Femme d’Abraham, mère d’Isaac (Genèse 11.29 ; 12.5ss), était probablement fille de Térakh comme son mari, mais d’une autre mère (Genèse 20.12), quoiqu’un grand nombre de commentateurs, Josèphe, Jérôme, Augustin, l’identifient avec Jisca, fille de Haran, petite-fille de Térakh, et nièce d’Abraham (11.29). Elle naquit en Chaldée, suivit son mari d’abord à Charan, puis en Palestine et en Égypte, où Dieu la délivra une première fois des dangers auxquels sa beauté et la faiblesse d’Abraham l’avaient exposée. Privée d’enfants et sans espérance d’en avoir, elle donna sa servante Agar pour concubine à son mari, ne se doutant pas de tous les maux dont cette concession aux usages d’alors serait la source ; elle fut mère en effet par Agar, mais cette maternité usurpée porta des fruits amers ; Agar méprisa sa maîtresse, qui se vengea d’autant mieux qu’Abraham consentit à sa vengeance. Dieu, cependant, se rappelait les promesses qu’il avait faites à son serviteur, et n’oubliait pas Sara, dont le premier nom Saraï signifiait noblesse, et dont le second signifie princesse, changement qui indiquait sans doute que, noble par l’alliance du grand Abraham, elle s’élèverait à un rang plus haut encore en donnant une postérité au père des croyants.
Ces promesses furent répétées avec plus de précision lors de la visite des anges au patriarche, et Sara qui les entendit fixer l’époque de la naissance de son fils ne put pas réprimer un sourire dans un premier moment d’incrédulité ; ce sourire fut le nom de son fils et dut lui rappeler à la fois sa joie et son manque de foi. Pour éviter un même danger, elle commit à Guérar le même péché de ruse et de mensonge qu’elle avait commis en Égypte, et l’intervention divine put seule la préserver de ses terribles conséquences. Enfin les promesses se réalisèrent à son égard ; elle donna le jour à un fils, et le nourrit elle-même (21.7). Mais les épouses rivales furent aussi des mères jalouses, et comme les mères, les enfants se haïrent (Galates 4.29) ; Sara demanda le renvoi de sa servante et de son fils, et le patriarche, cédant à un ordre de Dieu, dut y consentir ; il fournit aux exilés les vivres nécessaires à leur voyage, et adoucit sans doute par de riches présents la dureté d’une séparation qui lui était imposée par une volonté qui n’était pas la sienne ; confiant dans les promesses divines (16.10 ; 17.26 ; 21.13), il abandonna son fils entre les mains de celui qui devait valoir mieux pour lui que sa marâtre.
Sara ignora sans doute le projet du sacrifice d’Isaac, qui peut-être même n’eut lieu qu’après sa mort ; les précautions et le silence du patriarche prouvent assez que dans cette circonstance le combat ne fut connu que de Dieu et de lui. Sara mourut à Hébron, âgée de cent vingt-sept ans, de dix ans plus jeune que son mari, et fut ensevelie dans la caverne de Macpéla (23.1 ; 49.31). Belle jusque dans l’âge le plus avancé, Sara montre plutôt des instincts que du caractère ; simple et soumise, elle aime son mari, et obéit à ses ordres les plus étranges, sans seulement paraître les avoir discutés ; sa docilité est rappelée avec éloge (1 Pierre 3.6) ; Paul loue sa foi (Hébreux 11.11). Son nom se retrouve encore (Ésaïe 51.2 ; Romains 4.19 ; 9.9).
Origène et Chrysostome blâment Abraham et Sara de leur conduite envers Pharaon et Abimélec ; le patriarche a exposé sa femme à l’adultère, et celle-ci y a consenti. Augustin fait au contraire l’apologie d’Abraham, en disant :
1°. Qu’il n’a pas menti en disant que Sara était sa sœur, et qu’il s’est borné à taire une vérité qu’il n’était pas obligé de découvrir.
2°. Qu’il était exposé à la mort et au déshonneur de sa femme, s’il parlait, et qu’il ne pouvait éviter ni l’un ni l’autre ; qu’en se taisant, il avait au moins la chance d’éviter la mort.
3°. Qu’il laissait à Dieu le soin de conserver l’honneur de Sara, et qu’il agissait en cela par la foi.
4°. Que dans la pire supposition, l’adultère ayant été involontaire, il aurait été sans crime et sans infamie. Mais on a beau expliquer, et invoquer peut-être les mœurs brutales de cette époque, ce double épisode forme une double tache dans l’histoire d’Abraham et de Sara, et c’est se tacher soi-même que de l’excuser. Le père des croyants a manqué de foi là même où l’honneur seul aurait pu lui en tenir lieu.