à sa mauvaise nouvelle la forme d’une bénédiction (2 Samuel 18.27-32).

Une fois prononcée, la bénédiction ou la malédiction a une existence réelle et tend à se réaliser, même si elle n’est pas conforme aux vraies intentions de celui qui l’a prononcée (Nombres 22.6 ; Genèse 27.33 ; Genèse 27.40).

Dans l’Ancien Testament, le caractère magique de la bénédiction s’efface progressivement pour faire place à l’interprétation religieuse. Celle-ci considère la bénédiction comme un vœu prononcé en faveur d’un autre et exaucé par Dieu. D’autre part, c’est précisément à l’abri de cette interprétation religieuse que certaines idées magiques (par exemple efficacité absolue, triple invocation du nom divin) continuent à s’attacher à la bénédiction comme à la malédiction. Les hommes de Dieu (prêtres, voyants, prophètes) sont, grâce à leur contact avec la divinité, particulièrement aptes à prononcer une bénédiction (Exode 17.11 ; Exode 17.13, Nombres 23 et 24 ; Juges 5.12 ; Deutéronome 33.1). Le prêtre bénit la viande de l’animal sacrifié (1 Samuel 9.13), au Temple il termine le culte par la bénédiction sacerdotale (Nombres 6.24 ; Nombres 6.26). Cette célèbre formule liturgique, adoptée plus tard par le culte synagogal et le culte chrétien, contient trois fois le nom de Yahvé.

Tandis que dans des formules analogues le païen polythéiste invoque trois dieux, l’Israélite monothéiste prononce trois fois le nom de son Dieu, l’un et l’autre dans la conviction que tout ce qui se dit ou se fait trois fois est particulièrement efficace et irrévocable (Josué 22.22 ; Ésaïe 6.3). L’adjonction d’épithètes et d’attributs renforce encore la puissance du nom invoqué (Genèse 48.15 et suivant).

Avant l’exil, les prêtres n’avaient pas le privilège exclusif de la bénédiction : dans des circonstances solennelles, les rois aussi bénissaient le peuple (2 Samuel 6.18 ; 1 Rois 8.55). Le père bénit ses enfants avant de mourir en leur imposant les mains (Genèse 27.10 et suivants Genèse 48.8 et suivants).

Une lointaine réminiscence du culte des ancêtres donne à cette bénédiction paternelle une valeur spéciale, le père mourant est déjà presque un ancêtre divinisé. Les parents ou les amis bénissent celui qui part en voyage (Genèse 43.14) ou qui se marie (Genèse 24.60 ; Ruth 4 : et suivant).

Dans ces bénédictions de l’Ancien Testament il s’agit généralement de biens matériels, c’est surtout une longue vie et une nombreuse postérité qu’on souhaite ; les bénédictions du Nouveau Testament visent avant tout les biens spirituels (Éphésiens 1.3 ; 1 Pierre 3.9).

La bénédiction sert souvent à détourner les conséquences d’un acte funeste (2 Samuel 3.28 et suivant) et à annuler une malédiction antérieure après avoir obtenu satisfaction (Exode 12.32 ; Juges 17.2). L’efficacité des bénédictions était tellement sûre, qu’on expliquait beaucoup d’énigmes et de curiosités, voire des faits très simples, par une ancienne bénédiction. La sainteté du sabbat vient d’une bénédiction divine (Genèse 2.3), la fécondité des animaux et des hommes est due à une bénédiction (Genèse 1.22 ; Genèse 1.28), renouvelée après le déluge (Genèse 9.1 et suivants). La descendance d’Éphraïm est plus nombreuse que celle de Manassé, parce que l’ancêtre en prononçant la bénédiction avait posé la main droite sur la tête du cadet (Genèse 48.13-19).

En décrivant la grandeur nationale et les privilèges d’Israël de leur temps et en les expliquant par une bénédiction en forme poétique, placée dans la bouche d’un ancêtre mourant, les poètes hébreux ont créé un véritable genre littéraire, dont nous pouvons observer l’évolution : la bénédiction ne comprend d’abord que quelques vers et forme la partie intégrante d’une tradition populaire, bénédiction de Noé (Genèse 9), d’Isaac (Genèse 27) ; ensuite elle quitte son cadre et devient poème d’art, bénédiction de Jacob (Genèse 49), de Moïse (Deutéronome 33), de Balaam (Nombres 23 ; Nombres 24). F. K.

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