Il est certain que la nature prescrit aux mères le devoir d’allaiter leurs enfants : les femelles des animaux le remplissent avec joie, et beaucoup de femmes s’en dispensent, sans motifs réels ou raisonnables. Toute mère qui peut allaiter, C’est-à-dire qui est saine, se porte bien et a du lait, et qui n’allaite pas, n’est point une véritable mère. Dans l’origine, c’étaient les mères elles-mêmes qui allaitaient leurs enfants. Il en a toujours été ainsi chez les peuples qui avaient des mœurs ; mais il en a été autrement, lorsque la corruption s’y est introduite.
Sara, femme d’Abraham (Genèse 21.7), Anne, femme d’Elcana (1 Samuel 1.23), la mère des Machabées (2 Machabées 7.27), étaient de saintes femmes ; elles allaitèrent leurs enfants.
Les livres sacrés nous parlent de quelques nourrices :
1° De celle de Rebecca, qui se nommait Débora (Genèse 24.59 ; 35.8)
2° De celle de Miphiboseth, fils de Jonathas, et petit-fils du roi Saül (2 Samuel 4.47)
3° De celle de Joas, fils du roi Ochosias (2 Rois 11.2 ; 2 Chroniques 22.11).
Or, par ces nourrices, il faut entendre, non pas, comme on l’a cru, des femmes allaitant des enfants nés d’autres femmes, mais ce que nous appelons des bonnes ; les mères allaitaient elles-mêmes leurs enfants, les nourrices leur donnaient les autres soins, et, toujours nommées nourrices, devenaient ce que nous appelons gouvernantes. Miphiboseth avait cinq ans, lorsque arriva la circonstance où sa nourrice s’enfuit, le portant dans ses bras ; Rebecca quittait sa famille, pour venir épouser Isaac, et sa nourrice l’accompagna. Ces nourrices faisaient L’éducation des enfants confiés à leurs soins, et étaient regardées comme de secondes mères. Lorsque Débora fut morte, on l’enterra sous un chêne, près de Béthel, dans un lieu qui fut nommé le Chêne des Larmes, tant cette mort causa de regrets et de douleurs à la famille. Ce qui prouve que ces nourrices n’allaitaient pas, c’est ce qui est dit de Noémi : Ruth, épouse de Booz, enfanta un fils, Noémi prit cet enfant, le mit dans son sein, et fut sa nourrice (Ruth 4.16). Si on considère ce texte isolément, Noémi, dira-t-on, allaitait cet enfant. On se tromperait ; car il est dit aussi que Noémi était dans un âge où les femmes sont incapables de remplir cette fonction de la maternité. Voici ce qu’elle dit-elle-même (Ruth 1.12 ; 4.15).
Si on veut à toute force que le mot nutrix, employé dans plusieurs des textes cités, signifie une nourrice qui allaite, que dira-t-on du mot nutritius ? Mardochée, qui était le nutritius de sa nièce, orpheline et toute petite, allaitait-il (Isaïe 2.7-20) ? Les nutritii des fils d’Achab, roi d’Israël, leur donnaient-ils donc un autre lait que celui de l’éducation et de la science (2 Rois 10.1-3) ?
Quant au temps que durait l’allaitement chez les Hébreux, il était de trois ans, comme le témoignent ces paroles de la mère des Machabées au plus jeune de ses fils : Je t’ai porté neuf mois dans mon sein, et nourri de mon lait pendant trois ans (2 Machabées 7.27). Il se pourrait cependant, comme l’ont pensé des auteurs, qu’un excès de tendresse eût porté cette admirable mère à prolonger le temps ordinaire de l’allaitement ; mais aucun fait n’est produit pour justifier cette opinion. Quoi qu’il en soit, les enfants devaient téter longtemps, parce que leur estomac n’était pas capable, avant l’âge de deux ans au moins, de supporter les aliments qu’on pouvait leur donner. Voici, au reste, un passage de Pareau [longue citation latine].
Lorsqu’on sèvre les enfants, c’est qu’ils sont capables de prendre une nourriture plus solide. Alors les enfants exigent moins de soins, les familles ont moins d’inquiétude et plus d’espérance. Le sevrage était pour elles un motif de réjouissances. Quand Isaac fut sevré, Abraham fit un grand festin (Genèse 21.8). Voyez aussi (1 Samuel 1.24).