L’Écriture parle de plusieurs tremblements de terre naturels. Un des plus fameux est celui qui arriva la vingt-septième année d’Ozias (2 Chroniques 26.19 2 Rois 15.5-6,70), roi de Juda, l’an du monde 3221, avant Jésus-Christ 779, avant l’ère vulgaire 783. Il est parlé de ce tremblement dans Amos (Amos 4.1), et dans Zacharie (Zacharie 14.5), et dans Josèphe, qui ajoute qu’il fut si violent, qu’il détacha la moitié de la montagne qui était à l’occident de Jérusalem, et la fit rouler dans l’espace de quatre stades, ou cinq cents pas ; en sorte qu’elle ne fut arrêtée que par la rencontre de la muraille qui est du côté de l’orient de Jérusalem ; la terre ayant fermé le chemin et couvert les jardins du roi.
Un autre tremblement de terre fort célèbre est celui qui arriva (Matthieu 27.51) à la mort de notre Seigneur. Plusieurs ont cru que ce mouvement se fit sentir par tout le monde ; d’autres tiennent qu’il ne fut sensible que dans la Judée, ou même dans le temple, dont il ébranla les portes et dont il rompit le voile. Saint Cyrille de Jérusalem dit qu’on montrait encorede son temps, sur le Calvaire, des rochers fendus par la force de ce tremblement. Il faut qu’il ait été accompagné de circonstances fort effrayantes, puisque le centurion et ceux qui étaient avec lui en furent si touchés, et reconnurent l’injustice de la condamnation de Jésus (Luc 23.47). Plégon, affranchi d’Adrien, racontait qu’avec l’éclipse qui arriva au milieu du jour, en la quatrième année de la deux cent deuxième olympiade, et qui revient à l’an 33 de l’ère commune, il y eut aussi un très-grand tremblement de terre, qui se fit principalement sentir en Bithynie.
L’Écriture exprime assez souvent sous le nom de tremblement de la terre, d’agitations des montagnes, de secousses des fondements de l’univers, les effets de la puissance, de la présence, de la colère ou de la vengeance du Seigneur. Mais on ne doit pas toujours prendre ces expressions d’une manière littérale, comme si réellement la terre avait tremblé ou que les montagnes eussent été ébranlées. Ce sont des exagérations qui nous font sentir la grandeur, la force, le souverain pouvoir de Dieu. Voyez psaume (Psaumes 103.32) : Qui respicit terram, et facit eam tremere ; psaume (Psaumes 17.8) : Fundamenta montium conturbata sunt, et commota sunt ; et psaume (Psaumes 45.3-4) : Non timebimus dum turbabitur terra, et transferentur montes in cor maris… Conturbati sunt montes in fortitudine ejus ; et psaume (Psaumes 113.4) : Montes essultaverunt ut arietes, etc. A facie Domini mota est terra, etc [Il y eut, au temps des croisades, plusieurs tremblements de terre en Syrie. Ces affreux malheurs arrivaient ordinairement après d’autres calamités. En l’année onze cent treize, e des nuées de sauterelles, venues de l’Arabie, dit M. Michaud (Histoire des Croisades, tome pages 49), achevèrent de ravager les campagnes de la Palestine [qui venaient de l’être par la guerre]. Une horrible famine désolait le comté d’Edesse el la principauté d’Antioche. Un tremblement de terre se fit sentir depuis le mont Taurus jusqu’aux déserts de l’Idumée : plusieurs villes de Cilicie n’étaient plus que des monceaux de ruines ; treize tours de la ville d’Edesse et la citadelle d’Alep s’écroulèrent avec fracas ; les plus hautes forteresses couvrirent la terre de leurs débris, et leurs commandants, musulmans ou chrétiens, cherchèrent un asile avec leurs soldats dans les forêts et les lieux déserts ; une tour d’Antioche, plusieurs églises et d’autres édifices de la ville furent renversés. On attribua ce terrible fléau aux péchés des chrétiens. Gauthier le Chancelier (Voyez Biblioth des Croisades, Ire partie) nous fait une peinture hideuse des scandales et des prostitutions dont il avait été lui-même témoin. La pénitence fut excessive, comme l’avait été le désordre des mœurs : tout le peuple d’Antioche priait jour et nuit, se couvrait du cilice, couchait sur la cendre. Les femmes et les hommes allaient séparément de place en place, d’église en église ; nu-pieds, la tête rasée, se meurtrissant le sein, et répétant à haute voix : Seigneur, épargnez-nous ! Ce ne fut qu’après cinq mois que le ciel se laissa toucher par leur repentir et que les tremblements de terre cessèrent d’effrayer les cités. En 1170, Si la guerre (ibid. 24.0) avait cessé un-moment ses ravages, cet intervalle de paix n’était dû qu’à un horrible fléau qui venait désoler la Syrie. Un tremblement de terre avait ébranlé toutes les cités : Tyr, Tripoli, Antioche, Emèse, Alep, n’offraient plus que des pierres entassées ; la plupart des places fortes virent tomber leurs plus solides remparts, et perdirent à la fois leurs habitants et leurs défenseurs.
En 1200, les plus grandes calamités reparurent avec plus de fureur que jamais.
Tandis que la Grèce était en proie à tous les ravages de la guerre (idem, tome 3 pages 252-255), des fléaux plus cruels désolaient l’Égypte et la Syrie. Le Nil, suspendant son cours accoutumé, cessa d’inonder ses rivages et de fertiliser les moissons. La dernière année de ce siècle s’annonça, dit un auteur arabe, comme un monstre dont la fureur allait tout dévorer. Quand la famine eut commencé à se faire sentir, le peuple fut condamné à se nourrir de l’herbe des champs et de la fiente des animaux. On voyait les pauvres fouiller les cimetières et disputer aux vers les dépouilles des cercueils. Quand le fléau devint plus général, la population des villes et des campagnes, comme si elle eût été poursuivie par un ennemi impitoyable, fuyait en désordre, errait au hasard de cité en cité, de village en village, et trouvait partout le mal qu’elle voulait éviter. Dans tous les lieux habités, on ne pouvait faire un pas sans être frappé de la vue d’un cadavre ou de quelque malheureux sur le point d’expirer.
Ce qu’il y avait de plus affreux dans cette calamité universelle, c’est que le besoin de vivre faisait commettre les plus grands crimes et rendait tous les hommes ennemis les uns des autres. Dans les premiers temps, on voyait avec horreur ceux qui se nourrissaient de chair humaine ; mais les exemples d’un aussi grand scandale se multiplièrent tellement, qu’on n’en parla plus qu’avec indifférence. Les hommes, aux prises avec la faim, qui n’épargnait pas plus les riches que les pauvres, ne connurent plus la pitié, la honte, le remords, et ne furent retenus, ni par le respect des lois, ni par la crainte des supplices. Ils en vinrent enfin à se dévorer entre eux comme des bêtes féroces. Au Caire, trente femmes, en un seul jour, périrent sur un bûcher, convaincues d’avoir tué et mangé des enfants. L’historien Abdallatif raconte une foule de traits barbares et monstrueux dont le récit fait frémir d’horreur et que nous ne rapporterons point dans cette histoire, de peur d’être accusé de calomnier la nature humaine. Bientôt la peste vint ajouter ses ravages à ceux de la famine. Dieu seul, dit l’histoire contemporaine, connaît le nombre de ceux qui moururent de faim et de maladie. La capitale de l’Égypte, dans l’espace de quelques mois, compta cent onze mille funérailles. À la fin, on ne pouvait suffire à enterrer les morts ; on se contentait de les jeter hors des remparts. La même mortalité se fit sentir dans les villes de Damiette, de Kous, d’Alexandrie. Ce fut à l’époque des semailles que la peste redoubla ses ravages ; ceux qui ensemencèrent ne furent pas les mêmes que ceux qui avaient labouré, et ceux qui avaient ensemencé moururent avant d’avoir fait la moisson. Les villages étaient déserts, et rappelaient aux voyageurs ces expressions du Coran : Nous les avons tous moissonnés et exterminés ; un cri s’est fait entendre, et ils ont tous péri. Des cadavres flottaient sur le Nil, aussi nombreux que les plantes bulbeuses qui, dans un certain temps, couvrent les eaux du fleuve. Un pêcheur en vit passer sous ses yeux plus de quatre cents dans une journée ; on n’apercevait de toute part que des amas d’ossements humains ; les chemins, pour nous servir de l’expression des auteurs arabes, étaient comme un champ ensemencé de corps morts, et les provinces les plus peuplées, comme une salle de festin pour les oiseaux de proie.
L’Égypte perdit plus d’un million de ses habitants. La famine et la peste se firent sentir jusqu’en Syrie, et n’épargnèrent pas plus les villes chrétiennes que les cités musulmanes. Depuis les bords de la mer Rouge jusqu’aux rives de l’Oronte et de l’Euphrate, toutes les contrées n’offraient que des scènes de deuil et de désolation. Comme si la colère du ciel n’eût pas été satisfaite, elle ne tarda pas à se manifester par un troisième fléau, non moins terrible que tous les autres.
Un violent tremblement de terre dévasta les villes et les provinces que la famine et la peste avaient épargnées. Les secousses ressemblaient au mouvement d’un crible, ou à celai que fait un oiseau lorsqu’il relève et abaisse ses ailes. Le soulèvement de la mer et l’agitation des flots présentaient un aspect horrible. Les navires se trouvèrent tout à coup portés sur la terre une grande quantité de poissons furent jetés sur le rivage. Les hauteurs du Liban s’entr’ouvrirent et s’abaissèrent en plusieurs endroits. Les peuples de la Mésopotamie, de Syrie et de l’Égypte crurent voir le tremblement de terre qui doit précéder le jugement dernier. Beaucoup de lieux habités disparurent totalement ; une multitude d’hommes périrent ; les forteresses de Hamah, de Balbec, furent renversées ; il ne resta debout, dans la ville de Naplouse, ; que la rue des Samaritains ; Damas vit s’écrouler ses plus superbes édifices ; la ville de Tyr ne conserva que quelques maisons ; les remparts de Ptolémaïs et de Tripoli n’étaient plus qu’un amas de ruines. Les secousses se tirent sentir avec moins de violence sur le territoire de Jérusalem, et, dans la calamité générale, les chrétiens et les musulmans se réunirent pour remercier le ciel d’avoir épargné dans sa colère la ville des prophètes et des miracles.