(hébreu theènàh, grec sukê). L’importance du figuier dans l’économie de la Palestine ressort des nombreux passages qui en parlent dans la Bible : une cinquantaine. « Les produits de la contrée judéenne furent surtout ses arbres fruitiers, et spécialement la grande triade : olivier, vigne et figuier, les trois espèces que les arbres, dans la parabole antique, demandent tour à tour pour roi (Juges 9.8). Toute la poésie de l’Ancien Testament les célèbre, ainsi que les proverbes parlant du confort du foyer et de la prospérité du pays. C’est eux qui donnent brillante parure à tout ce qui n’est pas en Judée paysage désertique. À toute époque c’est d’eux uniquement que les habitants tirèrent non seulement leur subsistance, mais encore, grâce à la production surabondante, le moyen de se procurer par échange les ressources dont manquait leur propre pays ; aucun de ces arbres, en effet, ne se trouve en Babylonie ou en Arabie. » (G.-A. Smith.)
Le figuier est un arbre de la famille des Moracées, genre ficus, ici ficus Carica. Le genre comprend plus de 600 espèces dispersées à travers les régions tropicales des deux mondes : arbres ou arbrisseaux lactescents, à feuilles alternes, rarement opposées, entières, dentées ou lobées. Les fleurs, non apparentes, tapissent la cavité interne de la pulpe verte qu’on nomme vulgairement le fruit, et qui est un réceptacle charnu, globuleux ou turbiné, à orifice supérieur entouré de petites écailles ; c’est ce que les savants appellent un fruit composé : dans une coupe longitudinale, on voit que la partie comestible est un réceptacle creux sur les parois duquel sont insérés un grand nombre d’akènes provenant chacun d’une fleur. Le ficus Carica paraît être originaire de l’Asie occidentale, mais il est cultivé depuis les temps les plus reculés dans la région méditerranéenne, d’où l’on dit qu’il fut importé en France par les Phocéens fondateurs de Marseille. Sous climat tropical, par exemple près de la mer Morte, il reste toujours vert comme les conifères. Il a 10-12 m de haut, des feuilles caduques, grandes, ordinairement à 5, rarement à 3 lobes, ou entières. Le réceptacle est d’abord acre, rempli d’un suc laiteux, puis devient mou, sucré et succulent ; ce mucilage rend les figues très adoucissantes ; on les administre parfois pour les affections de poitrine. Quant au suc laiteux et acre de l’arbre, il peut servir à faire disparaître les verrues ; il contient du caoutchouc. On appelle caprifiguier le figuier demeuré à l’état sauvage, et caprification une opération curieuse pratiquée dès l’antiquité.
D’après Pline, le figuier sauvage engendrait des moucherons qui, en piquant les figues domestiques et en y entrant, y introduisaient la fécondité. Cette fable renferme du vrai ; le naturaliste Tournefort a vu des paysans des îles grecques porter sur les figuiers domestiques des fruits de caprifiguiers à l’époque où les insectes dits cynips, qui y naissent, vont en sortir ; leur but est de faire piquer par l’insecte les fruits cultivés afin d’en hâter la maturation et d’augmenter l’abondance de la récolte. Qu’il y ait là un phénomène de fécondation artificielle par l’insecte, qui transporterait aux figues cultivées le pollen des figues sauvages (comme le croyait Linné), ou que la caprification soit une pure et simple piqûre activant la maturation des fruits, comme on le croit plutôt de nos jours, c’est un usage très ancien : le berger Amos le pratiquait sur les figuiers-sycomores (Amos 7.14 ; traduire : je pique des figues sauvages) ; mais ce procédé, consistant à frotter l’œil de la figue avec de l’huile ou à le piquer avec une aiguille imbibée de ce liquide, semble aujourd’hui tendre à disparaître.
Sur les hauteurs autour de Jérusalem, le figuier perd en hiver toutes ses feuilles ; vers fin mars apparaissent les tendres bourgeons des feuilles nouvelles (voyez allusion de Jésus à ce signe du temps, Marc 13.28) ; à leur point de contact avec le vieux bois poussent en même temps que ces feuilles de petites figues qui croissent jusqu’à la grosseur d’une cerise et tombent en grand nombre aux coups de vent : figues vertes, celles de Cantique 2.13 et Apocalypse 6.13, que mange le peuple. Les meilleures espèces de figuiers les conservent jusqu’à maturité, en juin : figues précoces, celles de Osée 9.10 ; Ésaïe 28.4 ; Michée 7.1, Nahum 3.12 ; Jérémie 24.2, très estimées pour leur saveur. Pendant qu’elles mûrissent, surgissent plus haut sur les branches de nouveaux boutons, ceux des figues de la seconde et grande récolte, figues tardives, mûres en août.
Le figuier est cité dès la première page de la Bible ; ses amples feuilles servent à confectionner des ceintures (Genèse 3.7). Sa présence et sa prospérité sont le signe de la faveur divine (Deutéronome 8.8 ; Michée 4.4), tandis que sa destruction tient une grande place dans les menaces des prophètes (Jérémie 5.17 ; Habakuk 3.17 etc.). Le tableau de la paix et de la prospérité au temps de Salomon est proverbial : « Chacun habita en sécurité sous sa vigne et sous son figuier tout le long du règne » (1 Rois 4.25, cf. Zacharie 3.10, etc.). De même sous Simon Macchabée (1 Macchabées 14.12). Sous un soleil de plomb, l’ombrage de cet arbre est très apprécié : ses feuilles palmées, en branches retombantes, forment un écran impénétrable, à l’abri duquel l’Oriental aime à se retirer pour y rêver longuement ; Nathanaël était ainsi en méditation sous un figuier, quand Jésus le remarqua (Jean 1.48).
Les Hébreux fabriquaient des gâteaux de figues (2 Samuel 16.1 ; 1 Chroniques 12.40) et en séchaient aussi : Abigaïl vint au-devant de David avec 200 paniers de figues sèches et d’autres provisions pour sa troupe, pour apaiser son ressentiment (1 Samuel 25.18 ; 1 Samuel 30.12, Judith 10.5). La figue est citée comme un des fruits les meilleurs (Matthieu 7.16 ; Jacques 3.12). On lui attribuait des vertus curatives, contre plaies, ulcères, etc. ; on appliqua un emplâtre de figues sur l’ulcère du roi Ézéchias (2 Rois 20.7 ; Ésaïe 38.21).
Un figuier lent à commencer à produire, mais que l’on continue à soigner, dans l’espoir qu’il finira par porter du fruit, sert à Jésus d’illustration pour montrer la patience de Dieu envers le peuple d’Israël en particulier, et en général envers les pécheurs (Luc 13.6-9). Par l’incident si discuté de : la malédiction du figuier stérile, et qui est une parabole en action (donnée près de Bethphagé, nom qui signifie : maison des figues), le Seigneur annonça le châtiment réservé à Israël, qui n’a pas répondu aux soins dont Dieu l’a entouré (Matthieu 21.19). Portant des feuilles, qui viennent avec les premiers fruits, il aurait dû avoir quelques figues, au moins des vertes du printemps, car, dit Marc (Marc 11.13), ce n’était pas la saison des figues (d’été) ; mais il n’avait que l’apparence et non la réalité. La leçon religieuse porte moins sur la stérilité que sur les prétentions injustifiées, c’est-à-dire sur l’hypocrisie, qui mérite la malédiction. Voir Dalman, Les itinéraires de Jésus, p. 339s.
Ch.-Ed. M. et Jean Laroche
Numérisation : Yves Petrakian