Ville du pays des Philistins, située entre Avilit et Gaza, ssur les bords de la Méditerranée. Elle était à cinq cent vingt stades de Jérusalem. La tribu de Juda, après la mort de Josué, prit la ville d’Ascalon (Juges 1.18), qui était une des cinq satrapies des Philistins. Les anciens ont parlé avec éloge de l’échalotte ; qui tire son nom d’Ascalon. On parle aussi du vin d’Ascalon, et du cypre, arbuste fort estimé, qui y était fort commun. Origène fait mention des puits que l’on voyait à Ascalon, et que l’on disait avoir été creusés par Abrahamet par Isaac. Il est souvent parlé d’Ascalon dans les livres saints. Ce lieu subsiste encore aujourd’hui ; mais c’est fort peu de chose. Auprès d’Ascalon, il y avait un étang rempli de poissons consacrés à la déesse Dercéto, et dont les peuples du pays n’osaient manger, non plus que des colombes, qui étaierai consacrées à la même divinité [« Ascalon avait un temple consacré à Vé-Uranie, lequel fut détruit par les Scythes, 630 ans avant Jésus-Christ ; un autre, dédié à Dercéto, que l’on croit être la même idole que Dagon ; la divinité tutélaire des Philistins, à qui on rendait un culte particulier, et un autre où l’on adorait Apollon, et que desservait comme prêtre, Hérode, le père d’Antipater, et l’aïeul d’Hérode le Grand, qui était lui-même né dans cette ville, ce qui lui fit quelquefois donner le nom d’Ascaionite. Dans les premiers temps du christianisme, Ascalon fut le siège d’un évêché. »
Sur la fin de la première croisade, après la prise de Jérusalem, le 14 août 1100, les Croisés gagnèrent la célèbre bataille d’Ascalon sur les musulmans Égyptiens, conduits par l’émir Afdal, qui faillit tomber au pouvoir des vainqueurs, laissa son épée sur le champ de bataille, et alla s’embarquer sur la flotte venue d’Égypte. « Si on en croit le moine Robert, témoin oculaire, et Guillaume de Tyr, les chrétiens n’avaient pas vingt mille combattants, et l’armée musulmane comptait trois cent mille hommes sous ses drapeaux. Les vainqueurs auraient pu se rendre maîtres d’Ascalon, mais l’esprit de discorde, qu’avait fait taire le danger, ne tarda pas à renaître parmi les chefs, et les empêcha de mettre à profit leur victoire. »
En 1153, Baudouin, roi de Jérusalem, assiègea Ascalon. Cette ville s’élevait en cercle sur le bord de la mer, et présentait, du côté. de la terre, des murailles et des tours inexpugnables ; tous les habitants étaient exercés au métier de la guerre, et l’Égypte, qui avait un si grand intérêt à la conservation de cette place, y envoyait quatre fois par année, des vivres, des armes et des soldats. Les assiègeants construisirent un grand nombre de machines, et entre autres une tour roulante d’une immense hauteur, semblable à une forteresse avec sa garnison. Poussée vers les remparts, elle portait d’affreux ravages dans la ville… À la fin, les infidèles, déterminés à détruire cette machine formidable, jetèrent entre la tour et le rempart une grande quantité de bois sur lequel on répandit de l’huile, du soufre et d’autres matières combustibles ; on y mit ensuite le feu, mais le vent, qui venait de l’orient, au lieu de pousser la flamme contre la tour, la poussa contre la ville ; cet incendie dura tout le jour et toute la nuit, et comme le vent ne changea point de direction, les pierres de la muraille se trouvèrent calcinées par le feu. Le lendemain, au point du jour, le mur tout entier s’écroula avec un fracas horrible ; les guerriers chrétiens accoururent au bruit, couverts de leurs armes ; Ascalon allait enfin tomber en leur pouvoir, un incident singulier vint tout à coup leur dérober la victoire… Le roi de Jérusalem, lui-même, ainsi que les principaux chefs des guerriers, désespérait de la conquête d’Ascalon, et proposait d’abandonner le siège ; le patriarche et les évêques, pleins de confiance dans la bonté divine, s’opposaient à la retraite, et leur opinion ayant prévalu, on se prépara à de nouvelles attaques ; le lendemain, l’armée chrétienne se présenta devant les murailles, excitée par les exhortations des prêtres… Pendant toute la journée, on combattit de part et d’autre avec une ardeur égale ; mais la perte des musulmans fut plus grande que celle des chrétiens ; on convint d’une trêve pour ensevelir les morts. En voyant le grand nombre de guerriers qu’ils avaient perdus, les infidèles tombèrent dans le découragement… Tout à coup le peuple s’assemble en tumulte ; il demande à grands cris qu’on mette un terme à ses maux… Des députés furent nommés pour se rendre au camp des chrétiens et proposer une capitulation au roi de Jérusalem… Ils se présentèrent au camp, sans que personne pût soupçonner l’objet de leur mission ; ils furent admis devant les chefs, et, dans une attitude suppliante, ils annoncèrent la capitulation proposée. À cette ouverture inattendue, tout le conseil fut frappé d’une si grande surprise, que, lorsqu’on demanda aux barons et aux prélats leur avis, aucun d’eux ne trouva de paroles pour répondre, et que tous se mirent à remercier Dieu, en versant des larmes de joie. Peu d’heures après, on vit l’étendard de la croix flotter sur les murs d’Ascalon, et l’armée applaudit par des cris d’allégresse à une victoire qu’elle regardait comme un miracle du ciel. Les musulmans abandonnèrent la ville le troisième jour : les chrétiens en prirent possession et consacrèrent la grande mosquée à l’apôtre saint Paul.
En 1177, Baudouin IV remporta sur Saladin une éclatante victoire, dans cette plaine où les compagnons de Godefroy avaient vaincu trois cent mille Égyptiens. Ce même roi, en mariant sa sœur Si bille à Guillaume-Longue Epée, lui donna Ascalon pour sa dot. En 1187, Saladin assiègea cette ville ; après quelques avantages remportés sur les chrétiens, il leur proposa une capitulation qu’ils acceptèrent par égard pour le roi Guy de Lusignan, que le sultan retenait prisonnier.
Plus tard, dans la troisième croisade, celle de Philippe-Auguste et de Richard Cœur de Lion, Saladin fit détruire la ville d’Ascalon, de même que Joppé et diverses forteresses. Les croisés, en arrivant à Ascalon, n’y trouvèrent qu’un amas de pierres : Saladin en avait ordonné la destruction ; après avoir consulté les imans et les cadis, il avait, de ses propres mains, travaillé à renverser les tours et les mosquées. Un auteur Arabe, déplorant la chute d’Ascalon, nous apprend que lui-même s’assit et pleura sur les ruines de l’épouse de Syrie. L’armée réunie s’occupa de rebâtir la ville ; tous les pèlerins étaient remplis d’ardeur et de zèle : les grands et les petits, les prêtres et les laïques, les chefs et les soldats, même les valets d’armée, tous travaillaient ensemble, se passaient de main en main les pierres et les décombres., et Richard les encourageait, soit en teavaillant avec eux, soit en leur adressant des discours, soit en distribuant ile l’argent aux pauvres. Les croisés, comme on nous, peint les Hébreux construisant le temple de Jérusalem, tenaient d’une main les instruments de maçonnerie et de l’autre l’épée. Ils avaient à se défendre des surprises de l’ennemi, et souvent même quelques-uns d’entre eux faisaient des courses sur le territoire des musulmans. Dans une excursion vers le château de Daroum, Richard délivra douze cents prisonniers chrétiens, qu’on emmenait en Égypte, et ces captifs vinrent partager les travaux des croisés.
Quelque temps après (1190), les infidèles et les croisés paraissaient également fatigués de la guerre ; les deux chefs, Saladin et Richard, avaient le même intérêt à conclure la paix. La disposition des esprits et l’impossibilité de poursuivre les entreprises guerrières firent enfin adopter une trêve de trois ans et huit mois… On convint que Jérusalem serait ouverte à la dévotion des chrétiens, et que ceux-ci posséderaient toute la côte maritime depuis Joppé jusqu’à Tyr. Les Turcs et les croisés avaient des prétentions sur Ascalon, qu’on regardait comme la clé de l’Égypte. Pour terminer les débats, on arrêta que cette ville serait de nouveau démolie. Vers 1271, le sultan Bibars, craignant que les chrétiens ne s’établissent à Ascalon, fit détruire tout ce qui restait des fortifications de cette ville.
À une demi-heure du village d’Hamami, nom qui veut dire colombe, est le village de Machdal, où M. Poujoulat a reconnu une ancienne église convertie en mosquée.« Machdal, dit-il, est dans une plaine ; cette plaine est celle d’Ascalon, dont les ruines couvrent un plateau, une demi-heure à l’ouest de Machdal, vers la mer. Ascalon, appelée aujourd’hui Askalâan, est, après Jérusalem, la ville de Palestine dont le nom doit le mieux sonner à votre oreille, dit-il au célèbre historien des Croisades… La plaine d’Ascalon s’étend à l’est, environ à une lieue de distance ; de ce côté elle est bornée par des élévations qui méritent à peine le nom de Collines ; au nord, la plaine se mêle à d’autres plaines, excepté au nord-ouest, où des hauteurs sablonneuses l’arrêtent et la dominent ; au midi, le côté de la plaine le plus voisin de lamer est borné par des collines de sable ; le reste du côté méridional est ouvert et se confond avec d’autres solitudes. Le village de Machdal, à l’est des ruines d’Ascalon, à une demi-heure de distance, est entouré de grands oliviers, de palmiers, de figuiers, de sycomores, de prairies verdoyantes., de champs d’orge et de blé ; des haies de figuiers d’Inde ferment ces jardins. Les oliviers paraissent pour la plupart d’une grande vieillesse, et pourraient avoir été contemporains de Godefroy et de l’émir Afdal ; ces vergers se prolongent jusqu’au pied des monticules sablonneux qui terminent la plaine au sud, et forment là comme un angle de verdure. Avant d’arriver à l’emplacement d’Ascalon, on passe sur une colline couverte de sable, du haut de laquelle le regard plane sur toutes les terres environnantes. Un long pan de mur, débris d’une ancienne mosquée, s’élève solitaire au-dessus des monts sablonneux, et annonce de loin au voyageur les ruines d’Ascalon…
… Ce que je vois d’abord, ce sont les restes de la forteresse et des remparts de In ville, sur une bande de rochers semblable à une haute chaussée, qui va du nord au sud-ouest et domine l’emplacement de la cité. Je ne vous décris point les vastes débris de cette forteresse et de ses remparts autour desquels le sable s’est amoncelé. Ce qui m’a frappé dans ces ruines, c’est un air de désolation, un caractère de destruction solennelle qui atteste le bouleversement le plus complet. Des jardins clos de petits murs, d’énormes décombres, des pierres de taille, des piédestaux, des fragments de chapitaux et de colonnes, voilà ce qu’on rencontre sur l’emplacement proprement dit de la cité. On m’a montré l’endroit fouillé par la célèbre lady Sthanope, en 1814. Quarante colonnes, dont trois en porphyre, les autres en granit furent rendues à la clarté du soleil ; on trouva trois pavés différents qui marquaient les trois âges du monument ; le premier pavé était à la manière arabe, le second à la manière chrétienne du moyen-âge, le troisième à la manière antique ; ces trois pavés annonçaient que l’édifice avait d’abord appartenu à la déesse Astarté, la Vénus phénicienne, puis au culte du Christ, ensuite au culte de Mahomet. Une statue colossale en marbre, d’une magnifique draperie, était couchée sur le pavé antique ; la tête et les pieds lui manquaient ; le tronc lui seul avait six pieds de longueur…
Ascalon avait la forme d’une flèche, et s’étendait du nord au midi, sur un espace de trois quarts de lieue environ ; de l’est à l’ouest, la cité n’occupait guère plus d’un quart de lieue de terrain. Le plateau de la ville domine de beaucoup la mer. Ascalon n’a jamais eu de port ; sa rade, ouverte à l’ouest, au nord et au sud, n’est abritée que contre les vents d’est qui soufflent rarement dans ces contrées. Des fûts de colonnes de granit et quelques blocs de murs gisent sur le rivage et les vagues les couvrent incessamment de leur écume…
Nous trouvons dans nos chroniques des guerres sacrées de précieux détails sur Ascalon. Guillaume de Tyr a décrit ces lieux avec beaucoup de vérité ; il nous apprend’quela cité n’avait aucune fontaine dans l’intérieur de ses murs ni dans le voisinage, mais qu’elle avait des puits et des citernes. L’historien compte quatre portes ; la première, à l’orient, se nommait la Grande Porte ou la porte de Jérusalem ; elle était protégée par deux hautes et fortes tours qui servaient, à cette époque, de citadelle à la ville ; la seconde porte, à l’occident, se nommait Porte de la mer ; la troisième, au midi, faisait face à Gaia et portait le nom de cette cité ; la quatrième, au nord, s’appelait porte de Joppé. Gau.hier Vinisauf nous a laissé le nom de quelques-unes des tours d’Ascalon ; il cite la tour des Jeunes-Filles, la tour des Boucliers, la tour du Sang, la tour des Emirs, la tour des Bédouins… On retrouve les débris de la plupart de ces tours à différents intervalles le long des murailles.
… Depuis qu’Ascalon fut détruite pour terminer les débats qui, à la fin de la troisième croisade, existaient entre les croisés et les musulmans, cette ville n’a plus été rebâtie. Maintenant les Arabes de Djora (petit village au nord de la citadelle d’Ascalon, à un quart d’heure de distance) traversent seuls quelquefois la ville renversée, et le voyageur y entend pour tout bruit le vent qui pousse le sable au pied des débris.
… J’ai parlé plus haut d’un village des alentours d’Ascalon, appelé Amami, nom qui en arabe signifie colombe. Vous vous souvenez qu’Ascalon fut le berceau de Sémiramis, et que, d’après les traditions antiques, des colombes nourrirent cette reine dans sa première enfance ; devenue l’épouse de Ninus, elle voulut porter le nom de Sémiramis, qui veut dire colombe, dans la langue assyrienne, en mémoire des oiseaux qui avaient pris soin de ses premiers jours. Comment est-il arrivé que les derniers habitants d’Ascalon aient donné le nom de colombe à un de leurs villages, et que de pauvres Arabes aient ainsi conservé, à leur insu sans doute, le souvenir de la grande reine dont ils foulent le sol natal ? La mémoire des choses antiques est partout restée en Orient, dans des noms ou des traditions qui seraient précieux à recueillir.