Les Juifs n’avaient point de chronologie exacte. Ils n’avaient pas, comme les Grecs et les Romains, une ère partant d’un point précis et permettant de repérer exactement la date des événements. Cependant les livres de l’Ancien Testament renferment d’abondantes notes chronologiques. Ces notes n’ont pas toutes la même valeur ; les unes se rattachent à une théorie religieuse sur l’histoire du monde en général et du peuple d’Israël en particulier, les autres peuvent contenir des indications historiques approximativement justes.
Nous remarquons que ce sont les parties les plus récentes de la Bible qui renferment le plus grand nombre de chiffres, celles qui, après l’exil, ont eu pour rédacteurs des prêtres faisant office de scribes (Code sacerdotal, Chroniques). Ces écrivains ont tenté, après coup, d’établir une chronologie et l’ont reportée autour de l’histoire biblique pour lui faire un cadre. L’Ancien Testament laisse apercevoir la trace de plusieurs de ces tentatives que nous qualifions de systèmes artificiels. Il n’est pas toujours possible de les concilier entre eux, d’autant moins que le texte hébreu de la Bible est parfois en désaccord avec le texte du Pentateuque samaritain et celui de la version grecque des LXX
D’après Genèse 5, il s’est écoulé, de la création jusqu’au déluge, 1 656 ans (1 307, Samuel ; 2 242, LXX). Ce chiffre de 1 656 représente la totalité des années vécues par les dix premiers hommes, d’Adam à Noé. La liste de ces hommes présente une frappante analogie avec la liste de la tradition babylonienne pour la même période ; quelquefois les noms propres sont les mêmes. Les Israélites se sont certainement ici inspirés des Babyloniens. Mais ceux-ci comptaient pour cette période un total de 432 000 ans, chiffre que l’Ancien Testament a considérablement réduit. Pour la période suivante (cf. Genèse 9.28 ; Genèse 10.10-32 ; Genèse 12.4 ; Genèse 21.5 ; Genèse 25.26 ; Genèse 47.9 ; Exode 12.40), on compte : 365 ans du déluge à la vocation d’Abraham, 215 d’Abraham à la descente en Égypte de la famille d’Israël, 430 pour la durée du séjour en Égypte, total 1 010 ans qui, ajoutés à 1 656, donnent 2 666 ans pour le temps écoulé entre la création et la sortie d’Égypte. On a remarqué que ce nombre formait en chiffre rond les 2/3 de 4 000. C’est à 4 000 ans que l’écrivain estimait la durée du monde. Pour lui les 2/3 de l’histoire du monde s’étaient écoulés au moment où Israël sortait d’Égypte. Reste à évaluer le dernier tiers, soit 1 333 ans. Dans 1 Rois 6.1, nous avons la mention que le temple de Salomon fut construit 480 ans après l’exode. Ce chiffre se décompose en 12x40, soit 12 générations de 40 années ; dans la liste des 24 grands-prêtres donnée 1 Chroniques 6.2 ; 1 Chroniques 6.15, il y en a 12 avant Salomon et 12 entre Salomon et la construction du second temple. On comptait donc 480 ans de l’exode au temple de Salomon, et 480 ans du premier temple au second (on constate que ce chiffre de 480 correspond au total des périodes dont la durée est indiquée dans le Pentateuque, les livres de Josué et des Juges). Il se serait donc écoulé 960 ans de l’exode à la construction du second temple : 1 333-960 = 373. Comme la chronique babylonienne permet de fixer approximativement le retour de l’exil et la reconstruction du temple vers 530 avant Jésus-Christ, et que le rédacteur n’écrivait certainement pas avant cette date, on peut supposer qu’il estimait que le monde ne devait plus durer que 530-373 = 157 ans, et qu’il fixait, on ne sait pourquoi, à l’an 157 avant Jésus-Christ, l’avènement de l’ère messianique et la fin du monde créé 4 000 ans auparavant.
Bien qu’artificiel, ce comput ne manque pas de grandeur. Si les Juifs ont imité la tentative chronologique des Caldéens, ils y ont ajouté l’idée d’un plan de Dieu dans la création du monde et dans la place attribuée à Israël dans ce monde. Mais ce n’est pas une chronologie mathématique. Les chiffres donnés pour la vie des patriarches témoignent plus de vénération pour de lointains ancêtres que de souci de l’exactitude. On ne saurait faire état de ces données pour estimer la longévité des premiers hommes, ni pour établir une chronologie de l’Ancien Testament
L’Ancien Testament, avons-nous dit, ne contient aucune date, mais il donne souvent des chiffres indiquant le temps écoulé d’un événement à un autre. Avec l’aide des chronologies des peuples de l’Orient, on peut tenter de fixer la date de plusieurs de ces événements, bien qu’il y ait, sous le rapport de la précision, de grandes différences suivant les périodes.
Les documents des peuples anciens ne nous donnent aucun renseignement sur les patriarches ni sur Moïse. Mais le XVIIe siècle avant Jésus-Christ, étant l’époque des migrations araméennes en Palestine, on peut conjecturer que c’est l’époque des patriarches. Nous n’avons pas les noms des Pharaons de Joseph et de Moïse. On admet généralement, sans pouvoir le prouver, que Ramsès II (1292-1225) fut le Pharaon de l’oppression et son fils Mernephta (1225-1215) le Pharaon de l’exode.
Aucune information étrangère sur la période de la conquête, sur le temps des Juges et sur celui des premiers rois. La seule indication est la mention, 1 Rois 14.25, de la prise de Jérusalem par Sisak, roi d’Égypte, la cinquième année de Roboam, fils de Salomon. Ce Sisak, qui est le Pharaon Sheshonk, fondateur de la 22e dynastie (945-924), aurait donc été contemporain de la fin du règne de Salomon.
Cette histoire nous est racontée dans le livre des Rois, à partir du chapitre 12 du Ier livre. Nous y trouvons une grande abondance de chiffres, mais toujours point de dates. Pour chaque roi (sauf rares exceptions), il nous est donné : la durée de son règne, son âge à son avènement, puis, lorsque les deux royaumes vivent séparés, l’indication de l’année du règne du roi de Juda durant laquelle un roi d’Israël monte sur le trône et vice versa, c’est ce qu’on appelle les synchronismes. Mais ce système n’est pas si rigoureux qu’il le paraît : toujours pas de point de départ, manque de coïncidence entre les textes hébreux et grec, et désaccord entre les synchronismes et la totalisation des années de règne. On ne sait pas non plus, quand il est dit que le roi d’un royaume monte sur son trône telle année du roi de l’autre royaume, si l’on a compté l’année dès son début, ou, au contraire, si l’on a fait abstraction des mois qui restaient. Pour ces raisons les données du livre des Rois ne sont que des indications, et encore des indications qui demandent à être contrôlées. Ce contrôle peut heureusement se faire sur quelques points grâce aux chronologies assyrienne et babylonienne. Voici, dans ces chronologies, les dates qui intéressent l’histoire d’Israël et de Juda :
Nous avons ici à notre disposition des documents perses et le canon de Ptolémée, géographe et mathématicien du IIe siècle après Jésus-Christ, qui a dressé une liste des rois babyloniens et perses jusqu’à Alexandre le Grand. Voici les dates qui intéressent l’histoire juive :
Les dates se multiplient et se précisent :
En tenant compte des indications de ces chronologies nous pouvons, sans prétendre à une rigoureuse précision, établir comme suit la succession des événements rapportés dans l’Ancien Testament :
Rois de Juda | Rois d’Israël |
---|---|
933-916 Roboam | 933-911 Jéroboam I |
916-914 Abijam | 911-910 Nadab |
914-874 Asa | 910-887 Baésa |
887-886 Éla | 886 Zimri |
886-875 Omri | |
874-850 Josaphat | 875-854 Achab |
850-843 Joram | 854-853 Achazia |
843-842 Achazia | 853-842 Joram |
842-836 Athalie | 842-815 Jéhu |
836-797 Joas | 815-799 Joachaz |
797-779 Amatsia | 799-784 Joas |
779-739 Azaria (Ozias) | 784-744 Jéroboam II |
743 Zacharie. | |
743 Sallum. | |
739-734 Jotham | 742-736 Ménahem. |
736 Pékahia. | |
736-733 Pékah. | |
734-719 Achaz | 733-725 Osée. |
722 Prise de Samarie par Sargon II, d’Assyrie |
Voir les Histoires d’Israël, en particulier
AUG. G.
Numérisation : Yves Petrakian