Ce terme se prend ordinairement en un sens odieux dans notre langue, pour un prince qui abuse de son autorité pour opprimer ses sujets et pour vexer ses voisins. Mais dans le Grec et dans le Latin tyrannus se prend souvent en bonne part ; et anciennement il n’y avait point de différence entre la signification de tyrannus et de rex. Dans la suite, le nom de tyran devint odieux, surtout dans les villes libres.
Les auteurs sacrés se servent quelquefois du nom de tyrannus pour marquer un prince, un roi. Par exemple, Esther (Esther 6.9). L’Hébreu (Ézéchiel 23.23) lit : Parthumim, qui paraît répondre au grec paratimios, un homme illustre. On lit le même terme de Parthumim dans Daniel (Daniel 1.3), où il est aussi traduit par tyrannus. Mais dans le même Daniel (Daniel 3.2-3), on lit dans l’Hébreu gedabroei au lieu de tyrannus, qui est dans le Grec et dans le Latin. Dans Job (Job 34.19), tyrannus répond à l’hébreu sar, un prince ; et en (Job 35.9), il répond àrabbim, des puissants. Dans Ézéchiel (Ézéchiel 23.23), tyrannus se met pour l’hébreu schuah. Dans Abacuc (Habakuk 1.10), tyrannus est mis pour l’hébreu rasen, qui signifié un satrape, un gouverneur, et qui est apparemment le même que saren ou suren, un grand seigneur. Je ne parle point des livres écrits en grec, comme la Sagesse, l’Ecclésiastique et les Machabées, où le nom de tyrannus se met tantôt en bonne et tantôt en mauvaise part, comme parmi les autres auteurs grecs.
Il est dit dans les Actes des apôtres (Actes 19.9) que saint Paul étant à Éphèse, et voyant que les Juifs auxquels il prêchait, au lieu de se convertir, s’endurcissaient de plus en plus, se retira de leur compagnie, n’alla plus prêcher dans leur synagogue, et se mit à enseigner tous les jours dans l’école d’un certain Tyran. On dispute quel est ce Tyran. Quelques-uns croient que c’était un prince ou un grand seigneur qui lui fournissait sa maison pour y rassembler ses disciples. Mais la plupart sont persuadés que ce Tyran était un gentil converti et ami de saint Paul chez qui il se retira. Le nom de certain Tyran se peut dire également d’un homme de ce nom et d’un prince souverain. D’ailleurs le nom de Tyran était alors trop odieux pour le donner sans correctif à un homme dont on n’aurait eu à dire que du bien. Quelques manuscrits grecs lisent Tyrannios au lieu de Tyrannos ; et d’autres exemplaires portent qu’il enseignait depuis la cinquième jusqu’à la dixième heure. On trouve dans l’histoire plus d’un homme du nom de Tyrannus.