Ce nom vient du grec Apostolos, qui signifie un envoyé. Le Hébreux avaient leurs apôtres, qui étaient envoyés par leur patriarche, pour recueillir chaque année certaine espèce de tributs que les Juifs lui payaient, et qui étaient appelés aurum coronarium. On prétend que, dès avant Jésus-Christ, ils avaient une autre sorte d’apôtres, dont l’emploi était de recueillir le demi-sicle, que chacun des Israélites devait payer par tête au tabernacle, ou au temple du Seigneur (Exode 30.13 Matthieu 17.23). Les députés qui avaient soin de faire payer ce demi-sicle avant la destruction du temple, pouvaient être appelés apôtres. Mais je ne remarque pas distinctement que ce nom leur ait été donné, comme il le fut à d’autres officiers des grands-prêtres, et des chefs du peuple, qui étaient envoyés pour porter leurs ordres dans les villes et dans les provinces, dès qu’il s’agissait des affaires de la religion.
Par exemple, saint Paul fut député. synagogues de Damas, potir arrêter et mettre en prison ceux qui professaient la religion de Jésus-Christ. Cet apôtre fait allusion à cette coutume, selon la remarque de saint Jérôme, lorsqu’à la tête de son Épître aux Galates, il dit qu’il est apôtre, non de la part des hommes, ni par l’autorité d’aucun homme, mais par Jésus-Christ. Comme s’il disait qu’il n’est pas apôtre, à la manière de ceux qui se voyaient parmi les Juifs, qui ne tenaient leur mission que des princes des prêtres, ou des principaux de la nation, mais qu’il était apôtre de Jésus-Christ même.
Eusèbe et le même saint Jérôme parlent aussi des apôtres qui furent envoyés par les Juifs, pour décrier Jésus-Christ et ses disciples. Saint Justin le martyr, dans son dialogue contre Tryphon, dit qu’ils envoyèrent ceux qu’ils appellent apôtres, qui portèrent des lettres circulaires pleines de calomnies contre les chrétiens. Saint Épiphane, parlant de ces apôtres, remarque que c’était parmi les Juifs un emploi fort honorable et fort lucratif.
À l’égard des apôtres de Jésus-Christ, ils furent les premiers et les plus distingués de ses disciples ; il leur donna la principale autorité, les remplit de son Esprit, les fit dépositaires de ses mystères, et les choisit du milieu de tous ceux qui le suivaient, pour établir sur eux l’édifice de son Église. Jésus-Christ les envoya, après sa résurrection, dans tout le Inonde, pour prêcher et baptiser au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit ; leur donna le pouvoir de faire toutes sortes de miracles et de guérisons.
Voici les noms des douze apôtres choisis par Jésus-Christ : 1. Pierre, 2. André, 3. Jean l’Évangéliste, 4. Philippe, 5. Jacques le Majeur, 6. Barthélemi, 7. Thomas, 8. Matthieu, 9. Simon, 10. Thadée, ou Jude, 11. Jacques le Mineur, 12. Judas d’Iscariote. Ce dernier ayant trahi son Maître, et s’étant pendu de désespoir, on choisit en sa place saint Matthias. Enfin saint Paul, ayant été converti d’une manière miraculeuse, par Jésus-Christ même, a été compté parmi les apôtres du premier rang. Nous donnerons en particulier la vie de chaque apôtre sous son titre.
Les ennemis du christianisme n’ont cessé de déclamer contre les apôtres, depuis les Juifs qui les accusaient d’être des magiciens, et les philosophes comme Porphyre ou Celse qui les déclaraient débauchés et imbéciles, jusqu’à Dupuis qui les a astronomisés ou plutôt escamotés, comme l’a dit un homme d’esprit, et jusqu’à un M. Reghellini de Schio, qui les prend pour ces Juifs qui, sous le nom de zélateurs, firent à leur patrie les maux dont Josèphe nous a laissé le triste tableau ; ils ont tant déclamé, dis-je, qu’il serait à propos de présenter des considérations générales sur ces premiers héros du christianisme ; mais la nature de ce Dictionnaire ne nous permet pas de nous étendre autant que le suivi semble le demander. Aussi, nous bornerons-nous à indiquer des ouvrages où on trouvera quelques-unes de ces considérations, par exemple, la Démonstration évangélique d’Addison, sect. V ; l’Histoire de l’établissement du Christianisme de Bullet, notes 7, 12, 20, 36 ; la Certitude de la Religion révélée, par Statler, chapitre 7 art. 2
Je ne puis cependant m’empêcher de faire ici deux citations, parce que j’aurai lieu d’y renvoyer de plusieurs articles. Le témoignage des savants païens touchant la prédication de l’Évangile par les apôtres est une très-grande preuve en faveur de la croyance chrétienne relativement à la mission des apôtres, si les savants païens ont pu s’informer par eux-mêmes de la vérité de l’histoire de Notre-Seigneur. Addison l’a bien senti, et c’est de cette preuve qu’il s’occupe dans la section de son ouvrage que nous avons indiquée. Nous trouvons dans le Cours de littérature de M. Amédée Duquesnel, professeur de l’Université de Paris, un passage qui se rapporte à cette même question et que voici : a Saint Paul vient établir à Rome une école fréquentée sans doute de préférence par les enfants, les pauvres et les esclaves, mais qui ne fut peut-être pas inconnue aux philosophes. Il en est un surtout qui a dû la connaître ; c’est ce bel esprit curieux, ce courtisan si bien informé des choses de son temps, cet homme universel qui était à la recherche de toutes les idées nouvelles, Sénèque, le premier moraliste peut-être de toute l’antiquité. On a prétendu qu’il avait existé une correspondance entre lui et saint Paul, et que même elle était parvenue jusqu’à nous ; mais, sans accepter un témoignage qui ne paraît nullement authentique, il suffit de lire avec attention les ouvrages du stoïcien, pour croire qu’en effet son intelligence a pu être éclairée d’un reflet des idées chrétiennes (Voyez Sénèque).
Sénèque a fait un beau livre sur la Providence, qui, du temps de Cicéron, n’avait pas encore de nom à Rome. Il parle de Dieu avec le langage d’un chrétien, car non-seulement il l’appelle Notre Père, mais il veut, comme dans l’Oraison Dominicale, que sa volonté soit faite. Il enseigne qu’il doitêtre honoré, et ainsi il voit entre les hommes une parenté naturelle qui touche presque à la fraternité universelle des disciples du Christ. Avec quelle force il revendique les droits de l’humanité pour l’esclave né de la même origine que nous, asservi par le corps, mais libre par l’esprit ! Et lorsqu’il parle à mots couverts, sous la vive impression d’un souvenir qui perce à travers les voiles d’une fiction philosophique, du supplice des premiers martyrs dont il avait été témoin dans les jardins de Néron, lorsque après avoir décrit le pal qui traverse le cou et sort par la bouche, la tunique tissée et revêtue de tout ce qui peut servir d’aliment à la flamme le glaive qui vient rouvrir les blessures à demi fermées et faire couler un sang nouveau par les plaies devenues des cicatrices, il montre la victime au milieu de ces tortures, calme, souriant et souffrant de bon cœur, regardant ses entrailles à découvert, et contemplant ses souffrances de haut : Invictus ex alto dolores suos spectat ; lorsque enfin il s’écrie : Que celui dont l’âme a conçu l’éternité ne s’effraie donc d’aucune menace ! comment s’effraierait-il celui pour qui la mort est une espérance ? ne croirait-on pas entendre quelque légende chrétienne, et faut-il s’étonner que quelques Pères l’aient appelé dans une sorte d’enthousiasme reconnaissant : Seneca noster ?
Après Sénèque, sont venus Epictète, Marc Aurèle qui se sont élevés d’un degré de plus encore dans l’échelle de la sagesse, parce qu’alors le soleil du christianisme avait monté lui-même de quelques degrés sur l’horizon social. Leurs méditations sont une introduction à la vraie religion, dont ils semblaient dignes d’être les disciples…
Nous pourrions ajouter à ces noms ceux des grands jurisconsultes Ulpien, Paul, Gaïus, qui firent pénétrer dans le vieux droit romain, dur, si inflexible, si exceptionnel, les doctrines de Sénèque, leur maître, et les principes immuables de la raison et de la justice.
Voici maintenant un coup-d’œil historique sur le pouvoir législatif des apôtres ; ce morceau, dû aussi à une plume laïque, embrasse en résumé plusieurs questions importantes :
Les apôtres, dit M. Charles de Riancey avaient reçu l’ordre du Maître au moment où il s’élevait sur les nuées. Ils allèrent donc ; et dans les cités, dans les bourgs, dans les campagnes, partout où se porta leur marche, ils répandirent la parole divine. Certes, ils ne doutaient pas de leur mission : Il y en a, dit saint Paul (Galates 1.7-8), qui vous troublent, qui veulent renverser l’Évangile du Christ. Mais quand nous vous annoncerions nous-mêmes, ou quand_ un ange du ciel vous annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème. Une autre fois il écrit (1 Corinthiens 7.10) : Que ceux qui sont mariésne renvoient pas leurs femmes ; ce n’est pas moi qui le défends, c’est le Seigneur. À mesure qu’ils s’avançaient, ils fondaient des églises sur leur passage ; et celles-ci, gardiennes de la foi, conservant le dépôt précieux de la vérité, en communiquaient elles-mêmes à l’entour la précieuse semence, germe de nouvelles églises. Voilà, en effet, comment toutes les églises particulières ont été fondées, voilà comment on en voit naître encore sous les pas des missionnaires que députe aux infidèles le Siége éternellement apostolique. Toutes, elles ont la même source, la même origine, le même principe ; si elles sont les églises du Christ, elles ne sont que les branches produites par le même tronc. Toutes, elles remontent, par une généalogie manifeste, aux premiers propagateurs du christianisme, toutes, elles en sont les filles, ou, au moins et à divers degrés, elles en sont les directes et légitimes descendantes.
Seuls, les apôtres pouvaient leur donner la vie ; seuls, ils pouvaient aussi transmettre à l’Église universelle le pouvoir qui leur a. été transmis par le Fils de Dieu au nom du Père tout-puissant. Qui prêchera s’il n’en a reçu mission ? On ne prend pas de soi-même un pareil honneur, mais il faut y être appelé par Dieu comme Aaron (Romains 10.15 Hébreux 5.14). Dans la nouvelle loi, comme dans l’ancienne, nul ne peut se présenter sur sa parole. Pour parler au nom du Christ, il faut être envoyé, autorisé par le Christ ; la transmission d’une pareille dignité est évidemment indispensable. Ceux-là mêmes qui sont élus par une vocation extraordinaire, comme saint Paul, doivent, comme lui, en aller demander la consécration aux pieds de saint Pierre.
Mais quel est ce pouvoir que Notre-Seigneur Jésus-Christ a donné à ses apôtres, ce pouvoir qu’ils ont exercé en particulier et tous ensemble, ce pouvoir qu’ils ont transmis à l’Église et que l’Église possède à jamais ? Pour le connaître, voyons-le dans son exercice, dans toute son étendue, dans toutes ses attributions, tel qu’ils en usèrent. Tonte chose a sa démonstration en elle-même : le soleil n’a pas besoin de se prouver autrement que par, la lumière qu’il répand sur le monde.
Remarquons-le toutefois, car c’est un point important, quoiqu’il ne soit point controversé. Parmi les droits et priviléges dont jouirent les apôtres, il en était qui ne devaient point passer nécessairement à leurs successeurs, mais qui leur avaient été concédés en propre, qui étaient attachés à leurs personnes, qui devaient mourir avec eux. Qui ne le conçoit ? Alors que le sang du Sauveur était encore, pour ainsi parler, tout chaud sur la terre ; dans un temps où la diffusion immédiate, instantanée et universelle de la foi, pouvait paraître un signe nouveau et éclatant de son origine ; quand surtout l’humanité gémissait depuis un si long temps dans l’esclavage, se désespérait sous le poids de ses fers et semblait arrivée à l’agonie suprême et à la mort, n’aurait-il pas été digne de la justice et de la miséricorde divines de répandre avec plus d’abondance et d’activité la grâce de la rédemption et de la vie ? Quoi de plus naturel aussi que de voir quelque puissance spéciale et quelque dignité d’honneur accordées extraordinairement par le Maître souverain à ses propres disciples, qui l’avaient vu, qui l’avaient entendu, qui avaient conversé et vécu avec lui, qui avaient été directement instruits par sa bouche et qu’il laissait après lui comme ses représentants ? C’est ainsi que tous les apôtres reçurent personnellement, comme saint Pierre, la mission de prêcher, de baptiser, d’instruire, de fonder des églises, d’établir des évêques et d’imposer des lois aux évêques aussi bien qu’aux simples fidèles confiés à l’autorité pastorale. Ajoutez à cela les autres grâces que le Roi souverain daigna leur accorder comme des lettres de créance à ses ambassadeurs ; caractères spéciaux et exceptionnels, tels que le don des miracles, le don des langues, le don de l’infaillibilité que chacun d’eux posséda en particulier, et qui manifestaient leur mission surnaturelle dans l’ordre triple des faits, de la parole et de la pensée.
Quant à ces droits extraordinaires de l’apostolat, les compagnons de Pierre furent ses égaux, mais ils n’en restèrent pas moins soumis à leur chef, parce que celui-ci avait une juridiction suprême, universelle et immédiate sur toute l’Église. Saint Léon l’explique : Entre les bienheureux apôtres, l’honneur était semblable, mais il y avait une distinction d’autorité ; car si l’élection de tous était du même ordre, il n’avait été donné qu’a un seul d’être le supérieur de tous.
Il y avait aussi des droits ordinaires que les apôtres durent transmettre aux successeurs nommés par eux et qui font le droit général. Ainsi, quelles étaient leurs principales fonctions, leur occupation capitale, leur but nécessaire ? Annoncer la destrudlion de l’idolâtrie, la connaissance du vrai Dieu, les mystères de l’incarnation du Verbe et de la rédemption du genre humain, la grâce du Christ qui remet les péchés, l’espérance qu’elle nous donne en nous rendant accessible la vie éternelle, les moyens enfin par lesquels cette grâce auguste s’obtient, se conserve et se développe ; proclamer la foi, enseigner qu’elle est nécessaire pour le salut et prémunir les fidèles contre les séductions de l’erreur ; enfin, si quelque controverse s’élevait, répondre à toutes les questions, résoudre tous les problèmes, de-finir et juger, voilà par où ils commençaient toujours. Puis, quand la bonne nouvelle avait été proclamée, quand la parole évangélique avait gagné les esprits et était descendue dans les cœurs, marquer les croyants du sceau du baptême, les faire entrer dans l’Église à travers cette eau régénératrice, les inscrire dansles rangs de la milice chrétienne, et dès-lors leur accorder successivement la communication de ces biens spirituels qui soutiennent l’âme dans le temps et la rendent capable de gagner l’éternité, c’était alors leur soin et leur devoir ; car il nè leur avait pas été dit seulement : Allez et enseignez, mais aussi : Baptisez toutes les nations. Dans cette parole, toute leur conduite était tracée, parce que le baptême est le sacrement d’où découlent tous les autres ; parce qu’il marque les chrétiens du sang de l’Agneau et les rend dignes de l’héritage céleste ; parce qu’enfin, selon l’expression de Fénélon, c’est la porte du christianisme et le fondement de tout l’édifice spirituel. Et l’on voit, en effet, qu’après avoir lavé de cette façon sur leur front les dernières traces de la condamnation ancienne, les envoyés du divin Maître continuaient en son nom à faire descendre l’Esprit-Saint sur les disciples, à leur remettre leurs péchés, à les appeler à la table eucharistique, à bénir leur union qu’ils élevaient par la grâce à une dignité nouvelle, à recruter parmi eux l’ordre du sacerdoce, et enfin à sanctifier leurs derniers moments comme ils avaient béni leur berceau, par une auguste et sainte onction.
Les fidèles dnt donc accepté par la foi la société une, sainte, catholique et apostolique. Ils sont entrés par le baptême dans la cité choisie ; ils y vivent dans l’union par la communauté des sacrements ; ils forment le bercail, le peuple, le royaume de Dieu. Mais si ce bercail, ce peuple, ce royaume, sont constitués, reste le gouvernement quotidien, la vigilance de tous les jours ; reste à conduire ceux qui font partie de la société nouvelle dans les droites voies où il faut qu’elle marche ; il s’agit de façonner, de former la vie des chrétiens sur la doctrine qui leur a été prêchée. En effet, les apôtres règlent tous les actes, toute la conduite, toutes les mesures, avec autant de fermeté que de prudence ; aucun détail n’est négligé : à leur sollicitude scrupuleuse, à leur exactitude austère, à leur sévérité paternelle, à leur dévouement infatigable, on reconnaît évidemment la pensée qui les dirige ; on sent qu’ils ne croyaient pas qu’il y eût rien d’indifférent à la dignité chrétienne. Que si, en définitive, toute beauté doit résider dans l’Église, si la loi tout entière n’est que l’imitation du Dieu fait homme ; si conséquemment tout doit être composédans la vie du croyant de façon à reproduire, autant que possible, l’image vivante proposée pour modèle, on le comprend, les plus pardonnables négligences sont encore des violations de la règle. Il est donc de devoir non-seulement de croire et de pratiquer la vérité dans les choses essentielles, mais aussi de s’en rapprocher en toutes circonstances de toutes les forces que Dieu nous a données. Et aussi, l’Apôtre ne se contente pas d’ordonner l’observation des grands préceptes et des devoirs parfaits et imparfaits ; mais il descend ensuite aux plus simples xeconamandations ; il ne veut pas qu’on sacrifie même ce qui n’est que de convenance. N’oubliez ni la vérité, ni la pudeur, ni la justice ; ne négligez rien de ce qui intéresse la sainteté, une aimable candeur, la bonne réputation, tout ce qui pourrait toucher à la vertu, à la perfectionde la discipline. Ce sont les paroles de saint Paul (Philippiens 4.8).
Dans cette sphère, l’autorité des apôtres est incessamment active ; elle s’y meut, elle s’y exerce sans cesse ; cependant elle ne s’y borne pas, et elle paraît dans mille autres occupations. Sur le terrain catholique, il n’y a pas un point où elle ne se trouve, qu’elle ne vivifie et qu’elle n’éclaire.
Il suffit de se rappeler que le Christ n’a pas voulu réduire en préceptes tout ce, que dans les détails, l’Église devait, selon les temps et les lieux, pratiquer ou négliger, permettre ou défendre. Il l’a remise sous la direction perpétuelle et assurée du Saint-Esprit. J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne sauriez les porter maintenant. Lorsque l’Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité (Jean 16.12-13). Ainsi dans le droit sacré il y a une loi positive, proférée directement par Dieu ; il y a aussi une autre loi portée par une autorité humaine et néanmoins sacrée, établie par Dieu ; de telle sorte que cette loi n’a pas moins de force que l’autre, puisque le Seigneur a dit : Qui vous écoute m’écoute ; qui vous méprise me méprise (Luc 10.16). Et d’autre part ; Si quelqu’un n’écoute pas l’Église, qu’il soit comme un païen et comme un publicain (Matthieu 18.17). C’est de cette loi que découlent presque tous les réglements de discipline, et les apôtres en instituèrent pour leur part un grand nombre.
Parmi les prescriptions établies pour régulariser, par une sorte de police intérieure, l’existence de l’Église et son action spirituelle, citons-en seulement quelques-unes tirées de leurs Épîtres. On les voit s’occuper de l’usage et des abus des agapes, du don des langues et de la prophétie ; de la tenue et de la conduite des femmes dans les assemblées, des prières publiques pour les puissances, du ministère des veuves dans les affaires de la religion (1 Corinthiens 11.20-22 ; 1 Timothée 2.2 ; 5.9). La tradition constante de l’Église affirme aussi qu’ils ne laissaient pas tomber en désuétude l’exercice du jeûne recommandé par Jésus-Christ lui-même, selon le témoignage de Saint Matthieu (Matthieu 9.15) : Un jour viendra où, l’Époux vous aura été enlevé, et alors vous jeûnerez. Elle constate aussi que diverses prescriptions sur les vigiles des fêtes, les rites mortuaires, la célébration de la Pâque et plusieurs solennités religieuses, remontent d’une manière indubitable jusqu’à l’institution des apôtres.
À la même origine se rapportent, plus évidemment encore, s’il est possible, les coutumes qui président au choix et au recrutement des ministres dans la sainte hiérarchie. L’Apôtre des gentils écrit à Timothée : Je suis une victime ; le temps de mon sacrifice approche, hâte-toi de venir vers moi (2 Timothée 4.6-8). Le prince des apôtres dit encore plus nettement : Je crois juste de vous élever en dignité pendant que je suis encore sous la tente ; car je vais bientôt plier ma tente (2 Pierre 1.13-14). Or, il y a trois conditions nécessaires pour arriver à la dignité de l’ordre et où l’autorité apostolique se manifesta clairement. En premier lieu, elle a défini les qualités requises pour obtenir la délégation de l’ordre. En second lieu, elle a consacré cette délégation, ce choix, par une solennité, par des cérémonies, par des formes sacramentelles, telles que la prière, le jeûne, l’imposition des mains réservée aux évêques ; ce qui fait, ce qui constitue l’ordination. En troisième lieu, elle a prescrit des canons auxquels les ministres, revêtus du signe sacerdotal, doivent se conformer dans leur conduite et dans leurs fonctions. Je vous écris, dit l’un des apôtres, pour que vous sachiez comment vous conduire dans la maison de Dieu. Les conseils, les exhortations, les commandements ne manquent pas aux pasteurs institués de la part de ceux ont communiqué leur autorité (1 Timothée 3.2-7 Tite 3.14 2 Timothée 1.13 Actes 6.3-6 ; 13.2-5). Notre-Seigneur a dit à saint Pierre : Pais mes brebis et mes agneaux. Saint Pierre dit, à son tour, à ses coopérateurs : Paissez dans le troupeau de Dieu la portion qui vous a été confiée, non comme contraints et forcés, mais spontanément et selon Dieu ; que ce soit, non par le honteux appât du gain, mais par un libre effet de votre volonté ; non pour imposer un joug effet clercs, mais pour inspirer votre esprit à votre troupeau (1 Pierre 5.2-3).
Telle est la vie de chacun des douze, telle est l’étendue du pouvoir qu’ils exercent et dont leur histoire fait foi. Cette action de chacun deux avait pour principe la mission divine, l’institution confiée directement par le Fils de Dieu. Toutefois, il entrait dans les devoirs de leur apostolat de consulter leur prince, de se réunir et de convoquer des assemblées dans l’Église ; de tenir, pour ainsi parler, de saints comices autour de Pierre, s’ils croyaient utile qu’il en fût ainsi pour l’accomplissement de leurs charges ; et souvent ils le firent soit pour prendre quelque décision générale, soit pour arrêter quelque point important dans les affaires communes, soit dans les cas toujours graves de schisme, de trouble et d’hérésies. C’est au milieu d’une assemblée chrétienne que Matthias a été élu ; plusieurs fois encore Jérusalem verra se tenir ces augustes séances où les apôtres, joints au premier pasteur, commencèrent ainsi leurs décrets : Il a plu au Saint-Esprit et à nous (Actes 1.15 ; 4.23 ; 6.4-8 ; 11.2 ; 15.1). Voilà l’origine des conciles… [Voyez Concile].
À ce simple exposé, et quand on considère ce que le divin Maître a voulu faire par l’entremise de ses envoyés, on conçoit comment l’Église joint avec honneur à tous ses titres (Une, Sainte, Catholique) celui d’Apostoliqtie. Et qu’on ne craigne point du reste que le tableau soit infidèle, que tous les traits n’en soient pas d’une exactitude rigoureuse, que rien dans l’ensemble ou dans les détails ait été retranché, ajouté ou modifié. Nous avons dit la vie des apôtres telle qu’ils l’ont dite eux-mêmes. Le livre de leurs Épîtres réunies, leur correspondance publique et avouée par tous les fidèles qui la reçurent ; le livre où ils ont déposé comme l’acte et le procès-verbal authentique de toute leur conduite : tels sont les témoignages qui établissent et qui prouvent ce récit. Et quoi de plus net et de plus sûr que ces mémoires et ces lettres ? quoi de, plus certain que cette histoire racontée à la postérité par ceut-là mêmes qui en sont les personnages, et fortifiée par l’assentiment de tous ceux avec lesquels ils furent en communication continuelle ?
Résumons-nous, maintenant. Le pouvoir des apôtres fut un pouvoir d’inspection, un pouvoir législatif, un pouvoir exécutif. À chaque pas qu’ils font en avant, ces conquérants portent leurs regards en arrière, non pour reculer, mais pour assurer leur victoire. Ils ne se contentent pas de propager la foi, il faut qu’ils la maintiennent et la conservent. Aussi ils ne ferment pas leurs paupières ; ils ne dorment pas ; ils ont l’œil partout. Saint Pierre se rend ce témoignage : J’ai passé parmi vous tous. Mon cœur est saisi d’une grande sollicitude pour toutes les églises, témoigne aussi saint Paul (2 Corinthiens 11.28). Les douze prient et veillent, et leur vigilance ; ils la recommandent et la coinrnuniquent aux évêques qu’ils instituent : Veillez, veillez sur le troupeau (Actes 20.28-41). C’est toujours le même conseil. Ils rappellent les lois que la vigilance des pasteurs doit établir, conserver, appliquer. Leurs lettres, dit saint Chrysostome, sont des sois écrites. Elles étaient acceptées ainsi ; elles étaient sanctionnées par ce principe : Qui vous écoute m’écoute. Elles embrassaientt toute matière. Dans une de ses Épîtres, saint Paul trace des règles de procédure à l’égard du prêtre, et décide qu’il ne saurait être accusé que sous la responsabilité de deux ou trois témoins (1 Timothée 5.19). Enfin, ils exécutaient personnellement ou faisaient exécuter la loi qu’ils avaient proclamée. On sait la sentence portée contre l’incestueux de Corinthe, contre Simon le magicien, contre des hérétiques ; et quelles déclarations d’ailleurs : Que voulez-vous ? voulez-vous que nous venions armés de la verge ou animés de la charité (1 Corinthiens 4.21) ?
Ce triple pouvoir législatif, exécutif et d’inspection, c’est le pouvoir de l’Église : il y a existé sans cesse ; il y existe encore. Son droit est la parole de Dieu ; son origine est l’origine apostolique ; son but est de maintenir toujours l’Église telle que Notre-Seigneur Jésus-Christ l’a fondée : Une, Sainte, Catholique, Apostolique.