(En hébreu et même en grec ce terme peut s’appliquer à des âges divers, depuis la petite enfance jusqu’à l’adolescence ; d’où les traductions, suivant les versions : enfant, jeune homme, jeune fille, etc.).
Les enfants et la notion d’enfant, en opposition à l’idée de parents et à la notion d’homme fait, occupent une grande place dans l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, dans la religion et la vie de l’Israélite comme du chrétien.
D’après l’Ancien Testament, c’est un devoir et un privilège pour l’homme d’avoir des enfants, nombreuse famille et lointaine descendance. « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre », ordonne Dieu au premier couple humain (Genèse 1.28). Il promet à Abram la magnifique bénédiction d’une postérité aussi nombreuse que la poussière de la terre, les étoiles du ciel ou le sable qui est sur le bord de la mer (Genèse 13.16 ; Genèse 22.17) ; il change son nom en celui d’Abraham= père d’une multitude (Genèse 17.5). Les Psaume 127 Psaume 128, parmi les faveurs que Dieu accorde à ceux qui le craignent, placent une famille nombreuse, et des fils qui sont pour le père ce que sont les flèches dans la main du guerrier : moyen de défense, de salut, de prospérité ; sa maison est comme un carquois bien rempli. Ésaïe 54.1 ; Ésaïe 54.4, comparant le pardon de Dieu envers Israël à la rentrée en grâce d’une épouse délaissée, lui annonce la grande joie d’une vie toute nouvelle, marquée entre autres bienfaits par des enfants en grand nombre.
Inversement, la privation d’enfants est opprobre, malheur et malédiction. Agar méprise Sara (Genèse 16.4), comme Péninna mortifie Anne (1 Samuel 1.6, cf. Psaumes 113.9). Élisabeth se réjouit comme s’était réjouie Rachel quand Dieu enlève « l’opprobre de celle qui était appelée stérile » (Luc 1.25 ; Luc 1.36 ; Genèse 30.1-23). Heureuses cependant celles-là, dit Jésus, — mais alors seulement — quand il s’agira d’échapper aux calamités imminentes (Luc 23.29).
Le nouveau-né, enfanté dans la douleur (Genèse 3.16), quelques foiss avec l’aide d’une sage-femme (Exode 1.15 et suivants), était l’objet de soins auxquels Ézéchiel 16.4 fait allusion. Les garçons étaient circoncis le 8e jour (voir Circoncision). Ordin nourris par leur propre mère, les enfants n’étaient guère sevrés avant deux ou trois ans, comme c’est encore le cas aujourd’hui en Orient (cf. Genèse 21.8 ; 1 Samuel 1.22 ; 1 Samuel 1.24). Voir Bertholet, Histoire de la civilisation d’Israël, p. 182ss.
Cet enfant, à la venue duquel on attachait tant de prix, était soigneusement instruit et élevé ; nombreux sont les préceptes à ce sujet. Il faut lui enseigner son devoir de bonne heure, afin que plus tard il ne se détourne pas du droit chemin (Proverbes 22.6) ; il ne faut pas lui épargner verge et correction (Proverbes 23.13 et suivant Proverbes 22.15), par faiblesse ou par un amour mal entendu (Proverbes 13.24), pas plus qu’il ne faudrait se laisser aller jusqu’à la violence et jusqu’à le tuer (Proverbes 19.18). L’apôtre Paul recommande de même aux pères d’élever leurs enfants avec sagesse, de les corriger avec mesure, de peur qu’ils ne se découragent (Éphésiens 6.4 ; Colossiens 3.21, cf. Hébreux 12.7 ; Hébreux 12.10).
Dans cette éducation de l’enfant, le père et la mère ont leur part, chacun leur tâche à remplir (Proverbes 1.8 ; Proverbes 6.20). Le livre des Proverbes rapporte les conseils de pureté, de tempérance, de justice, d’équité, donnés à un roi par sa mère (Proverbes 31.1 ; Proverbes 31.9). Le jeune Timothée avait reçu de son aïeule et de sa mère (son père étant probablement païen) la foi israélite (2 Timothée 1.5 ; 2 Timothée 3.15 ; Actes 16.1). L’enfant apprenait la Loi de bonne heure apo bréphous = dès ta plus tendre enfance, dit Paul à Timothée). Les commandements de Dieu devaient lui être inculqués par son père, dans sa maison, quand il allait en voyage, quand il se couchait, quand il se levait, c’est-à-dire continuellement (Deutéronome 6.5 et suivants, Psaumes 78.5 et suivant). Tous les sept ans, on devait lire la Loi devant tout Israël, en rassemblant à cet effet hommes, femmes, enfants et même les étrangers ; ainsi les enfants qui ne la connaîtront pas l’entendront et ils apprendront à craindre l’Éternel (Deutéronome 31.10 ; Deutéronome 31.13). Ce que les enfants devaient apprendre, c’était l’histoire même d’Israël et par elle comment Dieu avait choisi, formé, dirigé, éduqué, châtié, délivré, aimé son peuple ; par là ils concevront la reconnaissance envers Dieu et voudront le servir mieux que leurs pères, si souvent ingrats, indociles, rebelles (Deutéronome 4.9 et suivant, Psaume 78 Psaume 104 Psaume 106 Psaume 107). Et quand ils demanderont : « Que signifie cet usage (Exode 12.26), que signifient ces préceptes, ces lois, ces ordonnances (Deutéronome 6.20), que signifient ces pierres ? » (Josué 4.6) on leur dira ce que Dieu a fait et ce qu’il a ordonné.
Cette instruction de l’enfant était à la fois religieuse et morale : qu’on se rappelle les leçons que veut inculquer à ses jeunes lecteurs le sage du livre des Proverbes ; il s’agit d’acquérir la sagesse (voir ce mot), cette vertu dont le maître fait de grands éloges, qui sera si précieuse à l’enfant et au jeune homme pour le diriger et le garder corps et âme, et qui est faite à la fois de la crainte de l’Éternel et de l’intelligence pratique de la vie. Voir Éducation.
La position des enfants vis-à-vis de leurs parents était d’une entière dépendance. Dans la société antique, le père dispose de la vie de son enfant : païen, il peut l’immoler aux dieux, par exemple à Moloch (2 Rois 16.3 ; 2 Rois 21.6 ; 2 Rois 23.10) ; Israélite, il peut, comme Jephté, l’offrir à Jéhovah (Juges 11.31-39) ; mais la révélation de Morija avait dès longtemps répudié les sacrifices d’enfants (Genèse 22), et ces pratiques barbares, si communes chez les voisins d’Israël, sont toujours condamnées par la loi et les prophètes (Jérémie 32.35 ; Ézéchiel 16.20 ; Lévitique 18.21 ; Lévitique 20.2 ; Lévitique 20.5). Mais il reste vrai que les parents ont le droit de vouer à l’avance leurs enfants au service de Dieu (1 Samuel 3) ou au naziréat (Juges 13.7).
L’enfant doit à ses parents honneur et respect (Exode 20.12 ; Lévitique 19.3), ainsi que soumission et obéissance. Toute infraction à cette loi morale, inscrite dans le code, est sévèrement punie ; celui qui les méprise est maudit (Deutéronome 27.16). La peine de mort est prononcée sur celui qui frappe ou maudit son père ou sa mère (Exode 21.15 ; Exode 21.17) ; passible de la même peine est un fils insoumis, adonné au vice, dont le cas sera toutefois porté devant les anciens de la ville pour le prononcé de la sentence (Deutéronome 21.18-21). L’Évangile, qui a tout pénétré de son esprit, montre aux enfants, en leur rappelant le commandement même de l’Ancien Testament, leur devoir d’obéissance envers leurs parents, comme il avait tracé à ceux-ci leurs devoirs d’éducateurs. Les uns et les autres doivent commander et obéir « selon le Seigneur », avec l’Esprit du Seigneur (Éphésiens 6.13 ; Colossiens 3.20).
Il ne faut pourtant pas méconnaître l’accent de tendresse paternelle ou maternelle qui est sensible déjà dans l’Ancien Testament : la réponse d’Abraham à Isaac, aussi admirable pour sa délicatesse envers l’enfant que pour sa foi en Dieu (Genèse 22.8) ; l’affection, d’ailleurs partiale, de Jacob pour le jeune Joseph (Genèse 37.3), sa douleur inconsolable sur la disparition de ce fils (Genèse 37.35), puis sur le départ de Benjamin (Genèse 43.14), et le magnifique plaidoyer de Juda pour « l’enfant que son père aime » (Genèse 44.18 ; Genèse 44.34) ; l’émouvante histoire de la mère de Samuel (1 Samuel 1.11 ; 1 Samuel 1.20-28 ; 1 Samuel 2.18 et suivants) ; les jeûnes et prières de David pour le petit malade (2 Samuel 12.16-23) ; la prière persévérante mais sans phrases de la Sunamite (2 Rois 4.18 ; 2 Rois 4.37) ; les leçons symboliques qu’Ésaïe sait lire dans la venue des nouveau-nés (Ésaïe 7.14 ; Ésaïe 8.3 ; Ésaïe 9.5) et qui annoncent les sublimes récits de Noël ; la place faite aux enfants par ce prophète (Ésaïe 11.6 ; Ésaïe 11.8) et par Zacharie 8.5 dans les visions du règne messianique ; les accents pathétiques d’un témoin de la guerre inhumaine, qui a vu nourrissons, enfants, jeunes gens mourir de faim et de soif, et même des mères dévorer « le fruit de leurs entrailles » (Lamentations 2.11 ; Lamentations 2.19 ; Lamentations 4.4 ; Lamentations 5.13) ; le tableau du petit enfant rassasié, endormi sur le sein de sa mère (Psaumes 131.2) ; tout cela présage la douceur des foyers pieux autour des berceaux, telle qu’elle apparaît dans l’Évangile de l’enfance (Matthieu 1-2 ; Luc 1-2).
Avec le Seigneur Jésus, la notion d’enfant a revêtu une importance toute nouvelle. Non seulement l’Évangile, différent en cela de la Loi, est accessible aux enfants eux-mêmes, auxquels est révélé le secret du Royaume que souvent ne comprennent pas les hommes faits, sages et intelligents (Matthieu 11.25), — mais encore le Royaume est pour ceux qui ressemblent aux petits enfants (Marc 10.14 et parallèle). L’état d’esprit du petit enfant devient un modèle pour les dispositions d’âme de l’adulte, consistant surtout en celle qui les résume ou les inspire : l’humilité. Il faut être ou devenir humble comme l’enfant, comme lui se sentir devant Dieu, faible, petit, dépendant, pauvre de science, d’intelligence et de forces. Et pour cela, il faut, dit Jésus, « se retourner, changer, se convertir » (Matthieu 18.3).
L’enfance est comme sacrée aux yeux de Jésus. Il s’identifie avec elle, comme il s’identifie ailleurs avec le pauvre et le malheureux ; et recevoir un petit enfant en son nom, c’est le recevoir lui-même (Matthieu 18.5 ; Matthieu 18.25 ; Matthieu 18.40 ; Matthieu 18.46). Il faut bien se garder de scandaliser aucun de ces « petits », de ces petits qui croient, petits par l’âge et parce qu’ils sont à l’entrée de la vie, petits aussi par la foi et parce qu’ils sont au début de la vie chrétienne, et dont les anges, dans les cieux, contemplent la face du Père (Matthieu 18.6 ; Matthieu 18.10). La Révélation biblique affirme la filialité de l’homme à l’égard de Dieu, comme sa créature faite « à son image » (Genèse 1.27), mais infidèle à sa vocation ; et l’Évangile révèle la paternité de Dieu, qui aime ses enfants jusqu’à se donner lui-même pour les sauver (Matthieu 5.45 ; Matthieu 5.48 ; Matthieu 6.9 ; Matthieu 6.25 ; Matthieu 7.11 ; Luc 15 et suivants, etc.). Par la foi en Christ, nous recevons l’adoption de Dieu (Romains 8.15 ; Romains 8.17 ; Galates 4.4 ; Galates 4.7 etc.), et devenons ses enfants (1 Jean 3.1). Voir Enfant de Dieu, Adoption.
Tandis que Jésus relevait exclusivement chez le petit enfant son attitude de confiance et d’humilité, leçon pour l’adulte, l’apôtre Paul, au contraire, relève presque exclusivement son ignorance, son imperfection, son insuffisance, que l’adulte ne doit pas conserver. Si au premier point de vue nous devons être comme des enfants, au second point de vue nous ne devons plus leur ressembler. « Montrez-vous des enfants quant à la malice, mais quant au jugement soyez des hommes faits » (1 Corinthiens 14.20).
L’apôtre oppose l’époque de sa vie où il parlait, pensait, raisonnait en enfant, au moment où, devenu homme, il a quitté ce qui tenait de l’enfant (1 Corinthiens 13.11). Comme l’enfant, en effet, le chrétien doit grandir, parvenir à l’état « d’homme fait », de façon à ne pas demeurer inexpérimenté, inconstant, simple et crédule, ballotté et emporté à tout vent de doctrine, prêt à se laisser séduire par la tromperie des hommes (Éphésiens 4.13 et suivant). Après avoir reçu le lait, aliment des nouveau-nés, il doit s’assimiler une nourriture plus solide (1 Corinthiens 3.1 et suivant, cf. Hébreux 5.12-14 ; 1 Pierre 2.2). Les châtiments mêmes qu’il reçoit du Seigneur, comme ceux qu’un enfant reçoit de son père, contribuent à l’éducation de sa maturité (Hébreux 12.6 ; Hébreux 12.11). Voir Famille.
S. M. et Jean Laroche
Numérisation : Yves Petrakian