Lorsque le patriarche Joseph fit venir son père et ses frères en Égypte (Genèse 46.31-34), il leur recommanda de dire à Pharaon qu’ils étaient pasteurs de brebis, afin qu’on leur donnât pour demeure la terre de Gessen, parce que, dit Joseph, les Égyptiens ont en horreur les pasteurs de brebis ; Quia detestantur AÉgyptii omnes pastores ovium. On demande d’où venait cette haine des Égyptiens contre les pasteurs de brebis ? On en donne ordinairement deux raisons : La première, que les Hébreux qui paissaient les brebis ne se faisaient nul scrupule de les tuer, de les manger, de les immoler à leur Dieu ; au lieu que les Égyptiens adoraient et les brebis, et les chèvres, et tous les animaux de cette espèce, et auraient du commettre un grand crime de les immoler et de les faire mourir. Diodore de Sicile dit que les brebis sont dans une très-grande vénération dans toute l’Égypte ; et Strabon assure qu’on ne les immolait que dans le seul nom de Nitrie, ou dans celui de Mendèse, selon Hérodote.
Tacite remarque que les Israélites immolaient des agneaux et des brebis, comme pour insulter à Jupiter Ammon, divinité des Égyptiens, et qu’ils tuaient indifféremment les bœufs, comme pour faire injure au bœuf Apis. Mais tout cela ne prouve pas que la qualité de pasteurs de bœufs fût odieuse par elle-même aux Égyptiens, ainsi que l’Écriture l’insinue. Cette qualité au contraire aurait dû les rendre chers à ces peuples, s’ils n’avaient pas tué ces animaux, comme dans le nome de Mendèse les gardiens de chèvres sont honorés, parce que le bouc est la divinité favorite de ce canton.
Il faut donc chercher une autre cause de cet éloignement que les Égyptiens avaient des bergers de brebis. Manéthon raconte qu’une armée d’étrangers venus du côté de l’Arabie ou de l’Orient fit irruption dans l’Égypte, et l’ayant trouvée sans défense, la soumit par force, et eurent des rois dans la basse Égypte pendant environ cinq cent onze ans ; après quoi les rois de la Thébaïde et du reste de l’Égypte leur firent une longue guerre et les chassèrent enfin du pays. La race de ces princes s’appelait Hic-Sos, c’est-à-dire Rois pasteurs. Les uns disent qu’ils étaient Arabes, dit Manéthon ; mais on lit dans d’autre livres qu’ils étaient non rois, mais captifs ; car en égyptien hic, quand il se prononce comme hoc, signifie un captif, etc. [Voyez Rois Pasteurs]. Cette raison de la haine des Égyptiens contre les pasteurs paraît plus plausible. Mais quoi qu’il en soit du motif, la chose ne souffre pas difficulté. On peut voir ci-devant les articles Exode et lépreux.
Abel était pasteur de brebis ; selon Moïse (Genèse 4.2) ; et la plupart des anciens patriarches ont suivi la même profession. Lorsque les hommes commencèrent à se multiplier et à se distinguer entre eux par la diversité de leur métier et de leur emploi, Jabel, fils de Lamech le Bigame et d’Ada (Genèse 4.20), fut reconnu pour père et instituteur des pasteurs et des nomades, dont la demeure était dans des tentés : Fuit pater habitantium in tentoriis, atque pastorum.
Dieu prend quelquefois le nom de pasteur d’Israël (Isaïe 40.11), de même que les rois dans l’Écriture et dans les anciens sont qualifiés pasteurs des peuples (Ézéchiel 34.23) ; et les peuples abandonné, sont comparés à un troupeau sans pasteur (Nombres 27.17 ; 1 Rois 22.17 Judith 11.15). Isaïe dit que le Messie paîtra son troupeau (Isaïe 40.11) ; Dieu appelle Cyrus son pasteur (Isaïe 44.28) ; les prophètes invectivent souvent contre les pasteurs d’Israël, contre les rois qui se repaissent eux-mêmes, qui abandonnent leurs troupeaux, qui les accablent et les maltraitent, qui les séduisent et les égarent. Voyes surtout Ézéchiel 34.
Le Seigneur dit qu’il a tiré de la mer Rouge son peuple avec ses pasteurs (Isaïe 63.11) ; c’est-à-dire, ayant Moïse, Aaron, et les chefs du peuple à leur tête. Michée dit que le Seigneur suscitera sept pasteurs sur son peuple (Michée 5.5), et un huitième pour gouverner la terre d’Assyrie, et pour en tirer le peuple d’Israël. Nous croyons que ces sept ou huit pasteurs sont les sept princes conjurés avec Darius, fils d’Hystaspe, qui tuèrent le mage Smerdis, qui s’était emparé de l’empire des Perses après la mort de Cambyse.
Zacharie (Zacharie 11.8) parle de trois pasteurs que le Seigneur a fait périr en un mois. Ces trois pasteurs sont : Aaron, Moïse et Marie, qui moururent dans le désert, non dans le terme d’un mois ; mais qui reçurent tous trois l’arrêt de leur mort dans un mois, et moururent à très-peu de distance l’un de l’autre. C’est l’explication des rabbins. D’autres croient que ces trois pasteurs sont David, Adonias et Joab, qui moururent en effet dans l’espace d’un mois ; d’autres, que ce sont les trois frères Machabées : Judas, Jonathas et Simon, qui moururent en un mois d’années, c’est-à-dire, en trente ans. Nous croyons qu’on peut les entendre des trois empereurs romains, successeurs de Néron, savoir : Galba ; Othon et Vitellius, qui, dans l’espace d’un an et quelques jours, furent mis à mort par leurs propres sujets. Le prophète fait ensuite parler Dieu de cette sorte : Je pris : alors la houlette que j’avais appelée la beauté, et je la rompis. Cette rupture arriva lorsque les Juifs se révoltèrent contre les Romains et que ceux-ci les attaquèrent, prirent Jérusalem, ruinèrent le temple, et dissipèrent la nation des Juifs.
Le même Zacharie (Zacharie 11.14-15) reçoit ordre du Seigneur de prendre les marques d’un pasteur insensé ; car, dit le Seigneur, je vais susciter sur la terre un pasteur qui ne visitera point les brebis abandonnées, etc. Les pasteurs, ayant quitté Jésus-Christ, qui était leur pasteur légitime, furent livrés à des pasteurs insensés, qui les maltraitèrent et les accablèrent de maux. Ces pasteurs sont les empereurs romains, successeurs de Tibère, sous lequel Jésus-Christ fut crucifié. Caligula succéda à Tibère, Claude à Caligula, et Néron â Claude. Tout le monde sait le caractère de ces princes : c’étaient de vrais pasteurs insensés, extravagants, mauvais, cruels.
Le Messie est souvent désigné sous le nom de Pasteur. Je susciterai, pour conduire mes brebis, un pasteur qui les paîtra ; ce sera mon serviteur David (Jérémie 23.4-5), ou un nouveau Da. Isaïe (Isaïe 40.11) en parle de même : Comme pasteur il paîtra son troupeau, il les portera sur ses bras ; il les tiendra dans son sein. Et Zacharie (Zacharie 13.7) : Ô épée, réveille-toi § viens contre mon pasteur, contre celui qui m’est attaché ; frappe le pasteur, et les brebis seront dispersées. Jésus-Christ (Matthieu 26.31) lui-même fait l’application de ce passage à ce qui arriva à sa passion ; il se qualifie lui-même le bon pasteur, qui donne sa vie pour ses brebis (Jean 10.11-15). Saint Paul le nomme le grand pasteur des brebis (Hébreux 13.20) ; et saint Pierre lui donne la qualité de Prince des pasteurs (1 Pierre 5.4).
Dieu abandonne à ses ministres la dîme des bœufs, des brebis et des chèvres, qui passent sous la houlette du pasteur (Lévitique 17.32) ; c’est-à-dire, qui sont sous sa conduite ; ou bien il fait allusion à ce qui se passe lorsqu’on donne la dîme au prêtre : Le pasteur se tient avec sa verge à la porte de sa bergerie, ou de son écurie, et à mesure que les veaux, les chevreaux, ou les agneaux sortent de l’étable, il les compte, et retient le dixième pour le prêtre ou le lévite.
Amos (Amos 1.2) dit que la beauté des pasteurs est dans le deuil pendant la sécheresse. L’Hébreu, à la lettre : Les huttes ou les demeures des pasteurs sont dans le deuil ; c’est ce qui est appelé ailleurs : Camera pastorum (2 Rois 10.12), ou, Habitacula pastorum. Saint Jérôme, parlant de la ville et du désert de Thecué, dit qu’on n’y voit pas même des huttes de bergers semblables à des l’ours souterrains, que les Africains nomment Mapalia.
Jésus-Christ, dans la peinture qu’il fait du bon Pasteur (Jean 10.11-12) dit qu’il donne sa vie pour ses brebis, qu’il les connaît, qu’elles le connaissent, qu’elles entendent sa voix, qu’elles le suivent, qu’il marche devant elles, que nul ne les ravira de sa main, qu’il les appelle par leur nom. Que le mercenaire, le mauvais pasteur abandonne les brebis, et le voleur n’entre pas par la porte de la bergerie, mais monte par ailleurs ; il passe pardessus la palissade qui environne le parc, etc.