Ou Joakim, ou Eliacim [ou Jechonias Voyez ce nom], frère ]aîné et successeur de Joachas, roi de Juda, dont nous venons de parler, fut établi roi par Néchao, roi d’Égypte, au retour de son expédition contre la vile de Carchemise (2 Rois 23.34-36), l’an du monde 3395, avant Jésus-Christ 605, avant l’ère vulgaire 609. Néchao changea le nom d’Eliacim en celui de Joakim (pour marquer son autorité sur lui), et lui imposa une rançon de cent talents d’argent et de dix talents d’or. Pour amasser cet argent, Joakim fut obligé de faire de grosses impositions sur son peuple, exigeant de chacun à proportion de son bien. Joakim avait vingt ans lorsqu’il commença à régner, et il régna onze ans à Jérusalem. Sa mère s’appelait Zébida, file de Phadaïa de Ruma : Il fit le mal devant le Seigneur, et Jérémie (Jérémie 22.13-17) Iui reproche de bâtir sa maison dans l’injustice, d’opprimer injustement ses sujets, de retenir le salaire de ceux qu’il employait à son service, d’avoir le cœur et les yeux tournés vers l’avarice et à l’inhumanité, et de suivre le penchant qu’il avait à commettre toutes sortes d’inhumanités et de mauvaises actions. Voilà le portrait de Joakim. Le même prophète (Jérémie 26.22) nous apprend qu’il fit tirer le prophète Urie de l’Égypte, où il s’était sauvé, qu’il le fit mourir par l’épée et qu’il le laissa sans lui donner une sépulture convenable.
Aussi le Seigneur le menace d’une fin malheureuse (Jérémie 22.18-19). Il mourra, dit Jérémie, et ne sera ni pleuré ni regretté ; sa sépulture sera comme celle d’un âne mort ; on le jettera tout pourri, hors des portes de Jérusalem. Joakim, après avoir demeuré environ quatre ans soumis au roi d’Égypte, tomba sous la domination de Nabuchodonosor, roi des Chaldééns. Ce prince, ayant repris ce que Néchao avait conquis sur l’Euphrate, vint dans la Phénicie et dans la Judée (An du monde 3399, Avant. Jésus-Christ 601, Avant l’ère vulgaire 605), assujettit la ville de Jérusalem, et la soumit aux mêmes charges et conditions où elle était sous le roi d’Égypte (2 Rois 24.1-2). Joakim fut pris dans Jérusalem, et Nabuchodonosor le chargea de chaînes et voulut le mener à Babylone ; mais il le remit en liberté et le laissa dans le pays, à condition qu’il lui payerait un gros tribut.
C’est ainsi que l’on concilie Daniel et Jérémie avec les Rois et les Chroniques (2 Chroniques 36.6). Les Chroniques, selon l’Hébreu, disent que Nabuchodonosor mit Joakim dans les fers, pour le mener à Babylone ; et Daniel (Daniel 1.1) raconte que le Seigneur livra Joakim entre les mains de Nabuchodonosor, et que ce prince transporta à Babylone une grande partie des vaisseaux de la maison de Dieu, et quelques captifs du nombre desquels étaient Daniel lui-même et ses compagnons ; mais il ne dit pas que Joakim y ait été conduit. Les livres des Rois et des Chroniques (2 Rois 23.36 ; 2 Chroniques 36.5) marquent que Joakim régna onze ans à Jérusalem ; Jérémie dit que Nabuchodonosor reprit Carchemise sur Néchao, roi d’Égypte, la quatrième année de Joakim (Jérémie 46.2) ; et ailleurs (Jérémie 25.1) que la première année de Nabuchodonosor concourt avec la quatrième année de Joakim.
Tous ces caractères chronologiques nous font voir que Nabuchodonosor ne vint en Judée que l’an du monde 3399, qui est la quatrième année de Joakim ; que Joakim ne fut point mené à Babylone, mais seulement enchaîné comme peur y être mené, et qu’ensuite il fut remis en liberté, et laissé à Jérusalem ; enfin que Joakim fut soumis à Néchao pendant quatre ans, avant qu’il devint tributaire de Nabuchodonosor.
Cette année, quatrième de Joakim, Jérémie ayant dicté à Baruch toutes les prophéties qu’il avait prononcées jusqu’alors, Baruch en fit la lecture l’année suivante (Jérémie 36.1-32), en présence de tout le peuple assemblé au temple. Joakim en fut informé, et s’étant fait apporter ce livre, on le lut devant lui et devant tous les grands qui l’environnaient. Le roi était dans son appartement d’hiver, au neuvième mois, qui revient à notre mois de novembre, et il y avait devant lui un brasier plein de charbon ardent. Après qu’on en eu lut trois ou quatre pages, Joakim coupa le livré avec le canif du secrétaire, et jeta tout le reste au feu, jusqu’à ce qu’il fût consumé, sans vouloir écouter les remontrances que lui firent Elnathan, Dalaïas et Gamarias, qui s’opposèrent à cette action. La lecture du livre ne toucha ni Joakim ni ses gens, et, au lieu de se convertir, il donna ordre que l’on arrêtât Jérémie et Baruch ; mais le Seigneur les cacha et ne permit pas qu’on les pût trouver.
Alors le Seigneur commanda à Jérémie de faire écrire de nouveau ses prophéties ; et il prononça contre Joakim ces terribles menaces : Voici ce que dit le Seigneur : Il ne sortira point de lui un prince qui soit assis sur le trône de David [Erreur : cela fut prédit de son fils (Jérémie 22.30), qui lui succéda. Ce fils se nommait Joachin ou Jéchonias]. Son corps mort sera jeté pour être exposé au chaud pendant le jour, et à la gelée pendant la nuit. Je m’élèverai contre lui, contre sa race, contre ses serviteurs, et je ferai fondre sur lui, sur Jérusalem et sur tout Juda, tous les maux dont je les ai menacés. Joakim éprouva bientôt la vérité des prédictions de Jérémie. Il se souleva contre Nabuchodonosor trois ans après (An du monde 3401, Avant. Jésus-Christ 599, Avant l’ère vulgaire 603, 2 Rois 24.1-2) ; et Nabuchodonosor, occupé à d’autres affaires plus importantes, et ne pouvant ou ne daignant pas aller en personne dans la Judée, y envoya des troupes de Chaldéens, de Syriens, de Moabites et d’Ammonites (2 Rois 24.2-3), qui ravagèrent tout le pays et emmenèrent à Babylone trois mille vingt-trois Juifs, la septième année de Joakim (Jérémie 52.28), du monde 3401, et quatre ans, après Joakim lui-même fut pris, mis à mort, et jeté à la voirie, suivant la prédiction de Jérémie (Jérémie 22.18 ; 35.30). On lui donna pour successeur Jéchonias, son fils, l’an du monde 3405, avant Jésus-Christ 595, avant l’ère vulgaire 599.
Époux de sainte Anne et père de la sainte Vierge Marie, aïeul de Jésus-Christ selon la chair. Nous croyons que c’est le même qu’Héli, marqué dans sain Luc (Luc 3.23). Héli, Héliacim, Eliacim, Joacim, Joachim, ne sont proprement que le même nom. Le nom de Joachim, père de la sainte-Vierge, ne se lit pas dans les Écritures canoniques du Nouveau Testament ; mais on l’a adopté dans l’Église grecque et dans la latine : Dans la latine, depuis principalement qu’on y a célébré la fête de Sainte-Anne et de Saint-Joachim ; et chez les Grecs, longtemps auparavant. Saint Augustin, répondant à Faust le Manichéen, dit que le nom de Joachim n’étant connu que par des écrits apocryphes, ne pouvait être mis en preuve. Mais chez les Grecs, ce nom se trouve dans la plus haute antiquité. Le protévangile de saint Jacques, qui est un ecrit, composé par les Ebionites dès le temps des apôtres, ou au moins dès le second siècle de l’Église, parle au long de Joachim et d’Anne. L’Évangile apocryphe de la naissance de Marie en parle de même. On croit que cet ouvrage a été composé par Séleucus, auteur du second siècle.
Saint Pierre d’Alexandrie parle de la mort de Zacharie, père de saint Jean-Baptiste, tué entre le temple et l’autel, et de la fuite de sainte Élisabeth, qui sont des circonstances tirées du protévangile de saint Jacques. Saint Grégoire de Nysse cite le même ouvrage, et en rapporte d’autres circonstances. Par exemple, que Zacharie ne voulut pas éloigner la sainte Vierge du rang des vierges, même après qu’elle eût conçu. Il ajoute que le père de cette sainte Vierge était un Israélite d’une piété insigne, qui avait une femme stérile, laquelle, à cause de sa stérilité, ne pouvant avoir part aux prérogatives des femmes qui avaient eu des enfants, demanda à Dieu qu’il lui plût bénir son mariage, et en même temps lui voua le fruit qu’elle mettrait au monde. Dieu lui accorda la Vierge Marie, qui fut élevée au temple, jusqu’au temps qu’on la donna à Joseph pour être le gardien de sa virginité. Il rapporte ces choses assez au long : et on voit bien qu’il les avait tirées du livre dont nous avons parlé, et qui est parvenu jusqu’à nous. On trouve à -peu-près les mêmes choses dans un discours d’Eustathe d’Antioche sur l’Hexaémeron, et dans saint Épiphane, ce qui fait voir l’antiquité de cette tradition. C’est de ces sources que saint Jean Damascène, Vincent de Beauvais, et Fulbert de Chartres, ont tiré ce qu’ils ont dit de la naissance de la sainte Vierge. La tradition était si générale dans l’Orient que Joachim était père de Marie, que Mahomet même en parle dans son Alcoran.
Je ne rapporte pas cela pour autoriser les livres apocryphes où le nom dé Joachim se rencontre, mais seulement pour prouver l’antiquité de cette tradition dans l’Église. Ni les Ebionites, ni les Manichéens, ni Séleucus n’avaient aucun intérêt à nous tromper sur les noms de Joachim et d’Anne. Ils savaient ces noms d’ailleurs ; et ils ne les ont rapportés dans leurs ouvrages que pour les faire mieux recevoir par les catholiques. Voici le précis de ce qu’on lit dans le protévangile de saint Jacques, qui est le plus ancien monument où le nom de Joachim, père de la Vierge, se rencontre.
Joachim était un homme puissant dans Israël, qui, à toutes les fêtes solennelles, faisait de magnifiques sacrifices dans le temple. Un jour qu’il voulait présenter son offrande, un nommé Ruben lui dit que cela ne lui était pas permis, parce qu’il n’avait point de postérité dans Israël. Joachim, chargé de confusion, se retira dans le désert où il avait de grands troupeaux. Il y demeura quarante jours, s’exerçant dans le jeûne et dans la prière. Anne, son épouse, de son côté, outrée des reproches que lui avait faits une de ses servantes, s’en alla dans son jardin, y pleura amèrement le malheur de sa stérilité. Un ange lui annonça que Dieu avait exaucé sa prière ; et en même temps un autre ange dit la même chose à Joachim.
Joachim étant revenu dans sa maison, Anne conçut, et enfanta une fille qu’ils nommèrent Marie. Trois ans après, ils la présentèrent au temple, où elle fut nourrie jusqu’à l’âge de douze ans, de la main d’un ange. Alors on la donna à Joseph pour être le gardien de sa virginité. Depuis ce temps on ne nous dit plus rien de Joachim, ni d’Anne ; et Cédrène dit que la sainte Vierge perdit son père et sa mère à l’âge de douze ans. On peut voir sur ce sujet les Bollandistes au 19 de mars, et M. de Tillemont, tome 1 note 2, sur la sainte Vierge, et notre Dissertation où nous essayons de concilier saint Matthieu, et saint Luc sur la généalogie de notre Sauveur, à la tête du commentaire sur saint Luc.
Le culte de saint Joachim et de sainte Anne est assez ancien dans l’Orient ; mais il est plus récent dans l’Occident. Il n’y était pas encore connu du temps de saint Pierre de Damien et de saint Bernard. On dit que le pape Jules établit la fête de saint Joachim le 20 mars, vers l’an 1510. Un Martyrologe, imprimé en 1491, mettait sa fête au 9 de décembre. Pie V l’ôta du Bréviaire romain ; mais Grégoire XV l’y remit au 20 mars en 1620. On peut voir Bollandus et M. de Tillemont, et le dictionnaire de M. Bayle sous le nom Joachim, quoiqu’il faille lire cet auteur avec beaucoup de précaution, à cause de ses scandaleuses libertés.
Ou Jacim, grand prêtre des Juifs. On ne sait aucune particularité de sa vie, sinon qu’il succéda à Josué, fils de Josédech, son père, après le retour de la captivité, et qu’il vivait sous Xerxès, roi de Perse (Josèphe).