Le quatrième des petits prophètes (les Bibles hébraïques et latines le place troisième, les Septantes, second), était, dit-on, de la petite ville de Thécué (ou Thécua), dans la tribu de Juda, à quatre lieues de Jérusalem, vers le midi. Ou n’a toutefois aucune bonne preuve qu’il ait été natif de cette ville, mais seulement qu’il s’y retira lorsqu’il fut chassé de Béthel, qui était dans le royaume des dix tribus. Il y a beaucoup d’apparence qu’il était natif des terres d’Israël, et que sa mission regardait principalement ce royaume.
Comme il prophétisait dans la ville de Béthel, où étaient les veaux d’or, sous le règne de Jéroboam II (vers l’an du monde 3215 ; avant la naissance de Jésus-Christ, 785 ; avant l’ère vulgaire, 789), Amasias, prêtre de Béthel (Amos 7.10), l’accusa auprès du roi Jéroboam II et lui dit : Amos s’est révolté contre vous au milieu de voire royaume ; les discours qu’il sème partout ne se peuvent plus souffrir ; car voici ce que dit Amos : Jéroboam mourra par l’épée, et Israël sera amené captif hors de son pays. Amasias dit donc à Amos : Sortez d’ici, homme de vision, fuyez au pays de Juda, où vous trouverez de quoi vivre, et prophétisez là tant qu’il vous plaira. Mais qu’il ne vous arrive plus de prophétiser dans Béthel, parce que c’est là qu’est la religion du roi et le siège de son royaume.
Amos répondit à Amasias : Je ne suis ni prophète ni fils de prophète ; mais je mène paître les bœufs, et je m’occupe à piquer les figues sauvages pour les faire mûrir. Le Seigneur m’a pris lorsque je menais paître mes brebis, et il m’a dit : Allez, parlez comme mon prophète à mon peuple d’Israël. E cousez donc maintenant Ô Amasias ! La parole du Seigneur : vous me dites : Ne vous mêlez point de prophétiser dans Israël, ni de prédire des malheurs à la maison de l’idole. Mais voici ce que le Seigneur vous dit : Votre femme se prostituera dans la ville, vos fils et vos filles périront par l’épée, l’ennemi partagent vos terres, vous mourrez dans une terre impure, et Israël sera mené captif hors de son pays. Après cela le prophète se retira dans le royaume de Juda, et demeura dans la ville de Thécué, où il continua de prophétiser. Il se plaint en plusieurs endroits (Amos 2.12 ; 3.7-8) de la violence qu’on lui fait, en voulant l’obliger de se taire ; et il invective partout contre les désordres d’Israël.
Il commença à prophétiser la seconde année, avant le tremblement de terre qui arriva sous le règne du roi Ozias (Amos 1.1 ; Zacharie 14.5), et que Josèphe, suivi de la plupart des anciens et des nouveaux commentateurs, a rapporté à l’entreprise de ce prince sur le ministère des prêtres (2 Rois 15.5), lorsqu’il voulut offrir l’encens au Seigneur. Les premières de ses prophéties, selon l’ordre du temps, sont celles du chapitre 8 il prononça les autres dans la ville de Thécué, où il s’était retiré. Ses deux premiers chapitres sont contre Damas, contre les Philistins contre les Tyriens, les Iduméens les Ammonites, les Moabites, le royaume de Juda et celui des dix tribus. Les maux dont il les menace regardent les temps de Salmanasar, de Teglathphalasar, de Sennachérib, et de Nabuchodonosor, qui firent tant de maux à ces provinces et qui réduisirent enfin les israélites en captivité.
Il prédit les malheurs où le royaume d’Israël devait tomber après là mort de Jéroboam II qui vivait alors. Il annonce la mort du roi Zacharie, la venue de Phul et de Téglathphalasar, rois d’Assyrie, sur les terres d’Israël, il parle de la captivité des dix tribus et de leur retour dans leur pays. Il invective contre les crimes d’Israël, contre leur mollesse, leur avarice, leur dureté envers les pauvres, leur somptuosité dans les bâtiments, et leur délicatesse dans le manger. Il reprend le peuple d’Israël d’aller à Bethel, à Dan, à Galgal, à Béersabée, qui étaient plus les fameux pèlerinages du pays ; et de ce qu’il juraient par les dieux de ces endroits.
On ignore le temps et le genre de la mort d’Amos. Quelques auteurs anciens racontent qu’Amasias, prêtre de Béthel, dont on a parlé, irrité des discours du prophète, lui fit rompre les dents pour l’obliger à se taire. D’autres disent qu’Osée, ou Osias, fils d’Amasias, lui déchargea un coup de pieu sur les tempes, qui le renversa à demi-mort. On le transporta en cet état à Thécué, où il mourut, et fut enterré avec ses pères. Voilà ce que disent ces auteurs. Nous croyons au contraire qu’il prophétisa assez longtemps à Thécué, depuis l’aventure qu’il eut avec Amasias. Et le prophète ne parlant point des mauvais traitements qu’il aurait reçus d’Ozias, cela fait juger qu’il ne souffrit rien de sa part.
Saint Jérôme remarque que le style d’Amos n’a rien de grand ni d’élevé. Il lui applique ces paroles de saint Paul (2 Corinthiens 11.6). Il dit ailleurs (Amos 1.2) que, comme chacun aime parler de son art, Amos se sert ordinairement de comparaisons tirées de la vie champêtre, dans laquelle il avait été élevé [Plusieurs interprètes ont cru voir, dans la prophétie d’Amos, cette négligence, et, si on l’ose dire, cette rusticité de style que saint Jérôme y avait remarquées. Mais comme le style même de saint Paul ne manque pas toutefois d’éloquence, de même saint Augustin, qui n’était pas moins éclairé que saint Jérôme dans l’art de bien dire, et qui n’ignorait pas le sentiment qu’on avait du style d’Amos, l’a choisi exprès pour montrer qu’il y avait dans les prophètes une certaine éloquence naturelle, conduite par l’esprit de sagesse, et si heureusement proportionnée à la nature des choses, que ceux mêmes qui accusent nos écrivains sacrés d’ignorance en matière de style, ne pourraient pas choisir des expressions plus propres ni plus variées, ni un style plus fleuri s’ils avaient à parler aux mêmes personnes et dans les mêmes circonstances. Il montre au long que dans le chapitre 6 d’Amos, on voit la pratique des préceptes de la plus belle éloquence ; non pas que la sagesse divine ait recherché servilement l’éloquence, mais parce que l’éloquence a suivi comme naturellement la sagesse divine. Enfin il conclut que les écrivains canoniques ont eu, non-seulement la sagesse et les lumières, mais aussi l’éloquence même qui convenait à des personnes de leur caractère.
« J’ai vu dans le vallon de Thécua, dit M. Poujoulat, un pâtre qui gardait des chèvres ; il m’a rappelé naturellement Amos, qui menait paître son troupeau, quand le Seigneur le choisit pour être son prophète. Quel temps que celui où un pauvre pâtre quittait tout à coup ses bœufs et ses montagnes pour aller annoncer les ordres du Ciel aux peuples et aux rois ! Ayant prêché dans Béthel la parole du Seigneur, Amos fut traité de visionnaire, et poursuivi par de sérieuses menaces ; aux accusations qu’on lui adressait, il ne répondit que par ces paroles : Je ne suis ni prophète ni fils de prophète ; je mène paître les bœufs, et me nourris du fruit des sycomores ; le Seigneur m’a pris lorsque je menais mes bêtes, et m’a dit : Va, et parle comme mon prophète au peuple d’Israël. Quelle admirable poésie dans cette courte réponse ! »
Père du prophète Isaïe, il était, dit-on, fils du roi Joas et frère d’Amasias, roi de Juda. Les rabbins prétendent qu’Amos, père d’Isaïe, était prophète aussi bien que son fils, suivant cette règle qui est reçue parmi eux, que quand le père d’un prophète est nommé par son nom dans l’Écriture, c’est une marque qu’il a eu le don de prophétie. Saint Augustin a soupçonné que le prophète Amos, qui est le quatrième dans le nombre des petits prophètes, était le père d’Isaïe ; mais les noms de ces deux personnages s’écrivent différemment ; et d’ailleurs Amos, père d’Isaïe, comme Isaïe lui-même, était de Jérusalem et d’une condition fort élevée au-dessus de celle du prophète Amos, qui n’était qu’un pasteur de gros bétail. Il y en a qui croient que l’homme de Dieu qui vint parler au roi Amasias (2 Chroniques 25.7-8) et qui l’obligea à renvoyer cent mille hommes d’Israël qu’il avait achetés pour marcher contre l’Idumée, était Amos, père d’Isaïe et frère du roi Amasias ; mais ce sentiment n’est soutenu d’aucune preuve.
Fils de Nahum (Luc 3.25) et père de Mathathias, se trouve dans la généalogie de notre Sauveur selon la chair, rapportée par saint Luc.