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Genèse
Dictionnaire Biblique Bost Westphal Calmet

Le premier livre de la Bible en général, et du Pentateuque en particulier ; il s’appelle en hébreu Bereshith (au commencement), selon les mots par lesquels il commence, et en grec Genesis (origine, naissance), nom tiré de son contenu. L’auteur en est Moïse selon l’ancienne tradition, et d’après les traces qui se trouvent dans le Pentateuque lui-même. Le but du livre est d’exposer l’origine du peuple de Dieu, en la rattachant à l’origine du monde. La Genèse est une introduction, une tête nécessaire à l’intelligence des autres livres de la Bible, qui, sans elle, seraient un acéphale. Après nous avoir donné sur la création quelques idées claires, précises et succinctes (voir cet article), la Genèse nous dit le commencement de la vie sur la terre, le premier homme et le premier péché, la première famille et la première dispersion, la première chute et la première promesse. Elle pose les jalons de l’histoire du genre humain pendant les vingt premiers siècles (Genèse 1-11) en nous faisant suivre les traces des idées théocratiques et des révélations divines, jusqu’au moment où elle vient à s’occuper d’une manière plus particulière de la famille de Héber et de son illustre descendant Abraham (11-50,). Elle raconte alors l’histoire des trois grands patriarches Abraham, Isaac, Jacob ; elle est plus circonstanciée sur la vie de Joseph, et sur ses destinées qui sont d’une grande importance pour l’histoire de la théocratie. Elle finit en rapportant les paroles de bénédiction adressées par Jacob mourant à ses fils, l’ensevelissement de ce patriarche et la mort de Joseph. Quant à la langue, c’est l’hébreu le plus pur et le plus uni, avec quelques archaïsmes témoins de l’antiquité du livre ; il peut être regardé comme la base et le modèle de la formation de cette langue sainte, dans tous les autres livres du code sacré.

La Genèse avait joui dans tous les siècles de ce respect qu’exigent les livres de Dieu, et que l’on accorde généralement à ces vieux monuments d’une ère qui n’est plus, lorsque dans la moitié du siècle passé un médecin hollandais nommé Astruc, sans doute malheureux dans l’exercice de son art, eut l’idée de consacrer ses loisirs à démolir ce qui était sacré en théologie, et tomba sur la Genèse, dont il révoqua en doute l’authenticité et l’intégrité (Bruxelles, 1753). Son livre, intitulé : « Conjectures sur les mémoires originaux dont il paraît que Moïse se servit pour composer le livre de la Genèse », réussit auprès de certains théologiens qui en adoptèrent et en développèrent les idées, Eichhorn, Ilgen (1798), puis Vater (1801-1805), De Wette, Gramberg (1828). Même l’idée se développa et s’étendit sous le manteau ; selon ces auteurs d’hypothèses, non seulement le contenu de la Genèse serait tiré de deux anciens documents, mais dans sa forme actuelle ce livre ne serait pas même le travail d’un rédacteur unique qui aurait composé son ouvrage suivant un plan prémédité ; ce serait un recueil de morceaux, d’anciennes traditions mal arrangées et augmentées par la fantaisie des narrateurs. Il n’appartient pas à notre plan d’entrer dans des détails sur cette controverse, mais nous devons au moins en indiquer les éléments.

L’hypothèse du morcellement repose : a) sur ce qu’il y a dans la Genèse plusieurs relations d’un seul fait (par exemple 12.10-20 ; 20.1ss ; 26.6-12) ; mais il ressort du texte même que ce sont des faits tout différents ; b) sur ce que l’origine d’un même nom est racontée de différentes manières, le nom d’Isaac (17.17-19 ; 18.12-15 ; 21.3-6), celui de Beër-Shéba (21.30-31 ; 26.33), de Béthel (28.19 ; 35.15), mais de ce qu’un même nom a pu se trouver vrai dans plusieurs sens, il n’en résulte pas la nécessité de penser à deux récits dont l’un exclurait l’autre ; c) sur ce qu’il y a de fréquentes répétitions ; mais c’est dans le style oriental, et d’ailleurs l’objection n’aurait de force que si les mêmes faits étaient racontés chaque fois sans des détails nouveaux, dans la même connexion, tandis que c’est le contraire qui a lieu ; la répétition se justifie d’elle-même par le but du narrateur, et elle ne porte que sur des faits importants. d) Il y a des morceaux isolés et décousus ; mais dans un récit aussi succinct les transitions seraient souvent des hors-d’œuvre, l’antiquité du livre et son caractère oriental ne les auraient pas supportées, e) On s’appuie enfin sur la présence de certains titres comme indiquant le commencement de nouvelles péricopes (ainsi 5.4 ; 6.9 ; 10.4ss ; 28.12 ; etc.). Mais ces titres, qui sont en quelque sorte des sommaires de chapitres, indiqueraient plutôt le contraire ; ils servent de transitions naturelles, et indiquent le plan de l’auteur et le soin avec lequel il coordonne ses généalogies.

L’hypothèse des deux documents repose sur la manière dont les noms de Dieu et de l’Éternel sont employés (Élohim et Jéhovah) ; les inventeurs de l’idée pensent que le rédacteur s’est servi de deux sources ou documents, dont l’un aurait tout rapporté à Dieu, l’autre tout à l’Éternel. Si l’on y fait attention, l’on trouvera qu’en effet il y a des chapitres, ou fragments de chapitres, dans lesquels l’un des deux noms est employé à l’exclusion de l’autre, quelquefois aussi les deux noms concurremment. Remarquons d’abord que si l’on veut conclure quelque chose, il faudra appliquer la même conclusion à l’Ancien Testament presque tout entier, où les noms de Dieu et de l’Éternel sont alternativement employés ; qu’on lise par exemple le prophète Jonas, on y trouvera la même observation justifiée, et cependant personne n’osera ou n’a osé faire de ce petit livre une mosaïque composée de divers documents. Mais une explication très simple et tirée de l’observation donnera la clé de l’emploi de ces deux noms, dans la Genèse comme ailleurs : c’est que le nom de Dieu, Élohim, s’applique presque partout au Créateur, juge de l’univers, maître de la race humaine, dans ses rapports avec le monde ; l’Éternel, Jéhovah, au contraire, est le Dieu de son peuple, le père de ses enfants, le Sauveur qui se manifeste. On peut lire, en prenant garde à cette distinction, l’histoire du sacrifice d’Isaac (22.4), celle du déluge (6-9), et surtout celle de la création (1-3), qui semble prêter le plus à l’hypothèse et même lui avoir donné naissance ; elle se divise en deux parties (1 à 2.3 ; et 2.4 à 3.1). La première est le récit général : l’auteur nous fait connaître l’origine du monde, il énumère les créatures, il nomme le créateur, c’est Élohim ; dans la seconde, l’auteur reprend son sujet, mais sous le point de vue spécial de l’homme considéré comme être moral : c’est là qu’il est question du péché, de la loi, du jugement, de l’Évangile qui sauve : c’est alors Jéhovah qui paraît, c’est l’Éternel ; le nom de Dieu lui est joint pour bien montrer qu’il ne s’agit pas d’un autre Dieu, mais du même considéré sous un autre point de vue, précaution bien nécessaire dans un temps où l’on pouvait être porté à croire à une pluralité de dieux. Voilà tout le secret de l’emploi alternatif de ces deux noms, non pas seulement dans des morceaux différents, mais aussi dans un même morceau, et c’est faute d’avoir compris leur grandeur et leur signification qu’on en est venu à la supposition de deux documents primitifs. Cette hypothèse, déjà bien ébranlée, tombera comme est tombée celle d’un Évangile primitif qu’on défendait il y a quelques années encore avec tant de suffisance. Voir Umbreit, Theol. Stud. und Kritik, 1831, p. 412, Ranke, Recherches sur le Pentateuque, Hœvernick, Introd. à l’Ancien Testament, et l’excellent Commentaire de F.W.J. Schrœder (Das erste Buch Moses, ausge-egt, Berlin 1486), dont on annonce une traduction française par M. le pasteur Bastie ; cet ouvrage a démontré, selon nous d’une manière évidente, l’unité du livre et du narrateur.