Ville célèbre en Syrie. Elle a été longtemps capitale d’un royaume, nommé le royaume de Damas, ou Aram de Damas, ou Syrie de Damas. On ignore au vrai qui est le fondateur de Damas [Suivant M. Ch. Lenormant, professeur à la Faculté des Lettres de Paris, Hus ou Us, fils aîné d’Aram, cinquième et dernier fils de Sem (Genèse 10.22-28), fut le fondateur de Damas. Après avoir discuté quelques textes de la Genèse : « Le chapitre 10 nous présente donc, dit-il, sur l’origine d’Aram et de Huts, la version la plus vraisemblable et la plus conforme à l’histoire. Nous pouvons conclure de ce qu’il fait Huts fils d’Aram, qu’à l’époque où la branche araméenne se détacha de la tige sémitique pour se répandre dans les vallées du Liban, le nom de Huts désigna un des établissements séparés qui furent le résultat de cette dispersion. » Et plus loin, lorsqu’il trace la marche d’Aram : « Aram … établit son fils Huts à Damas et son autre fils Hul dans la Coelésyrie. »
Damas subsistait dès le temps d’Abraham, et quelques anciens (Justin. T 36) ont enseigné que ce patriarche y avait régné immédiatement après Damascus son fondateur. Ce qui est certain, c’est qu’il avait un affranchi, intendant de sa maison, qui était de Damas (Genèse 15.2), et qu’il poursuivit Codorlahomor et les cinq rois ligués jusqu’à Hoba, qui est à la gauche, ou au nord de Damas (Genèse 14.15). L’Écriture ne nous apprend plus rien de cette ville jusqu’au temps de David. Alors Adad, roi dé Damas, ayant voulu fournir du secours à Adarézer, roi de Saba, David les vainquit tous deux, et assujettit leur pays (2 Samuel 8.5 ; 1 Chroniques 18.4-5). Josèphe dit que ce roi Adad était le premier qui eût pris le titre de roi dans cette ville ; et il le dit après Nicolas de Damas, historien du pays, qui vivait du temps d’Hérode le Grand.
Sur la fin du règne de Salomon (1 Rois 11.23-25), Dieu suscita Razin, fils d’Eliada, qui rétablit le royaume de Damas, et qui secoua le joug des rois de Juda. Assez longtemps après, Asa, roi de Juda, implora le secours de Ben-adad, fils de Tabremon, roi de Damas, contre Basa, roi d’Israël, et l’engagea à faire irruption sur les terres de son ennemi(1 Rois 15.18). Depuis ce temps, la plupart des rois de Damas sont nommés Ben-adad : par exemple, Ben-adad, fils de celui dont on vient de parler, qui assiègea Samarie, accompagné de trente-deux rois, sous Achab, roi d’Israël (1 Rois 20.1-2). Ben-adad fut obligé de lever le siège de Samarie ; et, l’année suivante, ayant remis une armée sur pied, il fut vaincu par Achab (1 Rois 20.23-24), et il s’obligea de rendre au roi d’Israël les places que ses pères avaient prises sur Israël. Ben-adad n’ayant pas fidèlement exécuté sa promesse, et ayant refusé de restituer Ramoth de Galaad, donna occasion à diverses guerres entre les rois d’Israël et ceux de Damas.
Ben-adad fit la guerre à Joram, fils d’Achab, comme il l’avait faite à son père. Il assiègea Samarie, et fit diverses entreprises contre Israël. Mais le prophète Élisée renversait tous ses projets en les découvrant au roi Joram : en sorte que Ben-adad envoya des troupes pour arrêter ce prophète, et pour se le faire amener. Mais Élisée les frappa d’aveuglement, et les fit entrer dans Samarie, sans qu’ils s’en aperçussent (2 Rois 6.13-15). Enfin, quelque temps après, Ben-adad étant tombé malade à Damas, Élisée y alla ; et le roi lui ayant envoyé de grands présents par Hazael, le prophète prédit à Hazael qu’il règnerait ; et Hazael étant retourné vers Ben-adad, l’étouffa dans son lit, et régna en sa place (2 Rois 8.7-8).
Il hérita de la haine que ses prédécesseurs avaient eue contre le royaume d’Israël. Il lui fit la guerre et y commit mille ravages. Il attaqua même le royaume de Juda (2 Rois 12.17) ; et Joas, roi de Juda, fut obligé de racheter le pillage de son pays et de sa capitale, par de grandes sommes qu’il lui donna. Ben-adad, fils de Hazael, marcha sur les traces de son père. Il fit la guerre avec succès aux rois d’Israël et de Juda (2 Rois 13.5-21, 25). Toutefois Joachas, roi d’Israël, le battit dans trois rencontres, et l’obligea de lui rendre les villes qu’Hazael avait prises sur son père.
Jéroboam II roi d’Israël, reprit le dessus sur les rois de Syrie. Il conquit Damas et Emath, les deux principales villes de Syrie (2 Rois 14.25). Mais, après la mort de Jéroboam second, les Syriens rétablirent leur monarchie. Razin prit le titre de roi de Damas. Il se ligua avec Phacée, usurpateur du royaume d’Israël, et commit avec lui une infinité de ravages sur les terres de Joathan et d’Achaz, rois de Juda (2 Rois 16.5-10). Achaz ne se sentant pas assez fort pour leur résister, envoya demander du secours à Téglatphalassar, roi d’Assyrie. Celui-ci pour faire diversion, entra sur les terres de Razin, prit Damas, la ruina, fit mourir Razin, et envoya les Syriens ses sujets, en captivité au delà de l’Euphrate (2 Rois 16.9), suivant les prophéties d’Isaïe et d’Amos (Isaïe 7.4-8 ;8.4 ;10.9 ;17.1-3).
Damas se releva de toutes ces disgrâces. Nous croyons que Sennacherib la prit, en venant contre Ézéchias, ainsi qu’Isaïe le marque (Isaïe 9.9). Holopherne la prit aussi du temps de Manassé, roi de Juda (Judith 2.17). Ézéchiel (Ézéchiel 27.18) en parle comme d’une ville florissante de son temps. Jérémie (Jérémie 25.9-10 ; 27.8 ; 49.23-24) la menace des armes de Nabuchodonosor, qui l’assujettit, de même que toutes les autres villes de Syrie. Après le retour de la captivité, Zacharie (Zacharie 9.1) lui prédit des malheurs, qui lui arrivèrent apparemment, lorsque les généraux d’Alexandre en firent la conquête. Il semble que Jonathas Machabée, frère de Simon, se rendit maître de Damas, pendant les troubles de Syrie (1 Machabées 12.32) mais il ne paraît pas qu’il l’ait conservée. Les Romains s’en emparèrent vers l’an du monde 3939, lorsque Pompée, faisant la guerre à Tigranes, y envoya Metellus et Laelius, qui s’en saisirent (Josèphe). Scaurus s’y rendit quelque temps après ; et après lui, Pompée, qui y fit venir Hircan et Aristobule qui se disputaient la royauté.
Damas demeura sous la domination des Romains, jusqu’à ce qu’elle tomba entre les mains des Arabes. Obodas, père d’Arétas, roi d’Arabie, dont parle S. Paul (2 Corinthiens 11.32), était déjà maître de Damas sous Auguste y mais il ne la possédait pas dans une entière indépendance. Ce roi, comme plusieurs autres, était soumis aux Romains. Arétas, qui avait un gouverneur à Damas, lorsque saint Paul y vint, se brouilla avec les Romains ; et lorsque les Juifs de Damas voulurent faire arrêter cet apôtre, Arétas était en guerre avec eux (an de Jésus-Christ 37). Voilà à-peu-près ce qu’il est nécessaire de savoir sur les divers états de la ville de Damas, par rapport aux livres saints, et à l’histoire des Hébreux et du Nouveau Testament.
Naaman, général des troupes du roi de Syrie, étant venu trouver le prophète Élisée, pour être guéri de la lèpre ; ce prophète lui dit de s’aller baigner sept fois dans le Jourdain. Mais Naaman tout fâché, répondit (2 Rois 5.1-3) : N’avons nous pas à Damas les fleuves d’Abana et de Pharphar, qui sont meilleurs que tous ceux d’Israël, pour m’y aller laver et pour me guérir ? Il y a des auteurs qui croient qu’Abana est l’Oronte, et Pharphar le Chrysorroas, fleuves célèbres en Syrie. Benjamin de Tudèle dit que le fleuve Abana, ou Amana, arrose la ville de Damas, et Pharphar arrose ses campagnes. Les voyageurs nous apprennent que le fleuve qui passe dans Damas, s’appelle encore aujourd’hui Tarfar, Tarfaro, Farfaro, ou Fer, ou Pir. Étienne le géographe donne au fleuve de Damas le nom de Baradine ; et Maundrel assure que les Syriens le nomment Barrady. Ce fleuve a sa source dans l’Antiliban, et va se perdre dans des marais, à quatre ou cinq lieues de Damas, vers le midi. Ce voyageur dit qu’il n’a pu trouver dans ce pays aucun vestige du nom d’Abana, ni de Pharphar.
On montre à cinq cents pas de Damas, du côté du midi, sur le grand chemin, le lieu où saint Paul fut renversé par cette voix : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? On y bâtit une église, qui est à présent entièrement ruinée. On voit encore dans la même ville, la maison que l’on dit être celle de saint Ananie, qui baptisa et instruisit saint Paul ; laquelle est changée en église, et dont les Turcs ont fait une mosquée. Plusieurs écrivains ont cru que Caïn et Abel avaient leur demeure auprès de Damas, et que c’est du sang d’Abel dont cette ville a pris son nom ; car, en hébreu, Dam-sak signifie un sac de sang. On montre encore dans ces quartiers-là le tombeau d’Abel, qui est, dit-on, de la longueur de quarante pieds. Mais ou ne peut faire aucun fond sur de pareils récits.
Les Arabes donnent à cette ville le nom de Damaschk, ou Demeschk, ou celui de Scham, qui est le nom de la province dont Damas est la capitale. Ils croient communément que cette ville a tiré son nom de Dameschek Eliézer, serviteur ou intendant de la maison d’Abraham, et que ce patriarche en est le fondateur. Il y a toutefois des historiens arabes qui font la ville de Damas encore plus ancienne que le siècle d’Abraham, et qui prétendent qu’elle a été fondée et nommée par Demschak, fils de Chanaan, fils de Cham et petit-fils de Noé.
Le géographe Persien dit que la campagne ou plaine de Damas, qui s’étend entre le Liban et l’Antiliban, et que les Arabes appellent Ganthah, est un des quatre paradis de l’Orient. Les trois autres sont Obolla dans la Chaldée, où il y a une rivière de même nom ; Schebbaoran, en Perse, et la Sogdiane, que les Orientaux appellent la vallée de Samarcand. Ils prétendent qu’Adam a été créé près de Damas, d’une terre rouge que l’on voit au même endroit, et qui leur a paru plus propre que d’autre à former de la chair vive. Plusieurs placent au même endroit le paradis terrestre.
La ville de Damas, selon le géographe Étienne, a tiré son nom de son fondateur Damascus, fils de Mercure et d’Alcimède. Dans le premier livre des Chroniques (1 Chroniques 18.5-6), Damas est nommée Darmasch au lieu de Damask. Quelques-uns dérivent le nom de Damasch, ou Damsak de l’hébreu Dam, sang, et sak, un juste, comme pour marquer que cette ville a été souillée du sang d’Abel. Damas a été ville épiscopale métropolitaine sous le patriarche d’Antioche ; mais aujourd’hui le patriarche grec d’Antioche y réside. Le temple de Damas passe pour un des plus beaux qu’aient les Turcs. Ils disent que ce temple fut d’abord bâti par les Sabiens, disciples de saint Jean-Baptiste, qui y conservaient le chef de ce saint précurseur suspendu à la voûte : ensuite les chrétiens s’en rendirent les maîtres, et en furent chassés par le Calif Valid, fils d’Abdalmelech, qui dépensa pendant plusieurs années tout le revenu qu’il tirait de la Syrie à l’embellir. Il y a un dôme magnifique qui porte le nom de dôme d’Aliat ; il est accompagné de plusieurs autres dômes de moindre grandeur, dont l’un s’appelle le dôme de la montée, ou de l’ascension de Mahomet au ciel : le troisième, le dôme de la résurrection des morts ; et le quatrième, le dôme de la balance ou du jugement dernier. Malgré toutes les révolutions qui sont arrivées à Damas, cette ville passe encore aujourd’hui pour une des plus belles et des plus considérables de l’Orient [L’Arabe Calid, surnommé le glaive de Dieu, à la tête des guerriers musulmans, prit Damas sur les chrétiens, qui devaient fuir et disparaître devant la face dévorante de l’Islam, devant cette religion nouvelle prêchée le sabre à la main, et dont les farouches sectateurs menaçaient d’asservir la terre tout entière. On peut lire dans Gibbon l’histoire du siège de la conquête de Damas par ces fanatiques enfants de Mahomet. Damas, après cela, fut l’objet de la convoitise des princes musulmans, le théâtre sanglant de leurs rivalités perpétuelles.
Au temps des Croisades, la douzième année du règne de Baudouin II les Francs de Palestine se mirent en route pour aller assièger Damas (décembre 1130) mais il leur sembla que Dieu s’opposait à leur entreprise, et ils revinrent sur leurs pas, quoique les hostilités eussent déjà commencé. Plus tard, sous Foulques d’Anjou, successeur de Baudouin 2.Zenghi, prince de Mossoul, se disposait à venir s’emparer de Damas ; le Sultan qui gouvernait cette ville, implora le secours des chrétiens, leur promettant de les aider à reprendre Panées, qui avait été récemment livrée à Zenghi. Ce dernier, à la vue de l’armée chrétienne, près de Damas, abandonna son dessein. Le sultan de Damas, reconnaissant, contribua puissamment à arracher à Zenghi la ville de Panées, qui revint ainsi en la possession des chrétiens. Dans la croisade de Louis VII et de Conrad (1145-1149), sous Baudouin III fils et successeur de Foulques, les chrétiens tentèrent de nouveau le siège de Damas ; après y avoir déployé beaucoup d’héroïsme, et au moment de saisir la victoire, la discorde, appelée par l’ambition des chefs, s’établit parmi eux, et ils furent obligés de se retirer. Plus tard, Saladin fut couronné sultan de Damas et du Caire. Afdal, son fils aîné, lui succéda à Damas ; il se livra à la débauche, et Malek Adhel, son oncle, lui fit la guerre au nom d’Aziz, autre fils de Saladin et sultan d’Égypte. Il prit Damas, en chassa Afdal, et s’y établit souverain.
En 1200, un tremblement de terre détruisit en partie cette ville. Quelques années après, Malek-Adhel, renonçant à la souveraine puissance, et partageant ses États entre ses fils, donna au second, c’est-à-dire à Coradin, la souveraineté de Damas. Cette capitale ne cessa pas d’être disputée par les princes musulmans, ambitieux et avides du pouvoir. Près de deux siècles s’écoulèrent pendant lesquels Damas ne jouit de la paix que par intervalles ; puis parurent les Tartares. « En 1401, dit M. Poujoulat, époque où ces conquérants barbares épouvantaient l’Orient de leurs victoires, Damas était défendue par les armées l’Égypte, et les compagnons de Timour ou Tamerlan furent d’abord repoussés. La révolte des mameluks ayant obligé le sultan de reprendre le chemin du Caire, les Damasquins, quoique réduits à leurs propres forces, continuèrent à résister. Timour offrit de lever le siège à des conditions que les habitants crurent pouvoir accepter. Mais le conquérant tartare viola le traité sous la foi duquel il avait pénétré dans la ville,. et ordonna le carnage à ses troupes… Le glaive n’épargna qu’une seule famille… Et un certain nombre d’artisans armuriers qu’on envoya à Samarcande ; c’est depuis ce temps que Damas a perdu ses fabriques de lames tant vantées. L’incendie fit de la capitale syrienne un monceau de cendres et de ruines, et le beau Barrady coula solitaire à travers les décombres et les jardins dévastés. »
Damas est appelée aujourd’hui par les Arabes El-Cham, la Syrie, parce qu’elle en est la capitale, et non point El-Chams, le soleil, selon quelques auteurs. Pokoke, Maundrel, Niebuhr, Volney, Ali-Bey, plusieurs voyageurs anglais modernes entre autres Richardson, ont parlé de Damas ; mais on connaît peu cette ville quand on ne l’a vue qu’a travers leurs récits, pleins, à la vérité, de détails curieux. M, Poujoulat, qui a aussi visité Damas, a fait sur cette antique cité le travail le plus intéressant et le plus complet qui existe jusqu’à ce jour. Voyez dans la Correspondance d’Orient, les lettres 145, 149 tome 6, pages 148-235. C’est principalement le tableau de la ville et des mœurs de ses habitants à notre époque. Nous y trouvons quelques traits que nous devons mentionner ici :
« Les peuples qui ont passé par Damas n’y ont laissé aucune trace de beaux monuments. La porte de Saint-Paul (Bab-Boulos), à l’orient, est le débris le plus remarquable de la vieille cité… La grande mosquée, celle qu’on a coutume de fermer en signe d’alarme, fut autrefois une église consacrée à saint Jean-Baptiste, selon les uns, à saint Jean Damascène, selon les autres ; quelques auteurs prétendent aussi que cette église était dédiée au prophète Zacharie et qu’elle date de l’empire d’Héraclius ; cette dernière opinion est fondée sur ce que dans le premier siècle de l’ère chrétienne, les fidèles et surtout les Grecs aimaient à placer leurs temples sous l’invocation des anciens patriarches et des prophètes. Les auteurs arabes nous apprennent que le calife Valid, an 86 de l’hégire, répara et embellit le monument ; ce qui a fait croire que la grande mosquée de Damas était l’ouvrage de ce calife. Je n’ai pas le temps de fouiller dans les vieilles origines pour déterminer avec une incontestable vérité, quel fut le premier fondateur de ce temple, sous quel saint patronage ce sanctuaire fut d’abord placé ; je me borne à dire que la grande mosquée est le plus beau monument de Damas ; l’édifice est d’architecture corinthienne ; la vue extérieure du monument présente des formes et un caractère qui rappellent les grandes œuvres du génie grec ; le premier âge de la foi chrétienne n’a rien enfanté de plus remarquable. « La nef du centre, dit Ali-Bey, cité par M. Poujoulat, renferme le sépulcre du prophète Jean, fils de Zacharie… ». Les musulmans damasquins croient posséder le tombeau de Jean-Baptiste ; avec un peu d’attention et de critique, on peut reconnaître leur erreur. C’est à Tibériade que le précurseur du Christ eut la tête tranchée ; les disciples de Jean l’ayant su, dit l’Évangile, vinrent prendre son corps et le mirent dans un tombeau. Il est donc bien évident qu’il faudrait chercher le sépulcre du fils de Zacharie dans la Galilée et non point à Damas… Une tradition musulmane annonce qu’à la fin du monde saint Jean descendra dans la grande mosquée de Damas, comme Jésus, d’après la même tradition, descendra dans le temple d’Omar à Jérusalem, et Mahomet dans le temple de la Mecque…
D’après les informations que j’ai prises, et par un calcul qui d’ailleurs ne peut être qu’approximatif, je porterai à cent trente mille environ le nombre des musulmans à Damas ; on compte à-peu-près deux mille Juifs, dix mille Grecs catholiques, cinq mille Grecs Schismatiques ; le reste de la population chrétienne est arménien et syrien…
Le faubourg du sud de Damas se nomme Rab-Allah (la porte de Dieu), parce qu’il fait face aux chemins de Jérusalem et de la Mecque…
À une heure de Damas, à l’est, les Israélites vont visiter, au village de Jobar, le tombeau d’Élisée, renfermé dans une synagogue. Pokoke dit que cette synagogue, autrefois une église grecque, marque le lieu Où le prophète Élisée couronna Hazael roi de Syrie, selon les ordres du Seigneur. On a remarqué que les habitants de Jobar ne coupent point le blé, mais qu’ils l’arrachent suivant une coutume mentionnée dans les livres saints. Le village de Bezé, à une demi-heure au nord de Jobar, indique la place où Abraham atteignit les quatre rois qui retenaient Loth prisonnier ; c’est, dit-on, sur la montagne voisine de Bezé que les quatre rois reçurent la sépulture…
Je ne me suis pas donné la peine d’aller voir ce qu’on appelle la grotte de Jérémie ; l’endroit du paradis terrestre où le Seigneur fit entendre au premier homme son arrêt de mort après son péché ; le lieu où coula le sang d’Abel ; ces traditions de localité ne supportent pas la critique.
Je reviens à Damas pour m’arrêter un moment au lieu où le persécuteur de l’Église, qui depuis fut saint Paul, se sentit frappé d’une lumière du ciel, et entendit une voix… Ce lieu est à un demi-mille de la ville, du côté de la porte de Saint-Paul, ou Porte orientale, à peu de distance du cimetière chrétien ; près de là se voit un massif de maçonnerie qui peut-être appartient à quelque chapelle bâtie en mémoire de la conversion de saint Paul. Cet homme… fut conduit miraculeusement à Damas, dans une rue appelée la rue Droite, et que les chrétiens montrent encore. Ananie, dont j’ai visité la maison souterraine, alla trouver Paul pour lui rendre la vue et le faire chrétien. Il tomba des yeux de Paul quelque chose qui ressemblait à des écailles ; le jour lui fut rendu, l’eau du baptême coula sur son front… Les Juifs, ne pouvant résister au nouvel Apôtre avec les armes de la parole, résolurent de le perdre. Celui-ci, averti du complot, ne trouva d’autre moyen de salut que la fuite. À la faveur des ombres de la nuit, ses disciples le descendirent dans une corbeille, le long du mur, et des catholiques grecs m’ont fait voir, près d’une porte murée, à l’Ouest de la ville, l’endroit par où saint Paul parvint ainsi à s’échapper… Le lieu consacré par le souvenir de la conversion de saint Paul fait partie d’un vaste terrain uni, inculte et sans arbres. C’est là que la caravane de la Mecque a coutume de se réunir tous les ans avant de se mettre en marche, sous la conduite du pacha de Damas…» Voyez Abana, raisin.
Dans un ouvrage récemment publié, M. Victor Hennequin, malheureusement affecté d’une manie qui consiste à parler avec assurance de beaucoup de choses qu’il n’a point étudiées, s’exprime dans les termes suivants : « Tyr, Babylone, Ninive, ont péri comme l’avaient prévu les poètes ; mais ils avaient prédit en termes non moins formels la destruction de Damas, aujourd’hui florissante. Prophétie d’Isaïe (Isaïe 17.1) contre Damas : Voilà que Damas va cesser d’être une ville, et elle deviendra comme un monceau de pierres d’une maison ruinée. Isaïe a prédit à faux la destruction de cette ville. » M. Hennequin ignore l’histoire de Damas. Plus d’une fois cette ville a cessé d’être une ville et présenté l’aspect d’une maison ruinée. « Damas, dit Barbié du Bocage, fut prise, pillée, incendiée, et ses habitants transférés par Téglath-Phalasar… à Kir… Cependant Damas s’était relevée de ce désastre, lorsque Nabuchodonosor y porta le fer et le feu, etc. Damas n’était plus une ville lorsqu’elle n’offrait aux regards qu’un monceau de décombres, et la prophétie d’Isaïe était alors vérifiée ; mais Isaïe n’a pas prédit que des ruines de Damas il ne sortirait point une autre ville de Damas. Le texte et les faits accusent l’auteur qui a donné lieu à notre remarque, et qui ne se doute même pas que les prophéties des poètes bibliques sont de l’histoire écrite à l’avance].