En grec gigas, en hébreu nophel ou nephilim. Ce qui peut marquer ou un monstre ou un homme terrible, qui abat et qui renverse les autres hommes. L’Écriture (Genèse 6.4) parle des géants qui vivaient avant le déluge ; elle les nomme des nephilim, des hommes puissants et fameux dans l’antiquité. Au lieu de gigantes, Aquila traduit des hommes qui attaquent, qui tombent avec impétuosité sur leurs ennemis ; traduction qui rend fort bien toute la force de l’hébreu nephilim. Symmaque traduit des hommes violents, cruels, qui ne suivent pour règle que la violence et la force de leurs armes.
L’Écriture les nomme aussi quelquefois (Genèse 15.5 Deutéronome 2.11-20 ; 3.11-13 ; Josué 12.4 ;13.13 ; Job 26.5) Rephaïmn ; par exemple, Codorlahomor et ses alliés battirent les Rephaim, ou les géants, à Astaroth-Carnaïm. Les Emim, anciens habitants du pays de Moabétaientd’une taille gigantesque ; ils étaient :du nombre des Réphaïm. Les Réphaïm et les Phéréséens sont joints ensemble, comme anciens habitants du pays de Chanaan. Job dit que les anciens Réphaïm gémissent sous les eaux ; et Salomon dans les Proverbes (Proverbes 2.18 ; 9.18), dit que les voies de la femme débauchée conduisent aux Réphaim, c’est-à-dire, dans l’enfer, où sont les géants ; et que celui qui s’écartera de la voie de la sagesse (Proverbes 21.16) ira demeurer dans l’assemblée des géants, dans les enfers, etc.
Les Enacim, ou les fils d’Enac, étaient les plus fameux géants de la Palestine. Ils demeuraient à Hébron et aux environs : leur taille était si fort au-dessus de l’ordinaire, que les Israélites qui avaient été envoyés pour considérer la terre promise, dirent au peuple, à leur retour, qu’ils avaient vu en ce pays des géants de la race d’Enac, qui étaient d’une grandeur si monstrueuse, que les Israélites, en comparaison, n’étaient que comme des sauterelles (Nombres 13.33).
Enfin les Septante traduisent quelquefois par gigas (Genèse 11.4 ; Psaumes 19.6 Isaïe 3.2 ; 13.2 ; 49.24-25j) le mot hébreu gibbor, qui, à la lettre, ne signifie qu’un homme puissant, un homme de cœur, de valeur, un guerrier. Par exemple, ils disent que Nemrod était un géant devant le Seigneur ; que le soleil se lève comme un géant pour fournir sa carrière ; que le Seigneur abattra le géant et l’homme guerrier ; qu’il appellera ses géants dans sa colère, pour tirer vengeance de ses ennemis ; qu’il ruinera la puissance de l’Égypte par l’épée de ses géants, c’est-à-dire, de ses guerriers.
Il y a beaucoup d’apparence que les premiers hommes étaient tous d’une taille et d’une force beaucoup au-dessus de celles des hommes d’aujourd’hui, puisqu’ils vivaient beaucoup plus longtemps ; la longue vie étant d’ordinaire l’effet d’une constitution forte et vigoureuse. L’Écriture dit qu’il y avait sur la terre beaucoup de ces hommes d’une ha uteur extraordinaire, lorsque Noé parut ; mais qu’il y en avait dès auparavant, et qu’on y en vit surtout depuis que les enfants de Dieu s’allièrent avec les filles des hommes. Voici le texte de Moïse (Genèse 6.4) : En ce temps-là il y avait des géants sur la terre, et aussi depuis que les enfants de Dieu s’allièrent avec les filles des hommes. Plusieurs anciens Pères, trompés par le livre apocryphe d’Énoch, ont avancé que les géants étaient les productions du mariage des anges avec les filles des hommes. Ils se fondaient aussi sur le texte des Septante, qui portait dans quelques exemplaires (Genèse 6.2-50) : Les anges de Dieu, ayant vu que les filles des hommes étaient belles, prirent pour femmes toutes celles qu’ils avaient choisies. Mais Moïse, en cet endroit, ne veut dire autre chose, sinon que les hommes de la race de Seth, qui était la race des justes et les enfants de Dieu, se corrompirent par l’amour des filles de la race de Caïn, qui sont ici désignées sous le nom de filles des hommes. C’est ainsi que saint Chrysostome, Théodore, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Augustin et une infinité d’autres l’ont expliqué. [Voyez Enfants de Dieu].
Quant à l’existence des géants, plusieurs écrivains, tant anciens que nouveaux, se sont imaginé que les géants dont il est parlé dans l’Écriture, étaient à la vérité des hommes d’une taille avantageuse, mais qui n’était pas aussi fort au-dessus de l’ordinaire que se le sont imaginé ceux qui nous décrivent les géants comme trois ou quatre fois plus grands que les hommes d’à présent. C’étaient, disent-ils, des hommes fameux par leurs violences et par leurs crimes plutôt que par leur force ou par la grandeur du leur taille.
Mais on ne peut nier qu’il n’y ait eu autrefois des hommes d’une stature fort au-dessus de la grandeur des hommes ordinaires, à moins qu’on ne veuille s’inscrire en faux contre l’Écriture sainte, contre les histoires les plus certaines, et contre la tradition de tous les peuples. Les israélites qui avaient parcouru la terre sainte dirent à leurs frères qu’ils avaient vu dans ce pays-là des géants de la race d’Enac (Nombres 13.33-34), qui étaient si démesurément grands, que les autres hommes n’étaient devant eux que comme des sauterelles. Moïse (Deutéronome 3.2) parle du lit d’Og, roi de Basan, qui avait neuf coudées de long, sur quatre de large, c’est-à-dire, quinze pieds quatre pouces et demi de long. Goliath avait six coudées et un paume de haut (1 Samuel 17.4), c’est à-dire, dix pieds sept pouces. Ces sortes de géants étaient encore communs sous Josué et sous David, dans un temps où la vie des hommes était déj à si fort abrégée, et où l’on peut présumer que la grandeur, et la force des corps était aussi fort diminuée.
Homère parle des géants Oihus et Ephialtes, qui, à l’âge de neuf ans, avaient déjà neuf coudées de grosseur, et trente-six de hauteur. Il nous décrit aussi la grandeur du cyclope Polyphème, dont la force était telle, qu’il remuait aisément, et sans le moindre effort, une roche, que vingt chariots à quatre roues auraient à peine pu soulever de terre. Je ne donne pas cela pour une histoire certaine, mais simplement pour une preuve de l’ancienne tradition des peuples, qui ont toujours cru qu’anciennement les hommes étaient beaucoup plus grands et plus forts qu’ils ne le sont depuis plusieurs siècles ; opinion qui se voit répandue dans tous les anciens poètes, et autres écrivains.
Saint Augustin assure qu’il a vu dans le port d’Utique la dent d’un géant, qui était si grosse, qu’elle égalait cent de nos plus grosses dents. Torniel dit qu’il y a dans l’église de son ordre, à Verceil, une dent, qu’on croit être de saint Christophe, qui est à-peu-près de même grosseur que celle dont on vient de parler. Pline raconte qu’un tremblement de terre ayant entr’ouvert une montagne dans l’île de Crète, on y découvrit un homme debout, ayant quarante-six coudées de haut, que les uns prirent pour le corps d’Orion, et les autres pour celui d’Othus. Le corps d’Oreste, ayant été déterré par ordre de l’oracle, se trouva de sept coudées, ou de dix pieds et demi. Nevius Pollio avait un pied au-dessus des plus grands hommes. Sous l’empereur Claude, on vit à Rome un nommé Gabbare, qui avait neuf pieds neuf pouces de haut. Delrio assure qu’en 1572, il vit à Rouen un Piémontais haut de phis de neuf pieds.
Plutarque raconte que l’on trouva le corps du géant Antès dans la ville de Tingis en Mauritanie, et que Sertorius, ayant vu son cadavre, qui était de la longueur de soixante coudées, lui offrit des sacrifices, et le fit recouvrir de terre. Albéric, moine des Trois-Fontaines, rapporte (m) après Elinand la découverte qu’on fit du corps de Pallas, fils d’Evander, tué par Turnus. Cette découverte se fit, dit-on, en 1041 ; mais Albéric ne la rapporte qu’en 1054.
Voilà bien des particularités qui paraissent venir d’auteurs contemporains et bien instruits. Toutefois j’ai peine à crcire qu’on n’ait pas un peu exagéré la chose.
La Chronique de Colmar, sous l’an 1267, dit qu’on trouva près la ville de Bâle, au village nommé Bertin, des os de géants, qui paraissaient excéder de trente pieds la hauteur d’un homme ordinaire : Magnitudinem et longitudinem nostram 30 pedum excedentia.
En 1701, au mois de janvier, dans un village nommé Coloubella, à six lieues de Thessalonique en Macédoine, on découvrit le corps d’un géant, enterré près de la mer dans une ancienne muraille, longue et épaisse. La mer l’ayant miné peu à peu depuis plusieurs siècles, une grande pluie la renversa enfin, et mit au jour le géant dont nous parlons. Il avait quatre-vingt-seize pieds de roi de long : son crâne contenait bien quinze boisseaux de blé, mesure de Paris ; une dent pesait quinze livres, et avait sept pouces et deux lignes de roi de hauteur. Une autre dent, sans sa racine, pesait deux livres et demie de France ; une autre dent pesait deux livres onze onces et six drachmes ; une quatrième dent pesait deux livres treize onces.
Le plus petit os du petit doigt du pied avait sept pouces et deux lignes, mesure de roi, de longueur : un os du bras avait deux pieds quatre pouces et deux lignes de circonférence on mettait le poing dans un des os du bras. Chacun s’étant jeté dessus pour en avoir des pièces, on porta les principales au hacha et au Grand-Seigneur. Pour les autres qui restèrent, le sieur Quainet, consul des Français à Thessalonique, en fit un procès-verbal attesté de lui et du père Jérôme de Rhetel, capucin missionnaire au Levant, qui les a vus. Ledit père Jérôme a mandé la chose au révérend père Jérôme de Mousicaux, capucin à Paris, au faubourg Saint-Honoré, et a fait soussigner sa lettre par ledit sieur consul, par Pierre Rosti, Constantin Péronne, Leicheta, Flot, chirurgien, et Jean Attuchi, qui, ayant tous vu lesdits ossements, ont signé comme témoins.
On a trouvé en 1719, près de Salisbury, en Angleterre, un squelette humain, qui avait neuf pieds quatre pouces de long. Cette découverte a été faite à six milles de Salisbury, en un lieu nommé Stonenheng, ou Pierres suspendues, que les anciens appelaient la danse des géants. On y voit encore une enceinte de pierres brutes de vingt-quatre pieds de haut, et de sept de large, qui en soutiennent d’autres mises en travers. On n’a pu jusqu’à présent découvrir ce que ce pouvait être que ce monument antique, qui paraît d’autant plus rare, qu’on ne trouve aucune pierre propre à bâtir dans toute la campagne voisine.
Les peuples du Pérou assurent qu’il est arrivé autrefois dans leur pays des géants qui, depuis le genou en bas, égalaient la hauteur ordinaire de l’homme. Ils ont la même tradition au Brésil et au Mexique, et ils en montrent des os d’une grandeur démesurée. On en montre aussi dans le château de Moulins en Bourbonnais. Des témoins dignes de foi assurent que, dans l’Amérique méridionale, il y a des géants qu’on appelle Caurahuës, qui ont près de neuf à dix pieds de haut.
M. Simon, auteur du Dictionnaire de la Bible, imprimé à Lyon en deux volumes in-folio, en 1703, atteste qu’étant curé de la paroisse de Saint-Uze, en Dauphiné, il a vu, et que depuis ce temps il a encore reçu une attestation de l’an 1699, signée de trois personnes, savoir deux châtelains, et du prêtre châtelain du château de Motard, au diocèse de Vienne, en Dauphiné, qui assurent avoir vu quelques dents d’un homme qui fut trouvé dans une prairie en 1667. Ces dents pesaient chacune dix livres ; et ily en a une, avec la partie de la mâchoire inférieure à laquelle elle est encore attachée, qui pèse avec elle dix-sept livres. On trouva dans la même prairie des ossements, la plupart pourris et en pièces ; mais un entre autres assez entier, qui avait sept pieds trois pouces de long, et deux pieds de circonférence. Après ces exemples et plusieurs autres que nous pourrions rapporter, je ne crois pas que l’on doive contester l’existence des géants. Voyez notre dissertation sur les géants.
Les Arabes et les Perses sont dans la même persuasion que les autres peuples au sujet de l’existence des géants. Mahomet avance que Ad et Schedad, rois de Syrie et d’Arabie, étaient d’une grandeur si prodigieuse, qu’il fallait employer les plus grands arbres des forêts pour dresser leurs pavillons. Les mahométans tiennent que les Amalécites, qui étaient, selon eux, les anciens habitants de la Palestine, étaient communément hauts de neuf coudées, ou dix-huit pieds ; que le géant Og, dont il est parlé dans Moïse, les surpassait tous en grandeur, et qu’il a vécu jusqu’à trois mille ans. Ils tiennent que tous les anciens géants descendaient d’Ad, fils d’Amalec et petit-fils de Cham ; ou, selon d’autres, Amalec était fils d’Us et petit-fils d’Aram, de la race de Sem.
Ils reconnaissent encore d’autres géants nommés Dives ou Ginn, en latin Divi, ou Genii, qui ne sont ni hommes ni anges, mais des créatures d’une autre espèce créées avant Adam et établies devant lui pour le gouvernement du monde. Ils le gouvernèrent en paix pendant l’espace de sept mille ans ; après eux vinrent les Peris, qui le gouvernèrent encore pendant deux mille ans. Mais et les Dives et les Peris étant tombés dans la révolte, Dieu leur donna pour maitre Eblis, créature d’un ordre supérieur, et formée de l’élément du feu. Eblis leur fit la guerre. Quelques-uns prirent le bon parti et se soumirent à lui, les autres furent exterminés. Mais à la fin Eblis tomba lui-crième dans l’apostasie ; et c’est lui que nous connaissons sous le nom de Satan ou de Lucifer.