[ou Eben-Eser, c’est-à-dire] la Pierre du secours (1 Samuel 4.1 ; 7.12), dans la tribu de Dan, dans la campagne de Bethcar (Ailleurs D. Calmet place la Pierre du secours dans la tribu de Juda, et la confond avec Aphec et Aphéca Voyez Aphec). C’est là où les Israélites furent battus par les Philistins, et où l’arche du Seigneur fut prise (1 Samuel 4.5-7), l’an du monde 2888, avant Jésus-Christ 1112, avant l’ère vulgaire 1116 [D. Calmet fait ici plusieurs erreurs ; la moindre est qu’il indique 1 Samuel 4.5-7, où l’écrivain sacré constate la joie des Israélites et la terreur des Philistins, à cause de l’arrivée de l’arche. Il est parlé de Beth-Kar dans un seul endroit, c’est un peu plus bas (1 Samuel 7.11) ; et là, bien loin qu’il s’agisse d’une victoire des Philistins, il est dit que, défaits par Israël, ils furent poursuivis et taillés en pièces jusqu’au-dessous de Beth-Kar. Ensuite, comme il a confondu les faits, il confond les temps : l’événement où se trouve mêlé ce nom de Beth-Kar se passa près de vingt-et-un ans (1 Samuel 6.1 ; 7.2) après celui qui mit l’arche aux mains des Philistins.
Je crois que les objets et les lieux nommés Aben-Eser et le Grand-Abel sont les mêmes. Examinons les circonstances des événements à l’occasion desquels il en est parlé. Les Philistins déclarent la guerre à Israël ; et Israël, allant à leur rencontre, campe près d’Aben-Eser (1 Samuel 4.1), c’est-à-dire près de la Pierre de secours, pierre ainsi nommée ici par anticipation, parce qu’elle le fut plus tard dans une circonstance heureuse et que nous rappellerons ci-après. On en vient aux mains, Israël est défait, et l’arche, venue de Silo, est prise (1 Samuel 4.11-12). Les Philistins l’emmènent à Azot ; frappés de maladie, ils la transfèrent successivement à Geth et à Accaron, où la plaie continue de sévir avec violence (1 Samuel 8.10). Les Accaronites demandent aux princes philistins que l’arche retourne en son lieu. En quel lieu si ce n’est en celui où elle avait été prise et qui était à la frontière ? Les princes, sept mois après que l’arche fut chez eux, consentent à ce qu’elle soit renvoyée ; leurs prêtres disent : Si elle va par le chemin vers sa limite, vers Beth-Semés, c’est (une preuve que c’est) elle qui nous a fait ces grands maux (1 Samuel 6.1-9). Les vaches attelées au chariot où était l’arche prennent le chemin de Beth-Semès ; arrivées là, elles vont dans le champ de Josué (1 Samuel 12.14), où il y avait une grande pierre, aben-guedola, la même sans doute que celle auprès de laquelle Israël avait campé. Enfin sur cette grande pierre, aben haguedolah, les Israélites de Beth-Samès posent l’arche. Il me parait évident que la pierre, aben, dont il est parlé dans ces textes est la même.
Au verset 18, où il s’agit des mêmes faits que dans les précédents, on voit marquée l’étendue de l’État philistin jusqu’à Abel haguedolah, c’est-à-dire, littéralement dans l’Hébreu actuel, jusqu’au Grand deuil. Mais les Septante ont lu en cet endroit dans l’Hébreu aben, comme aux versets 14 et 15, et non pas abel ; en conséquence, ils ont traduit : Jusqu’à la Grande pierre. La Vulgate, au contraire, lisant une copie plus moderne que celle dont se servaient les Septante, traduit le texte tel que nous l’avons : jusqu’au Grand Abel, ou littéralement au Grand deuil. Quelle leçon faut-il adopter ? S’il est vraisemblable, comme je le suppose, que l’aben de l’Hébreu lu par les Septante soit, sous la main des copistes, devenu l’abel de l’Hébreu plus moderne lu par la Vulgate, est-il probable aussi, comme l’ont supposé les commentateurs, que l’aben soit devenu l’abel à cause du malheureux événement dont parle le verset 19? Tout bien considéré, ce me semble, cette hypothèse des commentateurs doitêtre rejetée, à moins qu’on en fasse une autre en disant que c’est, au contraire, l’abel du texte dont s’est servie la Vulgate qui était devenu l’aben qu’ont lu les Septante, ou, en d’autres termes, que l’Hébreu traduit par les Septante était moins pur que l’Hébreu actuel. On ne peut faire une pareille supposition, et je ne pense pas qu’entre la leçon de l’Hébreu et de la Vulgate qui dit : Jusqu’au Grand deuil sur lequel on posa l’arche, et celle des Septante qui porte : Jusqu’à la grande pierre sur laquelle on posa l’arche, il y ait à balancer.
Remarquons encore que Beth-Semès était à la limite du pays des Hébreux, du côté des Philistins, et qu’on ne peut placer ailleurs que dans son territoire la pierre près de laquelle Israël établit son camp et où était l’arche quand elle fut prise. J’adopte donc la leçon des Septante, et je suis fondé à dire que la grande pierre nommée Eser ou du secours et par l’altération d’une lettre, abel, est la même pierre et le même lieu.
Mais il est question de la pierre Eser dans un autre endroit qu’il faut aussi examiner. Faisons observer d’abord que cette grande pierre (et non pas l’arche, comme le dit la Vulgate au verset 18), puisque ce monument divin, fort peu de jours après son retour, fut transféré (1 Samuel 6.21 ; 7.1) à Cariathiarim, se voyait encore dans le champ de Josué le Bethsamite, lorsque Samuel rédigeait l’histoire des guerres philistines, ou plutôt lorsque, beaucoup plus tard, Esdras revisait les livres saints.
Vingt ans après le retour de l’arche, les Israélites s’assemblent à Masphath ; les Philistins, croyant sans doute qu’ils voulaient leur faire la guerre, s’avancent contre eux, et, mis en déroute, ils sont poursuivis et battus jusqu’au-dessous de Beth-Kar (1 Samuel 7.2-11). Où était Beth-Kar ? Je crois que Beth-Kar et Beth-Semès sont la même ville. Nous lisons au verset suivant : « Samuel prit une pierre qu’il mit entre Masphath et Sen et appela ce lieu la Pierre du secours, en disant : Le Seigneur est venu à notre secours jusqu’ici. » L’Hébreu dit : Samuel prit une pierre qu’il mit entre Masphath et Sen et l’appela Eben-Eser en disant, etc. D’après la Vulgate, trois lieux sont nommés dans ce verset : Masphath, Sen et celui qui fut appelé la Pierre du secours, tandis que dans l’Hébreu deux seulement, Masphath et Sen, sont mentionnés. D’après la Vulgate, le nom d’Aben-Eser ou de Pierre de secours fut donné au lieu où Samuel mit sa pierre, tandis que, suivant l’Hébreu, il le donna à la pierre même. Où était situé Sen ? Sen était-il, comme Masphath, un lieu habité ? Sen est-il autre chose qu’un mot ? Je ne le pense pas. Si on ne veut s’écarter ici des textes de la Vulgate et de l’Hébreu, on se trouve vis-à-vis d’une difficulté fort grave : qu’on place Sen où l’on voudra, le lieu où Samuel mit sa pierre ne pourra être celui jusqu’auquel les Israélites, divinement secourus, poursuivirent et battirent les Philistins. Ce lieu, situé entre Masphath et Sen, se trouvera nécessairement moins éloigné ; comment alors expliquera-t-on ces paroles de Samuel : Le Seigneur est venu à notre secours jusqu’ici, puisqu’il est certain qu’il les secourut encore plus loin, jusqu’au-dessous de Beth-Kar ?
Je crois qu’il y a du désordre dans le verse 12, et comme Sen n’est qu’un mot dans lequel je ne vois qu’un fragment de pierre, je comprends que Samuel, voyant la pierre déjà célèbre qui était dans le champ de Josué le Bethsamite, la nomma Aben-Eser ou la Pierre du secours, parce que Dieu secourut Israël jusque-là, et qu’il prit un quartier de cette pierre qu’il apporta à Masphath comme monument de la victoire. Cette interprétation me donne la raison pour laquelle la grande pierre près de laquelle avaient autrefois campé les Israélites, où l’arche fut prise, et où, indiscrètement regardée per les Bethsamites, cette action leur attira un châtiment terrible. Autrement cette raison échappe à mes recherches, et le verset 12 du chapitre 7 qui rapporte un fait où il n’y a point de mystère, me parait inexplicable].