L’aveuglement se prend quelquefois pour une privation réell de la lumière, quelquefois pour un simple obscurcissement passager. Par exemple, l’aveuglement de l’aveugle-né de l’Évangile, celui de Tobie, étaient réels, et ils avaient véritablement perdu la vue. Les hommes de Sodome qui cherchaient la porte de Loth, sans la pouvoir trouver (Genèse 19.11), et saint Paul pendant les trois premiers jours qu’il fut à Damas (Actes 9.9), étaient seulement privés de l’usage de la vue pour un temps ; les fonctions de leurs yeux étaient suspendues. Les Septante ont fort bien fait entendre la situation où étaient ceux de Sodome, en disant qu’ils furent frappés aurasia, comme qui dirait avidentia, d’une impuissance actuelle de voir.
Moïse défend (Lévitique 19.14) de mettre quelque chose devant l’aveugle pour le faire trébucher : Nec coram coeco pones offendiculum. Ce qu’on peut entendre simplement et à la lettre, ou dire que Moïse recommande par là l’humanité et la charité que l’on doit avoir envers ceux qui manquent de lumière, et de conseil, montrer le chemin à ceux qui sont en danger de s’égarer ; instruire les ignorants, ne pas scandaliser les petits et les faibles. Moïse, dans le Deutéronome (Deutéronome 27.18), semble expliquer sa pensée lorsqu’il dit : Maudit soit celui qui fait égarer un aveugle en lui montrant un mauvais chemin.
Les Jébuséens pour insulter à David et à son année qui assiègeait Jérusalem, leur disaient par moquerie (2 Samuel 5.6) : Vous n’entrerez point ici que vous n’en ayez chasse les aveugles et les boiteux qui défendent la place, comme si en effet, pour plus grande insulte, ils eussent fait paraître de ces sortes de gens sur leurs murailles, ou qu’ils aient seulement voulu dire qu’ils ne voulaient que des aveugles et des boiteux pour défendre leur ville. Jérusalem toutefois fut emportée, et David ne pardonna à aucun de ces aveugles et de ces boiteux qui lui avaient insulté : Abstulit coecos et claudos odientes animam David. Job dit qu’il a été l’œil des aveugles : Oculus fui coeco (Job 29.13), qu’il a donné bon conseil à ceux qui en avaient besoin ; qu’il a travaillé à tirer de leur égarement ceux qui manquaient de lumière et d’intelligence. Le Sauveur dit à-peu-près dans le même sens (Matthieu 15.14), que si un aveugle conduit un autre aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse. Il voulait marquer la présomption des pharisiens, qui, tant aveugles qu’ils étaient dans les voies de Dieu, se vantaient de conduire les autres. Il leur dit encore ailleurs (Jean 9.40-41) qu’il est venu en ce monde, afin que ceux qui sont aveugles recouvrent la vue, et que ceux qui sont clairvoyants perdent la vue. Et comme les pharisiens s’aperçurent qu’il disait cela pour eux, ils lui dirent : Est-donc que nous sommes aveugles ? Il leur répondit : Si vous étiez aveugles, vous ne seriez point coupables ; mais comme vous vous donnez pour clairvoyants, votre péché demeure. Si vous aviez assez de sincérité et d’humilité pour reconnaître que vous manquez de lumière, et que vous vous adressiez à Celui qui est la lumière du monde, vous pourriez éviter le péché, etc.
Un des principaux caractères du Messie marqué dans les Prophètes (Isaïe 29.18 ; 35.5 ; 42.16), est que les aveugles seront éclairés. Aussi Jésus-Christ le fit remarquer aux disciples de Jean, qui étaient venus de la part de leur maître lui demander s’il était celui qu’on attendait. Rapportez à Jean, leur dit-il, ce que, vous avez vu et ouï (Matthieu 6.5) : Les aveugles voient, les sourds recouvrent rouie, etc. Les évangélistes nous ont conservé la mémoire de plus d’une guérison miraculeuse que le Sauveur a faite sur des aveugles.
L’aveuglement du cœur des Juifs endurcis est souvent marqué surtout dans les livres du Nouveau Testament. Jésus-Christ l’a vu et en a gémi (Marc 3.15) : Contristatus super coecitate cordis eorum. Isaïe l’avait prédit, et Dieu en lui parlant lui dit (Isaïe 6.10) : Allez, dites à ce peuple : Voyez et ne comprenez point ; aveuglez le cœur de ce peuple, appesantissez ses oreilles, et fermez ses yeux. C’est-à-dire, prophétisez, et dites-lui qu’il sera endurci, aveuglé ; qu’il ne verra ni n’entendra ce qui est destiné pour lui procurer le salut.
Aveugle-né. Voyez sur le miracle par lequel le divin Sauveur lui rendit la vue, et sur le procès qui en fut la suite, les Recherches de Bonnet sur le christianisme, et l’Apologie de la religion, par Laharpe, dans la collection des Démonstrations, tome 2 col. 529, et 13 col. 583 et suivantes.