Animal très-commun dans l’Arabie, dans la Judée, et dans les pays voisins l’ l’appelle gamal, et il n’y a nulle difficulté sur la signification de son nom. Moïse le met au nombre des animaux impurs (Deutéronome 14.7 Lévitique 11.4). On peut distinguer trois espèces de chameaux. Les uns sont gros et corpulents, et propres à porter des fardeaux dit qu’ils portent jusqu’à mille livres pesant. Les autres ont deux bosses sur le dos, comme une selle naturelle, qui les rend propres, soit à porter des fardeaux, ou à servir de monture aux hommes ; enfin les troisièmes sont plus maigres, et d’une taille plus déliée, et on les appelle dromadaires, à cause de leur vitesse. C’est la monture ordinaire des gens de qualité [Les voyageurs Oléarius et Thévenot, qui cependant n’est pas sans exactitude, disent les mêmes choses du chameau, et M. Léon Delaborde (Commentairesur l’Exode, 9.3), qui les cite, dit que ce sont des erreurs et des fables. Au mot dromadaire, dom Calmet, suivant sans doute Oléarius, ou quelque auteur qui l’aura copié, dit que le chameau n’a qu’une bosse et le dromadaire deux. C’est tout le contraire. Écoutons les naturalistes. Le chameau, disent-ils, est un genre de mammifères de la famille des ruminants, renfermant deux espèces seulement : le chameau qui a deux bosses et le chameau qui n’en a qu’une ; elles ont des races différentes, et sont à l’état de domesticité dans l’Orient. Le chameau qui n’a qu’une bosse est appelé dromadaire, et c’est de lui seul qu’il est parlé dans la Bible.
Il est dit dans la Genese (Genèse 12.16), que les Égyptiens firent présent à Abraham de diverses sortes d’animaux parmi lesquelles sont nommés les chameaux ; et dans l’Exode (Exode 9.3), on voit encore mentionnés les chameaux avec les animaux que Dieu menace de frapper de la peste si le pharaon ne donnait aux Hébreux la liberté réclamée par Moïse. Cependant il semble que le chameau était, non pas inconnu aux anciens Égyptiens, mais repoussé par eux.« Un fait très-digne de remarque, dit M.Champollion-Figeac (Histoire d’Égypte, dans l’Univers Pittoresque, publié par Didot, pag : 106, col. 1), c’est qu’on ne trouve sur aucun monument la figure ni la mention du chameau ; habitant de l’Arabie, ce précieux animal paraît avoir été inconnu aux anciens Égyptiens pour leur service. » En effet, durant la famine qui désola l’Égypte sous l’administration de Joseph, les Égyptiens engagèrent leurs troupeaux, tous leurs animaux utiles et même leur liberté pour avoir du blé ; le texte fait mention de leurs chevaux, deleurs brebis, de leurs bœufs, de leurs ânes, mais nullement de leurs chameaux Voyez (Genèse 47, 14-17) : donc ils n’avaient probablement point de chameaux. Cette conclusion, dont on voit la réserve, n’eit encore que conjecturale, et sans lui accorder plus de valeur, on pourrait dire que, probablement aussi, les textes cités présentent une contradiction. M. Delaborde a vu cette difficulté, et voici en quels termes s’exprime :
Les auteurs grecs et latins (Hérodote, Diodore de Sicile, Strabon, Pline, Pomponius Méla, Dion Cassius, Plutarque, etc.), l’histoire de toutes les guerres de l’antiquité, dans la Perse, la Médie, la Phrygie (Hérodote, Diodore, Élien, Plutarque, Frontin, Hérodieu, etc.), concourent avec la Genèse entière pour nous apprendre que le chameau était en usage dans l’Asie dès la plus haute antiquité, et dès lors nous devons croire qu’il est originaire de cette partie du monde.
Les Égyptiens, qui avaient des rapports commerciaux avec les peuplades de la Syrie, voyaient arriver chaque jour sur leurs frontières les innombrables caravanes de chameaux qui apportaient les matières premières et les esclaves que les Madianites et les Ismaélites échangeaient contre les objets manufacturés. Ils voyaient aussi ceux qui venaient, soit de la côte de la mer Rouge, soit de l’intérieur de l’Afrique ; ils souffraient dans leur voisinage, et sur les terrains qu’ils concédaient, que des peuples nomades élevassent ces animaux. Un de leurs pharaons fait chercher, dans ces tribus de pasteurs ; des chameaux pour les donner à Abraham (Genèse 12.16) ; et cependant tout porte à croire qu’un préjugé ou un précepte religieux s’opposait à ce qu’ils en fissent usage.
Nous n’avons ni une explication de ce préjugé, ni un document qui cite ce précepte, ni une preuve positive que les chameaux n’aient pas été employés alors, comme ils le sont maintenant, dans le pays qui semble eu être, la patrie, tant la race en est belle aujourd’hui et l’usage général. Deux faits seulement, doivent nous faire croire à l’existence de ce préjugé et de ce précepte et à l’absence complète des chameaux sur les terres de l’Égypte proprement dite. Pour le premier fait, M. Delaborde cite textuellement la (Genèse 47, 14-17), dont nous avons rapporté ci-dessus les traits nécessaires.
En second lieu, dit-il, les peintures, bas-reliefs et sculptures égyptiennes ne représentent jamais le chameau. Cet animal n’a point été admis parmi les signes hiéroglyphiques, et il ne figure pas dans les innombrables scènes qui retracent si complètement toute la vie privée et les habitudes domestiques des Égyptiens.
De ces deux faits, aussi positifs, aussi significatifs l’un que l’autre, nous devons conclure que les Égyptiens ne firent point usage des chameaux à l’époque du séjour des Hébreux sur la frontière de leur pays, mais qu’ils étaient entourés de peuples pasteurs dont ils avaient les habitudeset probablement aussi l’animal de prédilection en abomination. Nous n’allons donc pas aussi loin que M. Desmoulin, auteur d’un mémoire sur la patrie du chameau, qui prétend prouver que les Égyptiens n’auraient pas même connu de vue le chameau lorsque Ptolémée, fils de Lagus, au rapport de Lucien, fit paraître au théâtre, devant la population d’Alexandrie, un chameau bactrien noir.
Les Égyptiens, comme je l’ai dit, connurent de tout temps le chameau, qui paissait en troupes nombreuses sur leurs frontières, et qui, à cette époque comparativement récente, arrivait par toutes les voies commerciales sur leurs terres. Ils n’en faisaient pas usage par suite d’un préjugé ou d’un précepte religieux ; et l’un ou l’autre se maintint très-longtemps, parce que la séquestration de l’Égypte à l’extérieur et son sol canalisé dans l’intérieur ne rendaient pas nécessaires les bêtes de somme et les longs voyages. Quant à la nouveauté d’un chameau noir à deux bosses (bactrien) et à la curiosité qu’il excite, à la peur qu’il inspire, on les conçoit dans un pays où les chameaux avaient lel poil ras et presque blanc, comme de nos jours, et seulement une bosse, tandis que le chameau bactrien, avec son corps velu, sa longue laine noire et ses deux bosses, est, même aujourd’hui, en Syrie, un objet de spectacle, quand il y passe, et peut être regardé comme un animal effrayant et entièrement différent du chameau de l’Égypte :
Cette aversion des Égyptiens pour le chameau et l’absence de cet animal parmi leurs bestiaux, prouvées par les monuments et confirmées par un passage de la Bible, ne forment donc point une contradiction avec l’Exode (Exode 9.3). l’épidémie qui frappait les animaux de l’Égypte s’étendait sur tous ceux qui naissaient sur son sol, aussi bien sur les rives du Nombres que sur la lisière des terrains cultivés ; la terre des Hébreux, le pays de Goshen, fut seul préservé, et Moïse veut faire entendre que tous les chameaux des peuples nomades, fixés, comme les Hébreux, sur la frontière de l’Égypte, moururent de l’épidémie, en même temps que les chevaux, les ânes, les brebis et les bœufs des Égyptiens.
Les Arabes, les Perses, et d’autres peuples mangeaient de la viande de chameau, et on en servait sur les meilleures tables. Mais l’usage en était interdit aux Hébreux, comme nous l’avons déjà dit. Il se met sur ses genoux, pour se reposer. Eliézer, serviteur d’Abraham, fit plier les genoux à ses chameaux, pour les faire reposer près la fontaine de Haran (Genèse 24.10). Les chameaux gardent l’eau fort longtemps dans leur estomac pour se rafraîchir. La nature leur a donné pour cela un grand ventricule, autour duquel on trouve un nombre considérable de sacs enfermés entre ses tuniques, dans lesquels il y a apparence que ces animaux mettent leur eau en réserve. On assure qu’ils demeurent dix ou douze jours sans boire ni manger.
Cependant ce que l’on dit des sacs que l’on trouve autour du ventricule des chameaux, où ils réservent de l’eau pour plusieurs jours, est démenti par les observations physiques que les jésuites ont faites à la Chine, où ils ont disséqué divers chameaux, et où ils n’ont rien trouvé de semblable. Dès que le chameau est né, on lui lie les quatre pieds sous leventre, on lui met sur le dos un tapis, dont les bords sont chargés de pierres, afin qu’il ne puisse se relever pendant vingt jours ; c’est ainsi qu’on lui fait prendre l’habitude de fléchir les genoux pour se reposer, ou lorsqu’on le veut charger et décharger. Il a le pied large et solide, et non pas dur ; il est couvert d’une simple peau, et au printemps tout le poil lui tombe en moins de trois jours, et la peau lui demeure toute nue. Alors les mouches l’incommodent extrêmement, et il n’y a point de remède que de lui goudronner le corps. On se sert d’une petite baguette pour le panser au lieu d’étrille, dont on frappe sur lui comme sur un tapis pour en ôter la poussière. Lorsqu’il est en marche, le maître le suit en chantant et sifflant, et plus il chante fort, et mieux il marche. Léon Delaborde a consacré au chameau onze ou douze colonnes de son Commentaire sur l’Exode, in-fol., pages 34-40, pleines de détails curieux et intéressants, comme on en peut juger par les lignes que nous en avons extraites.