En hébreu sopher, en grec γραμματεύς, έως, ὁ, littéralement écrivain. C’était, comme le doctorat de nos jours, une espèce de titre d’honneur qui impliquait certaines connaissances, celle de la loi en particulier, mais qui n’était pas incompatible avec d’autres fonctions d’une nature toute différente, et qui laissait les opinions religieuses et la position ecclésiastique presque entièrement libres. Esdras est appelé scribe (Esdras 7.6-11 ; Néhémie 8.4 ; 9.13), Tsadok de même (Néhémie 13.13). Ce mot se trouve deux fois en Ésaïe 33.18 ; la première fois, il désigne celui qui écrit (les impôts) ; la seconde, celui qui fait le compte des châteaux du pays, espèce de commissaire des guerres. L’officier, chef de l’armée, qui tenait les rôles des soldats du pays (Jérémie 52.23), est aussi un écrivain, un scribe, un sopher ; quelques-uns ont pris ce nom de sopher pour le nom propre de cet officier (Luther). Le titre de scribe donné à Esdras signifie un homme versé dans la connaissance de la loi ; c’était la philosophie de cette époque ; depuis l’exil, tout le culte se réduisait à l’observation de la loi, la conscience se mesurait à la loi pour le peuple ; l’esprit s’en allait, les prophètes s’en allaient, le canon se fermait, le culte perdait le prestige d’une splendeur terrestre, la nationalité ne se rattachait plus au territoire, et tout concourait à relever la loi, à lui rendre sa majesté, à en faire l’objet exclusif du respect des Juifs pieux ; son étude fixa l’attention des sages, et la science remplaça la sagesse, l’étude remplaça la philosophie.
Cette science tourna, chez le grand nombre, à un puéril scolasticisme ; chez quelques-uns, elle resta une science selon Dieu. Quelque défaveur qui s’attache au nom de scribe, il y eut des scribes pieux et respectables ; ils se mirent à enseigner le peuple, et l’on trouve déjà (Ecclésiaste 12.11), une allusion à des écoles de ce genre. La sagesse se manifestait sous la forme de proverbes, d’énigmes (Proverbes 1.6), de poèmes sentencieux, tels que Job, les Proverbes, l’Ecclésiaste, et un certain nombre de Psaumes ; ce sont des considérations générales sur la vie, les leçons de l’expérience reproduites par l’imagination, d’une manière courte, saillante et facile à retenir. La crainte de l’Éternel était le principal de la sagesse ; mais, peu à peu, le principal se déplaça, et les sages commencèrent à faire de l’esprit en épiloguant sur la lettre. On les reconnaît toujours là.
Du temps de Jésus, les scribes portaient aussi le titre de docteurs de la loi ; c’est même le nom que leur donnent le plus ordinairement Luc et Paul. Ils sont fréquemment nommés à côté des pharisiens (Matthieu 8.19 ; 12.38 ; 15.1 ; 23.2). Quelques-uns d’entre eux étaient réellement pharisiens (Actes 23.9) ; d’autres étaient sadducéens (Marc 12.28), et il ressort de la comparaison de ces deux passages que les scribes étaient les savants des partis, mais qu’ils n’en constituaient pas un à eux seuls. On les voit en relation avec le souverain sacrificateur (Matthieu 21.15 ; 27.41 ; voir aussi Sanhédrin. Ce corps célèbre se composait du souverain sacrificateur et de pharisiens, au nombre desquels on comptait des scribes. Ces trois puissances étaient liguées contre le Sauveur du monde ; les scribes, pour leur part, l’observaient pour avoir l’occasion de l’accuser et de le faire condamner (Luc 6.7 ; 11.54), commentaient publiquement ses discours, blâmaient ses actes, décriaient ses mœurs, cherchaient à le surprendre par des questions artificieusement posées, et à le mettre dans l’embarras (Matthieu 9.3 ; 12.38 ; 22.38 ; Luc 5.30 ; 10.25 ; 11.53 ; 15.2 ; 20.21), mais le Seigneur leur fermait la bouche, et sa pure intelligence, la divinité de sa morale, lui dictaient des réponses qui les contraignaient de se retirer confus.
Les scribes, plus aigris sans doute du ridicule qui rejaillissait sur eux dans ces luttes inutiles, que zélés pour la défense des dogmes juifs ou de leur propre incrédulité, jurèrent sa mort (Luc 20.19) ; ce fut le seul argument qui leur réussit. Quant à leur position officielle, on voit, par plusieurs passages, que Jésus même leur reconnaissait une sorte d’autorité légale (Matthieu 23.2) ; ils veillaient de concert avec les pharisiens et les principaux sacrificateurs, aux observances de la loi, faisaient la police du temple et des synagogues (Matthieu 15.1 ; Luc 20.1 ; Actes 6.11), et réclamaient du peuple de grandes marques de respect (Luc 20.46). On trouvait des scribes jusqu’en Galilée (Luc 5.17), d’où il ressort que leur activité ne se bornait pas à Jérusalem seulement, mais s’étendait à tout le pays ; d’après Josèphe (Antiquités judaïques 18.3-5), il y avait des docteurs de la loi même à Rome.
Les scribes étaient ainsi les savants du judaïsme, les docteurs, les professeurs de théologie, et en cette qualité ils formaient une espèce de caste avec des intérêts communs. La loi de Dieu étant le centre de toute science juive, le trésor de la vérité, le palladium de leur nationalité, surtout depuis l’exil, c’est comme docteurs de la loi que les scribes se distinguaient surtout, et c’est dans ce sens que Esdras est appelé scribe. La loi ayant un côté religieux et un côté civil ou politique, l’éducation des scribes était à moitié théologique, à moitié juridique, et l’étude théorique et pratique de la loi était le champ, le vaste champ, sur lequel ils s’exerçaient avec leurs interprétations allégoriques ou les élucubrations de leur casuistique appropriée à tous les cas et à tous les besoins de la vie. Mais si l’on se rappelle les observances nombreuses et diverses, et les traditions nouvelles qui surgirent après l’exil, et qui, du temps de notre Seigneur, étaient généralement crues et admises même des savants, on comprendra quelle a dû être l’élasticité de leur exégèse, et par quel procédé ils réussirent à trouver dans la loi ce qui ne s’y trouvait pas. Ils surent de cette manière se rendre précieux, non seulement à cause de la profondeur de leurs aperçus théologiques, mais aussi par le droit qu’ils avaient de résoudre les difficultés pratiques, et de décider des cas de conscience.
Ils pouvaient se diviser en trois classes d’après la nature de leur activité. Les uns appartenaient au sanhédrin avec les sacrificateurs ; les autres étaient voués à l’enseignement public, et s’occupaient surtout des jeunes gens qui voulaient devenir rabbins ; les autres enfin se livraient à l’enseignement privé, servaient parfois de suppléants aux précédents, ou enseignaient pour leur compte d’une manière non officielle, et dirigeaient les jeunes élèves-rabbins dans certains actes particuliers de leur vie, dans le choix d’une vocation, par exemple, car tout rabbin qui se respectait devait apprendre un état qui le mit à même de gagner sa vie. Le célèbre Gamaliel appartenait à la seconde classe, et il est connu sous le nom de docteur de la loi (Actes 5.34). On a du reste fort peu de détails sur la nature de leurs écoles. Dans les parvis du temple se trouvaient plusieurs salles qui servaient d’auditoires, et c’est apparemment dans l’une d’elles que Jésus, âgé de douze ans, enseignait les sages qui l’entouraient, et les étonnait par ses réponses (Luc 2.46). Maîtres et élèves étaient assis (Actes 22.3 ; Luc 2.46). On suppose que l’enseignement se composait moins de discours suivis, que de questions et de discussions, et dans tous les cas il n’est pas douteux que les disciples n’eussent le droit d’interroger leurs maîtres et de leur poser des questions. Ces écoles, du reste, n’acquirent toute leur importance qu’après la ruine de Jérusalem, et la plupart des données historiques qui se rapportent à leur organisation, la promotion des rabbins, etc., sont postérieures à l’époque du Nouveau Testament, et n’ont pas à nous occuper.