C’est ainsi que s’appelle l’auteur d’un des livres sentencieux de l’Ancien Testament. Son recueil de pensées est intitulé : « Paroles de l’Ecclésiaste, fils de David, roi de Jérusalem » ; c’est un des livres qui ont donné le plus de travail aux interprètes. Que signifie d’abord le nom même d’Ecclésiaste, ou plutôt le nom hébreu de Kohéleth ? La traduction la plus simple en apparence, et le plus généralement admise, est celle de Prédicateur (Luther : Prediger) ; Horne l’applique soit à la personne chargée de convoquer le peuple, soit à celle qui doit le haranguer. La racine kahal est employée (1 Rois 8.1) pour dire que Salomon assembla les anciens ; c’est aussi là sa signification particulière, correspondante à celle du mot grec, d’où nous avons fait les mots Ecclésiaste et Église. D’autres traduisent un rassembleur ou collecteur, et l’entendent de celui ou de ceux qui auraient rassemblé et rédigé des paroles prononcées par le fils de David : l’Ecclésiaste serait alors, non pas l’auteur, mais le rédacteur du livre. La forme du mot Kohéleth est féminine (proprement la prédicatrice), mais on l’emploie fréquemment en hébreu, même en parlant d’hommes, lorsqu’on veut désigner plus particulièrement une charge, une dignité, un office. Eu égard à cette forme féminine, quelques docteurs distingués, Carthwight, Heidegger, etc., ont cependant présenté une interprétation différente ; ils voient dans Kohéleth la forme hébraïque du Pohel, et traduisent ce mot par « une âme rassemblée » ; selon eux Salomon, après avoir été rejeté de l’Église, chassé de la synagogue à cause de ses désordres, y serait rentré par sa repentance, serait redevenu membre de cette assemblée, et lui aurait été agrégé de nouveau : le féminin marquerait la profondeur de sa conversion, ce ne serait pas un homme, un roi, Salomon, son corps qui aurait été rassemblé, mais son âme ; quelques rabbins appuient cette manière de voir en expliquant Kohéleth par un homme doué d’une âme réintégrée. Entre ces deux explications principales, dont l’une fait de l’auteur un maître qui enseigne, et de l’autre un fidèle qui se repent et s’humilie, on peut choisir ; la seconde a peut-être quelque chose de plus séduisant ; la première réclame en sa faveur un plus grand nombre d’autorités et l’analogie de la langue.
Quant à la personne désignée par le nom d’Ecclésiaste, il est difficile de s’y méprendre, et il faut beaucoup de bonne volonté pour y voir autre chose que Salomon. Ceux mêmes qui veulent, comme Luther, n’y voir qu’une collection, reconnaissent que les paroles sont des sentences prononcées par ce sage monarque, quoique recueillies par d’autres ; rien ne justifie, du reste, ce système. Au premier verset, l’Ecclésiaste se donne comme roi de Jérusalem et fils de David ; ailleurs (2.4ss ; 1.16 ; cf. 1 Rois 4), il parle de ses richesses immenses, de ses maisons, de ses campagnes, de ses vignes, des aqueducs qu’il a fait bâtir, de ses viviers, de ses esclaves, de ses trésors en or et en joyaux, de sa grandeur, qui a été plus élevée que celle de tous ceux qui ont été à Jérusalem avant lui, de sa sagesse divine ; il parle encore des sentences et des proverbes qu’il a mis en ordre (Ecclésiaste 12.11-12 ; cf. 1 Rois 4.32 ; etc.) ; il n’y a qu’un type qui réponde à tous ces caractères. Toutefois, nous devons mentionner pour mémoire l’opinion des Talmudistes, qui attribuent cet ouvrage au roi Ézéchias ; celle de Grotius, qui l’attribue à Zorobabel ; celle de Kimchi, qui l’attribue à Ésaïe.
Au dire des rabbins, confirmé par saint Jérôme, quelques-uns de ceux qui recueillirent les livres saints après la captivité, furent d’avis de ne pas insérer l’Ecclésiaste dans le Canon, de peur que des esprits faibles ne fussent scandalisés de certains passages obscurs qui s’y trouvent, et qu’ils pourraient mal interpréter, par exemple 3.18-22 ; 4.1-3 ; 9.2 ; etc. Effectivement, ces versets trahissent un matérialisme et un athéisme révoltants ; ils rappellent dans leur genre ce passage des Romains 6.1 : « Péchons, afin que la grâce abonde » ; et ces paroles du même apôtre (1 Corinthiens 15.32) : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons » ; si les unes et les autres de ces paroles impies se trouvent dans l’Écriture, celles du Nouveau Testament pourront nous expliquer celles de l’Ancien ; dans l’un et l’autre cas, ce sont les raisonnements du pécheur reproduits par l’Esprit saint pour être combattus. Le but de l’auteur a été de démontrer la vanité des choses de la terre comme telles, et l’excellence de la sagesse et de la vraie religion ; son ouvrage présente une espèce de dialogue dont les rôles sont quelquefois assez difficiles à distinguer, parce que les interlocuteurs se rencontrent en plusieurs points, et que celui qui relève la grandeur divine s’accorde avec l’autre à dire que tout n’est que vanité. On peut supposer avec Grotius un homme de bien discutant avec un impie ou un Sadducéen ; c’était une forme qu’affectionnaient volontiers les anciens, Platon, Xénophon, etc. ; cependant le dialogue n’est pas aussi marqué que dans les ouvrages de ces philosophes. Il paraîtrait plutôt que Salomon discute avec lui-même, soit qu’il reproduise les arguments sadducéens que sa profonde science lui avait certainement fait connaître, soit aussi que le roi pénitent raconte ses erreurs passées, et le matérialisme insensé qui avait été pour lui le fruit de ses débauches et de son idolâtrie. Quoi qu’il en soit, on voit dans ce livre des opinions contraires mises en présence ; il y a donc deux hommes qui parlent, fictifs peut-être, et les doutes de l’un ne sauraient pas plus être comptés au nombre des paroles sacrées, que les discours des rois impies, des faux prophètes, et de Satan lui-même, qui sont reproduits en maint endroit par l’Esprit saint.
On a souvent remarqué la solennité avec laquelle s’ouvre le chapitre 5 ; l’impie, dégoûté, mais non désabusé, a critiqué tout ce qui se fait sur la terre ; il s’est plaint de voir prospérer le méchant, le faible tomber sans consolateur ; le Sage lui répond : « Quand tu entreras dans la maison de Dieu, prends garde à ton pied ; ne te précipite pas à parler ; Dieu est au ciel et toi sur la terre ; c’est pourquoi use de peu de paroles ». Homme chétif ! tu veux critiquer cet univers, qui marche, conduit par la puissante main de Dieu ; tu veux aborder le temple mystérieux de la Providence ; tu veux sonder la profonde sagesse ; eh bien, sois au moins prudent, ne te hâte pas de juger, et regarde.
Il est difficile de donner une idée exacte du plan de cet ouvrage ; on peut le diviser en trois parties : 1° la thèse (1.1-3) ; 2° le développement (1.4-12.8) ; 3° la conclusion (12.8-16). Le développement lui-même comprend deux parties principales : l’une négative, sur la vanité des choses de la terre ; elle va jusqu’à 6.9 ; l’autre, positive, sur la nature, l’excellence et les effets bienfaisants de la révélation divine, jusqu’à 12.7. Quant à l’ordre des idées, on ne peut pas le déterminer, et malgré tous les efforts qu’on a faits, on n’a pas réussi à exposer l’enchaînement méthodique des arguments, soit que l’âme trop pleine du prophète ait débordé de tous les côtés, versant à la fois le désespoir et l’espérance, les plaintes et le repentir, les vieilles erreurs et la nouvelle intelligence ; soit, comme le dit naïvement Heidegger, soit que nos humbles esprits ne soient pas capables de suivre la logique subtile et déliée d’un si grand roi. Le dernier chapitre présente à un haut degré ce caractère d’autorité que les païens remarquaient dans les discours de Jésus ; le sage ne discute plus, il affirme ; il ne raisonne plus, il impose : « Jeune homme, marche comme ton cœur te mène, mais sache que pour toutes ces choses Dieu t’amènera en jugement. Crains Dieu, et garde ses commandements, car c’est là le tout de l’homme ; parce que Dieu amènera toute œuvre en jugement, touchant tout ce qui est caché, soit bien, soit mal ».
Personne n’était mieux qualifié que Salomon pour dire : Vanité des vanités, tout est vanité ! Il avait joui de tout, abusé de tout ! Richesses, amour, sagesse, il avait vu une fin à toutes ces choses, et plusieurs l’avaient trompé. D’autres témoignages que le sien eussent été moins forts.
Quant à l’époque de la composition de ce livre, ceux qui supposent un autre auteur que Salomon, la fixent naturellement de très diverses manières, suivant l’auteur qu’ils donnent à l’Ecclésiaste ; nous n’avons pas à nous en occuper. Pour les autres, ils sont divisés selon qu’ils admettent ou non que Salomon s’est relevé de sa chute et de son idolâtrie ; il a composé l’ouvrage avant sa chute, s’il est mort impénitent ; il l’a écrit après, s’il s’est repenti, et cette dernière opinion qui semble ressortir de la lecture même de l’ouvrage, nous paraît de beaucoup la plus probable ; c’est presque une œuvre de pénitence, et l’on ne peut guère supposer que celui qui l’a écrite, ait pu faire plus tard une chute éternelle. Qui voudrait admettre que nous eussions dans l’Écriture l’ouvrage d’un apostat, d’un réprouvé ! L’inspiration n’y perdrait rien, si l’on veut, mais bien le lecteur. D’ailleurs il est difficile de croire qu’un homme aussi privilégié de Dieu, en ait été dans la suite complètement abandonné (v. Salomon).
On possède en français une bonne traduction de l’Ecclésiaste, par M. Vivien, et un commentaire explicatif, simple, profond et précieux, de M. F. de Rougemont.
On lit dans Calmet : « Luther a dit avec sa liberté, ou plutôt son insolence ordinaire, que l’Ecclésiaste lui paraissait un auteur plat, qui marchait sans bottes ni éperons, ce sont ses termes ; qu’il ressemblait au Talmud et était un ramassis de plusieurs ouvrages ; que l’on avait recueilli les maximes de table que Salomon prononçait dans la débauche et dans la bonne chère, et qu’on les avait écrites dans ce livre ».
L’opinion de Luther a été si souvent citée, que nous croyons ne pouvoir faire mieux que de laisser parler Luther lui-même. Entre son jugement authentique et l’autorité plus que douteuse de ses Propos de table, on ne peut hésiter : « Je puis dire en toute vérité, écrit-il en tète de son Commentaire, que j’eus une grande joie lorsque, pour la première fois, je saisis et découvris quelque peu le sens de l’original ; car j’ai, pendant ma vie entière, essayé mes forces sur ce livre, à plusieurs reprises et avec grand travail et grande application ; mais je n’ai pu tirer aucun profit de tous les commentaires et ouvrages des anciens, jusqu’à ce que j’aie en quelque sorte conquis l’intelligence du texte hébreu. Tout ce livre avait été interprété faussement, contre le texte et contre la doctrine chrétienne, et gâté de fond en comble (au temps de la Réforme, les docteurs catholiques appliquaient d’une voix unanime à la société même, telle que Dieu l’a réglée, au mariage, aux diverses vocations de l’homme, aux biens terrestres, ce que Salomon dit des abus par lesquels l’homme pécheur et insensé altère l’ordre divin des choses et les dons de la Providence, et ils déclaraient vanité l’œuvre de Dieu aussi bien que l’humaine folie. Rougemont)… Je recommande cet écrit, continue Luther, à tous les chrétiens pieux… L’Ecclésiaste est un livre tout particulièrement utile aux rois, princes et seigneurs, à leurs conseillers et à tous ceux qui sont dans le gouvernement, ainsi qu’à ceux qui ont femme et enfants à élever… On pourrait encore nommer ce livre l’écrit de Salomon sur les Églises et les écoles, etc. ».
M. de Rougemont, dans son Explication de l’Ecclésiaste, a fait un rapprochement très remarquable entre ce livre et les écrivains profanes. Nous en reproduirons ici la première partie (la seconde est une analyse du poème de Pétrarque intitulé les Triomphes) :
« L’Ecclésiaste, dans sa triple recherche du bonheur terrestre, passe par les états de l’âme les plus divers, et il expose ainsi les bases de tous les systèmes principaux de morale.
« Il commence et finit, comme Heraclite, par considérer toutes choses sous le jour le plus sombre. Mais dans le cours de ses recherches il lui vient plusieurs fois à l’esprit que la vraie sagesse pourrait bien être d’être toujours gai et joyeux (9.7-9 ; 3.22ss).
« On a dit avec raison que Faust et Don Juan résumaient l’humanité pécheresse et inconvertie. Le premier se perd par les jouissances intellectuelles, le second par les plaisirs des sens. L’Ecclésiaste a dit avec Faust : « J’appliquerai mon cœur à savoir » ; et avec Don Juan : « Allons, mon cœur, que je t’éprouve par la joie, et joui » du bien » (1.16-18 ; 2.1-2). « Six siècles avant Aristippe et Epicure, l’Ecclésiaste, fils de David, érigeait en système et mettait en pratique la morale du plaisir allié à la vertu (chap. 3). Mais bientôt le voilà qui s’écrie, à la vue du sage qui meurt comme l’insensé : C’est pourquoi j’ai haï la vie… j’ai haï tout mon travail… j’ai désespéré de tout ; et ces accents d’une insondable tristesse traversent tous les siècles sans être répétés par un seul écrivain, jusqu’au jour où le plus grand poète de la France actuelle dit à son tour :
Mais quand ces biens que l’on envie
Déborderaient dans un seul cœur,
La mort, au terme de la vie,
Fait un supplice du bonheur.
…
Voilà pourquoi mon âme est lasse
Du vide affreux qui la remplit
(Lamartine, Harm., III, 9.)
« À peine l’Ecclésiaste a-t-il fait taire sur ses lèvres le murmure du désespoir, à peine a-t-il entrevu un éclair de bonheur (2.24), qu’il se transforme sous nos regards en un dur stoïcien qui ne demande la joie qu’à la vertu, et qui baisse, en résistant, la tête sous le joug d’une immuable et insensible fatalité, qui lui distribue la souffrance et le plaisir sans lui permettre même de la fléchir par la prière (3.14).
« Mais bientôt il tombe plus bas encore ; la vue des désordres de la société lui inspire la plus ancienne profession de scepticisme qui se lise dans les fastes de l’histoire, et, jusqu’aux encyclopédistes du siècle passé, personne ne niera l’immortalité de l’âme en termes aussi rudes et durs (3.18-22). Notons toutefois que l’Ecclésiaste ne met nulle part en doute l’existence de Dieu. La démence seule peut dire : Il n’y a point de Dieu (Psaumes 53.1), et le sage n’aurait plus mérité ce nom s’il eût mis en doute la plus incontestable de toutes les réalités.
« Cependant il se relève de cet abîme, il prêche la crainte de Dieu et le contentement d’esprit, et déjà, s’élevant vers les sublimes hauteurs de l’Évangile, il proclame le néant de tous les biens terrestres (6.7), et la béatitude de la souffrance (6.12 ; 7.1-7).
« Mais il ne se soutient que peu d’instants à ces hauteurs, et il s’abat sur l’humble colline qu’Aristote choisira plus tard pour sa demeure : La vertu, dit-il, est le milieu entre deux extrêmes (7.11-22).
« Son cœur, sa conscience, l’avertit de son erreur, et le voilà, comme Diogène le cynique, cherchant partout un homme et ne le trouvant pas (7.28).
L’impunité du crime, l’adversité des gens de bien, la parfaite indifférence avec laquelle Dieu traite les justes et les injustes, font de lui un déiste qui se persuade que Dieu ne peut qu’approuver tout ce que font les hommes, et que la pensée de l’immortalité ne doit influer en rien sur notre conduite et ne troubler aucune de nos joies (chap. 8 et 9).
« Enfin, après bien des doutes encore et des hésitations, il croit que la sagesse est préférable à tout, parce qu’elle contient les plus grandes chances de bonheur, et il anticipe de vingt-sept siècles sur l’utilitarisme moderne (chap. 10 et 11).
« Cependant les accents qui dominent dans le discours philosophique de l’Ecclésiaste, sont ceux de l’eudémonisme. Aussi cet écrit n’offre-t-il que fort peu de points de comparaison avec les autres livres inspirés (tandis que sa conclusion est le résumé de tout l’Ancien Testament), et ses vrais parallèles se trouvent dans les ouvrages des philosophes païens, et en particulier chez les Epicuriens et chez Horace.
« L’Ecclésiaste et Horace recommandent constamment de modérer et restreindre ses désirs, et l’un comme l’autre fait l’éloge de la vie des champs, et décrit toutes les inquiétudes des grandes richesses (Ecclésiaste 4.4-8 ; 5.9-12).
« Pour être heureux, dit l’Ecclésiaste, il faut saisir la joie quand elle se présente et ne pas regimber contre l’adversité (2.24 ; 5.18 ; 7.14 ; etc.).
L’Ecclésiaste dit : « Ne sois ni trop sage ni trop méchant (7.16-17).
« L’Ecclésiaste veut des vêtements blancs aux jours de fête (9.8). L’Ecclésiaste sait que l’argent répond à tous nos désirs (10.19).
« Mais l’Ecclésiaste n’ignore pas que l’âme n’est pas rassasiée par les biens de la terre (6.7).
« L’Ecclésiaste revient constamment sur cette mort qui pèse sur les bons comme sur les méchants, à laquelle nul ne peut se soustraire, qui empoisonne toutes les joies et qui jette l’homme dans le sépulcre ténébreux on il n’y a ni œuvre, ni discours, ni science (2.14 ; 3.18 ; 6.2 ; 8.8-14 ; 9.1-12 ; 41.8).
« L’Ecclésiaste songe souvent avec chagrin à ces héritiers auxquels passeront ses biens (Ecclésiaste 2.18-26 ; Ecclésiaste 4.8).
« L’Ecclésiaste (7.10), se plaint des temps présents, qui sont pires que les jours passés.
« Au-dessus des grands est le roi, dit l’Ecclésiaste, et au-dessus d’eux tous est Dieu (5.8).
« Ces citations, auxquels on pourrait en ajouter bien d’autres, prouveraient à eux seuls que le livre de l’Ecclésiaste ne peut contenir dans tous ces passages la pensée définitive d’un sage inspiré. Mais quand bien même on voudrait ne voir en lui que le prédicateur de la joie mondaine, encore diffère-t-il totalement de l’homme naturel en ce qu’il connaît une jouissance des biens terrestres qu’accompagne, purifie, accroît la pensée et la crainte de Dieu. D’ailleurs ce n’est que pendant de courts instants qu’il parle comme un homme sans Dieu le ferait toute sa vie ; l’Hébreu qui s’abaisse de temps en temps jusqu’à donner la main aux sages de ce siècle, a l’âme assez grande pour embrasser tous les contraires, assez haute et noble pour ne voir que vanités dans toutes les joies de la terre, assez forte, assez passionnée pour haïr la vie telle que le péché l’a faite, assez sérieuse pour préférer le deuil aux rires, et c’est enfin lui qui, sur les ruines de tout espoir de bonheur, plante le céleste étendard de la crainte de Dieu ».