Les versions qui, comme les LXX, traduisent l’hébreu JHVH par le titre : le Seigneur (voir Dieu, les noms de, paragraphe 4), rendent par Jour du Seigneur l’expression Jour de l’Éternel (article précédent).
Dans le Nouveau Testament, ce Jour de l’Éternel devient le jour du Seigneur Jésus, de Christ ou de Jésus-Christ (1 Thessaloniciens 5.2 ; 2 Thessaloniciens 2.2 ; 1 Corinthiens 5.5 ; 2 Corinthiens 1.14 ; Philippiens 1.6 ; Philippiens 1.10 ; 2 Pierre 3.10), c’est-à-dire le moment de sa seconde venue (voir Parousie, paragraphe 4). Il est souvent désigné, dans les Évangiles et les épîtres, par la simple expression : « ce jour-là », qui comporte généralement la perspective du jugement du monde aussi bien que de l’avènement du Seigneur (cf. Matthieu 7.22 ; Matthieu 24.36; Luc 10.12 ; Luc 21.34 ; 1 Thessaloniciens 5.4 ; 2 Timothée 1.12 ; 2 Timothée 4.8 etc.). Dans Luc 17.31, il s’agit de la ruine de Jérusalem (les parallèles Marc 13.20 ; Marc 13.24 ; Matthieu 24.22 ; Matthieu 24.29 disent : ces jours-là). Dans le 4e Évangile, « ce jour » annonce le régime nouveau qu’inaugurera la Pentecôte, celui de la vie chrétienne inspirée par le Saint-Esprit (Jean 14.20 ; Jean 16.23 ; Jean 16.26).
Le sens spécial de l’expression Jour du Seigneur dont il est question ici est celui qui s’applique à l’un des jours de la semaine, notre dimanche (du latin dies dominica — jour du Seigneur), correspondant au premier jour de la semaine juive. Cette signification, fréquente dans le langage chrétien, ne se rencontre cependant qu’une seule fois dans le Nouveau Testament (Apocalypse 1.10).
Les lignes qui suivent se rapportent à ce second sens.
On ne peut guère préciser l’époque exacte à laquelle les chrétiens célébrèrent pour la première fois le Jour du Seigneur. Il est très probable, toutefois, que cette coutume remonte aux tout premiers temps de l’Église apostolique ; d’autre part, il semble bien que les milieux judéo-chrétiens aient continué pendant un certain temps à observer le sabbat.
1 Corinthiens 16.2, faisant allusion à la collecte en faveur de l’Église de Jérusalem, recommande à chacun de mettre à part chez lui ce qu’il pourra, le premier jour de la semaine, afin qu’on n’attende pas l’arrivée de l’apôtre pour recueillir les dons. Cette mention du premier jour de la semaine se rapporte-t-elle à la célébration d’un culte à date fixe ? Il n’est question, remarquons-le, que d’un acte accompli au domicile privé ; le texte ne fait allusion à aucune assemblée des fidèles. De sorte qu’il est permis de se demander si l’apôtre, en donnant son conseil, n’est pas simplement poussé par des considérations d’ordre pratique : l’Église de Corinthe était composée en majeure partie de petites gens, artisans et ouvriers (1 Corinthiens 1.26) ; pour beaucoup d’entre eux le dernier ou le premier jour de la semaine devait être le jour de paye. Il se peut donc que saint Paul, connaissant ces circonstances particulières, se borne à leur proposer de choisir, pour mettre quelque argent à part, le moment où ils touchent leur salaire. Bref, la recommandation de 1 Corinthiens 16.2 ne constitue pas, à elle seule, une preuve de la célébration du Jour du Seigneur. Dans les Actes, par contre, nous trouvons une indication précieuse. Faisant route vers Jérusalem, saint Paul s’était arrêté à Troas durant sept jours (Actes 20.6), dont le dernier est appelé le premier jour de la semaine ; le jour suivant — notre lundi — avait été choisi pour son départ (verset 7). Or, en ce premier jour de la semaine, la communauté s’était réunie, nous dit-on, « pour rompre le pain », et Paul prolonge l’entretien jusqu’à minuit. Qu’en conclure ? Certes, il n’est pas absolument certain que le premier jour de la semaine fût régulièrement réservé à l’édification et à la célébration de la sainte Cène, ni que toutes les églises eussent adopté cette coutume. Pourtant, on peut affirmer qu’à cette époque, et à Troas tout au moins, c’est au premier jour de la semaine que les chrétiens se réunissaient pour rompre le pain. Si Paul a fixé son départ au lundi, c’est vraisemblablement pour pouvoir passer le dimanche avec ses frères de Troas. En résumé, ce verset 6 nous apparaît comme le plus ancien témoignage concernant la célébration du dimanche. Quant au jour du Seigneur dans Apocalypse 1.10, il est difficile d’y voir autre chose que le dimanche chrétien ; certains théologiens, cependant, ont cru y découvrir une allusion au Jour du Jugement et à la Parousie.
Dans le texte précité de l’Apologie de Justin Martyr, comme aussi chez Tertullien (Apol., 16), le jour de réunion hebdomadaire des chrétiens n’est pas appelé Jour du Seigneur mais Jour du Soleil. C’était en effet l’appellation usitée dans le monde gréco-romain pour désigner le premier jour de la semaine. Remarquons à ce propos que les langues germaniques ont formé de la même manière le nom du premier jour (Sonntag, Sunday = jour du Soleil). Dans les langues latines, par contre, le mot correspondant dérive directement de l’expression jour du Seigneur, en latin dies dominica (domenico en italien, dominical et dimanche en français, etc.) ; et l’adjectif de l’expression grecque correspondante (celle du Nouveau Testament), Kuriakê, est à l’origine du nom de l’Église dans les langues germaniques : Kirche, Church, etc.
Les premiers chrétiens, jusqu’au moment de la persécution déchaînée par le procès d’Étienne, étaient restés fidèles aux pratiques juives (cf. Luc 24.53 ; Actes 3.1 ; Actes 3.8 ; Actes 5.25 ; Actes 5.42). Même plus tard un grand nombre de chrétiens d’origine juive continuèrent à suivre les prescriptions du judaïsme (Actes 21.20). Or l’observation du sabbat constituait l’une de ces prescriptions. Le récit des Actes nous apprend que saint Paul profitait des jours de sabbat pour pénétrer dans les synagogues et y annoncer l’Évangile (Actes 13.42 ; Actes 17.2 ; Actes 18.4 etc.). Mais, d’autre part, c’est le même apôtre qui se refuse à partager les idées juives sur le sabbat. « Tel fait une distinction entre les jours, écrit-il ; tel autre les estime tous égaux. Que chacun ait en son esprit une pleine conviction. » (Romains 14.5). À ses yeux une stricte observance de certains jours prouve surtout que l’on n’a guère compris l’Évangile : « À présent que vous avez connu Dieu, ou plutôt que vous avez été connus de Dieu, comment retournez-vous à ces faibles et pauvres rudiments, auxquels de nouveau vous voulez vous asservir encore ? Vous observez les jours, les mois, les temps et les années ! Je crains d’avoir inutilement travaillé pour vous. » (Galates 4.9 ; Galates 4.12). « Que personne ne vous juge au sujet… d’une fête, d’une nouvelle lune, ou des sabbats : c’était l’ombre des choses à venir… » (Colossiens 2.16 et suivant). Les premiers chrétiens n’ont pas supprimé du jour au lendemain le sabbat pour le remplacer par le dimanche. La foi nouvelle n’a pas eu comme conséquence immédiate, chez eux, un abandon total de la religion juive ; croire en Jésus-Christ leur apparut comme un accomplissement de la piété de leur enfance, non comme une destruction de cette piété. Ils continuèrent donc à aller au Temple, se réunissant chaque jour pour rompre le pain (Actes 2.42 ; Actes 2.46). Bientôt cependant ce culte quotidien dut se révéler impraticable, et fut remplacé par une rencontre hebdomadaire. Quel jour choisir ? Le sabbat ne convenait pas ; célébré dans un esprit radicalement différent de la joie et de la liberté chrétiennes, c’était en outre une journée entravée par des restrictions de tous genres. Des six autres jours de la semaine, aucun ne s’imposait au même titre que le premier. N’était-ce pas le premier jour qu’avait eu lieu la résurrection (Jean 20.1 ; Matthieu 28.1) ? Huit jours plus tard, c’est-à-dire un lendemain de sabbat, le Christ était de nouveau apparu aux disciples réunis (Jean 20.19 ; Jean 20.26). Et la Pentecôte, si l’on adopte la chronologie du 4e Évangile, fut aussi un premier jour de la semaine. On comprend dès lors que les chrétiens aient choisi ce jour-là plutôt qu’un autre. Par ce changement radical dans la fixation du jour réservé au culte, ils ont voulu montrer qu’une foi nouvelle ne peut pas se contenter de formes anciennes, et que le christianisme n’est pas le judaïsme. « Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit, car elle emporterait une partie de l’habit et la déchirure serait pire. » (Matthieu 9.16).
Edm. R.
Numérisation : Yves Petrakian