Roi d’Assyrie, fils et successeur de Salmanasar, commença à régner l’an du monde 3290, avant Jésus-Christ 710, avant l’ère vulgaire 714. Il ne régna que quatre ans, ayant été tué par ses propres fils l’an du monde 3294., comme nous le dirons ci-après. Ézéchias, roi de Juda, ayant secoué le joug des Assyriens (2 Rois 18.7-13), que le roi Achas son père s’était laissé imposer par Téglatphalasar, roi d’Assyrie (2 Rois 16.11 2 Chroniques 28.20-21) ; Sennachérib, averti de la révolte de ce prince, marcha contre lui, et prit toutes les villes fortes de Juda. Èze-chias voyant qu’il ne lui restait plus que Jérusalem, qu’il aurait peut-être assez de peine de conserver, envoya des ambassadeurs à Sennachérib, qui était alors occupé au siège de Lachis, et lui fit dire : J’ai fuit une faute ; mais retirez-vous de dessus mes terres, et je souffrirai tout ce que vous m’imposerez. Sennachérib lui demanda trois cents talents d’argent et trente talents d’or, qu’Ézéchias lui fit toucher bientôt après ; mais le roi d’Assyrie ne se relira pas pour cela.
Il envoya de Lachis à Jérusalem trois de ses grands officiers, Tarthan, Rabsaris et Rabsacès, pour sommer Ézéchias de se rendre à lui. Rabsacès mêla dans son discours plusieurs blasphèmes contre Dieu, et plusieurs insultes contre Ézéchias. On peut voir l’article de Rabsaces et celui du roi Ézéchias. Cependant Sennachérib quitta le siège de Lachis (2 Rois 19.8), et s’attacha à celui de Lebna. Rabsacès lui ayant rendu compte de ce qu’il avait dit à Ézéchias, et lui ayant dit que ce prince ne lui avait fait aucune réponse, Sennachérib lui écrivit une lettre, dans laquelle il t’exhortait à rentrer dans son devoir, et à imiter tant d’autres peuples, qui s’étaient soumis à son empire. En même temps il partit avec toute son armée, pour allers la rencontre de Tharaca, roi d’Éthiopie ou de Chus (roi éthiopien d’Égypte. Voyez Tharaca), qui S’était avancé pour le combattre ; mais le Seigneur envoya son ange contre l’armée de Sennachérib, qui lui mit à mort en une seule nuit (2 Rois 19.33), cent quatre-ving-cinq mille hommes. Sennachérib s’étant levé le matin, et se trouvant presque seul, fut obligé de s’en retourner promptement à Ninive. Mais il n’y fut pas longtemps en paix : car un jour qu’il rendait ses adorations à son Dieu Nesroch dans son temple, ses deux fils, Adramélech et Sarasar, le tuèrent à coups d’épée et s’enfuirent en Arménie. Assaraddon, son fils, régna en sa place, l’an du monde 329, avant Jésus-Christ 706, avant l’ère vulgaire 710.
Tobie (Tobie 1.21) nous apprend que Sennachérib étant de retour à Ninive, commença à persécuter les Israélites captifs, qu’il regardait comme la cause de sa disgrâce. Mais il ne se passa pas quarante-cinq jours, selon le texte latin, ou cinquante-cinq, selon le grec, que ce prince füt mis à mort par ses propres fils, ainsi que nous l’avons raconté. Les rabbins croient que ce qui détermina les fils de Sennachérib à le traiter ainsi, fut qu’ils avaient appris que leur père voulait les immoler à son idole. C’est pourquoi ils jugèrent à propos de le prévenir.
Quant à la défaite de son armée par l’ange exterminateur, on peut voir notre Dissertation sur ce sujet, imprimée à la tête du Commentaire sur Isaïe. Les rabbins croient que le feu du ciel tomba sur eux, et réduisit leurs corps en poudre, sans endommager leurs habits, dont il voulait que les Israélites profitassent. Ils fondent cette tradition sur un passage d’Isaïe (Isaïe 10.16-17, 18, 19).
Le Seigneur, le Dieu des armées enverra contre eux la maigreur, et une flamme, comme celle du feu, brûlera par dessous leur gloire ou leurs habits magnifiques. D’autres Hébreux avaient dit à saint Jérôme que l’ange Gabriel avait été envoyé contre les Assyriens pour les exterminer. Il y en a qui conjecturent que ce fut la peste, ou quelque maladie intérieure, qui les fit tous mourir en une nuit. D’autres veulent que cette grande armée ait été troublée par la tempête, et qu’étant saisie d’une terreur panique, et se prenant les uns les autres pour ennemis, ils aient tourné leurs armes contre eux-mêmes, et se soient ainsi tués sans se reconnaître.
Hérodote, parlant de Sennachérib, racontait sa disgrace d’une manière fort différente de ce que nous venons de voir. Il citait les prêtres d’Égypte, qui la lui avaient racontée de cette sorte. Séthon, roi d’Égypte et prêtre de Vulcain, ayant été attaqué par Sennachérib, roi des Arabes et des Assyriens, et se voyant abandonné par ses propres soldats, s’adressa à Vulcain, et lui demanda un prompt secours. Vulcain lui apparut la nuit suivante, et lui promit de l’aider. Séthon se mit donc en marche avec le peu de troupes qui lui étaient demeurées, et s’avança jusqu’à Péluse. La même nuit, une troupe de rats champêtres vint fondre sur le camp des Assyriens et rongea les courroies de leurs boucliers et les cordes de leurs arcs ; en sorte que le lendemain au matin, se trouvant hors d’état de se servir de leurs armes, ils furent obligés de prendre la fuite.
La plupart des commentateurs croient que l’armée de Sennachérib fut mise à mort devant Jérusalem, comme elle se disposait à faire le siège de cette ville ; mais il paraît clairement par Isaïe (Isaïe 5.24-26), que Sennachérib ne forma point le siège de Jérusalem, et que ce fut dans son voyage contre Tharaca que ce malheur lui arriva. Bérose disait que Sennachérib avait fait la guerre en Égypte, et avait assujetti toute l’Asie. Josèphe raconte que ce prince ayant employé beaucoup de temps à faire le siège de Péluse, comme ses ouvrages étaient fort avancés, et qu’il était sur le point de se rendre maître de la ville, il fut obligé de lever le siège, dans la crainte que le roi d’Éthiopie, qui s’avançait avec de grandes forces au secours des Égyptiens, ne vint le surprendre dans son camp. Enfin, les rabbins disent que l’ange qui fit mourir en une nuit les cent quatre-vingt-cinq mille Assyriens, coupa aussi les cheveux, la barbe, et tout le poil du corps de Sennachérib, et qu’il s’en retourna ainsi chargé d’ignominie dans son pays. Ils fondent cette tradition sur ces paroles d’Isaïe (Isaïe 7.20) :
En ce temps-là le Seigneur rasera avec un rasoir emprunté, la tete, le poil des pieds, et toute la barbe dans le roi des Assyriens, et dans ceux qui sont au delà du fleuve.
Le Talmud Babylonien veut que l’armée de Sennachérib ait été détruite par le tonnerre. On cite des Targums, ou Paraphrases chaldéennes qui disent la même chose. D’autres croient qu’elle périt par un vent chaud que Dieu fit souffler contre elle ; vent qui est fort commun dans ces régions-là, et qui y fait de grands ravages, étouffant dans un moment des milliers de personnes, comme il arrive souvent à ces grandes caravanes des mahométans qui vont tous les ans en pèlerinage à la Mecque. Jérémie (Jérémie 51.1), appelle ce vent un vent de destruction. La menace qu’Isaïe (Isaïe 37.7) fait à Sennachérib d’un certain bruit que Dieu lui ferait entendre, Semble encore insinuer ce grand vent [« Le verset (2 Rois 9.35) porte Angelas Domini, mais plus haut, au verset 7, il est dit : « Ecce ego immittam ei spiritum. Nous pensons, dit M. Drach (de l’Harmonie entre rÉglise et la Synagogue, tome 2 pages 374), que l’ange, pour faire périr l’armée de Sennachérib, s’est servi du terrible hhamsin, vent empoisonné, appelé pour cette raison par les Arabes samoum ou bâred samoum, qui souvent frappe de mort subite comme la foudre. Volney décrit les effets du samouin dans son Voyage en Égypte, chapitre 4. Voyez aussi la Chrestomathie arabe de Sacy, tome 1 pages 162 de la nouvelle édition. » Voyez ci-après Simoun].
Khondemir rapporte que l’an 18 de l’hégire, ou 640 de Jésus-Christ, sous le khalifat d’Omar pendant la conquête que les musulmans faisaient de la Syrie, et dans un temps que la peste y régnait, l’on trouva en un sépulcre souterrain, dans le mont Liban, le corps de Sennachérib, dans une chaire d’or avec des caractères syriens, ou chaldéens, qui portaient : « Le plus grand mal qui arrive aux hommes, est l’oubli de la mort, et celui du compte qu’ils doivent rendre à Dieu de leurs actions, quoique les sépulcres de leurs parents et amis qui les environnent, les avertissent de ces deux choses ». Je doute beaucoup que ce tombeau ait été celui de Sennachérib roi de Ninive ; ils ajoutent que Sennachérib dont nous parlons, était de la race d’Ésaü, et qu’il avait souffert durant sa vie de grandes calamités : ce qui est encore incompatible avec le Sennachérib de l’Écriture.
Delort de Lavaur pense,(Conf.de la Fable) que la destruction de l’armée assyrienne par l’ange exterminateur, a est une merveille de la toute-puissance du vrai Dieu si éclatante et si magnifique, qu’étant établie elle ne laisse aucune ressource à l’incrédulité pour douter de toutes les autres merveilles qui sont rapportées dans nos saints Livres.
Cette Histoire, dit-il, est confirmée par le monument authentique qui la représentait, et que le premier des historiens (I) atteste qu’on voyait encore de son temps, près de trois cents ans après ce grand événement ; c’était, dans un temple d’Égypte dédié à Vulcain, une statue de pierre du roi Sennachérib, qui tenait un rat en sa main, avec cette inscription : Qui que tu sois, apprends, en me regardant, à craindre les dieux.
Tous ceux qui ont lu cet endroit d’Hérodote, ont été bien persuadés que c’était la même aventure de l’histoire rapportée dans la sainte Écriture. C’est le même nom de Sennachérib, roi des Assyriens, le même temps, et une semblable déroute de l’armée de ce prince. Hérodote fait le prince assiégé prétre de son Dieu, parce qu’on l’avait confondu avec Isaïe qui, dans l’Histoire sainte, est uni au roi Ézéchias. Ce sont, dans l’une et l’autre histoire, la piété, les prières et l’état de ces princes qui obligèrent leur Dieu à les délivrer miraculeusement. On voit même dans l’histoire véritable les Égyptiens mêlés avec les Juifs. Une si parfaite ressemblance (avec la statue et l’inscription) n’a pas laissé lieu de douter que, dans l’original et dans la copie, ce ne fût le même événement. Mais les traditions populaires ne conservent jamais la pureté de l’histoire ; elles ne manquent pas d’y mêler de quoi l’altérer et la corrompre.
Les Égyptiens, pour s’en faire honneur, l’avaient transportée chez eux ; car, outre qu’ils étaient alliés des Juifs, et particulièrement unis à eux contre le roi des Assyriens, qui étendit ses conquêtes dans la même guerre sur les uns et sur les autres, ils avaient presque autant d’intérêt que les Juifs à cette défaite de Sennachérib, qui se disposait à marcher contre eux avec toutes ses forces, après qu’il aurait pris Jérusalem.
Hérodote rapporte donc, comme il l’avait appris des prêtres égyptiens (suivant une tradition corrompue par l’intervalle de près de trois siècles, et par une mauvaise explication de l’inscription hiéroglyphique de la statue), que Séthon, roi d’Égypte et prêtre du dieu Vulcain, se vit abandonné de tous les gens de guerre de son royaume et sans aucun secours, lorsque le roi Sennachérib vint envahir l’Égypte avec une armée nombreuse. Alors privé de tout moyen de se défendre, il se retira dans le temple où était la statue de son dieu ; il y fit ses lamentations sur son état déplorable, et demanda avec des gémissements le secours de la divinité qu’il servait : le dieu, qui en eut pitié, lui apparut et lui promit son secours. Avec cette confiance il s’avança, accompagné seulement d’un petit nombre de gens qui n’avaient jamais porté les armes ; et quand les ennemis furent près, une multitude innombrable de rats vinrent dans leur camp, et rongèrent toutes leurs flèches, leurs arcs et leurs boucliers ; si bien que le lendemain ce quise put sauver de cette nombreuse armée (dont la plus grande partie avait péri) étant sans armes, fut obligé de prendre la fuite. Voilà ce qu’Hérodote conte de la tradition des Égyptiens pour I explication de la statue de Sennachérib et de l’inscription qu’elle portait.
Cette histoire, qui est la même que celle du Sennachérib de notre sainte Écriture, est défigurée, parce qu’on n’a pas considéré ou entendu le symbole hiéroglyphique que la statue tient dans sa main.
Il est assez connu que les Égyptiens, entre les autres peuples, s’expliquaient (particulièrement pour ce qui regardait la religion), dans des monuments publics et durables, par des caractères et des symboles hiéroglyphiques qui leur étaient propres. Diodore enseigne que leurs premiers caractères n’étaient pas composés de lettres et de syllabes, mais de la représentation de divers animaux, ou des membres du corps humain, ou des instruments des arts. Dans le traité de la Philosophie mystique des Égyptiens, donné sous le nom d’Aristote, il est attesté que c’était l’usage des Chaldéens’ et des Égyptiens. On trouve dans Phérécide de Scyros, maître de Pythagore, et dans Hérodote, qu’un roi des Scythes avait envoyé à Darius, qui avait passe le Danube avec une armée pour venir l’attaquer dans ses États, ces symboles au lieu de lettres : un rat, une grenouille, un oiseau et cinq flèches ; ce qui fut expliqué par un mage qui était auprès du roi des Perses, en cette manière : Si nous ne nous cachons sous la terre comme des rats, ou sous les eaux comme les grenouilles, ou si nous ne nous envolons comme des oiseaux, nous serons percés par leurs flèches. On désignait notoirement la terre par le symbole des rats. Ainsi ce rat, dans les mains de la statue de Sennachérib, signifiait probablement que son armée avait été abattue et mise par terre, par la puissance du dieu qu’il avait méprisé, et que son exemple enseignait de craindre, comme l’inscription le criait à tous ceux qui voyaient ce monument. C’est ce que la tradition populaire avait corrompu dans la succession des temps, en y mêlant par l’ignorance ou par l’oubli du hiéroglyphe, une multitude de rats pour ronger et rendre inutiles les armes de l’armée de Sennachérib. Dans le fond, l’effet serait le même, mais une pareille explication change le sens véritable du monument, conforme à l’original de l’Histoire. Les rats signifiaient donc, ou être cachés dessous, ou être étendus sur la terre. »