Quand on voit la place importante que l’idée d’expiation tenait dans le culte israélite et comment toutes ses parties tendaient à réconcilier l’homme pécheur avec la sainteté de Dieu, on comprend que la fête des expiations dût en être en quelque sorte le centre, le cœur ; c’était alors que se faisait une expiation générale, pour le peuple, pour le sacerdoce, et pour le sanctuaire ; c’était ainsi la plus solennelle de toutes les fêtes de l’année, la fête israélite par excellence ; on l’appelait le jour des expiations, ou même simplement le jour. C’était le seul jour de l’année où le jeûne fût de rigueur, la mortification de la chair devant accompagner la pénitence ; et tous les travaux étaient interrompus, comme au jour du sabbat. Elle se célébrait dans le septième mois, le dixième jour de ce mois, et ce choix était certainement en rapport avec la valeur des nombres 7 et 10, symboles, l’un de l’alliance, l’autre de la perfection.
C’était essentiellement le souverain sacrificateur qui officiait, et il se dépouillait pour cela de ses vêtements pontificaux pour ne se vêtir que d’une simple tunique blanche. Il commençait par offrir un veau pour ses propres péchés, conformément à Lévitique 4.3 ; avec le sang de ce veau il entrait dans le lieu très saint, ce qu’il n’avait le droit de faire que ce seul jour-là, et faisait aspersion par sept fois (encore ici le nombre de l’alliance) sur le propitiatoire, comme étant tout particulièrement le siège de la sainteté divine. Puis un bouc ayant été égorgé pour les péchés du peuple, la même cérémonie se répétait avec son sang, et cette expiation s’appliquait alors au tabernacle même et à ses ustensiles, qui étaient censés souillés aussi par le contact des pécheurs.
Ensuite avait lieu une autre cérémonie qui a donné beaucoup à faire aux interprètes. Un bouc tout semblable à celui qu’on avait immolé, était amené au souverain sacrificateur, qui, posant ses mains sur sa tête, confessait les péchés du peuple, puis le bouc était emmené au désert. Il est évident que par l’acte symbolique de l’imposition des mains, le bouc vivant était censé chargé des péchés du peuple, mais la difficulté gît dans les versets 8-10 et 26, de Lévitique 16, et dans l’interprétation du mot Hazazel. Plusieurs commentateurs ont cru pouvoir conclure de l’opposition qui existe entre les deux parties du verset 8, que le mot Hazazel devait désigner un être personnel (comme Dieu), et pouvait s’appliquer au malin esprit, au Diable ; alors il ne s’agirait pas sans doute d’un sacrifice fait à Satan (idée complètement antibiblique), mais le sens serait que, tandis que l’un des boucs était offert en sacrifice expiatoire à Dieu, l’envoi du bouc vivant, chargé des péchés dans le désert, représentait que les péchés étaient renvoyés au démon, leur auteur, car on sait que les déserts étaient censés être l’habitation des mauvais esprits, (v. Christologie de Hengstenberg, 1.1-36.). Mais quoique la doctrine de Satan entrât bien certainement dans le cercle des croyances israélites, elle n’y était cependant pas assez prononcée pour être reproduite dans le culte ; c’est pourquoi il paraît préférable de se joindre à ceux qui (comme Ewald. Tholuck, Bsehr), prennent le mot Hazazel, non comme un nom propre, mais comme la forme Pealpel (avec valeur intensive) du verbe hazal, éloigner ; ils traduisent alors Le Hazeazel pour le complet éloignement, c’est-à-dire des péchés. Les péchés étaient ainsi censés tout à fait soustraits aux yeux du Dieu saint, voués à l’oubli, et cette seconde cérémonie était le complément de l’expiation déjà opérée par le premier bouc ; ce qui confirme cette interprétation, c’est que le sort devait être jeté entre les deux animaux ; ils étaient ainsi censés ne former qu’un seul tout, seulement il en fallait nécessairement deux pour représenter les deux parties de l’idée : de même pour les deux passereaux (Lévitique 14). Il faut en outre bien remarquer que ce qui constituait essentiellement la fête, c’était l’entrée du souverain sacrificateur dans le lieu très saint avec le sang expiatoire, et c’est sous ce rapport que l’auteur de l’Épître aux Hébreux (ch. 9), nous enseigne à la considérer comme un type de l’œuvre expiatoire de Christ.