Fils de David et de Bethsabée, naquit l’an du monde 2971, avant Jésus-Christ 1019, avant l’ère vulgaire 1033. Son nom de Salomon signifie Pacifique. Le Seigneur l’aima (2 Samuel 12.24-25) et envoya le prophète Nathan à David pour l’assurer de son affection envers cet enfant, et pour donner à Salomon le nom de Jedidiah, c’est-à-dire Aimable au Seigneur. Ce fut apparemment alors que Nathan assura David que ce fils lui succéderait, et que ce serait lui qui serait héritier des promesses que le Seigneur lui avait faites quelques années auparavant, lorsque, ayant conçu le dessein de bâtir un temple à Dieu (2 Samuel 7.5 1 Rois 8.17 1 Chroniques 17.1-3 Psaumes 131.11), Dieu lui fit dire par Nathan : Vous ne me bâtirez point de maison ; mais lorsque vos jours seront achevés pour aller avec vos pères, j’élèverai sur votre trône après vous un de votre race et de vos enfants, et j’affermirai son règne. Ce sera lui qui bâtira une maison à mon nom, et j’établirai son trône pour jamais. Je serai son père, et il sera mon fils, et je ne retirerai point ma miséricorde de dessus lui, comme je l’ai retirée de dessus votre prédécesseur ; je l’établirai dans mon royaume et dans ma maison pour jamais, et son trône ne sera point ébranlé ; je serai, son père, et il sera mon fils ; et s’il commet quelque chose d’injuste, je le châtierai de la verge dont on châtie les hommes, et je le punirai des plaies dont on punit les enfants des hommes, mais je ne retirerai point ma miséricorde de lui.
David, depuis ce temps, ne songea plus qu’à préparer ce qui était nécessaire pour le bâtiment du temple et pour procurer à Salomon une éducation proportionnée aux grands desseins que Dieu avait sur cet enfant. Or, sur la fin du règne de David, Adonias, fils aîné de David, commença à se donner un train et à agir comme devant succéder au royaume de son père. David ne l’en reprit point. Joab, Abiathar et plusieurs des principaux de la cour le favorisaient (1 Rois 1.5-7) : mais ni le grand prêtre Sadoc, ni Banaïas, ni le prophète Nathan, n’étaient point de son parti. Un jour, Adonias ayant invité la plupart de ses amis à un grand repas, qu’il leur donna près de la fontaine de Rogel, il n’y appela ni Sadoc, ni Nathan, ni Banaïas. C’est pourquoi. Nathan alla dire à Bethsabée, mère de Salomon : Savez-vous qu’Adonias veut se faire : déclarer roi sans que David le sache ? Allez donc vous présenter au roi, et dites-lui : Ô roi, mon seigneur ! ne m’avez-vous pas promis avec serment que Salomon, mon fils, régnerait après vous ? D’où vient donc qu’Adonias règne ? Pendant que vous parlerez encore au roi, je surviendrai après vous, et j’appuierai tout ce que vous aurez dit.
Bethsabée suivit le conseil de Nathan ; et David, informé de l’entreprise d’Adonias (1 Rois 1.32-34), fit venir le grand prêtre Sadoc, le prophète Nathan et Banaïas, fils de Joïada, et leur dit : Faites monter mon fils Salomon sur ma mule, et conduisez-le à Gihon ; que Sadoc et Nathan lui donnent l’onction royale, et qu’on sonne de la trompette, en criant : Vive le roi Salomon ! On exécuta les ordres du roi : Salomon fut sacré roi d’Israël. On le ramena au palais parmi les acclamations du peuple, et on le fit asseoir sur le trône de David. Ce prince en bénit le Seigneur, en disant : Béni soit le Seigneur, qui m’a fait voir aujourd’hui de mes propres yeux mon fils assis sur mon trône !
Ceux qu’Adonias avait invités, ayant appris ce qui s’était passé (1 Rois 1.49), se levèrent de table saisis de frayeur, et chacun s’en alla de son côté. Adonias, craignant Salomon, s’en alla prendre la corne de l’autel, et fit prier ce jeune prince de lui promettre avec serment qu’il ne le ferait point mourir par l’épée. Salomon répondit : S’il se conduit en homme de bien, il ne tombera pas un cheveu de sa tête ; mais s’il se trouve dans quelque mauvaise action, il mourra. Adonias sortit donc de cet asile et vint rendre ses devoirs au roi Salomon.
Or, le jour de la mort de David étant proche, il fit venir son fils Salomon (1 Rois 2.1-3) et lui recommanda la fidélité et la piété envers Dieu. Il lui dit de ne pas laisser impunis Joab ni Séméï ; de témoigner toute sorte de reconnaissance envers les fils de Berzellaï, qui l’avait secouru dans sa fuite. Il lui dit aussi (1 Chroniques 22.2-5) que Dieu lui ayant réservé l’honneur de lui bâtir un temple, il devait exécuter cette entreprise avec tout le zèle et la diligence possibles ; il lui remit les dessins qu’il en avait fait faire et l’état des richesses qu’il lui laissait pour achever cet édifice ; il lui donna aussi le rôle des prêtres et des lévites, et l’ordre dans lequel ils devaient servir dans le temple (1 Chroniques 23 1 Chroniques 24 1 Chroniques 25 1 Chroniques 26). De plus il lui remit l’état des officiers de sa maison et de son royaume, des trésoriers et des intendants des biens du roi (1 Chroniques 27). Enfin, dans une assemblée générale du peuple et des grands d’Israël, David délivra tout l’or, l’argent et les choses précieuses qu’il avait destinées au bâtiment du temple (1 Chroniques 29.1-4), et exhorta tous les assistants à faire chacun leur offrande au Seigneur, suivant leurs facultés et leur dévotion. Ils contribuèrent tous d’un cœur parfait, et la quantité d’or et d’argent fut tout extraordinaire. Après cela David mourut âgé de soixante-dix ans, après quarante ans de règne.
Salomon entra alors dans la pleine possession du royaume de son père, et il fut reconnu de tout Israël. Eu ce même temps Adonias, son frère, alla trouver Bethsabée (1 Rois 2.13-14) et lui dit de demander pour lui à Salomon, Abisag Sunamite, afin qu’il l’épousât. Bethsabée en fit la demande à Salomon ; mais ce prince, pénétrant les mauvaises intentions d’Adonias, qui ne demandait Abisag, qui avait été femme de David, que pour faire valoir un jour ses prétentions sur le royaume, ordonna qu’on fit mourir Adonias. Il relégua aussi le grand prêtre Abiathar à sa maison de campagne (1 Rois 2.26-27), parce qu’il avait été du parti d’Adonias. Enfin Joab ayant ouï ce qui était arrivé à Adonias et à Abiathar, se re tira dans le tabernacle comme dans un asile (1 Rois 2.28-29) ; mais Salomon commanda qu’on l’en tirât et qu’on le fit mourir ; et Joab n’ayant pas voulu sortir de ce lieu, il le fit tuer au même endroit, ne voulant pas que le sang que cet homme avait si injustement répandu retombât sur son règne et sur la maison de David. [Voyez Refuge]. Enfin Salomon ayant fait venir Séméï (1 Rois 2.36-37), il lui dit de se bâtir une maison dans Jérusalem et d’y demeurer sans en sortir. Séméi obéit ;, mais trois ans après, ses serviteurs s’en étant enfuis vers Achis, roi de Geth, Séméï les y poursuivit : ce qui ayant été rapporté à Salomon., il envoya Banaïas, fils de Joïada qui le tua.
Or, le règne de Salomon s’étant affermi, il s’allia avec Pharaon, roi d’Égypte, et épousa sa fille. [Voyez Pharaons, addition, vingt et unième dynastie]. Il l’amena à Jérusalem et la logea dans la cité de David, en attendant qu’il lui construisît un palais, comme en effet il lui en bâtit un quelques années après, lorsqu’il eut achevé le bâtiment du temple (1 Rois 3.1-3). On croit que ce fut dans la cérémonie de ce mariage que Salomon composa le Cantique des Cantiques, qui en est comme l’épithalame. On rapporte au même temps et à la même occasion le psaume quarante quatrième. Ce mariage n’a pas été généralement approuvé. L’Écriture met la fille de Pharaon (1 Rois 11.1 Néhémie 13.26) au nombre de celles qui contribuèrent à le pervertir ; et il y a assez d’apparence que cette princesse, après avoir peut-être paru convertie au Seigneur dans les commencements, retourna dans la suite à l’idolâtrie, et y engagea le roi, son mari. Pharaon donna pour dot à sa fille la ville de Gazer (1 Rois 9.16-17), qu’il conquit sur les chananéens, dans le pays des Philistins ; et Salomon la rebâtit et la fortifia dans la suite.
Après cela Salomon, accompagné de toutes ses troupes et de tout Israël, alla à Gabaon (1 Rois 3.4-6 1 Chroniques 1.3-5), qui était un des hauts lieux les plus fameux de tout le pays. Il y offrit mille hosties en holocauste sur l’autel d’airain qui était en ce lieu ; et la nuit suivante Dieu lui apparut en songe et lui dit : Demandez-moi ce que vous voulez que je vous donne. Salomon, après lui avoir rendu grâces de toutes les faveurs dont il avait comblé David, son père, et de l’honneur qu’il lui avait fait de le faire asseoir sur le trône de ce prince, le supplia de lui accorder la sagesse et les lumières nécessaires pour gouverner le peuple d’Israël, dont il lui avait confié le gouvernement. Le Seigneur eut cette demande pour agréable, et il lui dit : Puisque vous ne m’avez demandé ni la gloire, ni les richesses, ni la victoire sur vos ennemis, mais que vous n’avez désiré que la sagesse, je vous l’accorde et j’y joins tout ce que vous auriez pu me demander d’autres choses : en sorte qu’aucun autre roi ne vous aura jamais égale en ce point dans tous les siècles passés. À son réveil il fit réflexion au songe qu’il avait eu, et il comprit que ce n’était point un songe ordinaire. Il revint à Jérusalem, où il offrit un grand nombre de victimes sur l’autel qui était devant l’arche du Seigneur, et fit un grand festin à ses serviteurs.
Alors deux femmes de mauvaise vie vinrent trouver le roi et lui dirent que (1 Rois 3.16) l’une d’elles avait étouffé son enfant en dormant, et que l’ayant mis secrètement auprès de sa compagne, elle lui avait volé son enfant, et prétendait qu’il était le sien. Comme l’une et l’autre soutenait que l’enfant vivant était à elle, et que personne ne pouvait les convaincre, parce qu’il n’y avait point de témoins, le roi dit à un de ses gardes : Coupez en deux l’enfant qui est vivant, et donnez-en la moitié à l’une, et la moitié à l’autre. Alors la mère de l’enfant vivant se sentant émue, dit au roi ; Seigneur, donnez-lui, s’il vous plaît, l’enfant vivant, et ne le tuez point. L’autre disait au contraire : Qu’il ne soit ni à elle, ni à moi ; mais qu’on le divise en deux. Sur cela Salomon prononça, cette sentence : Donnez l’enfant à celle-ci, et qu’on ne le tue point ; car c’est elle qui est la mère. Tout Israël ayant appris cela, fut saisi de crainte et rempli de respect pour le roi, voyant la sagesse qui était en lui.
Or Salomon jouissait d’une profonde paix dans son royaume ; tout Juda et Israël vivaient dans une entière assurance (1 Rois 4.1-3) : ses voisins lui payaient tribut ou étaient ses alliés et ses amis. Il dominait sur tous les pays et royaumes qui sont entre l’Euphrate et le Nil ; sa domination s’étendait même au delà de l’Euphrate. Il avait un très-grand nombre de chevaux et de chariots de guerre. Sa sagesse était aussi étendue que le sable de la mer, elle surpassait celle de tous les Orientaux et de tous les Égyptiens. En un mot il était le plus sage de tous les hommes, et sa : réputation était répandue parmi toutes les, nations. Il composa trois mille paraboles, et écrivit mille et cinq cantiques (Les Septante et plusieurs interprètes lisent cinq mille, au lieu de mille et cinq, qui est dans l’Hébreu). Il traita de tous les arbres, depuis le cèdre qui est sur le Liban jusqu’à l’hyssope qui sort de la muraille. Il traita de même des animaux de la terre, des oiseaux, des reptiles et des poissons. Il venait des gens de tous les pays, pour entendre la sagesse de Salomon, et des ambassadeurs des princes qui entendaient parler de son extraordinaire sagesse. Il rendit l’or et l’argent aussi communs dans Jérusalem (2 Chroniques 1.15) que les pierres, et les cèdres aussi fréquents que les sycomores, qui naissent à la campagne.
Hiram, roi de Tyr ; ayant appris que Salomon avait été reconnu roi de tout Israël, lui envoya des ambassadeurs pour le féliciter sur son avènement à la couronne ; et quelque temps après, Salomon lui députa aussi des ambassadeurs pour le prier de lui fournir du bois et des ouvriers pour lui aider à bâtir un temple au Seigneur (1 Rois 5.1-3 2 Chroniques 2.2-3). Hiram s’engagea avec plaisir à tout ce que Salomon demandait de lui. Il lui dit qu’il ferait couper des bois de cèdre et de sapin dans le Liban ; que ses gens les mettraient en radeaux, et les conduiraient par mer jusqu’au port de Joppé, et que de là Salomon les ferait mener à Jérusalem. Salomon de son côté s’obligea de donner à Hiram pour l’entretien de sa maison vingt mille mesures de froment, vingt mille mesures d’huile. Josèphe ajoute qu’il lui fournissait aussi du vin ; et en effet dans les Paralipomènes (2 Chroniques 2.10) il est dit que Salomon donnait aux ouvriers d’airain qui travaillaient dans le Liban, du froment, de l’orge, du vin et de l’huile.
Josèphe dit de plus que de son temps on conservait encore dans les archives de Tyr les lettres que Salomon et Hiram s’écrivaient mutuellement. Il cite Dion et Ménandre, qui disaient que ces deux princes s’envoyaient l’un à l’autre des énigmes à expliquer ; que Salomon en ayant envoyé un jour au roi de Tyr, dont il ne put donner la solution, Hiram fut obligé de lui payer une grande somme d’argent ; mais qu’après cela un Tyrien nommé Ahdemon les expliqua et en proposa d’autres à Salomon, dont ce prince ne put donner l’explication, et fut condamné de donner au roi de Tyr une grosse somme. C’est ce que raconte Josèphe.
Salomon commenta à travailler à la construction du temple la quatrième année de son règne (1 Rois 7.37), et la seconde depuis la mort de David, quatre cent quatre-vingts ans après la sortie d’Égypte (1 Rois 6.1-3). Nous ne donnerons point ici la description de ce temple ; on la verra sous l’article temple de Salomon. Il employa à ce grand ouvrage soixante-dix mille prosélytes, qui étaient des restes des anciens chananéens, pour porter les fardeaux sur leurs épaules, quatre-vingts mille pour tailler les pierres dans les montagnes, et trois trille six cents pour conduire les ouvrages. Outre cela il employa trente mille Israélites pour travailler aux carrières du Liban. Ces trente mille hommes étaient commandés par Adoniram, et ils ne servaient que dix mille à la fois, et seulement un mois de suite ; en sorte qu’ils avaient toujours deux mois de repos (1 Rois 5.4). Hiram envoya aussi à Jérusalem un ouvrier très-habile nommé Hiram (2 Chroniques 2.13-15), dont la mère était de la tribu de Dan, et le père Tyrien de nation, qui savait travailler en or, en argent, en cuivre, en fer, en marbre, en bois et en toutes sortes d’ouvrages de laine, de broderie et de tapisserie. Il était l’intendant de tous les ouvrages du temple. Ce fut lui qui donna le dessin des principales pièces de fonte, et les exécuta lui-même. Voyez Hiram.
Le temple du Seigneur ayant été commencé la quatrième année du règne de Salomon, fut achevé la onzième ; c’est-à-dire, qu’on ne fut que sept ans à faire ce grand ouvrage (1 Rois 6.37-38). On en fit la dédicace l’année suivante, qui est l’an du monde 3001. Pour rendre cette cérémonie plus auguste, Salomon choisit le huitième jour du septième mois de l’année sainte (2 Chroniques 5.1-3), qui était le premier de l’année civile, et qui répondait à notre mois d’octobre. La cérémonie de la dédicace dura sept jours, au bout desquels coinmença la fête des Tabernacles, qui dura encore sept jours. De manière que tout le peuple demeura à Jérusalem quatorze ou quinze jours ; depuis le 8 jusqu’au 22 du septième mois. Salomon fit venir à cette solennité tous les anciens d’Israël et tout le peuple. Les prêtres et les lévites portèrent dans le temple premièrement tous les présents que David y avait faits, et qui furent mis en dépôt dans les trésors du lieu saint ; ensuite on y plaça les ornements et les vases destinés au service de l’autel et du sanctuaire. Enfin on y porta en grande solennité l’arche d’alliance, le roi et tout le peuple marchant devant, pendant que les prêtes immolaient une infinité de victimes partout où l’arche passait.
Lorsque l’arche eut été placée dans le sanctuaire, les prêtres et les lévites chacun en son rang, faisant retentir les louanges du Seigneur, le temple fut rempli d’une nuée miraculeuse, en sorte que les prêtres par respect ne pouvaient plus y demeurer, ni y faire les fonctions de leur ministère. Alors Salomon étant sur sa tribune (1 Rois 8.12-13) se prosterna le visage contre terre ; puis s’étant relevé et se tournant du côté du sanctuaire, il adressa sa prière à Dieu et le supplia d’avoir pour agréable la maison qu’il lui avait bâtie, de la bénir et d’exaucer les prières de ceux qui s’adresseraient à lui dans ce saint lieu. Il le pria aussi d’accomplir les promesses qu’il avait faites à David son serviteur, en faveur de sa famille et des rois d’Israël, ses successeurs. Aussitôt qu’il eut achevé sa prière, il se tourna du côté du peuple, le bénit ; et le feu étant descendu du ciel (2 Chroniques 7.1-3), consuma les holocaustes et les victimes qui étaient sur l’autel, et la gloire du Seigneur remplit tout le temple, en sorte que les prêtres mêmes ne pouvaient entrer dans le temple, pour y faire leurs fonctions. Alors les enfants d’Israël qui furent témoins du miracle se prosternèrent la face contre terre, en adorant et louant le Seigneur.
Le roi fit immoler ce jour-là. vingt-deux mille bœufs et cent vingt mille moutons en hosties pacifiques ; et parce que l’autel des holocaustes n’était pas suffisant pour contenir toutes ces victimes (1 Rois 8.64-65), le roi sanctifia le parvis du peuple, et y fit aussi offrir des sacrifices en grand nombre. Or le Seigneur apparut une seconde fois en songe à Salomon, apparemment la nuit qui suivit le premier jour de la dédicace du temple, et il lui dit : J’ai exaucé votre prière, et j’ai choisi ce temple pour en faire ma maison de sacrifice ; mes yeux seront ouverts et mes oreilles attentives à la prière de celui qui m’invoquera en ce lieu. Et pour vous, si vous marchez en ma présence, comme David y a marché, et que vous gardiez nies préceptes et mes ordonnances, je conserverai votre trône, et vous aurez toujours des successeurs de votre race, qui seront princes en Israël. Mais si vous ou vos enfants vous détournez de mot, je vous exterminerai de cette terre que je vous ai donnée, je rendrai mon peuple la fable du monde, et ce temple déviendra un sujet d’étonnement à toutes les nations, par la manière dont je traiterai.
Après les sept jours de la dédicace et sept autres jours de la fête des Tabernacles, Salomon congédia l’assemblée des Israélites, et tout le peuple s’en retourna dans ses demeures, comblant le roi de toutes sortes de bénédictions. Salomon songea ensuite à se bâtir un palais, et un autre à son épouse, la fille du roi d’Égypte (1 Rois 7.2-3). Il fut treize ans à faire ces bâtiments, et il y employa tout ce que l’art et la richesse purent lui fournir pour les rendre dignes du plus grand prince qui fût alors dans l’Orient. Le palais où il faisait sa demeure ordinaire fut nommé la maison du bois du Liban, apparemment à cause de la grande quantité de cèdre qui y fut employée, ou à causedu grand nombre de colonnes qui y étaient. Pour témoigner à Hiram, roi de Tyr, la reconnaissance qu’il conservait pour tous les services qu’il lui avait rendus lorsqu’il bâtissait, il lui donna vingt villes dans le pays de Galilée (1 Rois 9.11-12). Hiram étant allé pour les voir, n’en fut pas content, et il dit : Sont-ce là les villes que vous m’avez données, mon frère ? Et il appela cette contrée la terre de Chabul. Voyez l’article Chabul. Hiram avait aussi envoyé à Salomon six vingts talents d’or (1 Rois 9.14), qu’il lui prêta apparemment pendant qu’il était occupé à ses bâtiments.
Outre les grands ouvrages dont on vient de parler, Salomon bâtit encore les murs de Jérusalem (1 Rois 9.15-17), la place de Mello, dans la même ville ; il répara et fortifia Hézer, Mageddo, Gazer, les deux Béthoron, la basse et la haute, Baalat et Palmyre, dans le désert de Syrie. Il fortifia de plus toutes les villes où il avait ses magasins de blé, de vin et d’huile, et celles où étaient ses chariots et ses chevaux. Il soumit à son empire tous les Hélhéens, les Hévéens, les Amorrhéens et les Phéréséens qui étaient restés dans les terres d’Israël ; il se les rendit tributaires, et les obligea de travailler aux ouvrages publics qu’il entreprit. Mais pour les Israélites, il ne voulut point qu’ils fussent employés à ces travaux ; il s’en servit pour la guerre, et leur donna le commandement de ses armées, de sa cavalerie et de ses chariots.
Il équipa une flotte à Asiongaber et à Elat ou Ælan, sur la mer Rouge, pour aller à Ophir (2 Chroniques 8.17-18). Hiram, roi de Tyr, lui prêta de ses gens, qui savaient la marine et qui en instruisirent les sujets de Salomon. Ils faisaient le voyage en trois ans, et ils ramenaient de l’or, des bois précieux, de l’ébène, de l’ivoire, des paons, des singes et diverses autres choses (1 Rois 10.11-22). D’un seul voyage ils rapportèrent à Salomon quatre cent cinquante talents d’or, ou, comme porte le 1er livre des Rois (1 Rois 9.28), quatre cent vingt seulement. Vers ce même temps la reine de Saba (1 Rois 10.1-3), pays de l’Arabie Heureuse ou, selon d’autres, de l’Île de Méroé, autrefois appelée Saba, vint à Jérusalem, attirée par la grande réputation du roi Salomon. Elle y vint chargée de présents d’or, d’aromates, de pierres précieuses ; et dans la vue d’éprouver si la sagesse de Salomon était telle qu’on la publiait, elle lui proposa diverses énigmes à résoudre. Mais Salomon la satisfit de telle sorte, qu’elle avoua que ce qu’elle avait ouï dire de sa sagesse et de sa magnificence n’égalait point ce qu’elle en voyait. Le roi, de son côté, la combla d’honneurs et de présents ; elle reçut de lui beaucoup plus qu’elle ne lui avait apporté, et elle s’en retourna ainsi dans son royaume. On peut voir ce que nous avons dit de cette relire sur l’article Nicaule. [Voyez aussi les articles Éthiopie et Saba (Reine de)].
Salomon fut un des plus riches et peut-être le plus riche de tous les princes qui aient jamais paru ; et l’Écriture (1 Rois 10.23) marque expressément qu’il surpassait en richesses [Voyez Or] et en sagesse tous les rois du monde. Nous avons déjà remarqué que de son temps l’argent était regardé comme rien ; et qu’il était aussi commun à Jérusalem que les pierres. Le revenu annuel de son domaine était de six cent soixante-six talents d’or (1 Rois 10.14-15), sans compter les tributs que les rois et les peuples tributaires lui donnaient, ni les subsides que fournissaient les Israélites [Voyez officiers de La bouche du Roi], ni les sommes que les marchands payaient au roi pour les droits d’entrée, de sortie et autres. [Voyez Or] Les boucliers de ses gardes, le trône où il s’asseyait étaient revêtus d’or. Tous les vases de sa table et les meubles de son palais étaient du même métal. On lui envoyait de tous côtés des présents en vases d’or et d’argent, en étoffes précieuses, en aromates, en armes, en chevaux et en mulets ; et toute la terre désirait de voir le visage de Salomon, et d’écouter la sagesse que Dieu avait mise dans son cœur.
Jusqu’ici nous n’avons rien vu dans Salomon que de grand et d’admirable : mais les dernières actions de sa vie défigurent étrangement son portrait. Il se livra à l’amour des femmes étrangères (1 Rois 11.23). Outre la fille de Pharaon, dont nous avons parlé, il épousa des femmes moabites, ammonites, iduméennes, sidoniennes, héthéennes. Il eut jusqu’à sept cents femmes, qui étaient comme des reines, et trois cents concubines. Ces femmes lui pervertirent le cœur dans sa vieillesse : en sorte qu’il adora Astarté, déesse des Sidoniens ; Moloc, idole des Ammoniles ; et Chamos, dieu des Moabites ; et il leur bâtit des temples sur la montagne des Oliviers, vis-à-vis et à l’orient de Jérusalem. Il en usa de même pour toutes ses femmes étrangères ; il eut la complaisance de bâtir des temples pour les dieux à qui elles offraient de l’encens. C’est pourquoi le Seigneur lui dit en songe : Puisque vous n’avez point gardé mon alliance, ni obéi à mes commandements, je déchirerai et diviserai votre royaume, et le donnerai à l’un de vos serviteurs ; je ne le ferai pas néanmoins de votre temps, à cause de David, mon serviteur ; mais je le diviserai entré les mains de votre fils, à qui je ne laisserai qu’une tribu, à cause de David, mon serviteur. On a vu sous l’article de Roboam, l’accomplissement de cette menace, et Salomon, dès avant sa mort, en vit les commencements et les dispositions dans la révolte de Jéroboam et dans celle d’Adad, Iduméen.
Salomon mourut après quarante ans de règne, l’an du monde 3029, avant Jésus-Christ 971, avant l’ère vulgaire 975. Nous croyons qu’il était âgé d’environ cinquante huit ans. Il avait environ dix-huit ans lorsqu’il commença à régner. Josèphe lui donne quatre-vingts ans de règne et quatre-vingt-quatorze ans de vie ; mais c’est une erreur manifeste. L’histoire de ce prince avait été écrite par les prophètes Nathan, Ahias et Addon (2 Chroniques 9.29-30). Il fut enseveli dans la ville de David, et Roboam, son fils, régna en sa place, mais non pas sur tout Israël. Voici l’éloge que l’auteur de l’Ecclesiastique a fait de Salomon (Ecclésiaste 48.14-17) : « À David succéda un fils rempli de sagesse ; et à cause de lui le Seigneur détruisit toute la puissance de ses ennemis. Il régna dans un temps de paix, et Dieu lui soumit tous ceux qui lui étaient contraires, afin qu’il lui bâtît une maison et un sanctuaire éternel. Comment avez vous été instruit dans votre jeunesse ? Vous avez été rempli de sagesse comme un fleuve, et toute la terre a été découverte à votre âme. Vous avez enfermé des énigmes dans une multitude de paraboles, et votre nom s’est rendu célèbre jusqu’aux îles les plus reculées. Toute la terre a admiré vos cantiques, vos proverbes, vos paraboles, et l’interprétation que vous avez donnée aux choses obscures. Vous avez fait des amas d’or comme on en ferait d’airain, et d’argent comme on en ferait de plomb. Mais après cela vous vous êtes abandonné à l’amour des femmes, vous avez asservi votre corps, vous avez imprimé une tache à votre gloire, vous avez profané votre race, pour attirer la colère sur vos enfants et la punition sur votre folie, en formant un schisme dans le royaume et faisant sortir d’Éphraïm une domination dure et cruelle. » [Voyez l’histoire de Salomon dans mon Histoire de l’Ancien Testament, livre 4, chapitre 3 tome 1, pages 267-300].
On forme ici une question fameuse sur le salut de Salomon. Les uns la décident d’une manière favorable à Salomon. D’autres en parlent d’une manière désavantageuse : mais, à mon avis, les plus sages demeurent sur cela dans le silence et dans le doute. Voici ce qu’on dit de plus favorable au salut de ce prince. Dieu dit à David, en lui parlant de Salomon (2 Samuel 7.14). Je lui servirai de père, et je le traiterai comme mon fils. S’il tombe dans quelque faute, je le corrigerai par la verge dont je frappe les enfants des hommes ; mais je ne retirerai point de lui ma miséricorde, comme je l’ai retirée de Saül, que j’ai rejeté de devant ma face. L’Écriture, dans un autre endroit (2 Chroniques 11.17), dit que Roboam et son peuple vécurent dans la piété, et suivirent les voies de David et de Salomon pendant les trois premières années de Roboam. Plusieurs interprètes croient que le livre de l’Ecclésiaste est un monument de la pénitence de Salomon, et que ce prince le composa après sa chute, Bacchiarius, auteur du cinquième siècle, a écrit exprès pour prouver le salut de Salomon. Saint Irénée, saint Hilaire, saint Cyrille de Jérusalem, saint Ambroise, saint Jérôme et plusieurs nouveaux soutiennent expressément que Salomon a fait pénitence et est sauvé.
D’autres doutent de sa pénitence et de son salut. L’Écriture parle clairement de sa chute et de son idolâtrie, et elle ne dit rien de bien assuré de sa pénitence. Ce qu’on avance que le livre de l’Ecclésiaste est le fruit de sa conversion n’est nullement prouvé, et le passage des Proverbes que l’on cite ordinairement pour cela ne se trouve ni dans la Vulgate ni dans l’original hébreu. Voici ce que porte ce passage (Proverbes 14.30-31) : Enfin j’ai fait pénitence, et je me suis appliqué à choisir une manière de vie plus réglée. Et voici l’Hébreu : J’ai passé par le champ d’un paresseux, et il était rempli d’épines et ses murailles abattues ; ce qu’ayant vu, je l’ai mis dans mon cœur, et par cet exemple j’ai appris ce que je devais faire. S’il était vrai qu’il se fût sérieusement repenti de sa faute, aurait-il laissé subsister sur le mont des Oliviers les temples qu’il y avait bâtis en l’honneur des idoles, et qu’on y a vus encore si longtemps après lui, sous le règne de Josias (2 Rois 23.13) : L’auteur de l’Ecclésiastique, qui a fait l’éloge de Salomon, a-t-il fait mention de sa pénitence ? En voit-on quelque effet dans la révocation de l’arrêt que Dieu avait porté contre lui ? Ne voit-on pas tout le contraire ? Enfin plusieurs Pères, comme Tertullien, saint Cyprien, saint Augustin, saint Grégoire le Grand, rangent Salomon parmi les réprouvés. Plusieurs autres, plus nouveaux, ne lui sont pas plus favorables ; en sorte que l’on peut conclure que le salut, ou du moins la pénitence de ce prince, est une chose fort problématique et fort douteuse. On peut voir les auteurs qui ont traité cette question exprès, et la dissertation que nous avons composée sur ce sujet, dans notre nouveau recueil.
De tous les ouvrages d’esprit de Salomon il ne nous reste que les Proverbes, l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques, dont nous avons déj à parlé assez au long dans leurs articles. Quelques-uns lui ont aussi attribué le livre de la Sagesse et même celui de l’Ecclésiastique : mais nous avons montré sous leurs titres que ces sentiments n’étaient pas même vraisemblables. Les Juifs croient qu’il composa le psaume 71 et le 126. On a aussi publié sous son nom le Psautier de Salomon, qui contient dix-huit psaumes, qui furent trouvés en grecdans la bibliothèque d’Augsbourg par André Schort, et qui ont été traduits en latin, et donnés au public par le père Jean-Louis de la Cerda, avec des explications de sa façon. Les savants conviennent qu’ils ne sont pas de Salomon, mais de quelque juif helléniste, fort versé dans la lecture des auteurs sacrés, qui les a composés à l’imitation des psaumes de David, dont il a assez bien imité le style, et qui y a cousu divers fragments des prophètes Isaïe et Ézéchiel, qu’il a su accommoder à son dessein.
Ces dix-huit psaumes prétendus de Salomon n’ont point été inconnus aux anciens. Ils étaient autrefois dans le fameux manuscrit alexandrin qu’on conserve en Angleterre, comme on le voit dans l’index qui se trouve encore à la fin du Nouveau Testament, quoique ces psaumes aient été ou arrachés de ce livre, ou perdus par quelque autre accident. Lambécius fait mention d’un manuscrit de la bibliothèque de l’empereur où ces psaumes se trouvent placés entre le livre de la Sagesse et celui de l’Ecclésiastique. L’auteur de la Synopse sous le nom de saint Athanase, Zonare et Balsamon sur le canon 59 de Laodicée, Nicéphore, dans la Stichometria, ou dénombrement des versets que contient chaque livre de L’Écriture, font mention expresse des psaumes de Salomon. L’exemplaire d’Augsbourg, copié par André Schort, avait été envoyé de Constantinople à Haeschélius. Mais les Hébreux n’ont jamais eu connaisance de cet ouvrage ; les Latins ne l’ont point connu non plus, et les anciens Grecs, qui pouvaient l’avoir lu, ne l’ont jamais cité comme écriture divine.
Quelques Orientaux attribuent à Salomon l’invention des lettres syriaques et arabes ; et la tradition des Syriens est que ce prince communiqua à Hiram, roi de Tyr, les caractères syriens, et qu’il traduisit en syriaque, à la prière de ce prince, non-seulement ses propres livres, mais aussi tous les autres de l’Écriture. Mais ces traditions ne méritent aucune créance. L’origine des caractères arabes, ni les versions de l’Écriture en syriaque, ne sont pas si anciennes que Salomon ; et d’ailleurs de quel usage auraient été ces écritures traduites en syriaque pour un prince tyrien qui parlait phénicien, c’est-à-dire, la même langue que Salomon ?
Eupolème, cité dans Eusèbe, rapporte une lettre prétendue de Salomon à Vaphré, roi d’Égypte, et la réponse de Vaphré à Salomon. S tlomon lui donne avis de son avénement à la couronne, et lui demande des ouvriers, pour lui aider à bâtir un temple au Seigneur ; et Vaphré lui répond qu’il lui envoie quatre-vingt mille ouvriers pour cet ouvrage. On lit au même endroit une lettre de Salomon à Suran, roi de Tyr, de Sidon et de la Phénicie, par laquelle Salomon lui donne aussi avis de son avénement au royaume, et le prie de lui envoyer des ouvriers ; et la réponse de Suram (il veut dire apparemment Iram, ou Hiram), par laquelle il dit qu’il lui envoie quatre-vingt mille ouvriers et entre autres un très-habile architecte, Tyrien de nation et fis d’une mère juive. Mais on tient ces lettres inventées à plaisir, de même que celles qu’on lit dans Josèphe, qui sont à-peu-près dans le même goôt et pour le même dessein, mais d’un style assez différent et plus conforme à ce qu’on lit dans l’Écriture.
Josèphe assure aussi que Salomon composa des livres d’enchantements et plusieurs manières de conjurer les démons et de les chasser des corps, en sorte qu’ils n’y retournent jamais. Il ajoute qu’il en a vu faire l’expérience à un Juif nommé Eléazar, qui guérit plusieurs possédés en la présence de Vespasien, de ses fils et des officiers de son armée. L’exorciste mettait sous le nez du possédé un anneau, dans lequel était enchâssée une racine indiquée par Salomon, et à la seule odeur de cette racine le démon sortait, renversant l’énergumène, et le laissant comme mort ; et pour plus grande preuve de la vérité de la guérison du malade, on mettait à quelque distance de là un vase plein d’eau, que le démon renversait en sortant. Origène parle encore des conjurations que les Juifs employaient de son temps contre les démons, en se servant des écrits qu’ils prétendaient avoir reçus de Salomon. Les Orientaux croient qu’il avait le secret de lier les démons, de les enchaîner et de leur commander. Les rabbins disent que le démon Asmodée chassa Salomon de son trône, et régna en sa place pendant que ce prince parcourait les royaumes et les provinces ; mais qu’ensuite étant revenu à Jérusalem, il mit en fuite Asmodée et l’enchaîna, afin qu’il ne pût nuire à personne. Il força le même démon de lui enseigner le secret de tailler les pierres du temple, sans faire aucun bruit.
Les Grecs enseignent que ce prince avait composé divers ouvrages de médecine, et qu’il avait écrit sur la nature et les vertus des pierres, des végétaux et des simples ; mais que le roi Ézéchias, voyant l’abus que l’on faisait de ces ouvrages, les supprima. Ce qui n’a pas empêché que depuis ce temps il n’ait encore paru différents livres de secrets, de magie, de médecine, d’enchantements, sous le nom de ce prince. On cite aussi sous son nom divers autres ouvrages ; par exemple : L’Instruction de Salomon à son fils Roboam ; l’Hygromancie de Salomon, au même ; le Testament de Salomon ; le Livre du trône de Salomon ; les Livres de magie composés par les démons sous le nom de Salomon ; la Clavicule de Salomon ; l’Anneau de Salomon ; la Contradiction de Salomon, et plusieurs autres de cette nature. On peut voir M. Fabricius dans ses Apocryphes du Nouveau Testament, pages 1040, 1041, 1042 et suivants On a remarqué ailleurs que quelques-uns attribuaient à Salomon le livre de Job.
Les Orientaux se sont fait une si haute idée du mérite et des grandes qualités de ce prince, qu’ils donnent le nom de Salomon ou Soliman à tous les rois qu’ils ont cru avoir possédé l’empire universel de toute la terre. Ils en comptent jusqu’à quarante ou même jusqu’à soixante-douze qu’ils disent avoir régné successivement pendant un grand nombre de siècles avant la création d’Adam.Tous ces monarques commandaient chacun à des créatures de son espèce, qui étaient différentes de celle d’Adam, quoiqu’elles fussent raisonnables comme les hommes. Ils en attendent encore une autre lignée descendued’Adam, après celle qui vit aujourd’hui, laquelle les surpassera toutes en majesté et en puissance, après laquelle il n’en paraîtra plus aucune autre sur la terre.
On dit que chacun de ces Solinaans possédait de père en fils un bouclier dont ils se servaient continuellement dans les guerres qu’ils faisaient aux démons, leurs ennemis, et qu’ils le transmettaient comme un gage de l’empire à celui qui leur devait succéder. Ils avaient aussi l’épée foudroyante et le bouclier qui les rendaient invincibles dans les combats. On dit de plus qu’ils avaient, comme Salomon, un esprit familier ou un génie qui, sous la figure d’un oiseau, faisait tous ses messages et exécutait tous ses ordres. Mais laissons toutes ces rêveries, et revenons à Salomon, fils de David.
Ils prétendent qu’il était non-seulement roi des Juifs et des nations voisines que David avait subjuguées, mais aussi qu’il possédait la monarchie universelle de toute la terre. Son vizir, ou son premier ministre d’État, était Asaph, duquel il est parlé dans l’Écriture, et à qui David a adressé plusieurs de ses psaumes. Non seulement tous les hommes du monde, mais les esprits bons et mauvais, les oiseaux, les vents même lui obéissaient. Il avait, disent-ils, un anneau merveilleux qui lui découvrait non-seulement les choses présentes, mais les passées et les futures. La forme et la matière de son trône étaient d’une magnificence qui surpasse tout ce qu’on en peut dire. Au lieu de dais et de pavillon, il était ombragé par les oiseaux qui voltigeaient continuellement au-dessus et autour de lui ; douze mille trônes d’or étaient à sa droite, et douze mille trônes d’argent à sa gauche. Les trônes d’or étaient pour placer les patriarches et les prophètes, et les trônes d’argent pour les sages et les docteurs qui assistaient à ses jugements.
Les démons, jaloux de la gloire de Salomon, publièrent sous le nom de ce prince des livres pleins de superstition et de magie, pour persuader aux simples et aux ignorants que c’était dans ces ouvrages que Salomon puisait les lumières dont il se servait dans le gouvernement de son royaume, et qui le rendaient si célèbre dans le monde. Mais Salomon ayant fait une exacte recherche de tous ces pernicieux ouvrages, les enferma dans un coffre qu’il ferma sous la clef, et qu’il fit enterrer sous son trône même, afin qu’on ne pût s’en servir. Mais il arriva qu’après la mort de ce prince les démons ou les magiciens tirèrent ces mêmes livres du lieu où ils étaient, et les répandirent dans le monde comme ayant été écrits par Salomon. En voilà plus qu’il n’en faut pour faire connaître le génie des Orientaux et la grande estime où Salomon est encore aujourd’hui parmi eux.