Équivalent sémitique de la conception classique de l’Hadès, et que nos versions françaises rendent habituellement par « séjour des morts ».
L’origine du mot cheol est douteuse ; il semble bien que ce terme dérive de l’assyrien, soit de la racine chaal, signifiant : consulter un oracle, soit de chilu, signifiant : chambre ; ce dernier mot d’ailleurs a quelque rapport avec l’idée d’un trou, d’un puits profond, idée qui se retrouve dans la conception hébraïque du cheol (Job 11.8 ; Job 26.6 ; Deutéronome 32.22 ; Psaumes 86.13 ; Psaumes 88.7). Quoi qu’il en soit, le cheol est le lieu souterrain où vivent les ombres des morts ; l’ancienne coutume sémitique de brûler les corps d’une même famille dans une tombe commune a pu enrichir également la signification de ce mot.
Les Hébreux n’ayant jamais élaboré une doctrine complète et systématique de la vie future, on a quelque peine à reconstituer l’idée qu’ils se sont faite du cheol. Dans cette demeure souterraine la vie se poursuit, mais les distinctions terrestres sont supprimées, même les différences morales (Job 3.17 ; Job 3.19) ; c’est un pays de ténèbres (Job 30.23 ; Job 10.21), où tout est silence, où l’on s’étend dans la poussière (Job 17.16 ; Job 20.11 ; Job 21.26 ; Psaumes 30.10), d’où l’on ne revient pas (Job 7.10). Pourtant la possibilité de faire réapparaître les morts par les formules magiques de la nécromancie semble avoir été une croyance assez générale (1 Samuel 28 ; Lévitique 19.31 ; Lévitique 20.8 ; Deutéronome 18.11 ; Ésaïe 8.19).
La vie des morts dans le cheol est-elle consciente et active ? rien de précis à ce sujet (cf. Psaumes 88.13 ; Psaumes 94.17 ; Psaumes 30.10 ; Ézéchiel 32.27). Le dernier passage donne plutôt l’impression d’une inactivité complète. Il semble même que du cheol les âmes ne puissent plus adresser de prières à l’Éternel (Psaumes 6.6), que Dieu soit absent de ce lieu de désolation.
Lorsque toutes les espérances nationales furent déçues par la destruction de Jérusalem et l’exil à Babylone, un individualisme nouveau pénétra la piété ; on se préoccupa davantage du sort de chaque homme après sa mort. La dure doctrine de la rétribution individuelle se révéla insuffisante ; pour croire à la justice de Dieu, on fut obligé de croire à des sanctions dans l’autre vie.
Avant l’exil déjà , chez Amos (Amos 9.2) et dans le Psaumes 139.8, on voit en quelque sorte Dieu pénétrer dans le cheol. Mais c’est surtout plus tard que l’idée d’un jugement après la mort se développe.
Dans le livre d’Hénoch éthiopien (IIe et Ier siècle avant Jésus-Christ), le cheol est divisé en quatre parties, réservées respectivement aux martyrs, aux justes qui ne furent pas martyrs, aux pécheurs ayant vécu dans la prospérité, et aux pécheurs déjà punis sur cette terre. Le sort des âmes varie suivant les catégories, allant de l’extrême félicité jusqu’à la perte de l’espoir même d’une résurrection, pour les plus coupables ; les âmes versées dans la 3e section seront « tuées » au jour du jugement, sans qu’on puisse bien comprendre ce que l’auteur entend par ce genre de mort. D’ailleurs rien ne prouve que cette division du cheol en quatre parties ait jamais été admise par tout le monde. Au contraire, il semble probable qu’on se soit borné à diviser le cheol en deux parties : le séjour des bénis et celui des maudits. Puis, sous l’influence du pharisaïsme, la pensée juive a précisé : on en vint à affirmer qu’au jour de la résurrection qui précédera le jugement, les ombres des justes sortiront du cheol, qu’elles recevront un corps, et monteront ainsi dans le ciel.
La conception du cheol dans le Nouveau Testament ne diffère guère, quant au fond, de celle du judaïsme (voir Hadès et Géhenne). L’idée d’une purification des âmes dans une sorte de purgatoire, idée développée plus tard par le judaïsme rabbinique, est étrangère au Nouveau Testament.
Edm. R.
Numérisation : Yves Petrakian