Medaba, ou Medava, ville au delà du Jourdain, dans la tribu de Ruben ; dans la partie méridionale du partage de cette tribu (Josué 13.16). Eusèbe dit qu’elle est voisine d’Hésébon. Isaïe (Isaïe 16.2) l’attribue à Moab, parce que les Moabites la prirent sur les Israélites. Josèphe et quelques autres l’attribuent aux Arabes, parce qu’en effet les Arabes s’en rendirent maîtres sur la fin de la monarchie des Juifs. Les habitants de Médaba tuèrent Jean Graddis, frère de Judas Machabée, lorsqu’il allait chez les Nahathéens. Alexandre Jannée, roi des Juifs, la prit sur les Arabes. Eusèbe et saint Jérôme mettent Cariathaïm à dix milles de Médaba, vers l’occident de cette ville. Ptolémée place Médaba à-peu-près à distance égale de Pétra et de Bozzra. La ville de Médaba est remarquable dans l’Écriture, surtout par la bataille qui se donna sous ses murs, et que les troupes de David, sous la conduite de Joab, remportèrent sur les Syriens et sur les Ammonites.
Voici comme la chose arriva :
Après l’insulte qu’Hanon, roi des Ammonites, avait faite aux ambassadeurs de David (2 Samuel 10.4 1 Chroniques 19.4), il comprit bien que ce prince ne resterait pas sans tirer vengeance d’un tel outrage, et qu’ainsi il devait se préparer à la guerre. Il envoya donc mille talents pour lever des troupes chez ses voisins ; il tira vingt mille hommes de Rohob et de Soba, mille hommes de Maaca, et douze mille d’Istob ; il fit aussi venir de la Mésopotamie un grand nombre de chariots de guerre. Les Paralipomènes (1 Chroniques 12.7) en mettent trente-deux mille, mais ce nombre est si excessif, qu’il est visible qu’il y a faute en cet endroit.
David, informé de ces préparatifs, envoya contre eux Joab à la tête de toutes ses meilleures troupes. Les Ammonites ne jugèrent pas à propos de se laisser assièger, ni aussi de s’exposer en rase campagne, ils rangèrent leurs troupes eu bataille sous les murs de la ville de Médaba, et les troupes auxiliaires campèrent séparément dans la plaine. Joab partagea son armée en deux ; il en donna la moitié à commander à Abisaï son frère, pour combattre les Ammonites ; et il se mit à la tête de l’autre moitié pour aller attaquer les Syriens et les autres troupes étrangères. Il dit à son frère : Si les Syriens ont de l’avantage sur moi, vous viendrez à mon secours ; et si les Ammonites en ont sur vous, j’irai vous secourir. Joab commença l’attaque, et tomba sur les Syriens avec tant de vigueur, qu’il les rompit et les mit en fuite. Les Ammonites, voyant la déroute des Syriens, prireut aussi la fuite, et rentrèrent en désordre dans Médaba.
Observations sur la bataille de Médaba 2 Samuel 10.6, et suivants ; 1 Chroniques 19.6, et suivants. L’histoire sacrée, féconde en événements extraordinaires, surtout sous le règne de David, nous expose ici une action tout à fait surprenante et singulière. Une armée qui d’elle-même vient s’enfermer entre deux autres beaucoup plus fortes et plus nombreuses, qui non-seulement leur fait tête des deux côtés, et vient les attaquer en même temps ; mais même remporte sur elles une victoire complète ; c’est ce qu’on ne voit point ailleurs dans l’histoire ancienne et moderne, et je ne crois pas même qu’on ait ouï parler d’un événement plus rare et plus merveilleux que celui-ci ; aussi les auteurs sacrés l’ont jugé si digne de mémoire, qu’ils ne l’ont pas seulement rapporté dans le second livre des Rois, mais encore dans le premier des Paralipomènes, au sujet de la guerre des Israélites contre les Ammonites et les rois leurs alliés.
Il paraît que les armées de ceux-ci étaient fort considérables, quoique l’Écriture ne fasse mention que de trente-trois mille hommes de troupes auxiliaires, et d’un grand nombre de chariots de guerre : Tous ces gens, dit-elle (1 Chroniques 19.7), s’étant mis en marche, vinrent camper vis-à-vis de Médaba ; et les Ammonites s’étant assemblés de toutes leurs villes, se préparèrent à la guerre.
David, ayant été averti de tous ces préparatifs, donna ordre à Joab de marcher contre eux avec l’élite de ses troupes.
Les Ammonites s’étant mis en campagne, rangèrent leur armée en bataille à la porte de la ville, et les rois qui étaient venus à leur secours campèrent séparément dans la plaine (2 Samuel 10.8 1 Chroniques 19.6).
Joab, qui était très-brave et capable de s’en bien démêler, résolut d’attaquer à la fois ces deux armées formidables ; il prévit bien qu’il ne pourrait éviter d’être enfermé entre deux ; mais son courage et la valeur des troupes qu’il commandait, semblaient lui répondre du succès d’une entreprise si délicate.
L’Écriture ne spécifie point l’ordre et la distribution des trois armées ; mais comme nous-sommes au fait de leur tactique, il est impossible de s’y méprendre, pour peu d’expérience que l’on ait de la guerre ; il ne faut que lire avec attention la description des faits, et l’on peut être assuré de réussir ; ajoutez à cela que les auteurs sacrés en plusieurs endroits nous expliquent la manière dont on se rangeait, qui était la même que celle des autres peuples de l’Asie, et qu’ils ont toujours conservée, à la profondeur des files près, qui ne la défigurent point ; ainsi nous ne pouvons nous tromper dans l’ordre que nous en donnons.
Les Juifs rangeaient leur infanterie par grands corps sur une même ligne droite, avec de petits espaces entre les bataillons, pour laisser des retraites et des issues aux blessés, et à ceux qui portaient les ordres ; c’est-à-dire, qu’ils combattaient ordinairement en phalange parfaite, sur un front d’une grands profondeur. Xénophon dit dans son histoire de Cyrus, que l’infanterie de Crésus était sur trente hommes de profondeur. Je suis persuadé que les Juifs se rangeaient suivant tes mêmes principes de leurs voisins, lorsqu’ils se trouvaient assez forts ; mais lorsque leur faiblesse ne leur permettait pas de se ranger de la sorte, ils combattaient sur plusieurs grands corps séparés en manière de colonnes, pour percer la ligne de leurs ennemis en différents endroits ; ce qui leur réussissait presque toujours.
Joab, jugeant bien qu’il ne pouvait combattre les Ammonites, sans avoir en même temps les Syriens à dos, qui étaient alors postés au pied de la montagne, et qu’ils tourneraient infailliblement leur armée, comme ils firent, pour l’enfermer, se forma sur deux lignes ou phalanges, l’infanterie au centre et la cavalerie sur les ailes. Il n’est point fait mention de cavalerie dans les Rois ; mais les Paralipomènes y suppléent v. 6 : Currus et equites ; quand même ils n’en parleraient point, je suis d’autant plus persuadé qu’il y en avait dans les trois armées, qu’il en parut un très-grand nombre dans la dernière bataille qui décida du sort des Ammonites et des rois leurs alliés, une ou deux campagnes après, où David, à la tête de son armée, les mit en fuite, et tailla en pièces sept cents chariots de leurs troupes, et quarante mille chevaux (2 Samuel 10.18). Je crois qu’il eût été mieux de traduire que David se rendit maître de tous ces chariots et qu’il tailla en pièces ceux qui les montaient ; car bien des lecteurs pourraient s’imaginer que David fit rompre et mettre en pièces ces chariots, au lieu qu’on les conservait comme des monuments de la victoire, outre qu’on pouvait encore s’en servir.
Revenons a la première bataille. Les Paralipomènes donnent aux Ammonites trente-deux mille chariots de guerre ; dom Calmet trouve ce nombre excessif, et croit qu’il y a erreur dans le nombre ; je suis de son avis, et je doute même, littéralement parlant, qu’il y en eût sept mille dans la seconde bataille, qui termina cette guerre ; à plus forte raison le nombre de trente-deux mille paraît-il incroyable ; car quand chaque chariot ne serait moulé que de deux hommes, et attelé de deux chevaux, cela ferait soixante et quatre mille hommes et autant de chevaux ; or, quelle étendue de pays ces chariots rangés sur une ligne ne contiendraient-ils pas ? Le calcul n’en serait pas difficile, mais il le serait beaucoup de croire que le front d’une ou de deux armées occupât un pareil terrain ; car il faudrait plus d’un million d’hommes à six de file. Les chariots de guerre ont été longtemps en usage chez les peuples de l’Asie ; mais voit-on que les rois d’Assyrie, les Mèdes et les Perses en aient jamais eu un si grand nombre. Xénophon nous assure que Cyrus avait trois cents chariots de guerre dans la batà ille qu’il donna contre Crésus roi de Lydie ; il ne paraît pas que celui-ci en eût davantage, quoiqu’il fùt plus fort de la moitié que son ennemi. On en voit beaucoup moins dans la bataille de Cyrus le Jeune contre son frère Artaxerxès, et même dans l’armée de Darius, et dans celle d’Alexandre le Grand. Concluons de là qu’il n’est pas possible que les Ammonites eussent tant de chariots de guerre, qu’il y a faute dans le nombre, ou que le mot hébreu que l’on a traduit par chariots, pourrait aussi signifier antre chose.
Enfin Joab donna à son frère Abisaï la moitié de l’armée à conduire contre les Ammonites, et se mit à la tête de l’autre pour aller attaquer les Syriens, ayant animé son courage et l’ayant averti que s’il avait du désavantage, il vint à son secours, et qu’il ne manquerait pas d’aller au sien, s’il en était besoin. Toutes choses ainsi concertées, Joab, qui était brave et prudent, commença cette grande action par l’attaque des Syriens, bien assuré que s’il venait à les battre, avant qu’Abisaï en fût venu aux mains avec les Ammonites, ceux-ci prendraient aussitôt la fuite, crainte d’avoir en même temps les deux frères sur les bras. Ce qu’il avait prévu arriva ; les Syriens furent battus et mis en fuite ; les Ammonites, effrayés d’une déroute si subite, lâchèrent pied et se retirèrent en désordre dans leur ville.