« Trouble de l’âme causé par la crainte du déshonneur », la honte est quelquefois la conscience d’une action qui dégrade l’homme dans sa propre estime ; elle peut être aussi la crainte de recevoir un blâme mérité ou non, la vexation d’être désapprouvé, et par conséquent elle peut se soumettre soit aux préjugés dominants soit aux lois morales permanentes, aux exigences de l’honnêteté ou à celles des usages (voyez Trench, Synonymes du Nouveau Testament, paragraphe XIX).
En ces différents sens, quelquefois traduits dans nos versions par « confusion » ou « opprobre », la honte est souvent mentionnée dans la Bible. C’est ainsi que la honte peut être ressentie, sans faute commise, dans l’humiliation par le malheur : pauvreté (Proverbes 13.18), lèpre (Nombres 12.14), veuvage (Ésaïe 54.4), stérilité (Luc 1.25 ; Genèse 30.23), captivité (Ézéchiel 39.26), nudité (Apocalypse 3.18) ; mais le sens figuré de ce dernier passage porte le blâme sur l’état de tiédeur coupable. Dans Luc 14.9, apparaît nettement une disgrâce extérieure et intérieure qui provient d’une faute. C’est qu’en effet, la honte est généralement la suite de la faute. Dès la Genèse (Genèse 2.25, cf. Genèse 3.7), elle apparaît comme conséquence de la désobéissance de la créature à son Créateur.
Dans tout l’Ancien Testament, le grand sujet de honte devant Dieu, c’est cet éloignement de l’homme, son infidélité à Jéhovah, spécialement sous la forme de l’idolâtrie. Ceci à tel point, que certains réviseurs des livres de l’Ancien Testament, voulant éviter le nom exécré de Baal, l’ont souvent remplacé, même dans les noms propres, par le mot honte en hébreu (boseth, ou béseth) ; ex. : Jérubbéseth (2 Samuel 11.21) = Jérubbaal (Juges 6.32) ; Isboseth (2 Samuel 2.8) = Esbaal (1 Chroniques 8.33). Comp, ces passages : « Comme un voleur est couvert de honte quand il est pris sur le fait, ainsi seront confus les gens de la maison d’Israël… Ils disent au bois : Tu es notre père ! » (Jérémie 2.26 et suivant, cf. Ésaïe 41.11 ; Ésaïe 42.17 ; Ésaïe 45.16 ; Psaumes 97.7). Au lieu de se confier en l’Éternel, rechercher le secours des puissances étrangères est pour Israël une honte : « C’est de l’Égypte que viendra ta honte » (Jérémie 2.36, cf. Jérémie 17.13 ; Ésaïe 30.3). Bref, tout péché est une honte : « la honte des peuples » (Proverbes 14.34). « Ils rougissent de honte, ceux qui se révoltent contre toi » (Psaumes 25.3) ; au contraire, « aucun de ceux qui s’attendent à toi ne sera couvert de honte » (Psaumes 25.3, cf. Psaumes 119.80). « Israël a été sauvé par l’Éternel : vous n’éprouverez plus de honte ! » (Ésaïe 45.17 ; Ésaïe 49.23 ; Ésaïe 54.4). Certains de ces passages sont cités dans Romains 5.5 ; Romains 9.33 ; Romains 10.11. Par contre, l’absence de honte est une aggravation dans la révolte : Job reproche à ses amis de n’avoir pas honte de l’accabler (Job 19.3). Jérémie, parlant de ceux qui avaient commis des abominations, s’écrie : « Ils n’en ont point honte ; ils ne savent même plus ce que c’est que rougir ! » (Jérémie 8.12). Mais lorsque le pécheur ressent de la honte de son péché, c’est un premier pas vers la repentance : « Alors tu te souviendras de ta conduite et tu en auras honte ! » (Ézéchiel 16.61 ; Ézéchiel 36.32). « Ô Dieu, je suis saisi de honte en levant ma face vers toi, car nos iniquités se sont accumulées ! » (Esdras 9.6). Tout un passage du Siracide ( Siracide 41.16-42.8) oppose la honte du péché à la honte qui est un honneur (Siracide 4.21).
De même, pour Jésus et pour les apôtres, c’est le péché qui est là grande cause de honte (Romains 6.21 ; Éphésiens 5.12 ; Philippiens 3.19 ; 1 Pierre 3.16, etc.). L’apôtre Paul relève des « hontes » de gravités assez diverses : d’abord les attitudes alors jugées inconvenantes par le rabbinisme de son temps, des hommes portant cheveux longs et des femmes portant cheveux courts (1 Corinthiens 11.14 et suivant). Il parle de « faire honte » dans le sens de faire rentrer en soi-même (1 Corinthiens 4.14 ; 1 Corinthiens 6.5 ; 1 Corinthiens 15.34 ; 2 Corinthiens 11.21). Il dénonce avec une vigueur indignée les hontes des « œuvres des ténèbres » (2 Corinthiens 4.2 ; Romains 1.26 ; Éphésiens 5.12 ; Philippiens 3.19). De son côté Jude condamne comme « hontes » les impuretés (Jude 1.13). Mais Jésus est venu pour détruire le péché et toutes ses conséquences ; aussi, comme « auteur et consommateur de la foi, a-t-il souffert la croix et méprisé la honte » (Hébreux 12.2) ; c’est pourquoi saint Paul « n’a pas honte de l’Évangile » : (Romains 1.16) il ne veut se glorifier que de la croix de Christ (Galates 6.14). Jésus a placé ce sentiment humain dans la formule de réciprocité qui affirme la justice : « Celui qui aura honte du Christ, le Fils de l’homme aura aussi honte de lui, lorsqu’il viendra dans la gloire du Père » (Marc 8.38; Luc 9.28) ; et Jean assure que ceux qui demeurent en Lui « ne seront point honteux ni rejetés à son avènement » (1 Jean 2.28). « Celui pour qui et par qui sont toutes choses n’a pas honte de leur donner le nom de frères » (Hébreux 2.10 et suivant), et Dieu lui-même « n’a pas honte d’être appelé leur Dieu, car il leur a préparé une cité » (Hébreux 11.16). And. L.
Numérisation : Yves Petrakian