Ce terme signifie du bitume. De là vient le nom du lac Asphaltite, donné au lac de Sodome, à cause de la quantité de bitume qui s’y trouve. Elle est telle que nul poisson ne peut vivre dans ses eaux, et qu’un homme n’y saurait que difficilement enfoncer à cause de leur épaisseur et de leur pesanteur. On voit quelquefois sur ces eaux des morceaux de bitume de la grosseur d’un taureau sans tête ; d’autres fois, de plus petits que l’on pêche, et dont ou fait un grand usage dans la médecine, surtout pour embaumer les corps. Comme les Hébreux donnent au bitume et au nitre le nom de mer Salée, Galien dit qu’elle est non-seulement salée au goût, mais amère, et tellement imprégnée de sel, que ceux qui s’y enfoncent en sortent chargés de saumure, et que, si l’on y jette du sel il a de la peine à s’y fondre. Enfin on lui donne le nom de mer Morte, à cause que nul animal n’y peut vivre, et que si par hasard l’impétuosité de l’eau y jette quelque poisson, il meurt aussitôt, et surnage sur les eaux du lac. Josèphe donne au lac de Sodome cinq cent quatre-vingts stades de longueur depuis l’embouchure du Jourdain jusqu’à Ségor, c’est-à-dire environ vingt-deux lieues, à trois mille pas la lieue, et cent cinquante stades de largeur, c’est-à-dire environ cinq lieues de même mesure.
Le lac Asphaltite reçoit dans son sein toute l’eau du Jourdain et des torrents d’Arnon, de Iabok et autres eaux qui se rendent de toutes les montagnes des environs, et cependant il ne regorge point, quoiqu’il n’ait point d’issue sensible. On croit qu’il se décharge, par quelques canaux souterrains, dans la mer Rouge ou dans la mer Méditerrannée. On a parlé, sous l’article de Sodome, des restes que l’on remarque encore à présent autour de ce lac, qui prouvent le prodige raconté dans l’Écriture. La terre de Sodome, déserte et fumante encore, dit l’auteur du livre de la Sagesse (Sagesse 10.7), les, fruits qui ne parviennent jamais à une parfaite maturité, et la statue de sel, monument de l’âme incrédule, sont des monuments de la méchanceté de ces villes. [Voyez mer morte].
Démétrius, fils d’Antigone, roi de Macédoine, ayant été envoyé par le roi Antigone, son père, contre les Nabathéens, se rendit avec son armée sur le lac Asphaltite. Il y remarqua qu’on pourrait tirer un revenu considérable de son bitume ; et, à son retour, il en parla au roi son père. Antigone lui sut bon gré d’une découverte qui pouvait lui apporter des sommes considérables, et envoya aussitôt Jérôme le Cardien pour examiner la chose et pour exécuter le dessein qu’on avait pris d’y établir une espèce de manufacture ; mais à peine eut-il fait faire les bateaux nécessaires pour cette pêche et les eut-il mis en œuvre pour en faire des amas dans les magasins, que les Arabes, au nombre de six mille, vinrent fondre sur lui, brûlèrent ses bateaux, tuèrent une grande partie de ses ouvriers, et l’obligèrent de se retirer lui-même. Ainsi ce projet échoua.
Au reste, l’asphalte ou le bitume de Judée ou de la mer Morte passe pour le meilleur qu’on connaisse. Il s’élève en certaines saisons du fond du lac, et paraît sur l’eau quelquefois gros comme un bœuf, d’autres fois comme un tonneau ou une nacelle. Les Arabes des environs le pêchent avec soin, ou le ramassent sur le bord lorsque le vent l’y a poussé. Il sert à divers usages de la médecine. Autrefois on l’employait pour embaumer les corps, surtout en Égypte. Le vrai asphalte ou bitume de Judée est resplendissant, de couleur de pourpre, fort pesant, et d’une odeur forte. On n’apporte plus de bitume de Judée ; mais celui qui se voit dans les boutiques d’apothicaires est un composé d’huile, de pétrole et de poix.