Capitale de la Caldée. On la comptait au nombre des sept merveilles du monde, et l’Écriture l’appelle la cité d’or, la gloire des royaumes, la reine des royaumes, la beauté de l’excellence des Caldéens, le marteau de toute la terre, la hache de bataille qui brise en pièce les nations (Ésaïe 13.49 ; 14.4 ; Jérémie 50.23, etc.). Les historiens profanes ne sont pas moins positifs dans ce qu’ils nous racontent de cette ville ; si Hérodote, Xénophon, Strabon, Pline, Diodore de Sicile et Quinte-Curce ne sont pas entièrement d’accord sur les détails, c’est que leurs descriptions se rapportent à des époques différentes : mais ils s’accordent tous sur son étonnante magnificence, qu’atteste encore aujourd’hui l’immense étendue de ses ruines. Le témoignage d’Hérodote, en particulier, nous est d’autant plus précieux qu’il visita lui-même Babylone, un siècle à peu près après la mort de Belsatsar, et qu’il ne rapporte que ce qu’il a vu de ses yeux et bien examiné.
Située dans une vaste plaine, Babylone formait un carré parfait dont chaque côté avait une étendue de 10 km ; d’autres disent 25.Le mur dont elle était entourée avait environ 126 mètres d’élévation sur 32 d’épaisseur ; il était surmonté de 250 tours (d’autres disent 346), construites, aussi bien que la muraille, en grandes briques cimentées avec du bitume. Entre le mur et la ville était un large fossé plein d’eau, dont les berges étaient également revêtues de briques ; c’est de là qu’on avait extrait toute la terre qu’on avait dû cuire pour la construction des murailles, en sorte que ce canal devait être assez large et assez profond. Entre les maisons et la muraille, il y avait un espace de 80 mètres environ. Cent portes d’airain massif, vingt-cinq de chaque côté, s’ouvraient sur la campagne ; du nord au sud vingt-cinq rues, d’orient en occident vingt-cinq rues, larges de 54 m et longues de 8 km, traversaient la ville dans toutes les directions, et la partageait en 629 espèces d’îles carrées, dont l’intérieur était destiné aux jardins et dépendances. L’Euphrate, qui traversait la ville du nord au sud, était également resserrée entre des murailles aussi hautes que celles mêmes de la ville ; d’immenses escaliers, fermés par des portes d’airain, permettaient de descendre jusqu’au fleuve. Les quais étaient magnifiques ; leur plus bel ornement consistait dans les jardins suspendus, établis sur des terrasses voûtées qui s’élevaient jusqu’au niveau des murailles, immenses parterres du sein desquels on voyait s’élancer des arbres de la plus haute dimension ; puis, sur la plate-forme la plus élevée, un vaste réservoir dans lequel le jeu d’une puissante machine hydraulique amenait les eaux de l’Euphrate. – On y remarquait encore le temple de Bélus (Bel, ou Baal), le palais de Nebucadnetsar, qu’environnait un triple mur de 10 km de tour, d’autres disent qu’il avait deux lieues et demie de longueur ; enfin le fameux tunnel construit en briques et en bitume sous l’Euphrate, galerie qui servait à lier les deux moitiés de la ville, et qui était un objet de luxe et de magnificence, plutôt qu’il n’avait une utilité réelle, vu les ponts nombreux qui facilitaient toutes les communications au-delà du fleuve.
Le temple consacré au dieu Bel était une tour colossale, composée de huit tours, s’élevant les unes au-dessus des autres, en diminuant de grandeur. Celle qui servait de base formait un carré régulier dont chaque côté avait 216 m de long : l’ensemble offrait l’aspect d’une pyramide grandiose ; on y montait du dehors par un chemin en spirale. Au sommet du temple était une chambre ou chapelle sans images, où il n’y avait pour tout meuble qu’une table et un lit ; une prêtresse y passait la nuit, parfois même on y faisait des observations astronomiques. À l’étage inférieur de la tour était une autre chambre ou chapelle, mais plus vaste et mieux décorée ; l’image de Bel s’y trouvait en or, derrière une table d’or. Heeren, d’accord avec les traditions arabes et juives, pense que cette tour est l’ancien édifice construit par Nimrod. Des huit étages trois se sont conservés jusqu’à présent ; les matériaux dont ils sont construits sont les mêmes que ceux qui sont indiqués en Genèse 11, et la qualité des décombres est de beaucoup supérieure aux autres restes d’architecture que l’on trouve au même endroit, de même que la solidité et le grandiose de cette composition gigantesque. Toutefois il paraît peu probable que les habitants de cette contrée aient essayé de reconstruire un temple de Bel au même endroit et sur les ruines de l’orgueilleuse tour, dont la tradition portait qu’elle avait été renversée par Dieu lui-même. Le professeur Schubert qui, dans son voyage en Orient, incline à croire que la tour de Babel est effectivement celle qui porte encore le nom de Birs-Nimrod, à 12 ou 15 km a l’ouest de l’Euphrate, pense qu’il faut voir le temple de Bel dans une ruine située sur la rive orientale, et qui s’appelle maintenant la colline d’Amran. Le Birs-Nimrod présente dans la partie qui est encore debout, des caractères qui semblent devoir remonter immédiatement à l’époque de la tour de Babel, et qui excluent par là même la supposition qu’on ait essayé de construire un autre édifice en cet emplacement : ce sont d’énormes fragments de constructions en briques, qui ont été complètement fondus et vitrifiés ; ils sonnent comme du verre ; et pour que la brique ait pu devenir sonore à un degré pareil, il faut qu’elle ait été exposée à une chaleur égale à celle de la plus ardente fournaise. Le feu du ciel a pu produire ce résultat, et l’on pourrait voir dans le passage de Genèse 11.5 (l’Éternel descendit), l’intervention sublime d’un Dieu qui s’avance entouré des éléments, des flammes de feu ses ministres, qui doivent le venger. L’historien Josèphe nous a conservé, à cet égard, une vieille tradition qui dit positivement que la dispersion des hommes et la confusion des langues ont été accompagnées d’orages effrayants, et de grands bouleversements dans la nature.
Bélus, le premier homme qui ait porté le titre de roi de Babylone, et qu’on estime avoir été contemporain de Samgar, juge d’Israël, Bélus et Sémiramis agrandirent considérablement la ville de Babylone, et l’embellirent ; mais ce fut surtout Nebucadnetsar, seul, ou de concert avec sa belle-fille Nitocris, qui y mit la dernière main, et qui en fit une des merveilles du monde. C’était alors le beau temps pour le prince de ce siècle et pour les puissances de l’air ; la grande cité, l’orgueil du monde, était le jouet de Satan, qui se faisait adorer sous les figures différentes de Bel, de Nébo, de Nergal, de Mérodach, de Succoth-Bénoth, etc., tour à tour, et tout à la fois, séduisant les Babyloniens par la crédulité et par l’incrédulité, par l’idolâtrie, par la superstition, par les plaisirs de la chair. Ils adoraient le feu, et s’estimaient très habiles dans l’astrologie, la magie, et l’art de la divination (Daniel 2.2 ; 4.7 ; 5.7 ; Ésaïe 47.12.) C’est de chez eux que cette prétendue science s’introduisit dans le pays de Canaan (Ésaïe 2.6), et peut-être même en Égypte.
Puis Cyrus vint, et Babylone fut prise (538 avant Jésus-Christ). Plus tard Xercès pilla le temple et le détruisit. Alexandre le Grand, qui voulut le rétablir (320 avant Jésus-Christ), employa dix mille soldats à en déblayer les ruines ; mais il mourut au milieu de ses débauches sans avoir achevé ses travaux. Enfin Séleucus, un de ses successeurs, voulant s’illustrer, fonda, près de Babylone, une ville qui devait s’appeler Séleucie d’après son nom ; pour la peupler, il força cinq cent mille Babyloniens à se transporter dans sa nouvelle capitale. C’est alors que fut consommée la ruine définitive de cette cité (v. Ésaïe 13.19-22 ; Jérémie 51, etc.).
Nous parlerons, à l’article Caldée, de la religion des habitants de la contrée dont Babylone était la capitale. Les prophéties annonçant la chute complète et la dévastation d’une des merveilles du monde qui semblait devoir durer toujours, se sont réalisées d’une manière étonnante ; les voyageurs les plus incrédules ne peuvent, lorsqu’ils ont visité ces ruines fameuses, employer, dans leurs descriptions, d’autres mots ni d’autres phrases que celles mêmes des prophètes.
Le roi de Sésac dont il est parlé (Jérémie 25.26), ne saurait être autre que celui de Babel ou Babylone, (cf. 51.41) ; mais l’explication étymologique de ce mot a longtemps embarrassé les interprètes. L’opinion la plus probable est celle de saint Jérôme qui pense que, de peur d’offenser les Caldéens, le prophète aura formé ce nom mystérieux du nom même de la ville de Babel, en comptant les lettres depuis la fin de l’alphabet au lieu de les prendre depuis le commencement (les voyelles ne comptent pas) ; ainsi les deux B de Babel auront été remplacés par l’avant-dernière lettre S, et la onzième depuis le commencement, L, aura été remplacée par la onzième depuis la fin, K ; Bbl aura fait Ssk, Sésak. Pour d’autres explications, v. Dahler, Comment, sur Jér., sect. 18, t. n, p. 301, 202.