Autrement Salomé. Salomé en hébreu (Le mot peut signifier« celui qui aide les hommes, ou celui qui les protège contre la violence des autres hommes) signifie à-peu-près la même chose qu’Alexandra en grec ; et Alexandra est en grec le même que Salomé en hébreu. Dans les derniers temps de la république des Hébreux, presque tous les Juifs avaient deux noms, l’un grec et l’autre hébreu ou syriaque. Alexandra fut premièrement femme d’Aristobule, surnommé Philellen, ou ami des Grecs, duquel elle n’eut point d’enfants. Elle épousa ensuite Alexandre Jannée, frère d’Aristobule, son premier mari ; et dont on parlera au long ci-après sous l’article d’Alexandre Jannée. Elle fut vingt-sept ans avec ce second mari ; et, lorsqu’elle le vit près d’expirer devant le château de Ragaba qu’il assiègeait, elle lui représenta le triste état où il la laissait, elle et ses enfants, parce que tous les Juifs lui avaient toujours été très-opposés.
Alexandre lui répondit qu’elle celât premièrement sa mort aux soldats jusqu’après la prise de Ragaba ; secondement, que quand elle serait arrivée à Jérusalem, elle fit venir les principaux des Pharisiens dont le pouvoir était très-grand parmi les Juifs, soit pour rendre odieux ceux qu’ils haïssaient, ou pour leur concilier l’estime et l’amitié des peuples. Lors donc qu’ils seront venus, lui dit-il, montrez-leur mon corps, et dites-leur que vous les en laissez les maîtres, qu’ils peuvent ou le jeter à la voirie sans sépulture, ou même l’outrager en toute manière, en haine du peu de considération que j’ai eu pour eux. Vous ajouterez que vous ne voulez rien faire que de leur aveu et par leur conseil dans le gouvernement du royaume. Si vous en usez de cette sorte, assurez-vous qu’ils me feront rendre les honneurs de la sépulture plus somptueusement que vous ne feriez vous même, et que, contents de la déférence que vous leur témoignerez, ils vous laisseront dominer en paix (74 av Jésus-Christ).
Alexandra suivit le conseil de son mari, et les Pharisiens, gagnés par ces marques de déférence que la reine leur donna, commencèrent à louer publiquement le roi comme un prince qui avait gouverné dans la justice, et qui méritait que tout le peuple s’intéressât à l’honorer et à lui faire des funérailles magnifiques. Le peuple entra aisément dans la pensée des Pharisiens, et jamais roi ne fut enterré plus somptueusement que le roi Alexandre Jannée. Ce prince en mourant avait laissé deux fils, Hircan et Aristobule, et avait donné à la reine Alexandra la régence du royaume. Ainsi, elle gouverna paisiblement et heureusement, parce qu’elle avait toujours paru désapprouver les choses que le roi son mari avait faites contre le peuple. Du reste, elle n’avait proprement que le nom de reine, et les Pharisiens gouvernaient véritablement sous son nom. Elle ne laissait pas de faire certaines choses importantes de son chef, et elle entretenait un grand nombre de soldats à sa solde ; en sorte qu’elle était redoutable à tous ses voisins, et qu’elle se faisait donner des otages de leur part.
Sous son gouvernement, tout le pays était en paix ; nul ennemi de dehors ne troublait la tranquillité du peuple. Les Pharisiens furent les seuls qui y causèrent du trouble, en demandant à la reine qu’elle vengeât la mort des huit cents hommes que le roi Alexandre Jannée avait crucifiés, et qu’elle leur livrât ceux qui l’avaient porté à cette action d’inhumanité : Ils firent d’abord égorger un nommé Diogène, et après celui-là un autre ; en sorte qu’il n’y avait plus d’assurance pour la vie d’aucun des amis d’Alexandre. Enfin, un jour, les premiers de la cour, et ceux qui avaient servi dans les armées sous le feu roi, vinrent au palais, ayant à leur tête Aristobule, et témoignant assez par leur air que ce qui se passait ne leur plaisait nullement. Ils demandèrent à la reine que si on ne voulait point avoir de considération pour leurs anciens services, qu’au moins on leur permit de se retirer, et de mettre leur vie à couvert des vexations des Pharisiens. Aristobule, fils d’Alexandra, fit éclater sur tous les autres son mécontentement, et parla à sa mère avec beaucoup de véhémence. La reine ne sachant quel autre parti prendre, distribua ces anciens officiers dans différentes forteresses du pays ; mais elle n’en mit point dans les châteaux d’Hircanion, d’Alexandrion et de Maqueronte, où elle avait retiré ce qu’elle avait de plus précieux.
Quelque temps après, Alexandra envoya Aristobule, son fils, du côté de Damas, avec des troupes contre Ptolémée Mennaeus, qui incommodait fort cette ville-là ; mais Aristobule revint sans avoir rien fait de mémorable. Après cela, Tigrane étant venu assièger Ptolémaïde, Alexandra lui envoya des ambassadeurs avec de grands présents, pour le prier de ne rien entreprendre contre ses États. Tigrane reçut fort bien ces ambassadeurs, promit d’avoir égard aux prières de la reine, et bientôt après il fut obligé de s’en retourner en Arménie, pour s’opposer à Luculle, qui la ravageait.
Enfin, la reine Alexandra étant tombée dangereusement malade, Aristobule, son fils, crut qu’il ne devait pas différer à exécuter le projet qu’il avait formé depuis longtemps. Il sortit la nuit accompagné d’un seul serviteur, et alla dans tous les châteaux où commandaient les amis de son père, pour s’en rendre maître, et prévenir les Pharisiens, de peur qu’ils ne voulussent se saisir du gouvernement. Le lendemain, dès qu’il fut jour, et que l’on sut qu’Aristobule était absent, la reine se douta qu’il était allé pour faire quelque entreprise, et elle fut confirmée dans son sentiment, lorsqu’il vint courrier sur courrier, qui lui dirent que la plupart des forteresses s’étaient rendues les unes après les autres à Aristobule.
Ces nouvelles la jetèrent dans une grande consternation ; on commença donc à se saisir de la femme et des enfants d’Aristobule, qu’il avait laissés à Jérusalem, et on les garda dans la forteresse qui était joignant le temple. Cependant Aristobule se rendit maître en très-peu de temps de vingt-deux forteresses, et il se vit bientôt à la tête d’un grand nombre de troupes, qui s’étaient volontairement rangées auprès de lui : Hircan, son frère, et les premiers de la nation, vinrent trouver la reine, peur la prier de mettre quelque ordre aux affaires ; mais la défaillance où elle se trouvait ne lui permettait plus de penser à la guerre. Elle mourut peu de temps après, âgée de soixante treize ans, après neuf ans de régence, l’an du monde 3935, avant Jésus-Christ 65, avant l’ère vulgaire 69.
Fille d’Aristobule, et femme de Philippion, fils de Ptolémée Menaeus, prince de Chalcide, province située entre le Liban et l’Antiliban. Ptolémée étant lui-même devenu amoureux d’Alexandra, tua Philippion, et épousa sa veuve.
Fille d’Hircan, grand sacrificateur, et femme d’Alexandre, fils d’Aristobule, lequel Aristobule était frère du grand sacrificateur Hircan, et fils d’Alexandre Jannée, roi des Juifs. Alexandra, dont nous parlons, fut mère de Mariamne, femme du grand Hérode, et d’Aristobule, qui fut revêtu de la souveraine sacrificature, mais qui n’en jouit qu’un an, Hérode l’ayant fait noyer dans un bain à Jéricho.
Hérode ayant fait mourir le grand-prêtre Hircan, fit venir de Babylone un prêtre nommé Ananel, à qui il donna la grande sacrificature. Alexandra en fut si outrée, qu’elle écrivit à Cléopâtre, femme ou maîtresse de Marc-Antoine, qu’elle la priait de demander à Antoine le pontificat pour son fils Aristobule, frère de Mariamne, et petit-fils d’Hircan. Antoine ayant ouï parler de l’extrême beauté de Mariamne et d’Aristobule, écrivit à Hérode de lui envoyer Aristobule. Hérode s’en excusa, et, vaincu par les sollicitations de sa femme Mariamne, il donna la souveraine sacrificature à Aristobule, son beau-frère, mais il sut bientôt s’en défaire, comme nous l’avons dit ; cependant il se plaignit fort d’Alexandra, qui s’était adressée à Antoine pour cela. Il lui commanda de demeurer dans le palais, et de ne se mêler d’aucune affaire. Le roi la fit observer de si près, qu’elle ne pouvait ni rien faire, ni rien dire, qui ne lui fût aussitôt rapporté.
Alexandra, indignée de se voir ainsi réduite à une espèce de captivité, écrivit à Cléopâtre pour s’en plaindre. Cléopâtre lui fit dire qu’elle tâchât par tout moyen de se retirer en Égypte avec son fils Aristobule, et qu’elle les y recevrait très-volontiers. Alexandra fit donc préparer deux bières ou deux cercueils, un pour elle, et l’autre pour son fils ; elle donna ordre à ses gens de porter ces deux cercueils dans un vaisseau qui les attendait en mer. Mais un esclave d’Alexandra découvrit cette intrigue à Hérode ; et Hérode la fit arrêter avec son fils dans le moment qu’on les portait dans ces deux cercueils. Il ne lui fit toutefois souffrir aucun mauvais traitement, craignant que Cléopâtre ne s’en ressentît, et ne lui rendît quelque mauvais office auprès de Marc-Antoine.
Après qu’Hérode eut fait périr Aristobule, fils d’Alexandra, cette princesse feignit de croire que sa mort était l’effet du hasard, attendant que l’occasion se présentât d’en tirer vengeance. Elle écrivit à Cléopâtre ce qui s’était passé, et le danger où elle était tous les jours de perdre la vie. Cléopâtre en fut touchée, et elle ne cessa de solliciter Antoine à venger la mort de ce jeune prince, qu’elle ne l’eût engagé à mander Hérode pour venir devant lui se justifier du crime dont on l’accusait. Hérode y alla, mais il sut tellement gagner Antoine par ses présents, qu’il n’écouta plus Cléopâtre, et qu’il déclara qu’Hérode étant roi des Juifs, n’avait à rendre compte à personne de ses actions.
Cependant le bruit s’étant répandu qu’Antoine avait fait mourir Hérode, Alexandra sollicita Joseph, oncle d’Hérode, qui gouvernait eu l’absence de ce prince, de les mener elle et Mariamne auprès des enseignes romaines, afin que s’il arrivait quelque trouble dans la ville, elles y demeurassent en sûreté. Mais ce projet n’eut point de suite, parce que dans le même temps on reçut des lettres d’Hérode toutes contraires au bruit qui avait couru. Et lorsque ce prince fut de retour à Jérusalem, ayant été informé par sa sœur Salomé de tout ce qui s’était passé, il fit resserrer Alexandra, et la mit dans les liens.
Hérode ayant fait mourir Mariamne pour les raisons qu’on dira ailleurs, Alexandra, sa mère, craignit un pareil sort, et feignit de blâmer la conduite de Mariamne et d’approuver sa mort. Lorsqu’on la conduisait au supplice, Alexandra la chargea d’injures, et voulut même se jeter à ses cheveux : ce que tous les assistants regardèrent comme une lâcheté et une faiblesse digne de mépris. La douleur qu’Hérode conçut de la mort de Mariamne le fit tomber dans une maladie dont il faillit mourir. Alexandra, le croyant à l’extrémité, sollicita les gouverneurs des deux forteresses qui étaient dans Jérusalem de les lui remettre, et aux enfants qu’Hérode avait eus de Mariamne, de peur que si le roi venait à mourir, d’autres ne s’en saisissent. Ces gouverneurs, qui n’aimaient pas Alexandra, donnèrent aussitôt avis à Hérode de ce qui s’était passé, et ce prince récrivit sur-le-champ qu’on la fît mourir : ce qui fut exécuté l’an du monde 3976, avant Jésus-Christ 24, avant l’ère vulgaire 28.
Fille de Phazael, frère d’Hérode le Grand. Elle épousa Timias, un des plus puissants de l’île de Chypre, et mourut sans enfants.