(Ephyra)
Une des villes les plus peuplées, les plus commerçantes et les plus riches de l’ancienne Grèce, et capitale de la propre Achaïe sous la domination romaine. Elle était située entre la mer d’Ionie et la mer Egée (de là le surnom de bimaris, Hor. Od. 1, 7.2.) et au pied d’un rocher qui portait la citadelle d’Acro-Corinthe. Elle avait 40 stades (8 à 9 km) de tour, et trois ports ; celui de Lechaeon sur la mer d’Ionie, à 12 stades (2 ou 3 km) de la ville ; celui de Cenchrée sur la mer Egée, et celui de Schœnos : non loin de là se trouvait le bois de Cranion. La position de Corinthe, entre les deux Grèce comme entre les deux mers, lui procurait des avantages commerciaux dont elle sut profiter, et qui ne contribuèrent pas peu à l’enrichir. Les arts et les sciences y fleurirent également, et Corinthe jouit ainsi d’une double réputation dans le monde intellectuel et dans le monde commerçant. Mais avec les richesses le luxe se développa, et avec lui les plus grands débordements et la plus hideuse corruption, au point que les païens eux-mêmes en étaient frappés, et que l’un d’eux inventa le verbe corinthiser, comme synonyme de vivre dans la débauche. Après que Mummius s’en fut emparé (147 avant Jésus-Christ) et qu’il l’eut dévastée, Jules César la rétablit (43 avant Jésus-Christ) ; elle ne tarda pas à recouvrer son importance et sa grandeur première, tellement qu’à l’époque de Paul, nous la retrouvons de nouveau résidence du proconsul romain en Achaïe (Actes 18.12). Paul y passa dix-huit mois, environ l’an 52.La philosophie et l’impureté furent les grands ennemis que l’apôtre eut à combattre ; l’impureté surtout y était tellement honorée, et presque consacrée par le culte de Vénus et par les prostitutions publiques des infâmes prêtresses de cette divinité, que l’inceste même y était toléré, et qu’un chrétien fut trouvé entretenant avec la femme de son père un commerce criminel.
Paul logeait chez les époux Aquila et Priscille (Actes 18.1ss), faiseurs de tentes, au travail desquels il s’associa pour n’être à charge à personne ; il prêchait tous les jours de sabbat dans la synagogue ; il fit d’abord quelques prosélytes parmi les Juifs ; mais bientôt voyant que la plupart d’entre eux, au lieu de recevoir ses instructions, se détournaient de lui avec des paroles de blasphème, il secoua contre eux ses vêtements, et leur dit : « Que votre sang soit sur votre tête, j’en suis net ! » et il se tourna vers les gentils. Il alla loger chez un païen converti, Juste, surnommé Tite, et un grand nombre de païens crurent à sa parole et embrassèrent la foi. C’est de cette ville que Paul, rejoint par Silas et par Timothée, écrivit successivement les deux lettres aux Thessaloniciens.
Après une longue mission, l’apôtre quitta Corinthe ; mais il y revint plus tard (Actes 20.2 ; 1 Corinthiens 16.3), et écrivit de là à d’autres églises, à Rome, etc. Apollos le remplaça (Actes 19.1 ; 1 Corinthiens 1.2) ; Aquilas et Sosthènes, fidèles et puissants ministres de la parole, y annoncèrent aussi l’Évangile (Actes 18 ; 1 Corinthiens 1.1 ; 16.11).
Épîtres aux Corinthiens. Paul écrivit trois lettres à cette église ; la première mentionnée (1 Corinthiens 5.9-11), est perdue, et semble avoir été dirigée principalement contre les habitudes d’impureté auxquelles plusieurs membres de l’église se livraient. La seconde est la première de celles que nous possédons. L’apôtre était à Éphèse (1 Corinthiens 16.8), vers l’an 56 ; c’est là qu’ayant appris par les gens de la maison de Chloé les querelles de partis qui divisaient l’Église, il écrivit aux Corinthiens pour essayer de ramener la paix parmi eux, en les réunissant autour du seul chef qui a été crucifié pour les siens, et au nom duquel ils avaient été baptisés (1 Corinthiens 1.13). Il cherche ensuite à les mettre en garde contre ces philosophes à pompeuse parole, qui veulent tout embrouiller pour tout éclairer, et qui veulent faire dépendre la foi de la sagesse des hommes ; puis il se plaint des désordres qui existent dans leurs repas de charité, de leur tolérance pour le vice et le péché. Dans les chapitres 7 à 15, il répond à diverses questions que les Corinthiens lui avaient faites sur le mariage, sur les choses consacrées aux idoles, sur la cène, sur la vraie charité, sur la résurrection de la chair, sur les dons spirituels.
Il paraît, en effet, que peu d’églises avaient été favorisées autant que celle de Corinthe, par des dons miraculeux ; mais ces dons même étant devenus une occasion d’orgueil et de chute, cette église se corrompit plus que toutes les autres. Apprenons de là , dit Bickersteth, la différence qu’il y a entre les dons et la grâce, et ne soyons pas abattus si les premiers nous manquent, pourvu que nous ayons celle-ci, qui est infiniment plus nécessaire et plus précieuse. L’apôtre (chap. 16), leur rappelle les collectes qui se font pour les saints, leur annonce sa prochaine visite, et termine par des salutations. Cette lettre eut tout le succès que l’apôtre en pouvait désirer ; elle produisit une tristesse salutaire, une plus grande crainte de Dieu et une sainte vigilance contre les désordres qu’il avait signalés.
Seconde épître. Peu de temps après le départ de la première lettre survint l’émeute de Démétrius, qui obligea Paul à quitter Éphèse. Il se rendit en Macédoine (Actes 19.20), espérant apprendre là quels étaient les résultats que sa lettre avait obtenus à Corinthe ; il avait envoyé Timothée dans cette ville (1 Corinthiens 4.17) ; mais soit que Timothée fut déjà parti à l’arrivée de la lettre, soit autre motif, il n’apprit rien par ce disciple, et envoya Tite, pendant que lui-même s’occupait encore à évangéliser autour de lui en Macédoine. C’est après le retour de ce dernier qu’il rédigea sa seconde lettre (qui est la troisième), pour les féliciter du succès de sa première, et pour les mettre toujours plus dans la disposition d’esprit dans laquelle il désirait les trouver lorsqu’il arriverait (2 Corinthiens 7.7). Tite et deux frères qui ne sont point nommés (8.16-18, 22), furent chargés de porter cette lettre ; il est probable que Luc était l’un des deux (v. 18 et 19), soit parce que ce qui en est dit se rapporte parfaitement à lui, soit parce qu’il est nommé dans une apostille à cette épître, addition inauthentique sans doute, mais fort ancienne ; soit enfin parce que Luc qui, dans les Actes a jusque-là parlé à la première personne, se met subitement à parler de Paul à la troisième (Actes 20.1), comme n’étant plus lui-même compagnon de voyage de l’apôtre : et comme c’est à cet endroit des Actes que l’on doit placer la deuxième aux Corinthiens, on peut supposer que Luc fut un de ceux qui la portèrent à sa destination. Elle fut écrite un an environ après la première, et, à ce que l’on croit, de Philippes.
L’apôtre commence par remercier les Corinthiens de la consolation que leurs prières lui ont fait éprouver dans ses maux ; puis satisfait de leur conduite sévère à l’égard de l’incestueux, il les engage à le recevoir de nouveau et à le consoler. Passant à ses rapports personnels avec les Corinthiens, il est amené à parler de la différence du ministère dans les deux économies, et à glorifier l’alliance nouvelle du christianisme. Ce sont les trois premiers chapitres. Dans la seconde partie (chap. 4-9), appelé à défendre son caractère et sa mission, il se montre comme ambassadeur de la réconciliation, comme affligé souvent, mais se consolant par la certitude qu’il a de la résurrection de la chair ; il engage les Corinthiens à se fortifier par la même foi pour renoncer au monde et à ses convoitises ; il leur rappelle de nouveau les collectes qui se font pour les saints, et se réjouit de la libéralité qu’ils ont toujours montrée à cet égard. Il termine en se tournant derechef contre les faux docteurs, et en particulier contre ceux qui veulent accaparer seuls le titre de chrétiens, et nuire à l’autorité de Paul ; il se défend contre eux et prouve qu’il a plus qu’eux tous des titres à la confiance générale, par sa naissance, par sa conversion, par ses travaux, par ses souffrances, par les révélations qu’il a obtenues ; il ajoute cependant que s’il a de quoi se glorifier, il se glorifiera plutôt dans sa faiblesse et dans son infirmité. Ses dernières paroles sont des exhortations à la repentance, à la paix et à l’amour .fraternel.
Il existe encore aujourd’hui deux lettres, l’une des Corinthiens à Paul, l’autre de Paul aux Corinthiens, toutes deux en langue arménienne ; mais leur authenticité ne saurait être prouvée, bien qu’on ait voulu les faire passer pour ces lettres perdues dont on a parlé plus haut. Celle que l’on attribue à Paul a paru pour la première fois en français dans l’Histoire critique de la république des lettres, Amsterd., t. X, puis en arménien, à Venise, en 1819.