Oiseau trop connu pour qu’il soit nécessaire de le décrire ; nous nous bornerons aux observations que nous fournissent sur cet animal les données bibliques. La colombe qui est répandue dans tout l’Orient, où elle niche dans de vieux murs, sur des rochers ou dans le creux des arbres, s’appelle en hébreu, Iona, nom qui ne dérive point, ainsi que le veut Bochart, de l’Ionie, mais d’un mot arabe qui indique la douceur, la grâce. C’est à l’aube du nouveau monde et sur les flots du déluge, qu’elle apparaît pour la première fois dans l’Écriture (Genèse 8.8-12), comme si cet animal, dont l’apparition précéda celle de l’arc-en-ciel, devait déjà nous annoncer par avance que la terre serait gouvernée par des lois plus douces, et sauvée par la bonté du Créateur, malgré les péchés des hommes ; la branche d’olivier qu’elle rapporte semble renfermer la même pensée et dire aux hommes que « Dieu ne frappera plus toute chose vivante comme il l’a fait » (8.21), et qu’il attendra le jugement final avant d’accabler de son juste courroux les pécheurs impénitents.
Elle joue le même rôle encore dans la loi mosaïque où, déclarée animal pur, elle se trouve mêlée à tous les sacrifices, et sert à remplacer, pour les pauvres, les victimes plus considérables exigées en holocaustes pour le péché (Luc 2.24 ; cf. Lévitique 1.14 ; 5.8 ; 12.8 ; Nombres 6.10). À cause de la grande consommation de colombes qui devait se faire pour le service du temple, et comme il n’était pas toujours facile à ceux qui devaient en offrir, de se les procurer et surtout de les apporter à Jérusalem s’ils en étaient éloignés, les prêtres avaient permis qu’on vendît de ces oiseaux dans les parvis du temple ; c’est à cause des abus et des illégalités de ce trafic que notre Sauveur chassa un jour ceux qui faisaient ce commerce d’une manière indigne, ne voulant pas qu’on fit de la maison de son père une caverne de voleurs (Matthieu 21.12). Le nom de la fille aînée de Job (42.14), Jémima, vient probablement d’un mot arabe qui signifie colombe. En Orient, on donne ce nom aux femmes de la plus grande beauté. Sémiramis fut appelée Sémir Jemamah, la colombe brune, ou, selon Hésychius, la colombe de la montagne, et les Babyloniens portaient une colombe sur leurs enseignes en l’honneur de cette princesse. Quant aux retraites choisies par ces oiseaux, on peut voir Ézéchiel 7.16 ; Jérémie 48.28 ; Cantique 2.14 ; Psaumes 11.1).
Le vol de la colombe est quelquefois considéré par les poètes comme l’image de la rapidité (Psaumes 55.7 ; Osée 11.11 ; Ésaïe 60.8) ; la colombe, en effet, dépasse au vol tous les animaux de sa taille et de sa grandeur, et c’est ainsi que, sans défense, elle peut échapper fort souvent à ses persécuteurs. Salomon, dans le Cantique (1.14 ; 4.1 ; 5.12), compare à des colombes les yeux innocents et tendres de celle qu’il aime : « ils sont comme des colombes sur les ruisseaux d’eaux, baignées dans du lait, se reposant au milieu de la plénitude de la beauté ». Chacun sent tout ce qu’il y a de gracieux dans cette image, qui s’attache cependant de si près à la réalité, en nous montrant les prunelles nageant dans le blanc de l’œil comme dans des flots de lait, et si fraîchement entourées d’un cadre de visage au milieu duquel elles reposent comme dans le sein de la beauté. Nos versions ont mal à propos, dans ces trois passages, mis « tes yeux sont comme ceux des colombes : » ceux n’est pas dans le texte, et ne fait que nuire à l’idée.
Le roucoulement de la colombe est dans presque toutes les langues appelé un gémissement (en latin, gemere, etc.), et les prophètes hébreux ont exprimé la même pensée (Ésaïe 38.14 ; 59.11 ; Nahum 2.7 ; cf. Ézéchiel 7.16).
Cet animal est le symbole de la candeur et de la simplicité (Matthieu 10.16), quelquefois aussi du peu d’intelligence (Osée 7.11-12).
Il reste encore quatre passages qui ont besoin d’une explication particulière, et qui, ordinairement mal traduits, plus souvent encore mal compris par certains interprètes, ont donné lieu à diverses méprises.
– Psaumes 68.14
Martin : Quand vous auriez couché entre les chenets arrangés, vous seriez comme les ailes d’un pigeon couvert d’argent, et dont les ailes sont comme la couleur jaune du fin or.
Luther : Quand vous êtes aux champs, cela resplendit comme les ailes des pigeons qui brillent comme l’argent et l’or.
Anglais : Quoique vous ayez été au milieu des pots (en Égypte, cf. Psaumes 81.6), cependant vous serez comme les ailes des colombes, recouvertes d’argent, etc.
Calvin : Quand bien vous seriez entre les pots aux cendres, si (cependant) serez-vous comme les ailes de la colombe couverte d’argent, et laquelle par derrière est comme le fin or bien jaune.
Quelque différentes que puissent paraître ces traductions, elles se réduisent pourtant, une fois qu’on peut les comprendre, à une même signification générale que voici : « Quand vous seriez couchés entre des chenets (marmites, objets qui ont senti la suie), vous n’en sortiriez pas moins blancs comme les plumes argentées d’une colombe, comme leurs ailes dorées ». Quelles que soient vos afflictions, quelles que soient les ténèbres dans lesquelles vous gisez, vous ne cesserez jamais de reluire, de briller, d’être heureux : la délivrance dissipera toujours les taches que vous aurez contractées dans l’adversité. Celui qui gouverne l’Église la tirera de tous les dangers auxquels elle sera exposée. On peut citer comme parallèle à ce passage le verset d’Ésaïe 1.18 : « Quand vos péchés seraient rouges comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige ».
– 2 Rois 6.25
Il est dit que lors de la famine de Samarie, le quart d’un kab de fiente de pigeon se vendait cinq pièces d’argent. Le savant Bochart, qui a consacré dix-sept pages à l’examen de cette question, pense qu’il faut entendre par les mots fiente de pigeon une espèce de légume, de pois chiches, qui porte encore un nom semblable en arabe ; mais il paraît que Bochart a fait une confusion de mots, et que ses conclusions d’analogie doivent être abandonnées. D’autres, surtout des interprètes anglais, ont essayé de paraphraser, en disant que l’on vendait pour cinq pièces d’argent un kab de balayures, de rebuts, d’ordures, de débris réservés aux pigeons, etc. ; mais c’est forcé, et l’on doit conserver la version ordinaire, qui est appuyée par toutes les traditions juives, et par le fait bien connu, qu’en maint et maint cas de siège, les habitants au désespoir ont été réduits à se nourrir de fiente d’animaux.
– Jérémie 25.38 ; 46.16 ; 50.16
On lit dans le premier de ces passages, en parlant des ravages que Nebucadnetsar fera dans la Judée, que la terre sera dévastée « à cause de l’ardeur de la fourrageuse » ; les deux autres versets indiqués finissent par « l’épée de l’oppresseur ». Dans ces trois passages, on peut traduire par colombe les mots marqués en italiques : c’est ainsi qu’a fait la Vulgate, et ceux qui adoptent cette manière de voir, l’expliquent en rappelant que les Assyriens et les Babylonniens avaient sur leurs drapeaux une colombe en souvenir de Sémiramis, et qu’ils sont fréquemment désignés sous l’emblème de cet animal. On peut comparer encore les passages du Nouveau Testament qui parlent de la colère de l’agneau, et penser que le prophète annonce aux Hébreux, que le Seigneur, doux comme une colombe, finira par s’embraser dans sa colère contre eux. Cependant, quoiqu’à la rigueur cette traduction et ces interprétations soient possibles, elles ne sont pas probables, et les auteurs catholiques eux-mêmes traduisent par oppresseur, ravageur, ou fourrageur, laissant au masculin ce dernier nom que Martin a mis au féminin sans trop de raison. On comprend comment l’épithète de ravageur pouvait bien se rapporter à l’ennemi de la Judée, Nebucadnetsar.
– Matthieu 3.16 ; Marc 1.10 ; Jean 1.32
Au baptême de Jésus-Christ il est dit que le Saint-Esprit descendit sur lui comme une colombe, et Luc (3.22), nous dit plus positivement encore : « Le Saint-Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle, comme celle d’une colombe ». On peut admettre que le Saint-Esprit qui, dans d’autres occasions, se présentait sous d’autres formes (cf. Actes 2.3), ait, cette fois peut-être, pris en effet la forme matérielle d’une colombe ; et les rabbins, dans leurs explications (Genèse 1.2 ; Cantique 2.12), ont toujours représenté l’Esprit de Dieu sous cette image : le symbolique Orient devait représenter le Saint-Esprit sous la figure d’un oiseau, comme descendant du ciel, et la colombe devait être choisie naturellement à cause de son innocence et de sa pureté. Cependant la plupart des interprètes modernes, surtout les protestants, repoussent cette idée comme trop matérialiste, et ne considèrent dans l’image que l’image seule, c’est-à-dire la vitesse, la douceur et la grâce. Pour pouvoir obtenir un résultat quelconque, une solution quelconque aux questions que soulève cette descente du Saint-Esprit, il faut remarquer que non seulement Jésus, mais Jean-Baptiste lui-même (au moins lui), a vu descendre le Saint-Esprit, que, par conséquent, le Saint-Esprit a dû revêtir une forme : on ne saurait admettre une vision, une vue, sans que l’objet vu ait des contours, un dessin, une forme : quelque vague qu’on veuille se le représenter, quelque nuageux, quelque vaporeux qu’on veuille supposer le Saint-Esprit dans cette occasion, encore faut-il qu’il ait eu une forme ; et l’on doit se demander maintenant s’il a une forme ordinaire, habituelle, constante, ou si, son essence étant invisible, il prend quelquefois, pour se manifester, des apparences terrestres : il nous semble que la première hypothèse est bien plus matérialiste que la seconde, et nous croyons beaucoup plus naturel, comme aussi beaucoup plus d’accord avec le texte sacré, d’admettre que le Saint-Esprit, impalpable sans doute, mais visible, a revêtu ostensiblement l’apparence de la colombe.