Ou Beth-Zacharia, lieu situé au voisinage de Bethsure (1 Machabées 6.32-33), [à 70 stades de cette ville, dit B.du Bocage]. Saint Épiphane, dans son livre de la Vie des Prophètes, dit que le prophète Abacuc était natif du territoire de Bethzachar. Saint Luc (Luc 1.39-40) dit que la sainte Vierge alla saluer sainte Elizabeth, et entra dans la maison de Zacharie ; ce que l’on peut entendre de Beth-za-char, qui signifie la Maison de Zacharie, qui est dans les montagnes de Juda, et aux environs d’Hébrun. Mais il est plus naturel de dire que saint Luc n’a pas marqué le nom de la ville où demeurait Zacharie, mais simplement qu’elle entra dans le logis de Zacharie.
Beth-zachara est célèbre dans l’Écriture par le combat qui se donna entre Antiochus Eupator et Judas Machabée. Antiochus se voyant bravé par Judas, et ayant appris qu’il s’était retiré dans le détroit de Beth-zachara, fit marcher son armée contre lui. Elle était composée de cent mille hommes de pied, de vingt mille chevaux, et de trente-deux éléphants dressés au combat (1 Machabées 6.30). Mais parce que le terrain n’était pas assez large, il fut obligé de faire avancer sa nombreuse armée sur trois lignes ; chaque éléphant portait une tour pleine d’archers, et était accompagné de cinq cents chevaux et de mille hommes de pied ; le reste des troupes avait ordre de gagner les deux côtés de la montagne l’armée d’Antiochus vint en cet état à la charge ; les soldats jetaient de si grands cris, que les habitants d’alentour en étaient effrayés, et leurs boucliers d’or et de cuivre, frappés par la lumière du soleil, éblouissaient les yeux. Mais Judas Machabée, dont le cœur était intrépide, les reçut avec tant de vigueur, que six cents hommes du premier choc tombèrent morts sur la place. Son frère Eléazar ; surnommé Abaron, voyant un éléphant entre tous les autres plus magnifiquement enharnaché, crut qu’il portait le roi ; ainsi, exposant sa vie pour délivrer son peuple, il s’avança, se fit jour à travers la foule des ennemis, en tua plusieurs, et se coulant sous le ventre de l’éléphant, le perça de son épée, et l’animal venant à tomber, Eléazar fut écrasé sous son poids, et finit ainsi glorieusement sa vie. Judas, voyant alors qu’il lui était impossible de résister plus longtemps à une armée si nombreuse et si forte, se retira à Jérusalem résolu d’en soutenir le siège.
Observations sur le combat de Judas Machabée contre l’année d’Antiochus Eupator, dans le défilé de Bethzacara (1 Machabées 6). Je ne doute nullement des grandes actions des Machabées dans les guerres qu’ils ont soutenues contre les puissances les plus formidables de l’Asie. Quand l’Écriture n’en dirait rien, je croirais Josèphe dans son Histoire des Juifs, auteur digne de foi ; mais que ces guerres aient échappé à Polybe, auteur contemporain, et même le nom de ces grands hommes, qui s’en sont démêlés avec tant de gloire : voilà ce qui doit surprendre, et beaucoup au delà de ce que je pourrais dire, puisque les historiens Grecs et Latins qui ont écrit après lui des événements de l’Asie, n’en ont point parlé. Il faut que ces guerres n’aient pas été aussi considérables qu’on le prétend, pour que leur renommée n’ait pu venir à la connaissance des peuples éloignés de la Judée. Tout convaincu que je suis des grandes actions de ces héros du peuple Juif ; des victoires qu’ils ont remportées, je suis persuadé qu’il y a un peu d’exagération à l’égard du nombre de leurs ennemis contre un rien, pour ainsi dire, qui leur tenait tête car j’appelle un rien un corps de troupes de huit à dix mille hommes et très-souvent moins, contre des armées de soixante mille combattants. En voici une de cent mille hommes d’infanterie, et de vingt mille chevaux, apparemment contre une autre de huit à dix mille hommes ; car l’Écriture ne s’explique point sur les forces de Judas ; je suis assuré qu’il n’en avait guère davantage, et je ne suis nullement surpris que ce grand capitaine ait osé l’attaquer, et qu’il ait remporté un grand avantage sur elle. Je sais assez de quoi est capable la valeur intrépide, audacieuse, et bien conduite, et combien de petites armées ont remporté de victoires contre les plus grandes, souvent très-braves et très-aguerries l’histoire ancienne et moderne est toute parsemée de ces sortes d’exemples, et il y en a de tels, qu’ils sont même fort au-dessus de ceux des Machabées. À l’égard des surprises d’armées, je renvoie le lecteur à l’Histoire de Polybe, pour en être convaincu.
Quant au nombre de ces armées prodigieuses opposées aux Machabées, je ne sais qu’en dire. Si elles avaient été telles que l’auteur les représente, leur défaite aurait produit un tel éclat dans le monde, qu’il ne faut pas douter que Polybe, auteur contemporain, n’en eût parlé. Lorsqu’on y réfléchit, une si grande disproportion ne peut que surprendre. Quant aux éléphants chargés de tours, de machines de guerre et de trente hommes de combat, je suis du sentiment de Bochart, qui regarde cela comme exagéré, et croit que ces armées n’étaient pas telles que l’auteur nous les représente ; mais, par comparaison aux forces de ces célèbres chefs des Juifs, elles étaient très-grandes, et les éléphants très-gros et très-puissants, sans être si chargés.
L’Écriture nous explique fort clairement la disposition de l’armée d’Antiochus, et la situation des lieux où l’action se passa. Elle ne dit pas un mot de celle de Judas Machabée ; à cela près, sa conduite et sa hardiesse me paraissent fort surprenantes. Il attaqua sans doute par corps séparés sur une très-grande profondeur, façon de combattre admirable et prudente : c’était la méthode des Juifs. Comme ils étaient toujours ou presque toujours inférieurs à leurs ennemis, la nécessité de se défendre contre la puissance formidable de leurs voisins, qui cherchaient à les soumettre, animés qu’ils étaient par le zèle du vrai Dieu dont ils soutenaient la cause, tout cela joint ensemble leur inspira cette belle façon de combattre, vigoureuse et propre aux petites armées. Ces capitaines célèbres, faibles comme ils étaient par leur petit nombre de troupes, n’avaient d’autres ressources que dans l’usage d’une tactique rusée, dans la surprise, le plus souvent à la faveur des ténèbres et dans les avantages des lieux où ils attendaient leurs ennemis sans, craindre d’être enveloppés, et les obligeaient par là à combattre sur un front égal au leur, et souvent ils les attaquaient dans les plaines, tant leur façon de se ranger était propre à tout, et leurs soldats prêts à tout faire et à tout tenter.
L’action dont il s’agit ici ne fut ni décisive ni générale : elle se passa dans, la gorge d’une vallée ; l’armée d’Antiochus occupa l’entrée, et Judas se rangea à l’endroit le plus resserré du défilé : Josèphe dit formellement que le poste de Bethzacara était un défilé fort étroit ; mais comme presque toutes les vallées qui versent dans une plaine vont toujours en élargissant, comme les fleuves dans leurs embouchures, Antiochus se posta d’abord au débouchement de la vallée, et comme elle se rétrécissait à mesure qu’il avançait, il se vit obligé de faire passer des troupes sur les hauteurs des montagnes, peut-être dans le dessein d’enfermer les Juifs et de leur couper retraite, et de marcher sur plusieurs phalanges redoublées. C’est une conjecture que je hasarde ici, mais non pas si légèrement qu’elle ne me semble très-probable ; elle l’est d’autant plus, que je suis persuadé que le combat qui s’engageà à la première ligne avec la cavalerie, entrelacée entre les éléphants, apporta quelque trouble dans la seconde. Rien de plus précis et de plus clair que la description de l’ordre de bataille d’Antiochus, et de sa marche dans la vallée. La première ligne où il avait placé les éléphants était seule capable de donner de la terreur ; elle est dans un ordre admirable, chaque armée se trouve soutenue par l’autre, de sorte qu’elle me semble plus forte que sa prodigieuse phalange. Les ennemis, dit l’Écriture (1 Machabées 6.35), partagèrent les bêtes par légions, c’est-à-di re, par brigade : mille hommes, armés de cottes de maille et de casques d’airain, accompagnaient chaque éléphant, et cinq cents chevaux choisis avaient ordre de se tenir toujours près de chaque bête ; c’est-à-dire à côté, comme je les ai placés. Je forme une seconde ligne, des mille hommes qui soutenaient cette première ; ces deux lignes, ainsi disposées valaient bien la phalange, ou pour mieux dire, son salut en dépendait ; car si Judas eût enfoncé celle des éléphants, elle eût renversé ou fort troublé le second rang, et si tout cela avait été mis en fuite ; la phalange n’eût pu résister ; étant composée d’une seule masse sans intervalles, les fuyards l’eussent mise en désordre et en tramée avec eux, sans qu’on eût pu y apporter le moindre remède. Les anciens Grecs et Asiatiques se rangeaient en phalange, et lorsque le terrain ne permettait pas de s’étendre sur tout son front, ou la doublait, c’est-à-dire, qu’on se rangeait sur deux phalanges, ou deux lignes, ce qui était très-dangereux ; car, par cette méthode insensée, un petit corps de troupes combattant sur un front égal, pouvait battre une armée infiniment supérieure, parce qu’il suffisait de reiiverser la première, assuré que la défaite de l’une amènerait celle de toutes les autres. C’est ce qui arriva à Annibal à la bataille de Zama, où sa gloire et sa réputation échouèrent misérablement. Il s’était rangé sur trois lignes eu phalanges, les unes derrière les autres, à une certaine distance, et bien qu’il eût une armée de cinquante mille hommes accoutumés aux actions, il fut pourtant défait par Scipion, dont toutes les forces consistaient en vingt-deux mille hommes, rangea en colonnes, et ainsi cette petite armée passa sur le corps de ces trois phalanges il lui suffit de battre la première, pour être assuré de la déroute des deux autres, sans qu’Annibal y pût apporter de remède ; du moins il ne compta pas qu’on pût réparer une si grande bévue.
Pour revenir à l’ordre de bataille d’Antiochus, j’ai dit que je le trouvais excellent dans ses deux premières lignes ; quant à la phalange, j’ai dit ce que j’en pensais, il la rangea selon la coutume ordinaire, peut-être aussi ancienne que la guerre ; mais cet usage de si longue prescription, et qui continue encore, ne prouve rien pour la bonté, comme je l’ai démontré dans le sixième livre de mon Commentaire sur Polybe. À l’égard de la cavalerie, elle fut placée sur les ailes, pour soutenir l’infanterie.
Quoique cette armée d’Antiochus fût formidable, Judas n’en serait peut-être pas demeuré là ; après son premier avantage : il savait bien, par son expérience, qu’il lui suffisait de battre la première ligne, pour avoir ensuite bon compte du reste, sans perdre beaucoup de monde : il se retira pourtant. La raison de cette retraite a été rapportée plus haut : c’est qu’il craignit d’être coupé par les troupes qui marchaient par les hauteurs ; et comme il n’y a point de montagnes sans revers, il jugea à propos de sortir de ce pas dangereux, pour n’être pas arrêté dans sa retraite. Quant au dévouement d’Eléazar, qui se glissa sous le ventre d’un éléphant plus magnifiquement orné que les autres, et qu’il tua à coups d’épée, croyant qu’il portait le roi, et de la chute duquel il fut écrasé, cette action est belle et digne d’un homme vraiment courageux ; mais ces sortes de dévouements sont si ordinaires dans l’histoire, que nous y sommes trop accoutumés pour la regarder comme un prodige de valeur.