Fils et successeur de Philippe, roi de Macédoine, il est désigné dans les prophéties de Daniel (Daniel 7.6) sous l’idée d’un léopard qui a quatre ailes, à cause de sa force et de la rapidité de ses conquêtes, et sous la figure d’un bouc (Daniel 8.4-7) qui parcourt tout le monde avec tant de promptitude qu’il ne touche point la terre, et qui attaque un bélier ayant des cornes, le renverse et le foule aux pieds, sans que personne le puisse délivrer de sa puissance. Le bouc est Alexandre, et le bélier est Darius Condomanus, dernier empereur des Perses successeur de Cyrus. Dans la statue qui fut représentée en songe à Nabachodonosor (Daniel 2.39), Alexandre est figuré par le ventre d’airain, et ses successeurs par les cuisses de fer. Il était destiné de Dieu pour renverser la monarchie des Perses dans l’Orient, et pour y établir celle des Grecs.
Après avoir rendu les derniers devoirs à son père Philippe (332 av Jésus-Christ), il fut choisi par les Grecs pour général des troupes qu’ils devaient envoyer contre les Perses. Il passa en Asie à la tête de trente-quatre mille hommes, l’an du monde 3670, avant Jésus-Christ 330, avant l’ère vulgaire 334. Il combattit contre les généraux de Darius, et les vainquit dans les campagnes d’Adaste. Il assujettit presque toute l’Asie Mineure dans une seule campagne. Il vainquit ensuite Orobate, un des généraux de Darius. Enfin, Darius lui-même étant venu avec une armée de quatre cents mille hommes de pied et de cent mille chevaux, il le défit (328 av Jésus-Christ) dans les défilés qui conduisent de la Syrie dans la Cilicie. Darius se sauva par la fuite, mais il abandonna son camp, son bagage, ses enfants, sa femme et sa mère.
Après a voir assujetti toute la Syrie, Alexandre vint à Tyr, et les Tyriens lui ayant refusé l’entrée de leur ville, il en forma le siège. Il écrivit en même temps à Jaddus, grand sacrificateur des Juifs, qu’il eût à le reconnaître, et à lui rendre les mêmes obéissances qu’il avait jusque-là rendues au roi de Perse : mais Jaddus l’ayant refusé, sous prétexte qu’il avait juré fidélité à Darius, Alexandre résolut de marcher contre Jérusalem dès qu’il aurait réduit la ville de Tyr. Ce siège dura longtemps, et coûta beaucoup de travaux à Alexandre : mais enfin la ville fut prise et saccagée, et aussitôt il entra dans la Palestine, et la soumit à son obéissance. Comme il s’avançait contre Jérusalem pour punir le grand-prêtre du refus qu’il avait fait de lui obéir, Jaddus, craignant le ressentiment d’Alexandre, eut recours à Dieu par des prières et des sacrifices ; et le Seigneur lui ordonna en songe d’ouvrir les portes au conquérant, d’aller au-devant de lui à la tête de tout son peuple en habits blancs et avec des couronnes en tête, et accompagné des prêtres avec leurs habits de cérémonies ; de se revêtir lui-même de ses ornements pontificaux, et de marcher en ordre comme pour recevoir Alexandre en triomphe.
Jaddus obéit ; et Alexandre ayant vu de loin venir à lui toute cette troupe, il fut touché de respect, et, s’approchant du grand-prêtre, il le salua le premier, adora Dieu, dont le grand-prêtre portait le nom gravé sur une lame d’or qui pendait sur son front. En même temps tout le peuple environna Alexandre et le salua par de grandes acclamations. Les sois de Syrie et tous les officiers qui se trouvèrent autour du roi ne pouvaient assez admirer la conduite d’Alexandre ; ils avaient peine à comprendre qu’il fût dans son bon sens : il n’y eut que Parménion qui osa prendre la liberté de lui demander familièrement pourquoi lui, à qui tous les peuples rendaient des soumissions en se prosternant devant lui, s’était ainsi prosterné devant le grand-prêtre des Juifs. Mais Alexandre lui répondit que ce n’était point au souverain pontife des Juifs, mais à Dieu même, qu’il avait rendu ces respects : Car, ajouta-t-il, comme j’étais encore en Macédoine, je vis le Dieu des Juifs, qui, s’étant apparu à moi sous la même forme et dans le même habit où j’ai vu ce grand-prêtre, m’encouragea, et me dit de ne rien craindre et de faire promptement passer mon armée en Asie, me promettant toutes sortes d’heureux succès, et de me rendre maître sous sa conduite de l’empire des Perses. C’est pourquoi, aussitôt que j’ai aperçu cet habit, je me suis souvenu de la vision que j’eus alors, et j’ai compris que mes entreprises étaient favorisées de Dieu, et qu’il n’y avait rien que je ne dusse me promettre sous ses auspices. Ainsi, j’espère de me voir bientôt maître de l’empire des Perses, et de venir heureusement à bout de tous mes projets.
Après avoir dit ces paroles, il embrassa Jaddus, et fut conduit par les prêtres dans la ville. Il monta au temple, où il offrit des sacrifices au Seigneur, se conformant en toutes choses à ce qui lui était montré par les prêtres ; et laissant au pontife l’honneur et les fonctions qui étaient réservées à sa dignité. On lui fit voir les prophéties de Daniel, où il était dit qu’un prince grec devait détruire l’empire des Perses. Il prit pour lui ce qui était marqué dans ce prophète, et se confirma de plus en plus dans la pensée que Dieu l’avait choisi pour exécuter ce grand ouvrage.
Après cela il renvoya la multitude et le lendemain, les ayant assemblés, il leur dit de lui demander tout ce qu’ils voudraient. Le grand-prêtre ne lui demanda que la liberté de vivre selon leurs lois sous son empire, et l’exemption du tribut toutes les septièmes années, parce que cette année les Juifs ne cultivent point leurs terres, et ne moissonnent point. Alexandre leur accorda volontiers leur demande. Et comme ils le supplièrent d’accorder la même grâce aux Juifs qui demeuraient au delà de l’Euphrate, dans la Babylonie et dans la Médie, il leur promit de leur donner les mêmes privilèges, dès qu’il aurait fait la conquête de ces provinces. Ensuite leur ayant fait entendre que si quelques-uns d’eux voulaient entrer dans ses troupes, il les y recevrait, plusieurs Juifs s’enrôlèrent et le suivirent.
Il sortit ainsi de Jérusalem, et alla visiter les autres villes de la province : et comme on le recevait partout avec de grands témoignages de soumission et d’amitié, les Samaritains qui demeuraient à Sichem, au pied du mont Garizim, et qui étaient des apostats de la religion juive, voyant qu’Alexandre avait traité les Juifs avec tant de bonté, résolurent de se dire aussi juifs de religion. Car telle était leur conduite ordinaire : lorsqu’ils voyaient les affaires des Juifs en bon état, ils se vantaient d’être de leur nation, et de descendre de Manassé et d’Éphraïm : mais lorsqu’ils croyaient qu’il était de leur intérêt de dire le contraire, ils ne manquaient pas de soutenir, même avec serment, qu’ils n’avaient aucun rapport avec la nation des Juifs.
Ils vinrent donc avec empressement et avec de grandes démonstrations de joie, au devant d’Alexandre presque jusqu’au territoire de Jérusalem. Alexandre loua leur zèle ; et les Sichémites le prièrent de visiter aussi leur temple, et d’honorer leur ville de sa présence. Il promit qu’il le ferait au retour : et comme ils lui demandaient qu’il leur accordât l’exemption du tribut pour la septième année, parce qu’ils ne travaillaient et ne moissonnaient point cette année-là non plus que les Juifs, Alexandre leur demanda s’ils étaient Juifs. Ils dirent qu’ils étaient hébreux, et que les Phéniciens les appelaient Sichémites. Alexandre répondit qu’il n’avait accordé cette faveur qu’aux Juifs ; mais qu’au retour il s’informerait plus exactement de cette affaire, et qu’il leur rendrait toute justice.
Ce prince ayant fait la conquête de l’Égypte, et y ayant réglé toutes choses, et donné ses ordres pour la continuation de sa nouvelle ville d’Alexandrie, il partit de ce pays vers le printemps, pour aller en diligence en Orient chercher Darius. En passant par la Palestine, il apprit que les Samaritains dans une émotion publique avaient fait mourir Andromaque, gouverneur de la Syrie et de la Palestine. Ce gouverneur étant venu à Samarie régler quelques affaires, les Samaritains mirent le feu à la maison où était ce gouverneur, et le brûlèrent. Cette action déplut infiniment a Alexandre qui aimait Andromaque : il fit mourir tous ceux qui avaient eu part à cet attentat, chassa tout le reste de la ville de Samarie, et mit en leur place une colonie de Macédoniens : il donna le reste des terres aux Juifs, et exempta ces terres du tribut. Ceux qui échappèrent de cette calamité, se retirèrent à Sichem au pied du mont Garizim, qui devint par là la capitale des Samaritains, comme elle l’est encore aujourd’hui ; et de peur que les huit mille hommes de cette nation qu’il avait dans son armée, et qui l’avaient toujours accompagné depuis le siège de Tyr, s’il les eût renvoyés dans leur pays, n’eussent renouvelé cet esprit de révolte de leurs compatriotes, il les envoya, dans la Thébaïde, la province d’Égypte la plus éloignée, et leur y assigna des terres. Nous ne nous étendrons, point à faire le récit des conquêtes d’Alexandre ; elles sont étrangères à notre sujet : nous dirons seulement qu’après avoir assujetti toute l’Asie et les Indes avec une rapidité et un bonheur incroyables, il revint à Babylone, où il se plongea dans tous les excès de la bonne chère. Les historiens racontent qu’ayant bu avec excès, il tomba malade et mourut, après avoir réduit toute la terre au silence en sa présence (1 Machabées 1.3). Se sentant près de sa fin, il appela les grands de sa cour, et leur déclara qu’il donnait l’empire au plus digne de tous. Selon d’autres historiens, il avait fait un testament, dans lequel il avait réglé tout ce qui pouvait concerner la succession de ses États.
L’auteur du premier livre des Machabées (1 Machabées 1.1-8) dit qu’il partagea son royaume à ses généraux pendant qu’il vivait encore. Il est certain que l’empire d’Alexandre fut partagé entre les principaux chefs de ses armées, et que l’empire qu’il avait fondé dans l’Asie, subsista plusieurs siècles après lui. Il mourut l’an du monde 3681, avant Jésus-Christ 319, avant l’ère vulgaire 323, âgé de trente-trois ans, ayant régné eu tout douze ans ; savoir, six ans comme roi de Macédoine, et six ans monarque de l’Asie.
Le faux Joseph, ou Joseph Ben-Gorion, raconte qu’Alexandre étant entré dans le temple de Jérusalem, ainsi que nous l’avons raconté, le grand-prêtre lui fit voir les parvis, les trésors et toutes les beautés de ce saint lieu, et même le saint des saints, qui était la partie la plus sacrée et la plus intérieure du temple ; qu’Alexandre ayant admiré toutes ces choses, et en ayant béni le Seigneur, dit au grand-prêtre : Je veux laisser ici un monument de ma dévotion et de mon respect envers le Dieu que vous adorez : Je vais donner à des ouvriers une grande quantité d’or, afin qu’ils fassent ma figure de grandeur naturelle, et qu’on la place, entre l’autel des holocaustes et le lieu saint. Mais le grand-prêtre lui répartit qu’il pouvait faire un meilleur usage de la somme qu’il venait de vouer au Seigneur, en la donnant aux prêtres du temple pour leur entretien, et aux peuples du Seigneur qui venaient pour l’adorer dans son lieu saint ; et qu’à l’égard du monument dont il avait parlé, il voulait en ériger un plus excellent en son honneur. Et quel est donc ce monument, répliqua Alexandre ? C’est, dit Jaddus, que tous les enfants des prêtres qui naîtront cette année, tant dans Jérusalem, que dans toute la Judée, porteront le nom d’Alexandre. Ce seront autant de monuments vivants, qui viendront tous les jours rappeler la mémoire de votre nom dans le temple du Seigneur.
Les Juifs disent que les Égyptiens intentèrent un jour un procès aux Hébreux devant Alexandre le Grand, pour les faire condamner à rendre les vases d’or et d’argent que leurs ancêtres avaient autrefois empruntés des Égyptiens, au moment de leur sortie d’Égypte (Exode 3.22). La cause fut plaidée devant Alexandre ; et les Égyptiens firent valoir leur droit autant qu’ils purent, mais lorsqu’ils eurent entendu les plaintes et les prétentions des Hébreux, quand ils ouïrent que ceux-ci leur redemandaient le prix de leur liberté, opprimée injustement pendant plusieurs années ; le salaire de leurs travaux, continués pendant si longtemps ; la satisfaction pour les mauvais traitements qu’ils avaient soufferts de la part des Égyptiens, la vengeance du sang de leurs enfants mis à mort, et noyés ou exposés ; alors les Égyptiens se retirèrent confus, et se désistèrent de leurs demandes. Mais je ne donne ce procès que comme une pièce de l’invention des rabbins.
Quelques-uns ont cru que celui qui dit à Alexandre le Grand que les dieux qui étaient adorés par les païens n’étaient que des hommes divinisés, était le grand-prêtre Jaddus : mais ce sentiment n’est qu’une conjecture sans fondement. Les anciens qui nous ont appris cette particularité d’Alexandre, tirée d’une lettre qu’il avait écrite à sa mère, n’ont jamais dit que ce prince l’eût apprise de Jaddus, mais d’un grand-prêtre des mystères d’Égypte nommé Léon.
Le nom de ce conquérant n’est pas moins célèbre dans les écrits des Orientaux, que dans ceux des Grecs et des Romains. Mais les Orientaux sont fort différents de ce que nos historiens en racontent. Ils nomment d’ordinaire Alexandre Escander Dulkarnim, Alexandre aux deux cornes, à cause des deux cornes du monde, l’orient et l’occident, comme les appellent les Orientaux, que ce conquérant a subjugués. Daniel (Daniel 8.3-6) le représente sous l’idée d’un bouc qui a une grande corne, avec laquelle il attaque et renverse un bélier qui a deux cornes d’une grandeur inégale, et dont l’une est beaucoup plus grande que l’autre. Ce bélier est Darius roi de Perse, vaincu par Alexandre. Celui-ci ayant renversé et foulé aux pieds son adversaire, devint extrêmement puissant, et sa corne s’éleva prodigieusement, de manière qu’elle se partagea en quatre cornes, qui s’étendirent vers les quatre parties du monde. Ce sont les quatre monarchies qui se formèrent de l’empire d’Alexandre, savoir la Syrie, l’Égypte, la Babylonie et la Grèce.
Les Orientaux ne sont pas d’accord entre eux sur les père et mère d’Alexandre. Les musulmans, pour l’ordinaire, racontent ainsi son origine : Darab, roi de Perse, fit la guerre à Philippe, roi de Macédoine ; et, après l’avoir défait, l’obligea de se retirer dans une place où il le serra de si près, qu’il le contraignit de lui demander la paix, de lui accorder sa fille en mariage, et de lui payer mille beizats ou œufs d’or, pesant chacun quarante drachmes, de tribut par an. Darab, ayant épousé la princesse, s’aperçut, dès la première nuit de ses noces, qu’elle avait l’haleine mauvaise, et résolut de la renvoyer à , son père quoiqu’elle fût déjà enceinte. Philippe la reçut, et nomma le fils qui en naquit comme s’il eût été son propre fils, et lui donna le nom d’Alexandre.
Darab, étant mort, laissa son royaume à son fils, nommé Dara ou Darab, comme lui : c’est le Darius Condomanus des Grecs : et Dura, en langue persienne, signifie le souverain. Ce prince étendit au loin les limites de ses États, y rétablit les postes pour savoir plus promptement ce qui s’y passait, et régna quelques années avec beaucoup de bonheur ; mais, comme il gouvernait avec beaucoup de hauteur et de sévérité, il s’attira la haine des grands et des Peuples, qui se soulevèrent contre lui. Les grands écrivirent à Alexandre, pour l’inviter à venir faire la conquête de la Perse, qui lui appartenait comme fils et héritier du premier Darab. Alexandre, voulant profiter de ces dispositions des grands, commença par refuser de payer le tribut ordinaire de mille beizats ou œufs d’or ; et, le roi de Perse les lui ayant fait demander par son ambassadeur, Alexandre répondit : L’oiseau qui pondait ces œufs s’est envolé en l’autre monde.
Ce refus, joint à la raillerie, fit que Darius assembla une puissante armée pour réduire Alexandre à l’obéissance. Alexandre, de son côté, amassa des troupes et marcha contre Darius. Le choc des deux armées fut terrible ; mais, après un sanglant combat, tout l’avantage demeura à Alexandre. Darius, s’étant retiré de la mêlée, ne fut pas plutôt arrivé dans sa tente que deux de ses principaux officiers lui passèrent leur épée au travers du corps et s’enfuirent dans le camp d’Alexandre. Celui-ci accourut, prit la tête de Darius mourant, la mit sur ses genoux, lui protesta qu’il n’avait aucune part à sa mort. Darius, ouvrant les yeux, lui recommanda la vengeance de sa mort, lui donna sa fille Roxane en mariage, et le pria de laisser le gouvernement des provinces de Perse entre les mains des naturels du pays. Telle fut, selon les Orientaux, la fin de Darius Condomanus.
Abulfarage et Saïd, fils de Batrik, et Joseph Ben-Gorion, croient que le père d’Alexandre était Nectanète, roi d’Égypte, lequel, ayant été chassé de son pays par Artaxerxès Ochus, se déguisa en astrologue, vint en Macédoine, et, ayant couché avec Olympias, épouse de Philippe, engendra Alexandre le Grand. Le même Abulfarage dit qu’Alexandre défit en bataille trente rois et bâtit douze villes, à quatre desquelles il donna son nom. On dit qu’il fit détruire un pont, d’une structure admirable, bâti par un ancien roi de Perse, sur le Tigre. On fit ensuite un pont de bateaux, au même endroit, qui y subsista pendant longtemps.
On lit dans le premier livre des Machabées (1 Machabées 1.6-7), qu’Alexandre, se sentant près de la mort, fit venir en sa présence ses principaux capitaines, qui avaient été nourris avec lui dès sa jeunesse, et qu’il leur partagea son empire de son vivant. L’on a assez de peine à concilier ce récit avec les historiens grecs et latins qui ont parlé des circonstances de la mort d’Alexandre et de la manière dont il disposa de ses États. Mais les historiens orientaux sont en cela fort d’accord avec l’historien sacré : ils disent qu’il mourut dans la ville de Schéhérézour, en Assyrie, ou, selon d’autres, dans le Kurdistan, après avoir partagé ses États à quatre-vingt-dix de ses principaux capitaines, dont le principal était Ptolonnée, fils de Lagus. Eskendérons, autrement Aridaeus, son fils, ou plutôt son frère, selon les auteurs grecs, n’eut point de part à cette succession, s’étant entièrement attaché à l’étude de la philosophie, la discipline d’Aristote, qui avait été précepteur d’Alexandre.
Une autre histoire dit que ce prince, un peu avant sa mort, partagea les provinces de Perse entre les enfants des princes qu’il avait subjugués et dépouillés, et qu’il les leur donna à foi et hommage, à condition de lui entretenir un tel nombre de troupes. Mais, ces princes, après la mort d’Alexandre, de tributaires ou feudataires qu’ils étaient, se rendirent absolus et souverains, et sont connus, dans les histoires arabes et persanes, sous le nom de rois des nations, lesquels font une dynastie particulière dans la suite des rois de Perse.
Joseph, fils de Gorion, dont Sébastien Munster publia l’histoire en Allemagne au seizième siècle, et que l’on a imprimée depuis, beaucoup plus correcte, en hébreu, à Constantinople, a rapporté l’histoire d’Alexandre le Grand, qu’il dit avoir apprise des mages d’Égypte ; mais il l’a défigurée d’une si étrange manière, et y a mêlé tant de fables et d’ignorances grossières, que je croirais abuser de mon loisir et de la patience du lecteur de les rapporter ici. M. Gagnier l’a traduite en latin, et y a joint un autre auteur latin dont on a déterré depuis peu le manuscrit dans la bibliothèque de Bodley, en Angleterre. Il a travaillé sur le même plan que le fils de Gorion ; mais il y a dispute entre les savants, lequel des deux est le plus ancien. L’un et l’autre sont farcis de puérilités et de fables, et se vantent d’avoir tiré leur histoire des mages d’Égypte.
Les orientaux conviennent qu’Alexandre le Grand bâtit une grande et forte muraille qui tenait d’une montagne à une autre, dans les monts Caspiens, pour empêcher que les peuples du Nord, qu’ils appellent Gog et Magog, ne pénétrassent dans la Perse et dans les autres provinces qui sont à l’orient et au midi de cette muraille, connue, dans les anciens, sous le nom de Portes Caspiennes. Voyez Caspiennes.
Pendant le séjour qu’il fit à Babylone, au milieu des plaisirs et de la débauche, il résolut de rebâtir et d’augmenter le temple de Bélus, que Xerxès avait démoli à son retour de la Grèce. Il commença par faire nettoyer la place ; et, voyant que les mages à qui il avait commis le soin de cet ouvrage s’y portaient avec trop de lenteur, il y employa dix mille hommes de ses troupes. Ils y travaillèrent pendant les deux mois qui précédèrent sa mort, et avec tout cela l’ouvrage demeura imparfait, tant l’entreprise était grande. On voulut y faire travailler comme les autres les Juifs qui étaient dans l’armée ; mais, quand leur tour fut venu, ils représentèrent que leur religion leur défendant l’idolâtrie, il ne leur était pas permis de prêter leurs mains à la structure d’un édifice destiné à un culte idolâtre. On voulut les presser, et on employa les violences et les châtiments pour les y forcer ; mais ils demeurèrent inflexibles. Alexandre admira leur constance, les congédia et les renvoya chez eux.
Ainsi nommé à cause de Bala, sa mère, il est fils naturel d’Antiochus Épiphane, et surnommé, dans les médailles, Théopator Èvergètes. Quelques historiens lui contestent la qualité de fils même naturel d’Antiochus Épiphane. Florus l’appelle homme inconnu et d’une origine incertaine. Justin dit que les ennemis de Démétrius, roi de Syrie, subornèrent un jeune homme de la lie du peuple, qui se déclara fils et héritier d’Antiochus, lequel, ayant heureusement fait la guerre au roi de Syrie, s’empara de son royaume. Appien dit nettement qu’il s’ingéra sans titre dans la famille des Séleucides ; et Athénée avance qu’il était fils supposé d’Antiochus Épiphane. Mais, quoi qu’il en soit, le sénat romain et les Juifs, aussi bien que les Égyptiens et les Syriens, le reconnurent pour fils et héritier de ce prince.
Héraclide de Byzance fut celui qui entreprit de placer Alexandre Balès sur le trône de Syrie et d’en faire descendre Démétrius, qui était son ennemi particulier. Il mena à Rome Alexandre, dont nous parlons, et Laodicée, fille d’Antiochus Épiphane. Il eut l’adresse de gagner plusieurs sénateurs par ses présents, et de leur persuader qu’Alexandre était fils naturel d’Antiochus. Quand il crut que tout était assez bien disposé, il amena dans l’assemblée du sénat le jeune Alexandre et sa prétendue sœur Laodicée. Ils demandèrent au sénat son assistance pour pouvoir rentrer dans l’héritage de leur père et dans le royaume de Syrie que Démétrius avait usurpé. Héraclide appuya leur demande par un long discours ; et, encore que les plus sensés regardassent tout cela comme un jeu fait à plaisir, les sénateurs qui étaient gagnés par Héraclide et qui se trouvèrent les plus forts par le nombre, l’emportèrent ; et il fut résolu sur-le-champ qu’Alexandre et Laodicée pourraient rentrer dans les États de leur père, et que le sénat et le peuple romain les appuieraient et leur fourniraient du secours pour cet effet. Aussitôt Héraclide se mit à lever des troupes ; et, ayant conduit Alexandre et Laodicée à Éphèse, il se prépara tout de bon à faire la guerre à Démétrius.
Alexandre Balès passa en Syrie ; et, d’abord, Ptolémaïde, qui était gardée par des troupes mécontentes de Démétrius, lui ouvrit les portes. Alors il écrivit à Jonathas Machabée pour l’engager à entrer dans son parti : « Le roi Alexandre, à son frère Jonathas ; salut. Nous avons appris que vous êtes un homme puissant et digne de devenir notre ami ; c’est pourquoi nous vous établissons aujourd’hui grand-prêtre de votre nation : nous voulons que vous portiez la qualité d’ami du roi, et que vous soyez toujours attaché à nos intérêts, et que vous conserviez une parfaite union avec nous ». Il lui envoya en même temps une robe de pourpre et une couronne d’or. Jonathas embrassa donc le parti d’Alexandre malgré les efforts et les pressantes sollicitations de Démétrius, roi de Syrie. Alors Alexandre ne songea plus qu’à aller attaquer Démétrius. Les deux rois donnèrent, la bataille l’an du monde 3853. L’aile gauche de Démétrius força et mit en fuite l’aile droite d’Alexandre, qui lui était opposée ; mais l’aile droite, où Démétrius commandait en personne, fut obligée de reculer. Démétrius, abandonné de ses gens, résista seul, et fit des prodiges de valeur. Enfin, s’étant jeté malheureusement dans un bourbier, il tomba de cheval, et fut percé de flèches, combattant vaillamment jusqu’au dernier soupir.
Ainsi Alexandre Balès entra en pleine possession du royaume de Syrie. Alors il songea à se fortifier par l’alliance du roi d’Égypte : il lui demanda sa fille en mariage. Ptolémée Philométor la lui accorda. Les deux rois se trouvèrent à Ptolémaide, où le mariage se conclut. Jonathas Machabée y fut invité par le roi Alexandre. Il s’y rendit, et y parut avec grand éclat ; il apporta de grands présents à Alexandre, et y fut très-bien reçu des deux princes. Le roi de Syrie le combla d’honneurs, le fit revêtir de pourpre, le mit au nombre de ses principaux amis, et le fit grand écuyer.
Il n’y avait pas plus de deux ans qu’Alexandre Balès était sur le trône de Syrie lorsque Démétrius Nicator, fils aîné de Démétrius Soter, se mit à la tête de quelques troupes qu’il avait reçues de Lastènes Crétois, et passa en Cilicie. Alexandre était alors en Phénicie. Dès qu’il en eut reçu la nouvelle, il se hâta de revenir à Antioche pour mettre ordre à ses affaires avant l’arrivée de Démétrius.
Cependant Démétrius ayant donné à Apollonius le commandement général de ses troupes, celui-ci vint défier Jonathas Machabée au combat avec des paroles pleines de hauteur. Jonathas et Simon, son frère, marchèrent contre lui et se rendirent près de Joppé. La cavalerie ennemie, après s’être fort fatiguée pendant tout le jour, fut enfin mise en fuite par l’infanterie de Simon, frère de Jonathas. Les deux frères prirent ensuite Azoth et Ascalon, et s’en retournèrent à Jérusalem chargés de butin. Le roi Alexandre, ayant appris ces heureux succès, éleva Jonathas à de nouveaux honneurs, et lui envoya l’agrafe d’or, que l’on ne donnait d’ordinaire qu’aux parents du roi. Il lui donna, de plus, Accaron et son territoire, pour en jouir en propre.
Cependant Ptolémée Philométor, beau-père d’Alexandre Balès, songeait à joindre, le royaume de Syrie à celui d’Égypte et prenait des mesures secrètes pour ruiner et Démétrius Nicator et Alexandre Balès, afin de se rendre maître du royaume qu’ils se disputaient l’un à l’autre. Il leva donc une puissante armée ; et, feignant d’aller au secours de son gendre, il entra en Syrie, fut reçu comme ami dans tontes les villes du pays ; puis, s’en étant saisi, il publia que Balès lui avait dressé des embûches dans Ptolémaïde et l’avait voulu surprendre. Jonathas Machabée le vint joindre près de Joppé ; et, quoique les habitants du pays fissent tout ce qu’ils purent pour le rendre odieux à Ptolémée en lui montrant les tas de corps morts que Jonathas avait tués dans la guerre précédente, le temple de Dagon qu’il avait brûlé et la ville d’Azoth qu’il avait détruite, toutefois le roi le reçut avec beaucoup de marques de distinction ; et Jonathas l’ayant accompagné jusqu’au fleuve Elcuthère, au delà de la Phénicie, il s’en revint à Jérusalem.
Ptolémée s’avança ainsi jusqu’à Antioche sans trouver aucune résistance, monta sur le trône de Syrie, et mit sur sa tête les deux diadèmes d’Égypte et de Syrie.
Balès, qui s’était retiré dans la Cilicie, y amassa une nombreuse armée, marcha contre Ptolémée et contre Démétrius Nicator, qui s’étaient ligués contre lui, leur livra la bataille sur le fleuve Œnaeparas, fut vaincu et obligé de se sauver en Arabie avec cinq cents chevaux. Mais Zabdiel, prince des Arabes, lui fit couper la tête et l’envoya à Ptolémée. C’est ce que dit l’auteur du premier livre des Machabées. Mais les autres historiens racontent que les généraux d’Alexandre, pensant à leurs intérêts et à leur sûreté, traitèrent en particulier avec Démétrius, tuèrent en trahison leur maître, et envoyèrent sa tête à Ptolémée dans Antioche. Cela arriva l’an du monde 3859, avant Jésus-Christ 141, ayant l’ère vulgaire 145. Alexandre Balès laissa un fils fort jeune nommé Antiochus le Dieu, que Tryphon éleva sur le trône de Syrie, ainsi qu’on le verra sous le titre d’Antiochus.
Troisième fils de Jean Hircan. Jean Hircan avait laissé trois filles, selon le quatrième livre des Machabées (4 Machabées 7), ou même cinq, selon Josèphe. Il avait une affection particulière pour Antigone et Aristobule ; mais il ne pouvait souffrir Alexandre, son troisième fils, parce qu’il avait eu un songe qu’Alexandre régnerait après lui, ce qui l’affligea fort, d’autant que, selon l’ordre naturel, il ne pouvait régner qu’après la mort de ses deux frères. L’événement justifia la vérité du songe. Antigone ne régna jamais, et Aristobule ne régna que fort peu de temps, de sorte qu’après sa mort, Salomé ou Alexandra sa veuve mit en liberté Alexandre qu’Aristobule avait tenu en prison depuis la mort de leur père, et l’établit roi en sa place, en 3899, avant Jésus-Christ 101, avant l’ère vulgaire 105. Dès qu’Alexandre fut monté sur le trône, il fit mourir un de ses frères qui voulait attenter à sa vie, et combla d’honneurs un autre de ses frères, nommé Absalom, qui, content d’une condition privée, vécut dans la paix et dans l’éloignement des affaires.
Alexandre était belliqueux et entreprenant. Aussitôt qu’il eut réglé les affaires de ses États, il marcha avec une armée contre Ptolémaïde. Ceux de la ville lui livrèrent bataille ; mais il les repoussa et les contraignit de se renfermer dans la place. Alexandre les y assiègea. Les assiégés, se voyant pressés, eurent recours à Ptolémée Lathure, qui, ayant été chassé du royaume d’Égypte par sa mère Cléopâtre, demeurait en l’île de Chypre. Lathure promit d’aller à leur secours, et équipa pour cela une grande flotte. Pendant ce temps-là Démaenétus, qui avait un très-grand crédit dans Ptolémaïde, fit entendre aux bourgeois qu’il leur était bien plus avantageux de soutenir la guerre contre les Juifs et d’en courir tous les risques que de recevoir Ptolémée et de se jeter par là dans une servitude certaine et inévitable. Les habitants de Ptolémaïde se rendirent à ses raisons et firent dire à Ptolémée qu’ils le remerciaient de son secours.
Ptolémée Lathure était déjà en mer lorsqu’il reçut cette nouvelle. Il ne laissa pas de s’avancer jusqu’à Sicaminum, ville située vis à vis Ptolémaïde, où il mit à terre son armée, composée d’environ trente mille hommes tant de cavalerie que d’infanterie. Ceux de Ptolémaïde persistèrent à ne vouloir pas le recevoir dans leur ville. Mais, pendant ce temps, il lui vint des députés de Gaze et de la part de Zoïle, tyran de Dora, et de la Tour de Straton, qui le priaient de venir à leur secours contre Alexandre Jannée, roi des Juifs, qui désolait leurs campagnes.
Ptolémée fut ravi d’avoir cette occasion de faire une retraite honorable de devant Ptolémaïde. Cependant Alexandre, ne jugeant pas à propos de hasarder un combat contre Ptolémée, fit retirer ses troupes dans leurs quartiers, et sollicita, sous main, Cléopâtre, mère de Ptolémée, d’entrer dans son parti, feignant au dehors de vouloir bien vivre avec Ptolémée, et lui ayant même offert quatre cents talents afin qu’il le délivrât de Zoïle et qu’il lui abandonnât les champs que Zoïle possédait dans le pays. Ptolémée ne fut pas longtemps sans s’apercevoir qu’Alexandre le jouait ; c’est pourquoi il recommença la guerre contre lui plus fort qu’auparavant.
Il attaqua et prit quelques places dans la Galilée. Alexandre marcha contre lui, lui livra la bataille assez près d’Asophus qui n’était pas loin du Jourdain. Mais Ptolémée lui tua trente mille hommes, ou même cinquante mille, si l’on en croit Timagènes, cité dans Josèphe. Après cette victoire, Ptolémée ne trouva plus de résistance dans le pays. Il fit le dégât partout, et répandit la terreur de son nom dans toute la province. Après cela, sa mère Cléopâtre, craignant que tant de succès ne le rendissent trop puissant, équipa une grande flotte, et envoya son fils en Phénicie, où il fut fort bien reçu des peuples de ce pays, qui quittèrent le parti de Ptolémée. Mais s’étant présenté devant Ptolémaïde, il fut obligé d’en faire le siège ; et Cléopâtre vint à son secours pour presser la prise de la ville.
Alexandre Jannée dans l’état où étaient ses affaires, ne crut pas pouvoir chercher du secours ailleurs qu’auprès de Cléopâtre. Il se rendit avec de grands présents à son camp devant Ptolémaïde, et il y fut reçu comme un prince malheureux, ennemi de Ptolémée, et qui n’avait point d’autre ressource que la protection de la reine. Quelques-uns des amis de Cléopâtre avaient voulu lui persuader de se saisir de la Judée, mais Ananie, un de ses généraux, et qui était juif de naissance, l’en dissuada, en lui remontrant non-seulement l’injustice et l’indignité de ce procédé, de dépouiller ainsi un prince allié qui était venu se jeter entre ses bras, mais aussi qu’elle se rendrait odieuse à tous les Juifs du monde qui détesteraient une telle perfidie.
Cléopâtre touchée de ces raisons, fit alliance avec Alexandre Jannée dans la ville de Scythopolis, et aussitôt Alexandre marcha avec des troupes dans la Coelé-Syrie où il prit la ville de Gadare, après un siège de dix mois ; et ensuite Amathus, qui était une des meilleures forteresses du pays, dans laquelle Théodore, fils de Zénon avait réfugié tout ce qu’il avait de plus précieux. Ce Théodore étant venu à l’improviste fondre sur l’armée d’Alexandre, lui tua dix mille hommes et pilla tout son bagage.
Cette disgrâce ne fut pas capable d’ébranler le courage de ce prince. Il assiègea Raphia et Anthédon, villes situées sur la Méditerranée, et s’en rendit maître. De là il marcha contre Gaze l’attaqua et ravagea le pays d’alentour. Mais Apollodote, qui commandait dans la ville, ayant fait une sortie pendant la nuit, vint fondre sur le camp d’Alexandre, mit les Juifs en désordre, et eut tout l’avantage tandis que la nuit dura ; mais dès qu’il fut jour, les Juifs s’étant reconnus, car ils croyaient d’abord que c’était Ptolémée Lathure qui était venu au secours de Gaze, ils reprirent courage, et tuèrent près de mille hommes des ennemis. Cependant ceux-ci ne rendirent point la place, et ils aimèrent mieux s’exposer aux dernières extrémités, que de se soumettre au joug des Hébreux. Mais après une assez longue résistance, ayant perdu leur chef Apollodote, la ville fut prise et saccagée, non pas toutefois sans une grande perte du côté des Juifs ; car ceux de Gaze voyant qu’ils n’avaient aucun quartier à espérer, leur vendirent bien chèrement leur vie. Alexandre revint à Jérusalem un an après qu’il eut commencé le siège de Gaze.
Lorsqu’il fut de retour à Jérusalem, il n’y trouva pas la paix qu’il avait lieu d’espérer. Les Juifs se révoltèrent contre lui ; et la fête des tabernacles étant venue, comme il voulut sacrifier en qualité de grand-prêtre, suivant la coutume, le peuple assemblé dans le temple, eut l’insolence de lui jeter des citrons ; car c’est la coutume des Juifs durant cette fête, de porter dans leurs mains en signe de réjouissance, des branches de palmiers et de citronniers chargées de leurs fruits. Il joignirent les reproches aux insultes, et lui dirent qu’ayant été captif, il était indigne de monter au saint autel et d’offrir les sacrifices solennels. Alexandre, outré de ces insultes, fit main basse sur les séditieux, et en tua environ six mille. Il fit ensuite bâtir autour de l’autel et du temple intérieur une séparation de bois, afin d’empêcher que le peuple ne pût parvenir jusqu’à l’autel où, les prêtres faisaient leurs fonctions. De plus, pour se prémunir contre de pareilles entreprises de la part des Juifs, il prit à sa solde des gardes de Pisidie et de Cilicie ; car, comme il n’aimait pas les Syriens, il n’en voulait point à son service.
Il porta ensuite la guerre contre les Moabites et les Ammonites, et les ayant vaincus, il les obligea de lui payer tribut. Il attaqua après cela Amathus, cette même forteresse de delà le Jourdain dont on a parlé plus haut et la rasa, sans que Théodore, fils de Zénon, osât en venir aux mains avec lui.
Dans une autre occasion, faisant la guerre à Obéda roi des Arabes, il donna imprudemment dans une embuscade qu’on lui dressa près de Gadare au delà du Jourdain, et s’étant laissé enfermer par une troupe de chameaux dans des endroits escarpés, il eut toutes les peines du monde d’en sortir seul et de regagner Jérusalem.
Il y trouva les Juifs plus animés que jamais contre lui, et il fut obligé pendant six ans de leur faire la guerre et d’en tuer plus de cinquante mille. Les efforts qu’il fit pour se bien remettre avec eux, ne servirent qu’à les irriter encore davantage ; en sorte que leur ayant un jour demandé ce qu’ils voulaient donc qu’il fît pour bien vivre avec eux et pour acquérir leur bienveillance, ils lui répondirent tout d’une voix qu’il n’avait qu’à se faire mourir, et en même temps ils députèrent vers Démétrius Eukérus, roi de Syrie, pour lui demander du secours contre leur roi.
Eukérus étant venu en Judée, fit la jonction de son armée avec les sujets rebelles d’Alexandre, et vint se camper à Sichem. Alexandre marcha contre lui à la tête d’une armée de six mille deux cents hommes de troupes étrangères et de vingt mille Juifs qui lui étaient demeurés fidèles. L’armée d’Eukérus était de trois mille chevaux et de quarante mille hommes d’infanterie. Les deux rois firent ce qu’ils purent pour s’affaiblir mutuellement ; Eukérus en débauchant les troupes étrangères qu’Alexandre avait à sa solde, et Alexandre en détachant du parti d’Eukérus les Juifs qui s’étaient joints à son armée. Mais ni l’un ni l’autre n’ayant pu réussir dans leur dessein, ils furent obligés d’en venir à une bataille où Eukérus eut tout l’avantage, toutes les troupes étrangères d’Alexandre ayant été tellement défaites, qu’il n’en resta pas un seul, et ce prince ayant été obligé de se sauver dans les montagnes.
Cette disgrâce, qui semblait devoir entièrement ruiner les affaires d’Alexandre Jannée, fut ce qui contribua le plus à les rétablir. Six mille Juifs touchés du malheur de leur roi, vinrent se joindre à lui ; et Démétrius content du premier avantage qu’il venait de remporter, se retira en Syrie, et laissa les rebelles faire la guerre à leur roi par leurs propres forces. Alexandre les battit en toutes rencontres ; et enfin ayant renfermé les plus animés d’entre eux dans un lieu nommé Béthom, il les y força, les prit et les mena à Jérusalem où il en fit crucifier huit cents à ses yeux, pendant un grand festin qu’il faisait à ses amis ; et avant que ces malheureux fussent morts, il ordonna qu’on égorgeât en leur présence leurs femmes et leurs enfants. Cruauté inouïe et excessive qui lui fit donner par les siens le nom de Thracide, c’est–à –dire, aussi cruel qu’un Thrace. Un corps de huit mille séditieux qui tenaient encore la campagne, effrayé de cette exécution, se sauva dans des lieux forts d’assiette, et laissa le roi en paix dans ses États.
Antiochus surnommé Dionysius, s’étant rendu maître de Damas, résolut de faire irruption dans la Judée. Alexandre Jannée en étant informé, et ne voulant pas risquer un combat, fit faire de bons retranchements depuis Antipatride jusqu’à Joppé, qui était le seul endroit par où l’on pouvait pénétrer dans son pays ; et ayant accompagné ces travaux d’un mur avec des tours de bois d’espace en espace dans l’étendue de cent cinquante stades, il arrêta par là Antiochus, et fit échouer son entreprise. Et ce prince ayant seulement brûlé les tours de bois, jugea à propos de s’en retourner, et de porter ses armes contre le roi des Arabes où il fut tué dans un combat.
Après sa mort, ceux de Damas déférèrent la royauté à Arétas qui vint en Judée, attaqua Alexandre, et le vainquit près d’Adida, dans la campagne nommée Séphala, à l’orient de Gaze et d’Aiithédon. Après cela, les deux rois firent la paix sous certaines conditions. Arétas s’en retourna à Damas, et Alexandre alla assièger Dia, ou Dium, dans l’Arabie, près de Pella, dans la Décapole ; et l’ayant prise, il mena son armée à Esse où Zénon avait mis tout ce qu’il avait de plus précieux. Il enveloppa la place d’un triple mur, et l’ayant prise, il marcha contre Gaulan et Séleucie. Il s’en rendit maître aussi bien que de la vallée d’Antiochus et de la forteresse de Gamala. Il accusa de plusieurs crimes Démétrius qui occupait tous ces quartiers-là ; et s’en étant mis en possession, il revint triomphant en Judée, après trois ans d’absence qu’il avait employés à ces expéditions.
Les Juifs le reçurent avec joie, à cause de tant d’heureux succès ; et sous son règne, la domination des Hébreux s’étendit sur plusieurs villes dont il fit la conquête. Après cela Alexandre tomba malade d’un excès de vin qu’il avait fait ; et ayant été pendant trois ans entiers travaillé par une fièvre quarte, sans que cela l’empêchât de vaquer aux exercices militaires, il mourut, épuisé de force dans le pays de Gerasa, assiègeant le château de Ragaba, situé au delà du Jourdain. Ragaba est apparemment la même qu’Argob de Basan dont il est parié dans Moïse (Deutéronome 3.4-14).
La reine Alexandra, son épouse, le voyant près de sa fin, et prévoyant tout ce qu’elle avait à craindre après sa mort de la part d’un peuple mutin et difficile à gouverner, ses enfants n’étant pas encore en âge de prendre la conduite des affaires, Alexandre lui dit que, si elle voulait régner en paix, elle cachât premièrement sa mort aux soldats, jusqu’après la prise de Ragaba ; ensuite, quand elle serait de retour à Jérusalem, qu’elle donnât aux pharisiens quelque autorité dans l’État et quelque part dans le gouvernement ; qu’elle fît venir les principaux d’entre eux, qu’elle leur montrât son corps mort, et qu’elle leur dît qu’ils pouvaient en user comme ils voudraient et le traiter avec toutes sortes d’indignités, en vengeance de la manière dont lui-même en avait usé envers eux ; qu’au reste elle ne voulait rien faire ci-après dans le gouvernement que par leur conseil. Il ajouta : Si vous en usez de cette sorte, vous pouvez vous assurer qu’ils me feront des funérailles très-honorables, et que vous règnerez en paix, appuyée du crédit et de l’autorité qu’ils ont acquise parmi le peuple. Ayant dit ces mots, il expira, âgé, de quarante-huit ans, après vingt-sept ans de règne, l’an du monde 3926, avant Jésus-Christ 74, avant l’ère vulgaire, 78. Voyez Alexandra.
Il laissa deux fils, Hircan et Aristobule, qui disputèrent le royaume et la souveraine sacrificature jusqu’au temps d’Hérode le Grand, et qui, par leur division, furent cause de la perte entière de leur famille et de l’élévation d’Hérode.
Fils d’Aristobule et d’Alexandra, et petit-fils d’Alexandre Jannée dont on vient de parler. Après que Pompée eut pris Jérusalem sur Aristobule, ce prince, avec Alexandre et Antigone, ses fils, et deux de ses filles, furent menés à Rome en captivité. Le jeune Alexandre trouva moyen de se sauver en chemin ; et étant de retour en Judée (53 av Jésus-Christ), il assembla une armée de dix mille hommes de pied et de quinze cents chevaux, avec lesquels il fit plusieurs actions de valeur et se saisit des forteresses d’Alexandrion et de Machéronte, où il voulait se fortifier. Mais Gabinius, général des troupes romaines qui étaient dans le pays, ne lui en donna pas le loisir : il le chassa des montagnes, le battit près de Jérusalem, lui tua trois mille hommes, et fit grand nombre de prisonniers. Après cela Gabinius vint assièger la forteresse d’Alexandrion, où Alexandra, mère d’Alexandre, était en personne. Elle sortit de ce château, et fit l’accommodement d’Alexandre, son fils, avec Gabinius, à condition qu’Alexandre rendrait les châteaux d’Alexandrion, d’Hircanium et de Machéronte, que Gabinius démolit, l’an du monde 3917.
Alexandre, voyant Gabinius occupé dans l’Égypte, pendant que Sisenna, que ce gouverneur avait laissé en Judée en son absence pour y commander, ne pouvait tenir tête aux brigands qui ravageaient la province, Alexandre, dis-je, profitant de l’occasion, excita de nouveaux troubles dans le pays, reprit les armes, et trouva moyen de former une armée, assez considérable pour battre toute la campagne. Partout où il trouvait des Romains, il les sacrifiait à son ressentiment. Ceux qui lui échappèrent se fortifièrent sur le mont Garisim, où il alla les assièger. Ce fut là que Gabinius le trouva à son retour d’Égypte.
Gabinius, craignant d’en venir aux mains avec le grand nombre de troupes qu’avait Alexandre, lui envoya Antipater pour leur offrir une amnistie, à condition qu’ils mettraient bas les armes. Ce moyen lui réussit : plusieurs d’entre eux abandonnèrent Alexandre et se retirèrent dans leurs maisons. Mais il restait encore trente mille hommes à Alexandre, avec lesquels il résolut de livrer la bataille à Gabinius. Les deux armées se rencontrèrent au pied du mont Thabor, où, après une action fort opiniâtre, Alexandre fut vaincu avec perte de dix mille hommes ; le reste fut dispersé par la fuite.
Alexandre commença de nouveau à brouiller sous le gouvernement de Crassus ; mais Cassius, après la malheureuse expédition contre les Parthes, l’obligea sous certaines conditions à demeurer en repos, et alla sur l’Euphrate, pour s’opposer au passage des Parthes.
Pendant les brouilleries de César et de Pompée, Alexandre et Aristobule, son père, prirent le parti de César. Celui-ci renvoya Aristobule en Judée avec deux légions, pour y soutenir ses intérêts ; mais ceux du parti de Pompée trouvèrent le moyen de l’empoisonner en chemin. Cependant Alexandre, son fils, levait des troupes pour les joindre à celles d’Aristobule : Pompée en eut avis, et envoya ordre à Scipion, qui était en Syrie, de le faire mourir. Alexandre fut donc arrêté et mené à Antioche. On lui fit son procès dans les formes, et il y eut la tête tranchée, l’an du monde 3935, avant Jésus-Christ 65, avant l’ère vulgaire 69.
Fils de Jason, il fut envoyé à Rome pour renouveler l’alliance et l’amitié entre les Romains et les Juifs. Il est dénommé dans le décret du sénat adressé aux Juifs, sous l’an neuvième du pontificat d’Hircan, du monde 3935, avant Jésus-Christ 65, avant l’ère vulgaire 69.
Fils de Théodore, il fut envoyé à Rome par Hircan, pour renouveler l’alliance avec le sénat. Son nom se trouve dans le décret du sénat adressé aux magistrats d’Éphèse, donné sous le consulat de Dolabella, par lequel il est déclaré que l’on ne forcera point les Juifs à aller à la guerre, à cause qu’ils ne peuvent porter les armes le jour du sabbat, et qu’à la suite des armées, ils ne peuvent pas toujours avoir la nourriture qui leur est permise par leur loi.
Fils d’Hérode le Grand et de Mariamne. On ne peut guère séparer son histoire de celle d’Aristobule, son frère et le compagnon de toutes ses disgrâces. Ces deux princes étaient les mieux faits de leur temps. Après la mort funeste de leur mère Mariamne, Hérode les envoya à Rome, pour y être élevés auprès d’Auguste dans tous les exercices convenables à leur qualité (18 av Jésus-Christ). Auguste leur fit l’honneur de leur accorder un appartement dans son palais, voulant donner à Hérode, leur père, cette marque de son estime et de sa considération.
Quelque temps après (12 av Jésus-Christ) Hérode fit un voyage à Rome, pour faire sa cour à Auguste, et pour ramener ses deux fils Alexandre et Aristobule, qui étaient assez instruits de tout ce qui convenait à leur condition. Les peuples les reçurent dans la Judée avec une joie et une faveur tout extraordinaires, tant à cause de leur extrême beauté, qu’en considération du sang des Asmonéens, dont ces princes étaient sortis par leur mère. Mais Salomé, sœur d’Hérode, qui avait été la principale cause de la mort de Mariamne, craignant que, si jamais ils avaient l’autorité en main, ils ne lui fissent ressentir les effets de leur ressentiment, résolut de les perdre, par ses calomnies, dans l’esprit d’Hérode.
Elle s’y prit avec adresse, de peur d’être reconnue ; et d’abord elle ne fit rien connaître de sa mauvaise volonté. Hérode, les voyant en âge, leur donna des femmes : à Alexandre, Glaphyre, fille d’Archélaüs, roi de Cappadoce ; et à Aristobule, Bérénice, fille de Salomé. Phéroras, frère du roi, et Salomé, ayant comploté la perte de ces deux jeunes princes, observaient tous leurs discours, et leur fournissaient souvent eux-mêmes l’occasion de s’expliquer avec vivacité sur la manière dont Hérode avait fait mourir leur mère Mariamne. Tout ce qu’ils disaient était d’abord rapporté au roi dans des termes odieux et envenimés. Hérode, qui ne pouvait se défier de son frère et de sa sœur, et qui connaissait l’humeur de ses fils, ajouta aisément foi à ce qu’on lui rapportait, qu’Alexandre et Aristobule disaient, tout haut qu’ils vengeraient un jour la mort de leur mère. Pour réprimer leur hauteur, il fit venir à la cour Antipater, son fils aîné, qu’il avait eu d’une nommée Doris, et qu’il faisait élever éloigné de Jérusalem, parce que la condition de sa mère était fort inférieure à celle de Mariamne. Il crut qu’en faisant sentir à Aristobule et à Alexandre qu’il pouvait mettre un de leurs frères au-dessus d’eux, il les rendrait plus traitables et plus circonspects ; mais il en arriva tout le contraire : la présence d’Antipater ne fit qu’aigrir les deux jeunes princes.
Hérode ayant donné sa confiance à Antipater, ne se défiait point de ce qu’il lui disait contre ses deux frères, parce qu’il savait si bien déguiser ses sentiments, qu’il semblait les excuser et les plaindre, lorsqu’il formait contre eux les plus atroces accusations. Enfin Hérode s’aliéna de ses deux fils à un point, qu’il les mena à Rome (7 av Jésus-Christ), pour les y accuser devant Auguste d’avoir voulu attenter à sa vie. Les jeunes princes se défendirent si bien, et touchèrent tellement tous les assistants par leurs larmes, qu’Auguste les réconcilia avec leur père et les renvoya en Judée, parfaitement unis en apparence avec Antipater, qui revint avec eux, et qui témoigna être fort content de les voir rentrés dans les bonnes grâces d’Hérode. Lorsque ce prince fut de retour en Judée, il assembla le peuple dans le temple, et déclara publiquement que ses fils régneraient après lui ; premièrement Antipater, et ensuite Alexandre et Aristobule.
Cette déclaration irrita de plus en plus les deux frères ; ils éclatèrent en plaintes et en murmures. Leurs discours furent aussitôt rapportés à Hérode ; et Phéroras, Salomé et Antipater ne négligeaient rien pour l’aigrir contre ses fils. Phéroras vint un jour dire à Alexandre qu’il avait appris de Salomé, sa sœur, que le roi Hérode brûlait d’une ardente passion pour Glaphyre, son épouse. Alexandre ne put se contenir, et alla déclarer à Hérode même ce que Phéroras lui avait dit. Hérode en fut étrangement irrité contre Phéroras, et lui fit de grands reproches d’une accusation si noire. Phéroras rejeta ce crime sur Salomé. Salomé, qui était présente, s’en défendit avec véhémence, et cria bien haut à l’imposture. Enfin le roi, las de leurs criailleries, les fit sortir de sa présence, et loua fort la modération de son fils de lui avoir découvert une chose qui devait lui être si sensible.
Hérode avait trois eunuques auxquels il se fiait beaucoup, et qu’il employait même à des affaires sérieuses et importantes. On les accusa de s’être laissé gagner par Alexandre, pour une grande somme d’argent. Le roi les fit appliquer à la question, et la force des tourments les força d’avouer qu’ils avaient été souvent sollicités par Alexandre et Aristobule d’abandonner Hérode, comme un homme qui était désormais inutile, et qui cherchait en vain à déguiser son âge par artifice, en se faisant peindre la barbe et les cheveux ; qu’ils feraient bien mieux de s’attacher à eux, puisqu’ils devaient bientôt monter sur le trône, même malgré leur père, et se trouver en état de leur procurer les premières charges de l’État. Que tout était disposé en leur faveur ; que leurs amis et ceux de leur parti étaient prêts à tout entreprendre pour défendre le droit incontestable qu’ils avaient à la couronne. Il n’en fallut pas davantage pour jeter Hérode dans d’étranges inquiétudes, et pour lui rendre suspectes toutes les personnes de sa cour. Il fit arrêter et mettre à la question tous ceux qu’on savait être amis particuliers d’Alexandre. La plupart mouraient dans les tourments sans, rien déclarer, parce qu’ils n’avaient rien à dire.
Toutefois il y en eut un qui, vaincu par la douleur, avoua qu’il avait souvent ouï dire à Alexandre, lorsqu’on le louait de la grandeur de sa taille, ou de son habileté à tirer de l’arc, qu’il lui serait plus avantageux, d’être d’une taille moins riche et d’avoir moins d’adresse à la chasse, puisque le roi son père regardait en lui ces qualités avec jalousie, et qu’à la promenade il était obligé de s’accourcir exprès auprès de lui, pour ne pas paraître plus grand ; et qu’à la chasse, il n’osait tirer droit de peur que le roi ne se formalisât si en sa présence on louait son fils de son adresse à tirer. Pendant le relâche que l’on donna au patient dans sa torture, il ajouta que les deux frères avaient conspiré de dresser des pièges à leur père, à la chasse, et étaient résolus, s’il venait à mourir, d’aller à Rome en toute diligence, pour demander le royaume à Auguste. On produisit aussi des lettres d’Alexandre à Aristobule, dans lesquelles il se plaignait qu’Hérode eût donné à Antipater des champs qui rapportaient deux cents talents, ou quatre cent quatre-vingt mille livres de notre monnaie par an.
Hérode crut que cela suffisait pour faire arrêter Alexandre, et pour faire donner la question à ses principaux amis. Plusieurs moururent dans les tourments, sans rien dire, et toute sa cour était pleine de troubles, de terreurs et d’inquiétudes. Un de ceux qu’on tourmentait dit qu’Alexandre avait écrit à ses amis, afin qu’ils disposassent l’empereur à le mander à Rome, et qu’il avait des avis importants à lui donner contre son père, qui avait préféré l’amitié de Mithridate, roi des Parthes, à l’alliance des Romains. Il ajouta que ce jeune prince avait du poison tout prêt à Ascalon, pour s’en servir contre son père. On fit inutilement chercher ce poison, on n’en put jamais trouver.
Alexandre ne se laissa point abattre par cette tempête. Non seulement il ne nia point ce qu’on avait extorqué de ses amis par la force des tourments, mais il l’avoua sans difficulté, soit qu’il voulût confondre la crédulité et les défiances de son père, ou jeter toute la cour dans des embarras d’où elle ne pourrait se tirer. Il fit présenter au roi quatre écrits, dans lesquels il disait qu’il était inutile de tourmenter tant de gens à son occasion ; qu’il était vrai qu’il lui avait dressé des embûches, et que les premiers de la cour étaient ses complices. Il nomma en particulier Phéroras et ses plus intimes amis. Il ajouta que Salomé l’était venue trouver secrètement la nuit, et s’était couchée malgré lui dans son lit. Que toute la cour ne respirait qu’après le moment de se voir délivrée de la gène où il les tenait par ses cruautés et ses inquiétudes continuelles.
Cependant Archélaüs, roi de Cappadoce, beau-père d’Alexandre, étant informé de tout ce qui se passait a la cour d’Hérode, vint à Jerusalem, pour tâcher de réconcilier son gendre avec Hérode. Il feignit d’abord d’entrer en colère contre Alexandre ; il blâma fort sa conduite, et donna de grandes louanges à celle du roi. Il dit qu’il était prêt à rompre le mariage d’Alexandre avec Glaphyre, sa fille, s’il pouvait découvrir qu’elle eût eu part aux mauvais desseins de son mari. Hérode voyant Archélaüs entrer si vivement dans sa passion, commença à se radoucir, et à reprendre des sentiments de père envers son fils ; en sorte qu’il fut le premier à excuser son fils, et à prier Archélaüs de ne pas porter les choses à l’extrémité, et de ne pas rompre le mariage de sa fille avec Alexandre.
Alors Archélaüs commença à disculper le jeune prince, et à rejeter la faute de tout cela sur d’autres, et principalement sur Phéroras, frère du roi Hérode, qui fut contraint de lui avouer qu’il était la cause de tout le mal. Ainsi Alexandre rentra dans les bonnes grâces du roi son père, par un trait de la prudence d’Archélaüs. Le même Archélaüs réconcilia ensuite Phérroras avec Hérode, et rétablit ainsi la paix dans toute la cour.
Ce calme ne fut pas de longue durée. Un certain Euryclès, lacédémonien, s’étant insinué dans les bonnes grâces d’Hérode, gagna aussi la confiance d’Alexandre ; en sorte que ce jeune prince lui ouvrait librement son cœur sur les mécontentements qu’il prétendait avoir de son père. Euryclès rapportait tout au roi, qui commença de nouveau à concevoir de violents soupçons contre les princes ses fils, à les observer, à écouter tout ce que l’on disait contre eux. Alexandre ayant reçu parmi ses gardes deux hommes qu’Hérode avait chassés de son service, le roi en prit défiance et leur fit donner la question. Ils confessèrent qu’Alexandre les avait sollicités à tuer le roi à la chasse, en faisant semblant de tirer une bête, et qu’on leur avait dit qu’on saurait les mettre a couvert en disant que le roi s’était percé de ses propres armes, étant tombé de cheval. Ils déclarèrent aussi qu’il y avait de l’or caché dans l’écurie d’Alexandre.
On arrêta après cela le gouverneur du château d’Alexandrion. On l’accusa d’avoir promis à Alexandre et à Aristobule de les recevoir dans sa forteresse, et de leur livrer l’argent du trésor royal qui y était. Le gouverneur souffrit fortement la question, et soutint que rien n’était plus faux que cette accusation. Mais son fils, s’avançant, avoua tout ce qu’on voulut ; il produisit même des lettres d’Alexandre, qui portaient : Aussitôt que nous aurons exécuté ce que nous avons résolu, nous irons chez vous ; ainsi songez à nous recevoir dans votre forteresse, comme vous nous l’avez promis. Hérode ayant vu ces lettres, ne douta plus que ses fils ne lui eussent dressé des embûches. Alexandre soutenait qu’il n’avait jamais écrit ces lettres, mais que c’était Diophante qui avait contrefait son caractère. Hérode était alors à Jéricho, et ayant produit devant l’assemblée du peuple ceux que la violence des tourments avait forcés d’accuser ses fils, le peuple les lapida, et en aurait fait autant à Alexandre et à Aristobule, si le roi ne les en eût fait empêcher par Phéroras et par Ptolémée.
Hérode ayant mis les deux princes dans deux prisons différentes, leur commanda de mettre en écrit toute leur conspiration contre lui. Alexandre et Aristobule écrivirent qu’à la vérité ils avaient eu envie de se retirer auprès du roi de Cappadoce, mais qu’ils n’avaient en aucune manière conspiré contre sa vie (2 av Jésus-Christ). Qu’ils auraient fort désiré que l’on examinât de plus près Tyrannus, l’un de leurs accusateurs, que le peuple de Jéricho, poussé par les émissaires d’Antipater, avait lapidé. Le roi fit conduire Alexandre, lié comme il était, à la princesse Glaphyre, son épouse, pour savoir d’elle si elle n’était pas complice des mauvais desseins de son fils. La vue de son mari dans un état si triste, lui fit jeter des cris amers et verser un torrent de larmes ; elle protesta qu’elle n’était coupable de rien, mais qu’il était vrai que, pour se délivrer des peines qu’on leur faisait, elle avait résolu de se retirer, avec son mari, auprès du roi son père, en Cappadoce, et de là de s’en aller à Rome. Hérode écrivit à Archélaüs pour se plaindre de ce qu’il fût entré dans le complot de ses fils sans l’en avertir ; et en même temps il écrivit aussi à Auguste, pour accuser ses fils d’avoir conspiré contre sa vie, et d’avoir voulu s’enfuir de ses États.
Auguste répondit que si ses fils étaient convaincus d’avoir attenté à sa vie, il pouvait les punir comme parricides ; mais s’ils ne se trouvaient coupables que d’avoir voulu se retirer, de les traiter plus doucement ; qu’ainsi, il était d’avis qu’il assemblât à Bérythe, en Phénicie, un conseil composé de ses amis et d’Archélaüs, roi de Cappadoce, afin de délibérer avec eux sur ce qu’il aurait à faire à l’égard de ses fils. Hérode convoqua donc à Bérythe tous ceux de ses amis qu’il jugea à propos ; mais il n’y voulut pas faire venir Archélaüs, ni les deux princes Alexandre et Aristobule. Il les laissa à Platane, village des Sidoniens, près Bérythe, afin qu’ils fussent à portée, s’il était nécessaire, de les faire comparoir.
Hérode vint dans l’assemblée, qui était de cent cinquante personnes, et commença à accuser lui-même ses fils d’une manière pleine d’emportement et de véhémence ; et après avoir parlé dans des termes qui convenaient peu à un père, il dit que non-seulement Auguste l’avait rendu maître de la destinée de ses fils, mais que les lois mêmes des Juifs voulaient que si un fils était accusé par ses parents et que ceux-ci lui missent la main sur la tête, tous les assistants devaient l’accabler de pierres et le faire mourir (Deutéronome 21.18-20). Il ajouta que quoiqu’il pût traiter ainsi ses fils, après les crimes dont ils étaient convaincus, il voulait bien toutefois prendre leur avis, et qu’il s’attendait qu’ils se joindraient à lui, pour donner à la postérité un exemple de la juste sévérité que l’on doit exercer envers des enfants inhumains et dénaturés.
Saturnin, homme consulaire, qui était à la tête de l’assemblée, fut d’avis qu’il fallait punir Alexandre et Aristobule, mais non pas du dernier supplice. Ses trois fils, qui étaient présents, furent de même sentiment ; mais Volumnius prononça qu’ils étaient dignes de mort, et le plus grand nombre des assistants suivit son avis ; de manière que leur mort fut conclue à la pluralité des suffrages. Hérode amena donc ses fils à Tyr ; et Nicolas de Damas y étant arrivé de Rome, le roi lui demanda ce que ses amis pensaient de ses fils. Nicolas lui répondit que la plupart étaient de sentiment qu’il fallait les mettre en prison, en attendant qu’il pût prendre plus à loisir une dernière résolution. Hérode fut longtemps pensif, et se résolut enfin de mener ses fils à Césarée.
Toute la ville était dans l’attente du parti que le roi prendrait. Chacun plaignait les deux princes ; mais personne n’osait s’en expliquer, de peur d’encourir la colère du roi. Un ancien soldat d’Hérode, qui avait un fils nommé Tyron, de même âge qu’Alexandre, ayant osé prendre la liberté de faire là -dessus au roi quelques remontrances un peu fortes, et lui ayant dit que les officiers et les soldats, et le peuple même, étaient émus de compassion pour ces jeunes princes et plaignaient leur triste sort, le roi perdant patience, fit arrêter et le soldat et son fils, et tous les autres qu’il lui avait nommés, et ayant fait donner la question à cet ancien soldat et à son fils, celui-ci déclara qu’il avait formé la résolution de tuer le roi et de s’exposer, pour l’amour d’Alexandre, à toutes sortes de supplices. Alors le roi ne pensa plus qu’à exécuter le projet qu’il avait formé de faire mourir ses fils.
Il les envoya à Sébaste, autrement Samarie, et les y fit étrangler. Leurs corps furent portés au château d’Alexandrion, où la plupart de leurs ancêtres, du côté de leur mère, avaient eu leur sépulture. Ainsi moururent Alexandre et Aristobule, fils d’Hérode le Grand et de Mariamne, l’an du monde 3999, un an avant la naissance de Jésus-Christ et quatre ans avant l’ère vulgaire.
Josèphe raconte que Glaphyre, femme d’Alexandre, ayant été renvoyée par Hérode à Archélaüs son père, épousa en secondes noces Juba, roi de Mauritanie, et qu’ensuite elle épousa Archélaüs, frère d’Alexandre, son premier mari. Celui-ci apparut une nuit à Glaphyre, et lui reprocha le peu d’amour qu’elle avait pour lui, et de ce que ne s’étant pas contentée d’un second mariage, elle en avait contracté un troisième, en épousant Archélaüs, son frère. C’est pourquoi, ajouta-t-il, je veux vous montrer que mon affection est plus constante, que la vôtre, et pour preuve que je ne vous ai point oubliée, dans cinq jours je vous retirerai à moi, et je vous délivrerai de l’infamie où vous vivez. En effet Glaphyre mourut au bout de cinq jours.
Imposteur juif de la ville de Sidon, qui ressemblait tellement à Alexandre fils de Mariamne et d’Hérode, dont on vient de parler, que tous ceux qui l’avaient connu étaient persuadés que c’était lui-même. Il publiait que son frère Aristobule et lui avaient été soustraits à la mort par le bienfait d’un ami, qui en avait supposé d’autres à leur place, lorsqu’on voulut leur ôter la vie. Il vint dans l’île de Crète, où tous les Juifs le reconnurent pour le fils d’Hérode, et lui fournirent même de l’argent, pour se mettre en équipage et pour faire le voyage de Rome. Il arriva à Pouzzoles, où les Juifs le reçurent avec honneur. Les amis d’Hérode, et ceux qui avaient connu Alexandre le plus particulièrement, se laissèrent prendre à la grande ressemblance qu’il avait avec lui : en sorte que les Juifs mêmes de Rome venaient en foule au-devant de lui. Il entra dans la ville avec un train de roi.
Auguste fut le seul qui ne s’y méprit pas. Il reconnut à l’air de cet homme et à ses mains endurcies au travail, que c’était un imposteur. Il lui demanda d’abord ce qu’était devenu Aristobule, son frère, et pourquoi il n’était pas venu à Rome, pour partager sa bonne ou sa mauvaise fortune. Il lui répondit qu’il était dans l’île de Cypre, parce qu’ils n’avaient pas voulu tous deux s’exposer aux dangers de la mer, et afin que s’il arrivait un malheur à l’un d’eux, au moins l’autre fût conservé. Auguste prenant un air plus sérieux, tira à part ce jeune homme et lui dit : Si vous voulez me déclarer la vérité, je vous promets de vous renvoyer sans vous ôter la vie. Dites-moi qui vous êtes et qui vous a engagé à feindre cela ; car vous n’êtes pas d’un âge à former de vous-même une telle intrigue. Le jeune homme ne pouvant plus soutenir le mensonge devant l’empereur, lui avoua toute la fourbe ; et Auguste, pour tenir la parole qu’il lui avait donnée, l’envoya aux galères, parce qu’il était corpulent et robuste, et fit mourir celui qui l’avait engagé dans cette feinte. Ceci arriva quelque temps après la mort d’Hérode, l’an du monde 4001, de Jésus-Christ 1, trois ans avant l’ère vulgaire.
Fils de Phazael et de Salampso, sœur d’Hérode. Joseph. Antiquités judaïques, 1.17 ; chapitre vit, page 628 a.
Fils d’Alexandre, fils d’Hérode, et de Glaphyre, fille du roi de Cappadoce. Joseph. Antiquités judaïques,1.17 c xvii, p.628E.
Fils de Tigrane et petit-fils d’Alexandre, mis à mort par Hérode. Il épousa Jotapé, fille d’Antiochus, roi de Coniagène. Joseph. Antiquités judaïques, 1.17 c vii.
Juif de Cyrène, il fut accusé par les sicaires ou assassins, par-devant Catule, gouverneur de cette province, qui le fit mourir, vers l’an de Jésus-Christ 73.
Fils de Simon le Cyrénéen et frère de Rufus, qui aida notre Sauveur à porter sa croix, en allant au Calvaire (Marc 15.21).
Alabarque d’Alexandrie, frère de Philon le Juif. On croit que ce fut lui qui se trouva avec les prêtres, lorsque les apôtres furent amenés devant le sénat, pour rendre compte de leur doctrine et de leur conduite (Actes 4.6, An 4 de Jésus-Christ). Cet Alexandre était le plus riche des Juifs de son temps. Il fit de riches présents au temple, et fut père de Tibère Alexandre, qui quitta la religion des Juifs, pour se faire païen. Alexandre Lysimaque avait eu le maniement des affaires de l’impératrice Antonia. Caligula le fit mettre en prison, d’où il ne sortit que sous l’empire de Claude, successeur, de Caligula.
Juif d’Éphèse, qui se présenta à la populace mutinée contre saint Paul, pour essayer de l’apaiser (Actes 19.33). Mais lorsqu’il parut dans l’assemblée, et qu’on eut reconnu qu’il était Juif, les Éphésiens commencèrent à crier encore plus fort : Vive la grande Diane d’Éphèse ! On ne sait si cet Alexandre était pour ou contre saint Paul ; s’il était simple juif, ou juif converti au christianisme.
Ouvrier en cuivre, dont parle saint Paul à Timothée (1 Timothée 1.19-20). Le saint apôtre l’excommunia avec Hyménée, parce qu’ils avaient blasphémé contre la vérité.