Pauvreté. La pauvreté volontaire est louée dans l’Évangile comme la première des béatitudes (Matthieu 5.3). Jésus-Christ l’a sanctifiée dans sa personne et dans celle de ses parents, dans celle de ses apôtres et de ses plus parfaits disciples. Mais la pauvreté involontaire, surtout lorsqu’elle est extrême, ne peut être considérée que comme une suite du péché et une punition de Dieu. Salomon priait le Seigneur (Proverbes 30.8) de ne lui donner ni les richesses, ni la pauvreté ; c’est-à -dire, qu’il craignait les deux extrémités, comme deux écueils à la vertu. Il le suppliait de lui donner seulement le nécessaire. Rien n’est recommandé avec plus de soin dans la loi ancienne et dans la nouvelle, que l’aumône et la compassion pour les pauvres.
Moïse veut qu’on les appelle aux repas de religion que l’on célébrait dans le temple (Deutéronome 17.11-12) ; qu’on laisse exprès quelque chose dans les champs, dans les vignes et sur les arbres pour eux (Lévitique 19.10 ; 23.22) ; qu’on laisse tout en commun dans les années sabbatiques et au jubilé, en faveur du pauvre, de la veuve et de l’orphelin (Exode 23.11). Il veut que l’on prête au pauvre, et il avertit que les pauvres ne manqueront pas dans le pays, qu’on aura toujours occasion de faire l’aumône (Deutéronome 15.8-9). Que si l’on exige quelque gage du pauvre (Deutéronome 24.12-14), on n’entrera pas dans la maison, pour en prendre de force, mais qu’on recevra ce qu’il offrira ; et que si le pauvre est obligé de donner ses hardes ou sa couverture, les lui rendra le soir, afin qu’il ait e quoi se couvrir en dormant. Jésus-Christ, en perfectionnant la loi de Moïse, a principalement perfectionné le précepte de l’aumône ; il l’a pratiqué, il l’a recommandé à ses disciples, et il a inspiré à ses serviteurs les sentiments de la plus tendre charité envers les pauvres. Il conseille à ceux qui veulent devenir ses disciples de vendre tout ce qu’ils ont, et de le donner aux pauvres (Matthieu 19.21 Luc 18.22). Il nous donne d’excellentes règles pour pratiquer l’aumône, sans être exposés à la vanité, qui pourrait nous en faire perdre tout le fruit. Voyez (Matthieu 6.1-4)
Les Juifs ont un très-grand soin des pauvres de leur nation. Dans les villes considérables il y a plusieurs sociétés établies en faveur des pauvres. L’une, par exemple, reçoit les aumônes pour les pauvres honteux ; une autre en amasse pour la rédemption des captifs ; une troisième, pour la dotation des pauvres filles. Outre cela, il y a deux personnes préposées pour faire la cueillette ordinaire qui se fait tous les jours de sabbat. Elles vont de maison en maison, sans pouvoir se séparer, de peur d’être soupçonnées d’infidélité ; et lorsqu’il en faut faire la distribution, elles en appellent une troisième fous les samedis les parnassien eu juges de la synagogue donnent à chaque pauvre de quoi se nourrir avec sa famille pendant la semaine suivante.
Lorsque quelqu’un se trouve dans un besoin pressant et qui excède les charités ordinaires, le chantre passe au travers de la synagogue, et dit à chacun de ceux qui promettent : Béni soit tel qui donne pour tel besoin. Chacun promet selon sa dévotion, et ensuite on va recueillir dans les maisons ce qui a été promis ; car les Juifs ne touchent point d’argent le samedi. Ces promesses sont toujours acquittées très-exactement. Si la synagogue du lieu ne peut suffire pour le besoin dont il s’agit, on donne à la personne un certificat, et on l’envoie aux autres synagogues, qui la reçoivent dans leurs maisons, et lui donnent l’aumône en public et en particulier.
C’est une maxime des Talmudistes, qu’il ne faut jamais renvoyer un pauvre les mains vides, quand même on ne devrait lui donner qu’un grain de blé. Ils veulent que les moins charitables donnent au moins la dixième partie de leurs biens, et que les autres en donnent la cinquième ; et il ne suffit pas de soulager la nécessité présente du pauvre ; il faut l’habiller conformément à sa naissance, et lui acheter un cheval et un esclave, s’il en avait avant que de tomber dans la pauvreté. Ceux qui refusent les aumônes auxquelles ils sont taxés sont châtiés par les juges, comme ils l’étaient autrefois par le sanhédrin, qui prononçait contre eux la peine du fouet, jusqu’à ce qu’ils eussent satisfait. Maimonides dit même qu’on entrait quelquefois dans leurs maisons, et qu’on y prenait des gages pour l’aumône qu’ils devaient.
Le nom de pauvre se prend souvent pour celui qui est humble, affligé et petit a ses yeux et aux yeux de Dieu : Humilem et pauperem justificate, et factus est Dominus refugium pauperi, et ocuti ejus in pauperem respiciunt, etc. Dans ces passages et dans d’autres semblables, le nom de pauvre ne se prend pas pour un homme dénué des biens de la terre, mais pour un homme qui sent sa misère et son indigence, et qui demande à Dieu le secours de sa miséricorde. En ce sens, les plus grands et les plus riches selon le siècle sont les plus pauvres aux yeux de Dieu.
Dans l’Exode (Exode 23.3), Moïse défend aux juges d’avoir compassion du pauvre dans le jugement ; ou comme il dit ailleurs (Lévitique 19.15) : Ne considérez point la personne du pauvre, et ne respectez point le visage du riche ; rendez un jugement juste à votre prochain. En un mot, jugez sans acception de personne ; n’ayez que la vérité et la justice devant les yeux ; considérez que vous tenez la place de Dieu sur la terre.
Un des caractères du Messie est de juger les pauvres (Psaumes 71.2-4 Isaïe 11.4) et de leur annoncer l’Évangile (Matthieu 11.5). Jésus-Christ a choisi des disciples pauvres, et la plupart des premiers fidèles étaient réellement pauvres, comme on le voit par saint Paul et autres dans l’histoire ecclésiastique.
Salomon (Proverbes 22.2) dit que le pauvre et le riche se sont rencontrés, qu’ils sont semblables l’un et l’autre en une chose, c’est que Dieu les a créés l’un et l’autre, et que la pauvreté comme les richesses sont entre ses mains. Il dit ailleurs (Proverbes 29.13) que le pauvre, ou le débiteur, et le créancier se sont rencontrés ; c’est-à -dire, qu’ils sont à Dieu, et dans la main de sa providence l’un et l’autre. Que le riche ne s’élève point, et que le pauvre ne perde point courage : ils sont tous deux égaux aux yeux de Dieu.
Jérémie (Jérémie 2.34) dit que le sang des pauvres est dans les pans de l’habit de Jérusalem : In alis tuis inventus est sanguis animarum pauperum et innocentium. Le terme ala en cet endroit se prend pour l’aile d’un habit, pour un pan de vêtement ; sanguis animarum, c’est-à -dire, le sang d’une personne mise à mort.
Amos (Amos 3.6 ; 8.6) reproche aux Israélites d’avoir vendu les pauvres à vil prix, et pour des souliers, ou pour des sandales. Il en veut apparemment aux riches qui vendent ainsi leurs pauvres débiteurs pour des choses de néant.
Saint Jacques (Jacques 2.2) semble porter l’obligation de ne pas faire acception de personnes, jusqu’à ne donner aucune marque de dieti nclion aux personnes puissantes et constituées en dignité dans les assemblées publiques de religion. Voici ses paroles : Mes frères, vous qui avez reçu la foi de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ne faites point d’acception de personnes ; car s’il entre dans votre assemblée un homme qui ait un anneau d’or et un habit magni figue, et qu’il y entre aussi quelque pauvre avec un méchant habit, et que vous disiez à celui qui est magnifiquement vêtu, en lui présentant une place honorable : Asseyez-vous ici ; et que vous disiez au pauvre : Tenez-vous là debout, et asseyez-vous à mes pieds, n’est-ce pas là faire acception de personnes ? Mais on doit entendre tout ceci plutôt d’une préférence intérieure et d’un sentiment du cœur que des marques extérieures de respect. Il n’est jamais permis à un chrétien de préférer le riche au pauvre, précisément parce qu’il est riche, et de le croire meilleur et plus digne d’estime et de considération que celui qui n’a pas le même avantage du côté des biens de la fortune.
Les pauvres en général dans l’Écriture se mettent fort souvent pour le menu peuple et pour la dernière condition des habitants du pays, sans faire attention si selon leur état ils sont accommodés ou non.
La pauvreté dans l’Ancien Testament était considérée par les Juifs charnels comme un grand mal et un châtiment de Dieu. Job en parle (Job 36.8) comme d’une prison et d’un esclavage. Et Isaïe (Isaïe 48.19), comme d’une fournaise ou d’un creuset, où l’on épure les métaux. Dieu éprouva Job et Tobie par la pauvreté ; ils appartenaient à la nouvelle alliance, ils savaient le mérite de la souffrance, de l’humiliation et de l’indigence ; ils en savaient faire usage et les mettre à profit. Ils étaient déjà pauvres d’esprit, dans la disposition de leur cœur, avant que Dieu leur fit souffrir les effets de la pauvreté réelle. [Voyez Mendier].