Fut premièrement femme de Nabal du Carmel, ensuite, après la mort de Nabal, elle épousa David. Voici comme la chose arriva. David, fuyant les poursuites de Saül, demeura avec ses gens assez longtemps dans les montagnes où Nabal avait ses troupeaux, au midi de la Palestine, vers le Carmel de la tribu de Juda, fort différent d’un autre Carmel de la tribu d’Issachar, situé sur la Méditerranée. Non-seulement les gens de David ne firent aucun tort ni aux gens, ni aux troupeaux de Nabal, ils leur furent même d’un grand secours et ils leur servirent comme de remparts contre les voleurs ; en sorte que, pendant tout le temps qu’ils furent là, il ne s’y perdit aucun bétail (1 Samuel 25.15-16, 21). Un jour que Nabal était venu au Carmel pour tondre ses brebis, David lui envoya de ses gens pour le prier de lui faire quelques présents de ses biens en considération de l’heureuse circonstance : car les tondailles étaient comme un temps de fête et de réjouissance, et en récompense, des services que lui et ses gens avaient rendus à ses pasteurs. Nabal non-seulement ne donna rien à David, mais il le traita de serviteur, de fugitif et de rebelle à son prince et renvoya ainsi ses soldats, ce qui lui ayant été rapporté, le mit dans une telle colère, qu’il jura la perte de Nabal et de toute sa maison. Abigaïl ayant été informée de la manière dont son mari avait répondu aux envoyés de David, se hâta de réparer cette faute, fit charger quelques ânes de provisions, alla elle-même, accompagnée de quelques-uns de ses domestiques, au-devant de lui, lui offrit ses présents et sut si bien le gagner par ses discours pleins de sagesse que David conçut pour elle beaucoup d’estime, reçut ses présents et s’en retourna sur ses pas. Nabal ayant appris le danger qu’il avait couru, tomba malade et mourut dix jours après. David l’ayant su envoya demander Abigaïl pour femme. Abigaïl reçut cet honneur avec beaucoup de reconnaissance et après que les jours de deuil de son mari furent passés, elle se rendit au camp de David et elle l’épousa. De ce mariage sortirent deux fils : Chéléab et Daniel (2 Samuel 3.3, Peut-être que Chéléab et Daniel ne sont qu’une même personne ; car le 2 Samuel qui parle de Chéléab ne dit rien de Daniel, et le livre des Chroniques qui nomme Daniel ne parle pas de Chéléab). L’histoire de Nabal et d’Abigaïl arriva l’année de la mort de Samuel ; du monde 2947 ; avant Jésus-Christ 1053 ; ayant l’ère vulgaire 1057 [Nabal descendait de Caleb ; mais loin de posséder les qualités de cet homme vertueux et célèbre, il avait un grand orgueil et de grands défauts, avec de grandes richesses ; il était dur, brutal, méchant. Abigaïl était très-prudente, et, de plus, fort belle (1 Samuel 25). Heureusement pour son mari, dont le nom signifie fou et marque sa folie, qu’elle avait beaucoup de raison ; elle le sauva d’une vengeance que ses outrages justifiaient d’avance, et de tous les désastres qui devaient en résulter. Le rôle qu’elle joue en cette affaire montre que la condition sociale de la femme en Israël était élevée. Abigaïl agit sans consulter son mari, avec une autorité égale à la sienne. Voyez ce que vous avez à faire, lui avait dit un serviteur, en l’avertissant du danger que faisait prévoir la conduite de Nabal envers David ; aussitôt, prenant d’elle-même son parti, elle fait charger d’abondantes provisions sur des ânes, appelle ses gens, et, précédée de ce cortège, elle court à la rencontre de David et conjura l’orage. Elle ne dit rien de tout cela à son mari, que quand tout fut fait, après son retour. On voit heureusement alliés dans Abigaïl, deux mérites que bien des hommes n’ont pas : celui de la prudence, du conseil et celui de la promptitude d’exécution. La prudence d’Abigaïl paraît encore dans le silence qu’elle garde d’abord envers son mari, qu’à son retour elle trouva plongé dans l’ivresse ; elle attend, pour l’informer de ce qu’elle a fait, que sa raison soit revenue. Cette vertu se montre dans toute sa conduite : lorsqu’elle va réparer l’injure faite par son mari, elle ne marche point à la tête du convoi qui s’achemine vers David ; elle le suit, se faisant précéder par des présents qui doivent commencer à lui concilier la faveur de ce prince. Arrivée devant lui, elle descend de son âne, prend une attitude profondément humiliée et lui adresse la parole. Il n’est pas une seule circonstance, pas un mot qui ne porte dans cet admirable discours. David était en chemin pour se venger de l’ingratitude et des outrages de Nabal ; il venait de répéter le serment : que, le lendemain matin, il n’y aurait plus rien en vie de ce qui appartenait à l’orgueilleux habitant du Carmel, ni hommes, ni bêtes. C’est alors que parurent à ses yeux d’abord le convoi, qui dut commencer à désarmer sa colère, et ensuite Abigaïl. La vue de cette femme, prosternée la face contre terre, aurait brisé le cœur le plus dur. Elle ouvre la bouche, ce n’est point pour demander grâce ; elle avoue les torts si graves de Nabal et veut porter seule le poids de la juste vengeance de David. Comment punir une femme bienfaisante, innocente, remplie de tous les charmes de son sexe ? Le jeune et sensible David ne le pourra pas ; mais Abigaïl semble ne point s’en douter, elle a recours à l’éloquence la plus touchante, elle emploie l’adresse la plus propre à la seconder. Ce n’était pas assez que de confesser par crainte les torts de son mari et d’en appeler sur elle les conséquences : elle condamne hautement Nabal et déclare en même temps qu’il est insensé, comme son nom le témoigne. C’était dire à David : Nabal est indigne de votre vengeance ; mais c’était aussi servir Nabal.
Tout le reste du discours d’Abigaïl répond à ce que nous venons de voir ; on ne peut le méditer sans fruit. Saül vivait encore ; Abigaïl s’empare de la politique, se montre du parti de David et fait des vœux pour sa cause. Parmi ses bénédictions se lisent les paroles suivantes : Que votre âme soit enveloppée dans le faisceau de la vie auprès de l’Éternel, et que l’Éternel lance l’âme de vos ennemis dans le creux de la fronde. Ce passage est très-remarquable, parce qu’il renferme une allusion au dogme des peines et des récompenses dans une autre vie. M. Munk, israélite, s’est servi de ce texte, ainsi que de plusieurs autres, pour établir que la croyance au dogme des rétributions futures existait chez les anciens Hébreux. Voyez mon Histoire de l’Ancien Testament, livre 4 chapitre 1, n. 13, tome 1, page 210. Abigaïl devenue épouse de David, plus digne d’elle que Nabal, partagea ses persécutions et ses triomphes. Nous la voyons avec lui chez le roi de Gath, auprès duquel il avait trouvé un refuge (1 Samuel 27.3) ; bientôt après, emmenée captive par les Amalécites elle est délivrée presque aussitôt par David (1 Samuel 30). Elle était avec lui à Hébron lorsqu’il fut sacré roi d’Israël (2 Samuel 2.2), et ne lui donna qu’un fils, Chéléab, nommé aussi Daniel].
Fille d’Isaïe ou Naas, sœur de David, épouse de Jéther et mère d’Amasa (1 Chroniques 2.16-17, 2 Samuel 17.25).